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Rapport définitif - Rapport No. 351, Novembre 2008

Cas no 2628 (Pays-Bas) - Date de la plainte: 22-FÉVR.-08 - Clos

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  1. 1135. La plainte figure dans les communications conjointes de l’organisation d’employeurs Altro Via et de l’organisation des travailleurs LBV des 22 février et 18 mars 2008.
  2. 1136. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 23 mai 2008.
  3. 1137. Les Pays-Bas ont ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 1138. Dans leur communication du 22 février 2008, Altro Via (une organisation d’employeurs) et LBV (une organisation de travailleurs) allèguent qu’un décret du gouvernement, entré en vigueur le 1er janvier 2007, a modifié le cadre de référence pour déclarer le caractère généralement obligatoire des conventions collectives, niant par là même la liberté syndicale et les droits de négociation collective de nouveaux et plus petits syndicats et organisations d’employeurs.
  2. 1139. Selon les organisations plaignantes, le décret de janvier 2007 était le résultat d’un questionnaire envoyé par le ministère des Affaires sociales et de l’Emploi à des syndicats et organisations d’employeurs – membres de la Fondation du travail, l’organe consultatif du gouvernement sur les affaires sociales. Des tierces parties, c’est-à-dire non membres de la Fondation du travail, notamment Altro Via et LBV, ont protesté contre le décret en envoyant au ministère une lettre dans laquelle elles plaidaient que le fait de chercher à obtenir des conseils de la Fondation du travail revenait à demander aux monopoleurs de chercher des arguments pour renforcer leur monopole.
  3. 1140. Se basant sur la tradition législative, les organisations plaignantes expliquent que, aux Pays-Bas, le processus de négociation collective est régi par la loi de 1927 sur les conventions collectives (ci-après la loi CLA) et sur la loi de 1937 sur la déclaration du statut légal universellement obligatoire et non obligatoire des conventions collectives (ci-après la loi AVV). Selon la législation, toute partie sociale peut s’engager dans une négociation collective volontaire et conclure une convention collective. Une fois signée, une convention collective est envoyée au ministère des Affaires sociales et de l’Emploi, qui la déclare alors légalement obligatoire pour les partenaires sociaux et les travailleurs des sociétés qui sont membres des organisations d’employeurs. Les parties, qui ont déjà conclu une convention collective juridiquement valable avant qu’une ordonnance déclarant le statut d’obligation légale universelle ne soit prise, peuvent demander au ministre d’être exemptées de l’ordonnance. Selon les organisations plaignantes, le (la) ministre a adhéré, au moins depuis les années quatre-vingt-dix, à la politique consistant à accorder une exemption chaque fois qu’un employeur ou un sous-secteur est déjà lié à une convention collective de société ou de branche, selon le cas. Auparavant, le ministre ne refusait d’accorder une exemption que dans les cas où l’une des parties contractantes n’était pas un syndicat indépendant. En vertu du nouveau décret de janvier 2007, en cas de refus d’exemption, le (la) ministre peut déclarer nulle et de nul effet une convention collective entre un syndicat de travailleurs plus petit et une organisation d’employeurs plus petite s’il/elle conclut que les «caractéristiques spécifiques» des organisations plus petites sont les mêmes que celles des sociétés auxquelles une convention collective nationale pourrait s’appliquer. Il en va de même lorsque la convention collective entre les organisations plus petites est passée et invoquée avant la mise au point définitive de la convention universellement obligatoire.
  4. 1141. Selon les organisations plaignantes, la convention collective entre Altro Via et LBV constitue un cas d’espèce. Une convention collective pour le secteur du transport routier couvrant 40 sociétés a été conclue entre les organisations plaignantes pour la période allant de janvier 2007 à décembre 2008. Cette convention a été envoyée au ministre des Affaires sociales et de l’Emploi, qui l’a déclarée légalement obligatoire pour les parties le 3 mai 2007. Un certain nombre de sociétés et de travailleurs se sont appuyés sur cette convention depuis avril 2003, quand le ministre a exempté plus de dix conventions collectives conclues entre Altro Via et LBV de la convention universellement applicable. Le 25 juillet 2007, lorsqu’une demande a été faite pour déclarer une convention collective nationale universellement obligatoire, Altro Via et LBV ont fait une demande d’exemption; mais, le 10 octobre 2007, le ministre a refusé d’accorder une exemption, justifiant ce refus au motif que les activités des sociétés auxquelles s’appliquait la convention collective entre Altro Via et LBV n’étaient pas différentes de celles des sociétés auxquelles la convention collective nationale obligatoire allait s’appliquer. Concrètement, cela signifiait que les membres d’Altro Via devaient appliquer la convention collective nationale à compter du 10 octobre 2007. Le 20 novembre 2007, les organisations plaignantes ont demandé au ministre des Affaires sociales et de l’Emploi de revoir sa décision de refus d’exemption. Le 22 février 2008, le ministre a déclaré les objections des organisations plaignantes sans fondement et a rejeté la requête. Les organisations plaignantes transmettent une copie de cette décision.
  5. 1142. Les organisations plaignantes maintiennent que le refus du ministre d’accorder une exemption viole la convention no 87. Selon elles, la clause de la loi AVV relative aux «caractéristiques spécifiques», telle que modifiée par le décret de janvier 2007, nie le droit des nouveaux syndicats et organisations d’employeurs plus petits de conclure librement des conventions collectives. Ce déni sape l’objet principal de l’existence de ces organisations et menace d’entraîner en fin de compte leur dissolution. Les organisations plaignantes déclarent également que le décret viole la convention no 98 et la convention no 154, dans la mesure où il entrave le dispositif prévu pour des négociations volontaires entre organisations d’employeurs et de travailleurs. Au moins, son encouragement et sa promotion sont limités aux syndicats et aux organisations d’employeurs constitués. Selon les organisations plaignantes, au lieu de se conformer à son obligation de promouvoir et d’encourager les négociations volontaires, le gouvernement prend des mesures qui découragent la mise en place de conventions collectives.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 1143. Dans sa communication du 23 mai 2008, le gouvernement maintient que les réglementations et procédures des Pays-Bas ne sont pas contraires aux conventions nos 87, 98 et 154 de l’OIT.
  2. 1144. A titre de rappel des faits, le gouvernement déclare qu’Altro Via et LBV ont conclu une convention collective juridiquement valable avec 40 entreprises de transport routier entrant dans son champ d’application. D’autres organisations (plus grandes) d’employeurs et d’employés ont elles aussi conclu une convention collective juridiquement valable pour le même secteur avec environ 6 500 entreprises entrant dans son champ d’application. Ces organisations plus grandes ont fait une demande pour qu’une ordonnance déclare leur convention collective universellement obligatoire. Lorsque l’ordonnance a été rendue, leur convention collective est devenue obligatoire pour tous les employeurs et employés de cette branche d’activité, y compris ceux des 40 entreprises associées à Altro Via et LBV. Altro Via et LBV ont alors demandé à être exemptées de l’ordonnance déclarant le statut d’obligation légale universelle de sorte que leur propre convention collective puisse continuer de s’appliquer aux entreprises associées avec elles. La demande a été rejetée car les caractéristiques spécifiques des entreprises concernées n’étaient pas significativement différentes de celles du reste de l’activité de cette branche.
  3. 1145. Le gouvernement affirme que, aux Pays-Bas, la liberté syndicale est un droit fondamental en vertu de la Constitution. Qui plus est, la législation et la réglementation néerlandaises ne contiennent aucune disposition réglementant spécifiquement le droit des employeurs et des employés de se syndiquer ou restreignant d’une quelconque façon ce droit. Les organisations sont libres d’adopter telle ou telle forme juridique et de réglementer leurs propres affaires internes. Deux conditions requises ne sont imposées que dans les cas où des organisations d’employés ou d’employeurs souhaitent intervenir en tant que parties à une convention collective: la pleine capacité juridique et le pouvoir, en vertu de leur constitution, de conclure des conventions collectives. La conclusion de conventions collectives et la détermination de leur contenu sont également du ressort des seuls employés et employeurs. Les pouvoirs publics n’ont un rôle à jouer que lorsque des parties à une convention collective demandent qu’une ordonnance déclare le statut d’obligation légale universelle de ses dispositions. Une telle ordonnance, par laquelle le champ d’application des dispositions de la convention collective est étendu aux employeurs et employés non syndiqués, est applicable aux Pays-Bas depuis 1937, son intention étant de contrecarrer la distorsion de concurrence en matière de termes et conditions d’emploi de la part des employeurs et des employés qui ne sont pas liés par la convention collective, ce qui donne un soutien et une protection à la consultation collective et favorise l’harmonie dans le cadre de relations professionnelles équilibrées.
  4. 1146. En vertu de la loi CLA, une convention collective est une convention passée entre un employeur ou plus ou par une organisation patronale ou plus ayant la pleine capacité juridique et une organisation de salariés ou plus ayant la pleine capacité juridique. Une convention collective réglemente essentiellement les termes et conditions d’emploi qui doivent être respectés dans les contrats de travail. La convention collective est obligatoire pour chaque personne qui, tant que ladite convention est en vigueur, est ou devient membre des organisations d’employeurs ou de salariés qui l’ont signée. Une autre disposition importante est qu’un employeur lié par une convention collective est également tenu de se conformer à ses dispositions dans ses relations avec des employés qui, n’étant pas membres de la ou des organisation(s) de salariés concernée(s), ne sont pas directement liés par la convention collective en question.
  5. 1147. Conformément à la loi AVV, le ministre des Affaires sociales et de l’Emploi est autorisé à déclarer une convention collective universellement obligatoire si elle s’applique à la majorité des personnes employées dans une branche d’activité donnée. Les dispositions de la convention collective sont alors obligatoires pour tous les employeurs et les employés opérant dans cette branche, y compris ceux qui, à l’origine, n’étaient pas liés par la convention collective. Les parties concernées peuvent soulever des objections à l’application du statut d’obligation légale universelle, dont il sera ensuite tenu compte dans le processus de prise de décisions. Qui plus est, les parties qui ont signé une autre convention collective juridiquement valable avant qu’une ordonnance déclarant le statut d’obligation légale universelle ne soit rendue pourront soumettre au ministre des Affaires sociales et de l’Emploi une demande pour être exemptées de l’ordonnance.
  6. 1148. Concernant l’octroi d’une exemption, le gouvernement explique que, dans la mesure du possible, les parties à une convention collective devraient réglementer elles-mêmes les exclusions d’entreprises et de sous-secteurs d’activité; ce qui peut se faire directement en les excluant de la convention ou indirectement en déterminant le champ d’application de la convention. Dans la mesure où les exclusions ne sont pas réglementées par les parties à la convention collective, le ministre des Affaires sociales et de l’Emploi peut user de son autorité pour accorder une exemption à certaines entreprises ou à certains sous-secteurs. Une exemption est ainsi accordée par le (la) ministre si, eu égard à certains arguments convaincants, l’application des dispositions d’une convention collective qui doit être déclarée universellement obligatoire pour une branche d’activité ne peut raisonnablement être exigée de certaines entreprises ou de certains sous-secteurs. Des arguments convaincants existent notamment si les caractéristiques spécifiques de l’entreprise ou du sous-secteur diffèrent sur des points essentiels de celles auxquelles la convention collective universellement obligatoire doit s’appliquer. Il est par ailleurs exigé des parties qui demandent une exemption qu’elles aient elles-mêmes signé une convention collective juridiquement valable et qu’elles soient indépendantes les unes des autres. L’idée qui sous-tend cette dernière exigence est d’empêcher les organisations d’employés d’être mises sous pression pour qu’elles signent une convention collective séparée par laquelle elles sortiraient du champ d’application des dispositions de la convention collective universellement obligatoire dans la branche d’activité concernée.
  7. 1149. Le gouvernement maintient par ailleurs que les réglementations sont en conformité avec la recommandation no 91 sur les conventions collectives de l’OIT du 29 juin 1951, qui reconnaît la possibilité d’étendre les dispositions d’une convention collective au-delà des parties d’origine si certaines conditions requises sont remplies. Pour pouvoir obtenir une ordonnance déclarant le statut légal d’obligation universelle, il faut que les dispositions de la convention collective s’appliquent à une majorité importante des personnes employées dans une branche d’activité donnée; que la demande soit soumise par une ou plusieurs des parties à la convention collective; et que les parties concernées puissent présenter des objections, dont il est alors tenu compte dans le processus de prise de décisions.
  8. 1150. Il est inhérent à l’application de ces règles que les dispositions d’une convention collective qui s’appliquent à la majorité des personnes employées dans une branche d’activité donnée s’appliqueront également à des employeurs et des employés n’appartenant pas à cette majorité. Dans le cas où une autre convention collective aurait été signée pour ce dernier groupe d’employeurs et d’employés, cela signifiera que toutes les dispositions de cette convention collective ne demeureront pas en vigueur, ce qui sera fonction de la teneur des deux conventions collectives. Si la convention collective dont les dispositions sont déclarées universellement obligatoires renferme des dispositions minimums, les dispositions de l’autre convention collective demeureront en vigueur dans la mesure où elles seront plus favorables. Mais si la convention collective dont les dispositions sont déclarées universellement obligatoires contient des dispositions plus favorables que l’autre convention collective, ces conditions plus favorables s’appliqueront systématiquement à tous les employeurs et employés de la branche d’activité.
  9. 1151. Le gouvernement maintient que l’application de réglementations relatives à des conventions universellement obligatoires ne porte pas atteinte au droit de négociation collective des organisations d’employeurs et d’employés autres que les organisations parties à la convention collective dont les dispositions sont déclarées universellement obligatoires. Selon le gouvernement, les organisations d’employeurs et d’employés ont réussi, au fil du temps, à conclure avec succès des conventions collectives séparées au sein de la même branche d’activité.
  10. 1152. Selon le gouvernement, le décret de janvier 2007 modifie la procédure d’octroi de l’exemption mais il ne sape ni sa nature ni son efficacité. Avant janvier 2007, l’exemption était accordée plus ou moins automatiquement dans les cas où les parties qui la demandaient étaient d’ores et déjà liées par une convention collective au moment où l’ordonnance de statut d’obligation légale universelle était rendue. Le gouvernement affirme que l’évolution de la jurisprudence nationale a conduit à considérer qu’une décision susceptible d’objection et d’appel, telle que celle accordant une exemption, ne devrait pas être automatique mais devrait être basée sur un certain nombre de principes directeurs. A compter du 1er janvier 2007, une exclusion n’est accordée que dans les cas où les caractéristiques véritablement spécifiques du sous-secteur ou de l’entreprise rendent déraisonnable l’application de la convention collective universellement obligatoire au sous-secteur ou à l’entreprise en question. Ainsi qu’il a été expliqué et contrairement aux allégations des organisations plaignantes, ce critère ne viole pas les droits de négociation collective des organisations de travailleurs et d’employeurs plus petites.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 1153. Le comité note que le présent cas porte sur la question de l’extension des conventions collectives. D’après les informations soumises par les organisations plaignantes, Altro Via (une organisation d’employeurs) et LBV (une organisation de travailleurs), et par le gouvernement, le comité comprend que, selon la législation en vigueur, la loi de 1927 sur les conventions collectives (loi CLA) et la loi de 1937 sur la déclaration du statut légal universellement obligatoire et non obligatoire des conventions collectives (loi AVV), toute partie sociale peut s’engager dans une négociation collective volontaire et conclure une convention collective. Une fois signées, les conventions collectives sont envoyées au ministère des Affaires sociales et de l’Emploi, qui les déclare alors légalement obligatoires. Le ministre des Affaires sociales et de l’Emploi est autorisé à déclarer une convention collective universellement obligatoire si elle s’applique à la majorité des personnes employées dans une branche d’activité donnée. Mais les parties qui ont conclu une autre convention collective juridiquement valable avant qu’une ordonnance déclarant le statut d’obligation légale universelle soit rendue pourront soumettre au ministre des Affaires sociales et de l’Emploi une demande pour être exemptées de l’ordonnance. Avant janvier 2007, l’exemption était accordée plus ou moins automatiquement dans les cas où les parties qui la demandaient était d’ores et déjà liées par une convention collective au moment où l’ordonnance de statut légal obligatoire était rendue relativement à une autre convention collective et lorsque l’indépendance d’un syndicat partie à la convention collective était établie. A la suite des amendements apportés en janvier 2007 à la loi AVV, l’exclusion n’est accordée que dans les cas où les caractéristiques véritablement spécifiques du sous-secteur ou de l’entreprise rendent déraisonnable l’application de la convention collective universellement obligatoire au sous-secteur ou à l’entreprise en question.
  2. 1154. La convention collective entre Altro Via et LBV constitue un cas d’espèce. Les informations factuelles soumises à ce sujet par les organisations plaignantes ne sont pas contestées par le gouvernement. Altro Via et LBV ont conclu une convention collective juridiquement valable avec 40 entreprises de transport routier entrant dans son champ d’application. D’autres organisations (plus grandes) d’employeurs et de travailleurs ont également conclu une convention collective juridiquement valable pour le même secteur avec environ 6 500 entreprises entrant dans son champ d’application et elles ont demandé qu’une ordonnance déclare leur convention collective universellement obligatoire. Lorsque cette convention collective est devenue obligatoire pour tous les employeurs et employés de cette branche d’activité, y compris ceux des 40 entreprises associées à Altro Via et LBV, ces deux dernières organisations ont demandé à être exemptées de l’ordonnance déclarant le statut d’obligation légale universelle, de sorte que leur propre convention collective puisse continuer à s’appliquer aux entreprises associées avec elles. La demande a été rejetée car les caractéristiques spécifiques des entreprises concernées ne différaient pas de manière importante de celles des autres entreprises de cette branche d’activité.
  3. 1155. Selon les organisations plaignantes, la clause relative aux «caractéristiques spécifiques» de la loi AVV, telle que modifiée par le décret de janvier 2007, nie le droit des nouveaux syndicats et organisations d’employeurs plus petits de conclure librement des conventions collectives et n’est dès lors pas en conformité avec les conventions nos 87, 98 et 154. Ce déni sape l’objet principal de l’existence de ces organisations et menace d’entraîner en fin de compte leur dissolution. Les organisations plaignantes indiquent également que les amendements apportés à la loi AVV ont été adoptés en tenant compte uniquement de l’avis des organisations de travailleurs et d’employeurs qui sont représentées dans la Fondation du travail, l’organe consultatif du gouvernement sur les affaires sociales.
  4. 1156. Le gouvernement maintient toutefois que la procédure décrite ci-dessus ne porte pas atteinte au droit des organisations de travailleurs et d’employeurs de négocier collectivement et qu’elle est en conformité avec la recommandation no 91 de l’OIT, qui reconnaît la possibilité d’étendre l’application des dispositions d’une convention collective au-delà des parties initiales à une telle convention. Pour pouvoir obtenir une ordonnance déclarant le statut d’obligation légale universelle d’une convention collective, il faut que les dispositions de cette dernière s’appliquent à une majorité importante de personnes employées dans une branche d’activité donnée; que la demande soit soumise par une ou plusieurs des parties à la convention collective; et que les parties concernées puissent présenter des objections, dont il sera alors tenu compte dans le processus de prise de décisions.
  5. 1157. Concernant l’octroi d’une exemption, le gouvernement explique que, dans la mesure du possible, les parties à une convention collective devraient réglementer elles-mêmes les exclusions d’entreprises et de sous-secteurs d’activité, ce qui peut se faire soit en les excluant explicitement de la convention, soit en déterminant le champ d’application de la convention. Dans la mesure où les exclusions ne sont pas réglementées par les parties à la convention collective, le ministre des Affaires sociales et de l’Emploi peut accorder une exemption sur demande si, eu égard à certains arguments convaincants, l’application des dispositions d’une convention collective qui doit être déclarée universellement obligatoire pour une branche d’activité ne peut raisonnablement être exigée de certaines entreprises ou de certains sous-secteurs. Des arguments convaincants existent notamment si les caractéristiques spécifiques de l’entreprise ou du sous-secteur diffèrent sur des points essentiels de celles auxquelles la convention collective universellement obligatoire doit s’appliquer. Il est par ailleurs exigé des parties qui demandent une exemption qu’elles aient elles-mêmes signé une convention collective juridiquement valable et qu’elles soient indépendantes les unes des autres. L’idée qui sous-tend cette dernière exigence est d’empêcher les organisations d’employés d’être mises sous pression pour qu’elles signent une convention collective séparée par laquelle elles sortiraient du champ d’application des dispositions de la convention collective universellement obligatoire dans la branche d’activité concernée. Il est inhérent à l’application de ces règles que les dispositions d’une convention collective qui s’appliquent à la majorité des personnes employées dans une branche d’activité donnée s’appliqueront également à des employeurs et des employés n’appartenant pas à cette majorité. Dans le cas où une autre convention collective aurait été signée pour ce dernier groupe d’employeurs et d’employés, cela signifiera que toutes les dispositions de cette convention collective ne demeureront pas en vigueur, ce qui sera fonction de la teneur des deux conventions collectives. Si la convention collective dont les dispositions sont déclarées universellement obligatoires renferme des dispositions minimums, les dispositions de l’autre convention collective demeureront en vigueur dans la mesure où elles seront plus favorables. Mais si la convention collective dont les dispositions sont déclarées universellement obligatoires contient des dispositions plus favorables que l’autre convention collective, ces conditions plus favorables s’appliqueront systématiquement à tous les employeurs et employés de la branche d’activité.
  6. 1158. Le comité note les explications données par les parties. Il rappelle que la question précise de l’extension des conventions collectives est traitée dans la recommandation (no 91) sur les conventions collectives, 1951, dont le paragraphe 5 dispose que:
  7. 1) Lorsqu’il apparaît approprié, compte tenu du système de conventions collectives en vigueur, des mesures à déterminer par la législation nationale et adaptées aux circonstances propres à chaque pays devraient être prises pour rendre applicables toutes ou certaines dispositions d’une convention collective à tous les employeurs et travailleurs compris dans le champ d’application professionnel et territorial de la convention.
  8. 2) La législation nationale pourrait subordonner l’extension d’une convention collective notamment aux conditions suivantes:
    • a) la convention collective devrait déjà viser un nombre d’employeurs et de travailleurs intéressés suffisamment représentatif du point de vue de l’autorité compétente;
    • b) la demande d’extension de la convention collective devrait, en règle générale, être faite par une ou plusieurs organisations de travailleurs ou d’employeurs qui sont parties à la convention collective;
    • c) les employeurs et les travailleurs auxquels la convention collective serait rendue applicable devraient être invités à présenter au préalable leurs observations.
  9. 1159. Le comité estime que le dispositif mis en place aux Pays-Bas depuis 1937 est en conformité avec les principes et les conditions énoncés dans la recommandation. Il note par ailleurs que ce dispositif n’a jamais fait l’objet de critiques de la part de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations.
  10. 1160. Le comité rappelle que, dans des cas antérieurs portant sur la question de l’extension des conventions collectives, il a estimé que l’extension d’une convention collective à tout un secteur d’activité contre l’avis de l’organisation majoritaire de la catégorie de travailleurs visée par la convention étendue risque de limiter le droit de négociation volontaire d’une organisation majoritaire. En effet, un tel système pourrait permettre d’étendre des conventions qui contiennent des dispositions constituant une détérioration des conditions de travail des travailleurs de cette catégorie professionnelle. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 1053.] Le présent cas soulève toutefois une question différente portant sur le droit de syndicats et d’organisations d’employeurs plus petits (non majoritaires), représentant des entreprises ou des sous-secteurs spécifiques, non seulement de négocier leurs propres conventions collectives mais aussi d’être exclus de conventions sectorielles/nationales qui pourraient être déclarées applicables «erga omnes». Le comité note que, selon le dispositif tel que modifié en janvier 2007, de telles organisations continuent de jouir de ce droit soit en étant exclues par une disposition spécifique de la convention étendue, soit par le (la) ministre des Affaires sociales et de l’Emploi, sur demande d’une partie concernée. Dans ce dernier cas, les caractéristiques spécifiques d’une entreprise ou d’un sous-secteur permettraient son exclusion de la convention étendue. Dès lors, les conventions collectives négociées entre des syndicats et des organisations d’employeurs plus petits seraient applicables. Qui plus est, d’après les explications données par le gouvernement, les dispositions plus favorables renfermées dans de telles conventions collectives demeureraient en vigueur même si une autre convention collective a été déclarée universellement applicable et si l’exclusion n’a pas été accordée. Dans ces conditions, le comité conclut que les changements introduits dans la loi AVV en janvier 2007 ne sont pas en violation des principes de la liberté syndicale et de la négociation collective, et il considère donc que le présent cas n’appelle pas d’examen plus approfondi.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 1161. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à décider que le présent cas n’appelle pas d’examen plus approfondi.
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