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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 349, Mars 2008

Cas no 2524 (Etats-Unis d'Amérique) - Date de la plainte: 20-OCT. -06 - Clos

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  1. 794. La plainte figure dans des communications de la Fédération américaine du travail et du Congrès des organisations industrielles (AFL-CIO) datées respectivement du 20 et du 23 octobre 2006.
  2. 795. Le gouvernement a fourni sa réponse dans une communication en date du 25 septembre 2007.
  3. 796. Les Etats-Unis n’ont ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 797. Dans des communications datées respectivement du 20 et du 23 octobre 2006, l’AFL-CIO allègue que les décisions rendues par le Conseil national des relations professionnelles (NLRB) dans les affaires Oakwood Healthcare Inc. (348 NLRB no 37), Croft Metals Inc. (348 NLRB no 38) et Golden Crest Healthcare Center (348 NLRB no 33, 2 octobre 2006), connues sous le nom de «trilogie d’Oakwood», violent les conventions nos 87 et 98 en donnant une nouvelle interprétation élargie de la définition de «superviseur» (ciaprès personnel d’encadrement) contenue dans l’article 2(3) de la loi nationale sur les relations professionnelles (NLRA); cet article prive les superviseurs de la protection du droit d’organisation et de négociation collective. L’article 2(11) de la NLRA définit un superviseur comme étant «toute personne qui, au nom de l’employeur, est habilitée à embaucher, muter, suspendre, mettre à pied, réintégrer, promouvoir, licencier, récompenser ou sanctionner d’autres employés, à leur attribuer des tâches ou à les encadrer de manière responsable, ou à régler leurs plaintes, ou à recommander une telle action lorsque, en rapport à ce qui précède, ce pouvoir n’est pas simplement exercé dans le cadre de tâches courantes et à caractère administratif, mais nécessite de faire preuve d’indépendance de jugement».
  2. 798. Le plaignant explique que la NLRA originale, appelée couramment la loi Wagner, conférait des droits d’organisation et de négociation au personnel d’encadrement dans des unités de négociation distinctes de celles des employés supervisés. Selon le plaignant, si ces droits avaient été maintenus, la loi cadrerait avec le principe établi par le Comité de la liberté syndicale selon lequel les membres du personnel de direction ou d’encadrement ont le droit de créer leurs propres organisations pour la défense de leurs intérêts, bien que la législation nationale puisse exiger d’eux qu’ils constituent des unités de négociation distinctes de celles des employés supervisés.
  3. 799. Selon le plaignant, des dizaines de milliers de personnel d’encadrement ont créé des syndicats ou s’y sont affiliés sous la protection de la loi Wagner. Mais, en 1947, un Congrès réactionnaire a privé le personnel d’encadrement de ces droits, accédant ainsi aux exigences des employeurs, selon lesquels le personnel d’encadrement devait être assujetti au strict contrôle hiérarchique et à la stricte discipline de la direction, sans bénéficier d’aucune forme d’organisation indépendante. L’exclusion du personnel d’encadrement figurait parmi les modifications apportées en vertu de la loi Taft-Hartley qui violent désormais la liberté syndicale des travailleurs.
  4. 800. Selon le plaignant, l’article 2(3) de la NLRA, tel qu’il a été modifié, porte atteinte aux principes de la liberté syndicale. Toutefois, l’exclusion générale du personnel d’encadrement n’est pas l’objet de la présente plainte. Celle-ci porte sur une modification apportée à la législation des Etats-Unis pour élargir la définition des mots «personnel d’encadrement» énoncée dans la NLRA, privant ainsi les travailleurs qui ne sont pas du personnel d’encadrement de la garantie de leurs droits d’organisation et de négociation. Aux termes de la nouvelle définition, les employeurs peuvent classifier ou reclassifier «personnel d’encadrement» des employés ayant des tâches de contrôle peu importantes ou ponctuelles, même lorsque ces tâches ont peu de choses à voir avec la gestion ou la supervision effective.
  5. 801. Cette exclusion de la protection de la NLRA n’est pas une modification de pure forme, elle a d’énormes répercussions sur les travailleurs qui sont maintenant du «personnel d’encadrement» au sens où l’entend la loi. Cela signifie que les employeurs peuvent renvoyer de tel «personnel d’encadrement» pour activité syndicale, ou pour refus de prendre part aux activités antisyndicales des employeurs. Enfin, les employeurs peuvent refuser de négocier avec les syndicats du «personnel d’encadrement» – le tout en toute impunité, puisque le personnel d’encadrement ne sont pas des «employés» au sens de la loi – c’est-à-dire des travailleurs protégés par la NLRA contre toute discrimination pour activité syndicale et des travailleurs qui, jouissant d’un statut majoritaire dans une unité de négociation, peuvent obliger leur employeur à négocier de bonne foi avec leur syndicat.
  6. 802. Cette décision est d’autant plus inquiétante que bon nombre d’employeurs, qu’ils appartiennent ou non au secteur des soins de santé, affirment décentraliser les responsabilités par de nouvelles formes d’organisation du travail dans des programmes de «valorisation du travail» visant à «habiliter» les employés. Comme on peut lire dans une grande revue économique, «la complexité croissante et le rythme accéléré des affaires continueront de forcer les entreprises à décentraliser les responsabilités par des structures de gestion de plus en plus horizontales. L’OIT note pour sa part une tendance générale dans l’organisation du travail à des changements privilégiant des hiérarchies plus plates et les équipes axées sur des projets (Rapport sur l’emploi dans le monde 2001, Genève, 2001).» (Business Week, 28 août 2000.)
  7. 803. Selon le plaignant, habiliter les employés pour qu’ils aient leur mot à dire dans les décisions prises en milieu de travail est certes une initiative louable, mais la trilogie d’Oakwood ouvre la voie à l’abus de telles pratiques pour détruire le pouvoir collectif des travailleurs en déniant leur droit de créer des syndicats ou de s’y affilier et de négocier collectivement, en violation des principes de la liberté syndicale. Le fait de priver de toute garantie de ces droits fondamentaux des employés qualifiés à tort de personnel d’encadrement viole les normes internationales relatives aux droits de l’homme et les conventions de l’OIT.
  8. 804. Le plaignant ajoute que la nouvelle décision du NLRB dans la trilogie d’Oakwood donne suite à une décision antérieure de la Cour suprême. Dans la décision rendue en 2001 concernant l’affaire Kentucky River, la cour annule les résultats d’une élection du NLRB tenue en 1997 dans laquelle la majorité des 110 employés de l’hôpital de Kentucky River ont voté en faveur de la représentation syndicale. L’employeur a refusé de négocier avec le syndicat, sous prétexte que six «surveillantes» (définies ci-dessous) figurant dans le groupe des votants étaient du personnel d’encadrement, mais le NLRB a affirmé qu’elles faisaient bien partie de l’unité. La Cour suprême a pris le parti de l’employeur, arguant que la décision du NLRB, selon laquelle les surveillantes qui supervisaient le travail d’infirmières subalternes et d’aides-soignantes sans exercer sur elles de pouvoir disciplinaire n’étaient pas du personnel d’encadrement, ne cadrait pas avec la définition de «personnel d’encadrement» énoncée dans la NLRA. Les employeurs du secteur des soins de santé ont crié victoire en disant que la décision leur donnait de nouvelles armes contre l’action syndicale des travailleurs et en se réjouissant de cette «nouvelle encourageante susceptible de vous donner l’avantage dans les campagnes de syndicalisation».
  9. 805. Le NLRB est l’organisme fédéral responsable au premier chef de l’interprétation et de l’application de la NLRA, bien que la Cour suprême des Etats-Unis décide en dernier ressort de la définition des termes figurant dans la loi. Aux Etats-Unis, les spécialistes du droit du travail attendent depuis longtemps de voir comment le NLRB va changer son analyse de ce qu’est du «personnel d’encadrement» après l’arrêt Kentucky River dans les nouvelles affaires dont il est saisi. Ces nouveaux cas présentent des situations différentes exigeant une nouvelle analyse de la preuve concernant les fonctions des employés. L’occasion s’est présentée dans la trilogie d’Oakwood. Dans chacun de ces trois cas, un directeur régional du NLRB a examiné une demande d’élection déposée par des employés désireux de créer un syndicat et de négocier collectivement, et a ordonné la tenue d’une élection. Le NLRB a autorisé dans chaque cas l’examen discrétionnaire de la décision du directeur régional sur demande des employeurs concernés et a profité de l’occasion pour énoncer une définition élargie du «personnel d’encadrement».
  10. 806. La principale affaire de la trilogie d’Oakwood concerne 12 infirmières diplômées (IDs) remplissant les fonctions de «surveillantes» permanentes dans un hôpital et de nombreuses autres infirmières diplômées exerçant ces fonctions à tour de rôle. Toutefois, du fait de ses ramifications, la décision peut concerner des millions de travailleurs ayant des tâches de contrôle peu importantes ou ponctuelles sans rapport avec l’embauche ni la discipline, ni autres éléments clés d’une supervision véritable. «Surveillante» est l’appellation couramment utilisée pour désigner une infirmière diplômée qui dirige le travail d’autres infirmières à l’échelle d’un étage ou d’une unité d’hôpital. Le directeur régional du NLRB a entendu la preuve dans l’affaire Oakwood. Il a constaté que les surveillantes ne sont pas du personnel d’encadrement, une décision que les employeurs ont porté en appel devant le NLRB. Dans sa décision, le directeur régional s’étend longuement sur le rôle des surveillantes. Il commence par discuter des gestionnaires et du personnel d’encadrement effectifs, c’est-à-dire des infirmières diplômées, titulaires d’un poste de chef de clinique et de chef de clinique adjoint, en ces termes:
  11. Les chefs de clinique sont responsables de plusieurs unités dans des aires géographiques distinctes de l’hôpital. Les chefs de clinique sont toutes des IDs … Elles ne s’acquittent pas régulièrement de fonctions infirmières ni de tâches cliniques réelles. … Il y a huit chefs de clinique adjointes (ACM) qui rendent compte aux chefs de clinique. … Les parties ont stipulé, et je constate, que les ACM sont du personnel d’encadrement au sens défini à l’article 2(11) de la loi, compte tenu de leur pouvoir de discipliner et de diriger de façon indépendante d’autres employés.
  12. 807. Le directeur régional décrit ensuite le travail des infirmières responsables en ces termes:
  13. Dans chaque équipe et dans chaque unité, à l’exception de la clinique antidouleur, une ID est désignée comme infirmière responsable. … A l’occasion, une infirmière diplômée est désignée surveillante à tour de rôle dans une unité. … Une responsable permanente est une personne qui a demandé et accepté une charge permanente; chaque fois qu’elle travaille, elle le fait en tant qu’infirmière responsable. Les fonctions d’une surveillante, qu’elles soient assumées à tour de rôle ou de façon permanente, sont les mêmes. Les IDs sont rémunérées à l’heure. Elles gagnent 1,50 dollar de plus de l’heure lorsqu’elles travaillent comme infirmières responsables. …
  14. Les surveillantes sont chargées de surveiller l’unité pendant leur quart de travail, avec le personnel de service à cette unité ce jour-là. Elles font le même travail que tout le personnel de cette équipe. Elles surveillent en général tous les patients présents dans l’unité ce jour-là et rencontrent les médecins qui ont une question à régler avec une infirmière ou un patient. Elles rencontrent également les patients ou les membres de leur famille qui ont une plainte à formuler. …
  15. La surveillante n’est pas chargée de l’affectation aux équipes de travail; c’est un bureau de dotation qui s’en occupe. A son arrivée, l’infirmière responsable se voit remettre une liste (préparée par le personnel d’encadrement de l’équipe précédente) des infirmières qui sont censées travailler ce jour-là dans son équipe. Lorsque l’une des infirmières figurant sur la liste ne se présente pas, la surveillante appelle le bureau de dotation pour savoir où se trouve cette personne. …
  16. La surveillante attribue les tâches en fonction de la gravité de l’état des patients et du degré de compétence requis pour les soigner – les infirmières diplômées peuvent exécuter certaines tâches que les infirmières auxiliaires diplômées ne peuvent pas faire, etc. …
  17. En outre, la surveillante affecte les infirmières auxiliaires ou agents des services de santé mentale auprès de tel ou tel patient ou de telle ou telle infirmière diplômée. Après cette affectation générale, l’infirmière diplômée et/ou la surveillante peut leur attribuer des tâches plus concrètes comme de donner un bain à un patient, etc.
  18. Par ailleurs, les surveillantes attribuent aux autres employés leurs pauses et heures de repas. Toutefois, pour ce faire, elles demandent aux autres infirmières à quel moment elles veulent prendre leur pause, et leur but premier est de répartir les pauses de manière à assurer une permanence dans l’unité. …
  19. Le travail est généralement attribué par roulement ou en fonction du lieu où l’on a travaillé la veille. Pour l’attribution des tâches, la surveillante consulte une feuille de dotation indiquant où chacun a travaillé la veille. Ce travail ne lui prend habituellement pas plus de quelques minutes …
  20. 808. Le directeur régional aboutit à la conclusion que ces fonctions limitées ne permettent pas de qualifier les surveillantes de personnel d’encadrement, en ces termes:
  21. Généralement, c’est la chef de clinique qui embauche, congédie et règle les conflits au sein de l’unité. Elle se charge également des évaluations du rendement, de l’établissement définitif des listes, du règlement des questions de dotation et des plaintes des patients. La chef de clinique adjointe remplit également ces tâches. Les surveillantes ne prennent pas la décision de garder quelqu’un après la fin de son service lorsqu’elles manquent de personnel, ni n’autorisent les heures supplémentaires. Les chefs de clinique peuvent imposer des sanctions disciplinaires aux surveillantes.
  22. [Rien] ne prouve que [les surveillantes] aient le pouvoir autonome d’embaucher, promouvoir, rétrograder, mettre à pied, réintégrer, récompenser ou congédier des employés. Elles ne prennent pas de décisions en matière de dotation ni n’autorisent les heures supplémentaires … Rien ne prouve que les surveillantes soient habilitées à arbitrer les griefs officiels des employés. … Le pouvoir limité exercé par les surveillantes de résoudre les conflits interpersonnels opposant les employés ne leur confère pas un statut de supervision … Les gestionnaires sont présentes ou en disponibilité 24 heures sur 24 pour régler tout problème susceptible de se poser. En conséquence, je constate que les infirmières diplômées ou surveillantes ne sont pas du personnel d’encadrement au sens où l’entend la loi.
  23. 809. Dans la décision no 3-2 qu’il a rendue dans l’affaire Oakwood, le NLRB élargit la signification des expressions «attribuer des tâches» et «diriger de manière responsable» utilisées à l’article 2(11) de la NLRA pour constater que les surveillantes sont du personnel d’encadrement. Comme le révèle l’analyse du conseil, exposée ci-dessous, cette nouvelle définition a des conséquences significatives, non seulement dans le secteur des soins de santé, mais également dans bien d’autres domaines.
  24. 810. Dans l’affaire Oakwood, le conseil a établi une définition d’une grande portée de l’expression «attribuer des tâches» qui ne se limite plus à des affectations non transitoires ayant une incidence déterminante sur les conditions d’emploi des employés (par exemple, affectation à une équipe de travail ou à un travail particulier). Le conseil a affirmé plutôt que l’expression «attribuer des tâches» «consiste à indiquer à un employé l’endroit (par exemple, un service ou une aile), de fixer ses horaires de travail (par exemple, en équipes ou en heures supplémentaires), ou de lui confier des tâches d’ordre général importantes». Dans le contexte des soins de santé, selon le conseil, cela inclut des actes transitoires comme «confier certains patients à des infirmières ou aides-soignantes», même si cette tâche n’est confiée que pour une seule équipe.
  25. 811. De même, selon l’interprétation du conseil, le terme «encadrer» s’applique au sens large à l’exécution d’une tâche distincte donnée. Le conseil affirme que diriger signifie décider «du travail à entreprendre ou de la personne qui s’en chargera». Dans une clinique, le conseil juge que le pouvoir de diriger est fondé sur les responsabilités suivantes des surveillantes à l’endroit des infirmières auxiliaires diplômées (CNA):
  26. Les surveillantes surveillent les tâches exécutées par les CNA et prennent des mesures lorsque les CNA ne prodiguent pas les soins qui conviennent. Par exemple, une surveillante sanctionnera une CNA lorsqu’elle constate que celle-ci ne suit pas les procédures requises pour donner un bain à un résident … [et] ordonnera aux CNA d’exécuter certaines tâches «par exemple, couper les ongles des mains et des pieds des résidents … vider les cathéters ou … changer un résident incontinent». Dans une usine, le conseil constate que les personnes ayant autorité sont habilitées à diriger les employés, en ce sens qu’elles leur montrent comment exécuter leur travail correctement et leur disent quels colis charger en premier dans un camion ou quels travaux faire en premier sur une chaîne pour que les commandes soient exécutées et la production achevée en temps opportun.
  27. 812. En outre, le conseil affirme qu’un employé n’a pas besoin d’être investi à plein temps de ces formes d’autorité, aussi minimes soient-elles, pour être classifié «personnel d’encadrement», sous réserve d’être ainsi habilité «de façon régulière et substantielle», c’est-à-dire, selon la définition du conseil, conformément à un calendrier ou à un mode de fonctionnement et à raison d’au moins 10 à 15 pour cent du temps de travail de l’employé. Ainsi, dix infirmières relevant du même service, chacune occupant à tour de rôle le poste de surveillante, peuvent toutes, à titre de personnel d’encadrement, être privées des protections offertes par la loi.
  28. 813. Le plaignant ajoute que l’opposition forte et catégorique exprimée par deux membres du conseil – Wilma B. Liebman et Dennis P. Walsh – montre que la majorité de 3 contre 2 obtenue au conseil est motivée, non par les faits, mais par les visées idéologiques de la direction pour affaiblir les syndicats et la négociation collective. Voici leurs propos:
  29. La décision d’aujourd’hui risque de créer une nouvelle catégorie de travailleurs … qui n’ont ni les vraies prérogatives de la direction ni les droits accordés par la loi aux simples employés … Si la loi nationale sur les relations professionnelles exigeait ce résultat – si le Congrès entendait inclure dans la définition de personnel d’encadrement quantités de professionnels et d’autres travailleurs sans véritables prérogatives de gestion – le conseil serait alors tenu d’appliquer la loi de cette manière. Mais ce n’est pas le cas …
  30. Le résultat serait un rude choc pour les infirmières et d’autres travailleurs qui sont depuis des décennies bien protégés par la loi nationale sur les relations professionnelles, mais qui risquent dorénavant d’être traités, au titre de la législation du travail, comme des membres de la direction, privés du droit de négocier collectivement et de se livrer à d’autres actions concertées sur le lieu de travail. En fait, le personnel d’encadrement peut être enrôlé de force dans des campagnes antisyndicales des employeurs, alors que leur activité syndicale est désormais strictement limitée. La décision de la majorité revient donc à refuser la protection de la loi à un groupe de travailleurs de plus, tout en renforçant la capacité des employeurs de résister à la syndicalisation d’autres employés.
  31. 814. Selon le plaignant, des acteurs antisyndicaux au sein du patronat jubilent déjà à la perspective des possibilités de démantèlement syndical qu’offre la nouvelle décision rendue par le conseil. Un grand cabinet d’avocats spécialistes du droit des affaires, qui aide régulièrement des employeurs à contrer les tentatives d’employés en vue d’obtenir une représentation syndicale, a déclaré, dans une analyse destinée à des sociétés clientes publiée la semaine précédant celle où le NLRB a rendu sa décision, que cette décision «priverait des milliers de travailleurs de la protection de la NLRA, les empêcherait de se syndiquer et mettrait même fin aux obligations de négociation collective pour certaines unités de soins infirmiers existantes».
  32. 815. Le plaignant poursuit en expliquant que, même s’ils ne les ont pas ratifiées, les Etats-Unis sont tenus, en vertu de leur appartenance à l’OIT, de respecter les conventions nos 87 et 98. Qui plus est, leurs obligations à cet égard relèvent de la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, et d’instruments relatifs aux droits de l’homme comme la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civiques et politiques, et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
  33. 816. Les Etats-Unis consacrent également l’importance des normes et obligations internationales concernant la liberté syndicale des travailleurs dans leurs propres lois et ententes commerciales. Dans les lois régissant les relations commerciales avec d’autres pays, le Congrès définit la liberté syndicale et le droit d’organisation et de négociation collective comme des droits reconnus à l’échelle internationale aux travailleurs et s’appuie sur les directives de l’OIT pour formuler les dispositions relatives aux droits du travail dans ces instruments. En outre, dans son rapport sur la législation régissant la participation des Etats-Unis au sein des institutions financières internationales, le Congrès évoque «les conventions pertinentes de l’Organisation internationale du Travail qui énoncent, entre autres choses, les droits d’association [et] le droit d’organisation et la négociation collective». Le Congrès a ajouté des modifications relatives aux droits du travail dans les lois régissant le Système généralisé de préférences (SGP) en 1984, l’Overseas Private Investment Corporation en 1985, l’initiative concernant le bassin des Caraïbes en 1986, l’article 301 de la loi sur le commerce de 1988, les fonds de l’Agence internationale pour le développement (AID) affectés aux subventions de développement économique à l’étranger, et la participation des Etats-Unis à la Banque mondiale, au Fonds monétaire international et à d’autres institutions internationales de prêt. Les dispositions relatives aux droits du travail figurent, à la demande insistante des Etats-Unis, dans les accords commerciaux conclus avec le Chili, la Jordanie, Singapour, l’Australie, l’Amérique centrale et d’autres partenaires commerciaux. Dans chaque cas, la liberté syndicale et le droit d’organisation et de négociation collective figurent en tête de liste. L’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) conclu entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique a été complété d’un accord parallèle en matière de travail, l’Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail (ANACT). La liberté syndicale et la protection du droit d’organisation est le premier «principe relatif au travail» de l’ANACT; il se caractérise par «le droit des travailleurs, exercé librement et sans entraves, de constituer les organisations de leur choix pour la défense de leurs intérêts, et de s’affilier à ces organisations». Avec leurs partenaires commerciaux en Amérique du Nord, les Etats-Unis se sont engagés à promouvoir les principes relatifs au travail énoncés dans l’ANACT et à «assurer l’application efficace» de leur législation du travail à l’appui de ces principes. Ces instruments relatifs aux droits de l’homme créés par l’OIT, les Nations Unies et les régions ont permis d’aboutir à un consensus international sur les droits de l’homme auquel se sont joints les Etats-Unis sur l’importance de la liberté syndicale des travailleurs. Ce consensus est renforcé par l’engagement international des Etats-Unis à l’OIT et dans des accords commerciaux régionaux et multilatéraux, en vertu desquels ils appuient activement la promotion et l’application des droits des travailleurs reconnus à l’échelle internationale. Pour remplir leurs obligations et atteindre les objectifs qu’ils défendent au sein de la communauté internationale, les Etats-Unis doivent faire en sorte que leurs propres lois et pratiques en matière de travail soient conformes aux normes internationales relatives à la liberté syndicale et aux droits d’organisation et de négociation collective.
  34. 817. Toujours selon les plaignants, en violation de l’article 2 de la convention no 87, la trilogie d’Oakwood du NLRB crée une nouvelle distinction dans le droit du travail aux Etats-Unis en privant de la liberté syndicale des employés censés être du «personnel d’encadrement» en vertu du nouveau critère relatif au statut de personnel d’encadrement. En outre, en violation de l’article 1 de la convention no 98, la trilogie d’Oakwood du NLRB prive de toute protection les employés nouvellement désignés «personnel d’encadrement». Les employeurs peuvent les congédier impunément s’ils ne renoncent pas à la syndicalisation ou s’ils prennent part à des activités syndicales. Les employeurs peuvent même forcer ces employés, sous peine de licenciement, à participer à leurs campagnes antisyndicales. D’autre part, en violation de l’article 2 de la convention no 98, la trilogie d’Oakwood du NLRB permet à la direction de faire échec aux syndicats en contestant le statut de travailleurs syndiqués censés être du «personnel d’encadrement» en vertu du décret. Dans bien des cas, les employés visés par la nouvelle définition sont des dirigeants syndicaux élus et des militants syndicaux. Le fait que les employeurs puissent les écarter des unités de négociation influera sur le choix que feront les syndiqués de leurs dirigeants et sur le mode de fonctionnement de ces dirigeants.
  35. 818. Enfin, en violation de l’article 4 de la convention no 98, la trilogie d’Oakwood du NLRB permet à un employeur de contester la représentativité d’un syndicat sous prétexte qu’une unité de négociation contient du «personnel d’encadrement». Au lieu d’utiliser les ressources des membres pour s’engager dans la négociation collective, les syndicats devront faire face à des années de coûteuses poursuites devant le NLRB et les tribunaux, visant à examiner à la loupe toutes les fonctions et responsabilités de chaque employé que la direction cherche à exclure du syndicat. Les infirmières de la société Oakwood Healthcare Inc. ont commencé à s’organiser en 1999; le directeur régional a ordonné la tenue d’une élection au début de 2002, et le NLRB s’est prononcé sur le cas à la fin de 2006. La même chose se répétera fort probablement dans les nouveaux cas concernant de présumées tâches de supervision, les employeurs invoquant les particularités de chaque nouvelle campagne de recrutement pour contester – d’abord devant le conseil puis devant les tribunaux – le droit des employés d’appartenir à un syndicat, sous prétexte qu’ils sont du «personnel d’encadrement». C’est pourquoi, au lieu d’encourager et de favoriser la négociation collective, la trilogie d’Oakwood la dissuade et la retarde. La trilogie d’Oakwood compromet gravement les efforts déployés par les travailleurs en vue de créer des syndicats dans des lieux de travail non syndiqués parce qu’elle revient à éliminer un groupe d’employés d’une importance déterminante qui aurait pu permettre d’obtenir la majorité requise à l’appui de la négociation collective. Qui plus est, la décision permet également à la direction de cibler, parmi les travailleurs désireux de se syndiquer, ledit supposé personnel d’encadrement qui peut être «enrôlé», selon l’opinion dissidente, même contre son gré et sous peine de licenciement, dans une force antisyndicale. Cela risque d’avoir des effets dévastateurs sur les droits syndicaux des travailleurs.
  36. 819. Le plaignant fait ensuite référence aux plaintes déposées antérieurement devant le comité sur des questions semblables (en particulier, les cas nos 1534 (Pakistan), 1751 (République dominicaine), 1771 (Pakistan), 1878 (Pérou), 1951 (Canada), 1959 (Royaume-Uni)). Selon le plaignant, le comité énonce à propos de ces cas les principes clés suivants:
  37. - les termes «personnel d’encadrement» ne devraient s’appliquer qu’aux seules personnes qui représentent effectivement les intérêts des employeurs;
  38. - la définition juridique de «personnel d’encadrement» ou d’autres catégories de travailleurs exclues ne doit pas donner lieu à une interprétation très large qui priverait un grand nombre de travailleurs de la protection du droit d’organisation et de négociation collective;
  39. - la catégorie des employés «exclus» ne doit pas être définie en termes si larges que les organisations des autres travailleurs de l’entreprise ou de la branche d’activité risquent de s’en trouver affaiblies, en les privant d’une proportion substantielle de leurs membres, réels ou potentiels;
  40. - le fait de modifier le statut d’employés pour réduire le nombre de membres d’un syndicat est contraire au principe de liberté syndicale;
  41. - même du personnel d’encadrement effectif a le droit de créer un syndicat ou de s’y affilier et de négocier collectivement, bien que leurs unités de négociation puissent être tenues par la loi d’être distinctes de celles d’employés supervisés. Selon le plaignant, sur tous ces points, la trilogie d’Oakwood du NLRB va à l’encontre des critères définis par le comité.
  42. 820. Le plaignant ajoute que la trilogie d’Oakwood du NLRB alimente l’inquiétude du public au sujet du droit du travail aux Etats-Unis comme on n’en avait pas vu depuis de nombreuses décennies. Bien que les décisions antérieures du Conseil national des relations professionnelles, qui excluaient les adjoints à l’enseignement au niveau universitaire, les travailleurs temporaires, les travailleurs handicapés et d’autres catégories d’employés de la garantie offerte par la NLRA, étaient connues essentiellement des «initiés» en matière de droit du travail, la trilogie d’Oakwood a suscité beaucoup d’intérêt et d’attention médiatique. De grands journaux qui n’étaient pas connus pour leur sympathie à l’égard des syndicats et qui commentent rarement les questions relatives au droit du travail ont sonné l’alarme dans leurs éditoriaux au sujet de la décision. Le plaignant cite à l’appui des articles parus dans le Washington Post et le New York Times.
  43. 821. Selon le plaignant, le tollé général qu’a suscité la décision rendue par le NLRB concernant le personnel d’encadrement dans la trilogie d’Oakwood est l’occasion de remédier à cette violation des droits des travailleurs par des modifications à la NLRA destinées à rétablir le critère plus équitable qui était en usage concernant le statut de personnel d’encadrement. Reconnaissant que le Comité de la liberté syndicale de l’OIT n’est pas là pour accuser les gouvernements ni pour «appliquer» ses décisions, le plaignant appelle le comité à exercer son autorité et son influence morale à l’appui de la liberté syndicale des travailleurs aux Etats-Unis. A cette fin, il demande que le comité exhorte le Congrès et le gouvernement à modifier la NLRA pour faire en sorte que:
  44. - les termes «personnel d’encadrement» ne s’appliquent qu’aux seules personnes qui représentent effectivement les intérêts des employeurs;
  45. - la définition juridique de «personnel d’encadrement» ou d’autres catégories de travailleurs exclues ne donne pas lieu à une interprétation très large qui prive un grand nombre de travailleurs de la protection du droit d’organisation et de négociation collective;
  46. - les employeurs ne puissent modifier le statut d’employés pour nuire à l’organisation syndicale dans des lieux de travail non syndiqués ou pour réduire le nombre de membres et l’efficacité des syndicats de travailleurs dans les lieux de travail syndiqués.
  47. 822. Le plaignant souhaite remettre à plus tard l’examen de la question de savoir si la NLRA devrait être modifiée pour permettre au personnel d’encadrement effectif qui ne fait pas partie de la haute direction de s’organiser en unités de négociation séparées. Enfin, il demande au comité d’envoyer une mission de contacts directs aux Etats-Unis pour examiner les répercussions de la trilogie d’Oakwood du NLRB. Selon le plaignant, ces contacts directs avec les travailleurs, les représentants syndicaux, les employeurs et leurs représentants, et les autorités responsables de la législation du travail permettraient au comité de comprendre les questions en jeu «sur le terrain».
  48. B. Réponse du gouvernement
  49. 823. Dans une communication en date du 25 septembre 2007, le gouvernement fait valoir, en premier lieu, que les Etats-Unis n’ont pas ratifié les conventions nos 87 et 98 et qu’ils n’ont donc pas d’obligation au regard du droit international d’appliquer ces instruments et, en conséquence, aucune obligation de donner effet à leurs dispositions dans la législation des Etats-Unis. Néanmoins, le gouvernement des Etats-Unis a, à maintes occasions, démontré que sa législation et sa pratique en matière de travail sont, en général, conformes aux conventions de l’OIT relatives à la liberté syndicale, et les organes de contrôle de l’OIT ont dans l’ensemble confirmé cette opinion. De même, la Déclaration de l’OIT est une déclaration de principes non contraignante, n’est pas un traité et n’entraîne aucune obligation juridique. Toutefois, le gouvernement des Etats-Unis a présenté des rapports annuels dans le cadre des procédures de suivi établies par la Déclaration de l’OIT qui démontrent qu’il respecte, favorise et met en oeuvre les principes et droits fondamentaux au travail consacrés dans la Constitution de l’OIT.
  50. 824. En second lieu, le gouvernement fait valoir que les décisions rendues par le NLRB dans les affaires Oakwood ne vont pas à l’encontre des principes de l’OIT en matière de liberté syndicale, de droit d’organisation ou de négociation collective. En fait, dans ces affaires, les textes de loi applicables aux faits de l’espèce ont été interprétés de façon raisonnable par un organe administratif. Par ailleurs, ces décisions n’ont pas eu pour effet, comme l’a affirmé l’AFL-CIO, de classifier à tort «personnel d’encadrement» des travailleurs «ayant des tâches de contrôle peu importantes ou ponctuelles». Elles n’ont pas non plus entraîné pour un grand nombre de travailleurs la perte de leur droit d’organisation et de négociation collective, comme le plaignant le laissait entendre.
  51. 825. Le gouvernement rappelle que la NLRA, qui est le principal texte de loi régissant l’application des droits de liberté syndicale aux employés du secteur privé, définit les termes «personnel d’encadrement» à l’article 2(11) comme suit:
  52. … toute personne qui, dans l’intérêt de l’employeur, est habilitée à embaucher, muter, suspendre, mettre à pied, réintégrer, promouvoir, licencier, récompenser ou sanctionner d’autres employés, à leur attribuer des tâches ou à les encadrer de manière responsable, ou à régler leurs plaintes, ou à recommander une telle action lorsque, en rapport avec ce qui précède, ce pouvoir n’est pas simplement exercé dans le cadre de tâches courantes et à caractère administratif, mais nécessite de faire preuve d’indépendance de jugement.
  53. 826. Dans l’arrêt Kentucky River, la Cour suprême des Etats-Unis a interprété la loi comme fournissant un critère en trois points permettant d’établir l’existence du statut de personnel d’encadrement. En vertu de la NLRA, les employés sont considérés comme du «personnel d’encadrement» «i) s’ils sont habilités à remplir l’une quelconque des douze fonctions d’encadrement énumérées; ii) si ce pouvoir n’est pas simplement exercé dans le cadre de tâches courantes ou à caractère administratif, mais nécessite de faire preuve d’indépendance de jugement; et iii) s’ils exercent ce pouvoir dans l’intérêt de l’employeur». NLRB v. Kentucky River Community Care, Inc., 532 US 706, 712-713 (2001) (s’appuyant sur NLRB v. Health Care & Retirement Corp. of America, 511 US 571, 573-574 (1994)).
  54. 827. Il a lieu de souligner que, pour que le statut de personnel d’encadrement soit conféré, il est nécessaire d’établir que l’une quelconque des douze fonctions d’encadrement énumérées dans la définition des termes «personnel d’encadrement» énoncée dans la NLRA soit exercée en faisant preuve d’indépendance de jugement. La charge de la preuve incombe à la partie qui affirme que ce statut existe. Selon le NLRB, toute personne chargée, pendant une partie de son temps de travail, d’exercer des fonctions d’encadrement et considérée, le reste du temps, comme agent d’une unité, doit consacrer régulièrement une partie substantielle de son temps de travail à l’exercice de fonctions d’encadrement afin de satisfaire au critère juridique établi pour être considérée comme personnel d’encadrement. D’après le critère défini par le conseil, le terme «régulièrement» s’entend de l’exercice d’une fonction d’encadrement conformément à un programme de travail établi, et non de façon ponctuelle. Le NLRB a déclaré que, pour déterminer si une personne exerce ou non des fonctions de supervision, il faut savoir si elle a de «véritables prérogatives d’encadrement», et qu’en principe il prend soin de «ne pas interpréter le statut de personnel d’encadrement dans un sens trop large». Conformément à cette approche, le NLRB a fait observer, dans l’affaire Oakwood, que la définition de «personnel d’encadrement» énoncée à l’article 2(11) vise principalement à exclure du champ d’application de la loi «les personnes dont les tâches sont fondamentalement des tâches d’encadrement».
  55. 828. A la suite de l’arrêt rendu par la Cour suprême des Etats-Unis dans l’affaire Kentucky River, en juin 2003, le NLRB a invité les parties dans les affaires Oakwood à examiner la question du statut de personnel d’encadrement pour ce qui est des personnes qui font preuve d’indépendance de jugement dans l’attribution de tâches à des employés ou dans l’exercice de fonctions d’encadrement. Il a examiné les affaires conjointement étant donné qu’elles portaient toutes les trois sur deux des douze critères permettant d’établir l’existence du statut de personnel d’encadrement énoncés à l’article 2(11), à savoir «attribuer des tâches» et «encadrer de manière responsable».
  56. 829. Le 29 septembre 2006, le conseil a rendu des décisions dans les affaires Oakwood. Il s’est d’abord prononcé sur la première affaire Oakwood, puis les deux autres affaires ont été tranchées en suivant les principes énoncés dans celle-ci. Le conseil a d’abord affiné la définition des expressions pertinentes communes: «attribuer des tâches», «encadrer de manière responsable», et «indépendance de jugement», en se fondant sur l’arrêt Kentucky River, puis il a appliqué ces expressions dans chacune des trois affaires pour définir les personnes qui étaient du personnel d’encadrement.
  57. 830. La société Oakwood Healthcare Inc. gère l’hôpital Oakwood Heritage à Taylor, dans l’Etat du Michigan, et au moment de l’examen des faits de l’espèce elle employait environ 181 infirmières diplômées. Douze d’entre elles étaient des surveillantes permanentes et 112 autres exerçaient des fonctions de surveillance à tour de rôle.
  58. 831. Le NLRB a appliqué les définitions des expressions «attribuer des tâches», «responsabilité d’encadrer», et «indépendance de jugement» aux faits de l’espèce dans l’affaire Oakwood et déterminé que les 112 infirmières diplômées qui n’étaient pas permanentes et exerçaient des fonctions de surveillance à tour de rôle n’étaient pas du personnel d’encadrement et que, par conséquent, elles faisaient partie de l’unité de représentation. Il a été constaté que les douze surveillantes permanentes attribuaient des tâches en faisant preuve d’indépendance de jugement et qu’elles étaient considérées, à ce titre, comme étant du personnel d’encadrement qui ne faisait pas partie de l’unité de représentation. Ainsi, sur les quelque 181 infirmières diplômées travaillant à l’hôpital, il avait été constaté que seules 12, à savoir celles qui avaient été considérées par le NLRB comme exerçant des fonctions d’encadrement importantes, entraient dans le cadre de la définition de «personnel d’encadrement» énoncée dans la NLRA.
  59. 832. Le NLRB a ensuite appliqué ces définitions en l’espèce dans les autres affaires Oakwood. Dans les affaires Croft Metals et Golden Crest, le conseil a constaté qu’aucune des personnes dont le statut de subordonné avait été contesté (les personnes ayant autorité dans l’affaire Croft Metals et/ou les surveillantes dans l’affaire Golden Crest) n’était du personnel d’encadrement au sens de l’article 2(11). En conséquence, dans trois affaires où le statut de personnel d’encadrement d’environ 173 personnes avait été contesté, le conseil a conclu que seules 12 personnes entraient dans le cadre de la définition de «personnel d’encadrement» énoncée dans la loi.
  60. 833. Dans les affaires Oakwood, les résultats sont conformes au principe général tel qu’énoncé par le conseil dans l’affaire Oakwood, à savoir prendre soin de ne pas interpréter le statut de personnel d’encadrement au sens large. Ce principe a été réaffirmé dans un certain nombre d’affaires ultérieures dans lesquelles le statut de personnel d’encadrement était au centre du débat [Voir Avante at Wilson, Inc., 348 NLRB no 71 (31 octobre 2006) (rejetant la conclusion à laquelle avait abouti un directeur régional, selon laquelle les infirmières diplômées et les infirmières auxiliaires diplômées étaient du personnel d’encadrement); Voir East Buffet and Restaurant, Inc., 2007 WL 1035161 (NLRB Div. des juges) (3 avril 2007) (constatant que les chefs de rang ne sont pas du personnel d’encadrement en vertu de la loi); Voir Paramus Ford, Inc., 2007 WL 313430 (NLRB Div. des juges) (31 janvier 2007) (constatant que les éléments de preuves ne sont pas suffisants pour établir qu’un sous-directeur du service des pièces détachées était un personnel d’encadrement au regard de la loi)].
  61. 834. L’examen des définitions du conseil et l’application de ces définitions dans l’analyse des faits par le conseil aux fins de déterminer le statut des employés concernés dans les affaires Oakwood confirment qu’en l’espèce, seules les personnes qui représentent effectivement les intérêts de la direction sont considérées comme du personnel d’encadrement, que les termes «personnel d’encadrement» ne sont pas définis dans un sens trop large ou qu’un grand nombre de personnes ne sont pas exclues du champ d’application de la NLRA. On trouvera ci-dessous un examen de chaque définition intéressant chacune des affaires Oakwood.
  62. Attribution des tâches
  63. 835. Lorsqu’il a examiné si les personnes «attribuaient des tâches» au sens de l’article 2(11), le conseil a défini l’expression en se fondant sur le sens ordinaire où l’entend la loi, à savoir le fait d’indiquer à un employé l’endroit où il doit travailler (par exemple, un service ou une aile), de fixer ses horaires de travail (par exemple, en équipe ou en heures supplémentaires), ou de lui demander d’accomplir un travail (qui doit comporter des «tâches d’ordre général importantes» et non pas de lui donner pour instruction d’effectuer une tâche ponctuelle). Le conseil a appliqué cette définition dans les affaires Oakwood et conclu que, seules 12 personnes, à savoir les surveillantes permanentes dans l’affaire Oakwood attribuaient des tâches pour les raisons ci-après:
  64. – Dans l’affaire Oakwood, il avait été constaté que 12 surveillantes «attribuaient des tâches». Dans chaque unité de soins, chaque fois qu’une équipe de travail prenait son service et au fur et à mesure que de nouveaux patients étaient admis, elles confiaient au personnel travaillant dans leur unité les patients dont il lui faudrait s’occuper durant cette période de service. Les surveillantes attribuaient des «fonctions d’ordre général importantes». Dans ce cadre, elles définissaient les tâches dont devrait s’acquitter un employé pendant le service, ce qui avait une incidence considérable sur les conditions d’emploi de l’employé.
  65. – Dans l’affaire Croft Metals, aucune des personnes ayant autorité n’avait été considérée comme «attribuant des tâches». Ces personnes n’établissaient pas les programmes de travail posté, n’affectaient pas les employés à des chaînes de production, à des services, à des équipes ni ne leur demandaient de faire des heures supplémentaires; elles ne leur attribuaient pas non plus des tâches d’ordre général importantes.
  66. – Dans l’affaire Golden Crest, aucune des surveillantes n’avait été considérée comme «attribuant des tâches». Elles n’étaient pas habilitées à attribuer des tâches à des infirmières diplômées auxiliaires car elles n’avaient pas le pouvoir de les obliger à rentrer chez elles plus tôt ou à rester après la fin de leur service, de leur indiquer le lieu où elles doivent travailler, de leur demander de venir travailler, ni de modifier l’attribution de leurs tâches habituelles pour compenser l’absence de personnel ou équilibrer la charge de travail. La vérification des cartes de pointage par les surveillantes était considérée comme une tâche courante et à caractère administratif et n’entraient pas dans l’exercice de fonctions d’encadrement. De la même manière, le fait qu’elles occupaient la fonction hiérarchiquement la plus élevée pendant le service de nuit et un week-end sur deux ne suffisait pas à leur conférer le statut de personnel d’encadrement.
  67. Encadrement responsable
  68. 836. Dans l’arrêt Kentucky River, la Cour suprême a rejeté une restriction imposée par le conseil concernant le type d’«indépendance de jugement» dont il faut faire preuve pour qu’il soit établi que l’acte d’«encadrer de manière responsable» soit considéré comme un critère de supervision, mais elle n’a défini ni l’une ni l’autre de ces expressions. Dans l’affaire Oakwood, le NLRB a adopté le critère établi par la 5e Circuit Court of Appeals des Etats-Unis dans l’affaire NLRB v. KDFW-TV, Inc., 790 F.2d 1273, 1278 (5e Cir. 1986) pour définir l’expression «encadrer de manière responsable» au sens de l’article 2(11) en y ajoutant la notion d’obligation de rendre des comptes. Par conséquent, pour déterminer que l’employé exerce des fonctions d’encadrement de manière responsable, il faut démontrer que l’employeur l’a habilité à diriger le travail et à prendre des mesures correctives si besoin est. Il faut aussi démontrer qu’il peut y avoir des conséquences préjudiciables pour l’employé si le travail n’est pas bien fait ou si aucune mesure corrective n’a été prise. Le conseil a appliqué cette définition dans les affaires Oakwood et seules 25 à 30 personnes, à savoir les personnes ayant autorité dans l’affaire Croft Metals, ont été considérées comme exerçant des fonctions d’encadrement de manière responsable pour les raisons ci-après:
  69. – En ce qui concerne l’affaire Oakwood, le conseil a considéré que l’employeur n’avait pas réussi à démontrer que les surveillantes qui encadrent d’autres personnes étaient tenues pour responsables si les tâches n’avaient pas été menées à bien. Même si elles avaient le pouvoir discrétionnaire de donner des instructions à d’autres infirmières, comme vérifier les chariots d’urgence, établir une liste des stupéfiants et fournir des renseignements statistiques aux administrateurs, rien ne permettait de penser qu’elles étaient tenues de prendre des mesures correctives si les infirmières n’avaient pas effectué correctement ces tâches, ou qu’elles pouvaient être sanctionnées ou être moins bien notées de ce fait.
  70. – Dans l’affaire Croft Metals, il a été constaté que les personnes ayant autorité exerçaient des fonctions d’encadrement de manière responsable. Ces personnes étaient tenues de gérer les équipes dont elles avaient la charge, de rectifier les erreurs commises, de demander à des employés d’effectuer des tâches différentes et de décider dans quel ordre le travail devait être effectué, tout cela pour atteindre les objectifs fixés par la direction. Elles étaient tenues pour responsables de l’exécution du travail des employés.
  71. – Dans l’affaire Golden Crest, il a été constaté que les surveillantes n’exerçaient pas de fonctions d’encadrement de manière responsable. Elles dirigeaient le travail des infirmières auxiliaires diplômées, mais n’avaient pas à rendre compte des actes de celles-ci. Elles étaient notées sur la façon dont elles encadraient les infirmières auxiliaires, mais ce fait ne permettait pas d’établir, à lui seul, que cette notation pourrait avoir ou aurait pour elles des conséquences préjudiciables.
  72. Indépendance de jugement
  73. 837. En vertu de la NLRA, il ne suffit pas qu’il existe un des douze critères de supervision énoncés à l’article 2(11) pour établir le statut de personnel d’encadrement. Il faut aussi faire preuve d’indépendance de jugement. Par conséquent, dans les affaires Oakwood, dans lesquelles figurait un des critères définis à l’article 2(11), il a été demandé au conseil d’examiner s’il fallait faire preuve d’«indépendance de jugement» pour attribuer des tâches ou encadrer des employés. En se fondant sur l’opinion de la Cour suprême dans l’arrêt Kentucky River, le conseil a défini l’expression en affirmant que faire preuve d’«indépendance de jugement» consiste à agir sans y être contraint par quiconque et à se faire une opinion ou évaluer une situation en identifiant et comparant des données, à la condition que l’acte n’entre pas dans le cadre de simples «tâches courantes ou à caractère administratif». Le NLRB a fait valoir qu’une personne ne fait pas preuve d’«indépendance de jugement si son acte est dicté ou contrôlé par des instructions détaillées figurant dans les politiques ou le règlement intérieur d’une entreprise, les instructions données verbalement par un supérieur hiérarchique, ou les dispositions d’une convention collective». Le conseil a appliqué cette définition dans les affaires Oakwood et considéré que, dans l’affaire Oakwood, les douze surveillantes qui attribuaient des tâches avaient fait preuve d’indépendance de jugement, mais que, dans l’affaire Croft Metals, cela n’avait pas été le cas pour les personnes ayant autorité pour les raisons ci-après:
  74. – Dans l’affaire Oakwood, le conseil a conclu que l’employeur avait apporté des éléments de preuve suffisants pour établir que certaines de ses surveillantes permanentes étaient du personnel d’encadrement car elles étaient habilitées à attribuer des tâches à des employés en faisant preuve d’indépendance de jugement. Le conseil a essentiellement pris en compte le pouvoir d’appréciation important dont jouissaient les douze surveillantes permanentes dans l’attribution de tâches lorsque la vie des patients était en danger. Le conseil a constaté que, dans les cas où la surveillante attribuait une tâche en fonction des compétences, de l’expérience et du caractère des autres infirmières et de l’état de santé des patients, elle avait usé du pouvoir d’appréciation indispensable pour attribuer des tâches dans le cadre de l’exercice d’une fonction d’encadrement nécessitant de faire preuve d’indépendance de jugement. La décision du NLRB ne s’appliquait pas aux surveillantes permanentes travaillant dans le service des urgences, car il avait été constaté qu’elles ne faisaient pas suffisamment preuve d’indépendance de jugement pour pouvoir être considérées comme du personnel d’encadrement au regard de la loi. Les faits ont montré que ces surveillantes n’avaient pas l’obligation de tenir compte de l’état de santé des patients ou des compétences du personnel soignant pour lui confier des patients dont il lui faudrait s’occuper. Le conseil a en outre constaté que l’employeur n’avait pas démontré que les 112 surveillantes travaillant par roulement, contrairement aux 12 surveillantes permanentes considérées comme étant du personnel d’encadrement, exerçaient régulièrement des fonctions d’encadrement.
  75. – En revanche, dans l’affaire Croft Metals, il avait été constaté que les personnes ayant autorité ne faisaient pas preuve d’indépendance de jugement. Même si elles étaient considérées comme dirigeant le travail d’autres employés de manière responsable, le conseil a conclu que, pour effectuer des tâches d’encadrement (par exemple, donner des ordres aux ouvriers affectés à la production et à la maintenance ou des instructions pour le chargement des camions), ces personnes n’avaient pas à exercer un pouvoir d’appréciation autre que celui qui était nécessaire pour effectuer des tâches courantes ou à caractère administratif. A titre d’exemple, il ressortait des éléments de preuve que les personnes ayant autorité se conformaient à des programmes d’exécution des tâches préétablis et, en règle générale, appliquaient une méthode de chargement standard qui déterminait l’emplacement des différents produits dans les camions.
  76. – Dans l’affaire Golden Crest, même si l’employeur n’avait pas démontré l’existence d’un seul des douze critères permettant de conclure que les surveillantes exerçaient des fonctions d’encadrement, ce qui excluait la détermination du statut d’encadrement au sens défini par la NLRA, le conseil a néanmoins examiné si les surveillantes faisaient preuve d’indépendance de jugement. Il a considéré que, lorsqu’elles demandaient à des infirmières auxiliaires diplômées de venir travailler, elles ne faisaient qu’exécuter les ordres car leur demande devait être approuvée, et que le fait qu’elles soient habilitées à attribuer d’autres tâches ne changeait rien aux tâches personnelles attribuées aux infirmières auxiliaires diplômées en fonction de leurs compétences et des besoins des patients. En conséquence, le conseil a considéré qu’il n’avait pas été établi que les surveillantes avaient fait preuve d’indépendance de jugement.
  77. 838. Les affaires Oakwood permettent d’affiner quelque peu l’application de la définition des termes «personnel d’encadrement» au sens de la NLRA. Les critères établis dans ces affaires pour déterminer le statut du personnel d’encadrement sont conçus de façon raisonnable et appliqués de manière judicieuse, ce qui permet de limiter comme il convient la définition du «personnel d’encadrement» énoncée dans la NLRA à des personnes qui font preuve d’indépendance de jugement lorsqu’elles représentent effectivement les intérêts des employeurs. Comme nous l’avons montré plus haut, les critères appliqués dans les affaires Oakwood ne constituent pas, contrairement à ce qu’affirme l’AFL-CIO, une définition plus large des termes «personnel d’encadrement» qui «seraient susceptibles de s’appliquer à des millions de travailleurs effectuant des tâches de contrôle peu importantes ou ponctuelles...». Les affaires étayent par des exemples la portée des éléments de preuve, qu’il s’agisse de témoignages ou de pièces justificatives, que le conseil examine, et l’attention qu’il porte dans l’application du critère juridique aux faits de l’espèce. La détermination du statut dépend, comme cela doit être, «très largement des faits», voir Jochims v. NLRB, 480 F.3d 1161, 1168 (Cir. DC 2007) (s’appuyant sur l’affaire Brusco Tug & Barge v. NLRB, 247 F.3d 273, 276 (Cir. DC 2001)), pour établir une distinction claire entre les personnes qui sont ou ne sont pas du personnel d’encadrement, au sens défini à l’article 2(11) de la NLRA.
  78. 839. Un examen de toutes les décisions postérieures à l’affaire Oakwood concernant la question du statut de personnel d’encadrement au regard de la NLRA, dans lesquelles étaient utilisées les définitions adoptées dans les affaires Oakwood, montre qu’il n’existe pratiquement aucun cas où les travailleurs se sont trouvés exclus d’une unité de négociation sur la base de ces définitions. Ce résultat n’a pas donné lieu à une levée de boucliers contrairement à ce que laissait entendre la plainte. En effet, un examen des affaires, dans lesquelles le critère Oakwood est appliqué, qui ont été tranchées dans les soixante jours suivant la décision, pendant lesquels la plainte de l’AFL-CIO était en train d’être rédigée, montre qu’il n’y en a aucune dans laquelle le conseil, y compris ses juges administratifs, a conclu qu’un employeur avait établi l’existence de fonctions d’encadrement en vertu de l’article 2(11). Voir, par exemple, les affaires ci-après: Rite Aid Corp., affaire no 31 RC 8587 (11 octobre 2006) (l’employeur n’a pas établi que les personnes ayant autorité étaient du personnel d’encadrement); Biosource Landscaping Services, Inc., affaire no 9 RC 18101 (23 octobre 2006) (l’employeur n’a pas établi que les contremaîtres étaient du personnel d’encadrement); Healthlink Holdings at Bear Creek, affaire no 18 RC 17111 (15 novembre 2006) (l’employeur n’a pas établi que les infirmières auxiliaires diplômées étaient du personnel d’encadrement); Haven Health Center of Windham, affaire no 34 RC 2134 (16 novembre 2006) (l’employeur n’a pas établi que les surveillantes étaient du personnel d’encadrement); North Coast Opportunities, Inc., affaire no 20 RC 18104 (20 novembre 2006) (l’employeur n’a pas établi que les professeurs principaux étaient du personnel d’encadrement); Sara Lee Bakery Group, affaire no 9 RC 18109 (20 novembre 2006) (l’employeur n’a pas établi que les personnes ayant autorité et les commis principaux dans un commerce de détail étaient du personnel d’encadrement); Walker Methodist Health Center, affaire no 18 RC 17157 (22 novembre 2006) (l’employeur n’a pas établi que les infirmières auxiliaires diplômées étaient du personnel d’encadrement); St. Mary Home, affaire no 34 RC 2119 (27 novembre 2006) (l’employeur n’a pas établi que les infirmières auxiliaires diplômées ou les surveillantes infirmières diplômées étaient du personnel d’encadrement); Eby Brown Co., affaire no 9 RC 18105 (27 novembre 2006) (l’employeur n’a pas établi que le «personnel d’encadrement» satisfaisait aux critères Oakwood); Flint Hill Resources, LP, affaire no 18 RC 17418 (1er décembre 2006) (l’employeur n’a pas établi que les capitaines de pompiers étaient du personnel d’encadrement).
  79. 840. En outre, la législation et la pratique des Etats-Unis sont conformes au principe de la liberté syndicale et les décisions rendues par le NLRB dans les affaires Oakwood n’ont en rien modifié cela. En se fondant sur le principe en vertu duquel les termes de «personnel d’encadrement» ne devraient s’appliquer qu’aux personnes qui «représentent effectivement les intérêts des employeurs», le gouvernement fait observer que le NLRB reconnaît que la définition de «personnel d’encadrement» énoncée à l’article 2(11) vise principalement à exclure du champ d’application de la loi «les personnes dont les tâches sont fondamentalement des tâches d’encadrement», et l’analyse des affaires Oakwood montre que ce principe est respecté. S’agissant de la nécessité d’éviter une interprétation trop large des termes «personnel d’encadrement» afin de ne pas exclure «un grand nombre de travailleurs» de l’unité de négociation, le gouvernement fait valoir que rien ne permet d’affirmer que les décisions rendues dans les affaires Oakwood ont modifié la loi de sorte que des travailleurs ont été étiquetés à tort comme du «personnel d’encadrement» en vertu de la NLRA. Rien ne permet non plus d’affirmer que les décisions considérées ont eu pour conséquence de priver un «grand nombre de travailleurs» de leur droit d’organisation ou de négociation collective.
  80. 841. De la même manière, rien ne permet d’étayer les allégations selon lesquelles la définition adoptée par le conseil dans les affaires Oakwood est si large qu’elle exclut une «proportion substantielle» des membres d’un syndicat et que les décisions ont entraîné des changements fondamentaux dans le statut des travailleurs dans le dessein de saper les efforts de syndicalisation. Une fois encore, dans les affaires Oakwood, sur les 181 infirmières travaillant à l’hôpital, 12 surveillantes ont été considérées comme étant du personnel d’encadrement. Dans les affaires Croft Metals ou Golden Crest Healthcare, aucun employé n’a été considéré comme exclu de l’unité de négociation ou du champ d’application de la NLRA.
  81. 842. S’agissant du principe relatif au droit qu’a le personnel d’encadrement de constituer des syndicats et de s’affilier à des syndicats et de négocier collectivement, qui ne fait pas l’objet de la plainte, telle que l’a définie le plaignant, le gouvernement fait néanmoins observer que la Constitution des Etats-Unis garantit aux travailleurs, quel que soit leur statut en matière d’encadrement, la liberté syndicale et le droit d’organisation. De la même manière, la NLRA consacre la notion selon laquelle le personnel d’encadrement jouit de la liberté syndicale. Voir la décision no 29 USC 164(a) (dans laquelle il est indiqué qu’«aucune des dispositions de la présente décision n’empêchera une personne employée en tant que personnel d’encadrement de devenir ou rester membre d’une organisation syndicale»). La Cour suprême des Etats-Unis a reconnu que le personnel d’encadrement peut constituer des syndicats et engager des négociations collectives. Voir NLRB v. News Syndicate Company, 365 US 695 (1961).
  82. 843. En conclusion, le gouvernement constate que le plaignant n’a pas réussi à étayer ses allégations. Les décisions rendues par le conseil dans les affaires Oakwood ne vont pas à l’encontre des principes de l’OIT en matière de liberté syndicale de droit d’organisation ou de négociation collective. Dans ces affaires, la loi a été appliquée de façon raisonnable en se fondant sur les faits de l’espèce. Ces décisions, et les affaires pertinentes qui ont suivi, n’ont pas eu pour effet, comme cela était allégué, de priver, dans des proportions dramatiques, les travailleurs de leur droit d’organisation ou de négociation collective ou de classifier les travailleurs à tort comme personnel d’encadrement. Le plaignant avait annoncé que les décisions rendues par le conseil dans les affaires Oakwood auraient pour conséquence de limiter les droits de certains travailleurs, en se fondant dans une certaine mesure sur des opinions exprimées avant que ces décisions n’aient été rendues, mais cela n’a tout simplement pas été le cas, et les autres allégations ne résistent pas à un examen équitable de l’application de la loi. Même si l’on ne sait pas au juste quelle sera l’incidence du changement constant de lieu de travail sur l’évolution de l’interprétation de la NLRA, il est clair que les définitions énoncées dans les affaires Oakwood prennent en considération de façon raisonnable des situations dépendant des faits de l’espèce tout en protégeant les droits des travailleurs de façon appropriée.
  83. 844. En fait, à la suite des affaires Oakwood, le Conseil général du NLRB, dans un mémorandum daté d’avril 2007, a rappelé aux bureaux régionaux les considérations suivantes:
  84. ... Le conseil a réaffirmé, dans les affaires Oakwood, que la charge de la preuve du statut de personnel d’encadrement incombe à la partie attestant l’existence de ce statut, et que l’allégation doit être établie sur la base des preuves les plus convaincantes. Comme le conseil l’a clairement indiqué, ladite charge de la preuve est importante et substantielle. Des éléments de preuve fondés «uniquement sur des conclusions qui ne sont pas étayées par des faits» ne sont pas suffisants pour établir l’existence du statut de personnel d’encadrement; toute partie doit apporter la preuve que l’employé «est effectivement habilité» au sens de l’article 2(11). La présentation de documents – désignation du poste, description des tâches ou formulaires d’évaluation – ne suffit pas à elle seule. De la même manière, une déclaration dans laquelle il est simplement affirmé d’une manière générale que les personnes exerçaient certaines fonctions d’encadrement ne suffit pas; en fait, pour apporter la charge de la preuve, la déclaration doit comporter des détails ou des éléments établissant clairement l’existence du pouvoir de supervision revendiqué. En outre, les personnes dont il est allégué qu’elles sont du personnel d’encadrement ne seront pas considérées comme ayant un pouvoir de supervision si on ne leur a pas dit que ce pouvoir leur avait été conféré et si elles ne l’exercent que de façon ponctuelle.
  85. Ces explications concernant le type et le degré de preuve qui satisfont la charge de la preuve soulignent combien il est important de bien étudier tous les facteurs pertinents pour établir l’existence du statut de personnel d’encadrement et d’évaluer si les éléments de preuve sont suffisamment probants pour démontrer l’existence des critères revendiqués. En conséquence, étant donné que les allégations ayant donné lieu à la plainte ne sont pas étayées et que, dans de nombreux cas, elles sont inexactes, les mesures de réparation demandées par le plaignant ne sont ni appropriées ni nécessaires.
  86. 845. Le gouvernement joint certaines observations formulées en toute indépendance et de leur propre initiative par le United States Council for International Business et la Chambre de commerce américaine. Les observations ont pour but de démontrer que la plainte est dénuée de tout fondement pour les raisons suivantes:
  87. – En vertu des principes du droit international, le comité n’est pas habilité à appliquer les éléments des conventions nos 87 et 98 aux Etats-Unis, lesquels n’ont ratifié ni l’une ni l’autre.
  88. – Les Etats-Unis respectent le principe de la liberté syndicale, et les décisions du NLRB qui font l’objet de la plainte ne restreignent en aucune manière cette liberté.
  89. – Même en vertu des principes de la liberté syndicale, tels qu’ils ont été consacrés par le comité, les décisions du NLRB renforcent le respect du principe de la liberté syndicale car elles permettent de déterminer à quel moment les intérêts d’un employé coïncident véritablement avec ceux d’un employeur. En examinant avec soin, dans chacune des trois affaires Oakwood, le pouvoir d’attribuer des tâches ou d’encadrer des employés de manière responsable et l’indépendance de jugement dont il faut faire preuve, le NLRB ne s’était intéressé qu’aux situations dans lesquelles les employés représentaient véritablement les intérêts des employeurs conformément aux principes de la liberté syndicale; par exemple, le NLRB avait conclu à l’existence d’une fonction d’encadrement seulement quand les tâches étaient attribuées à la seule discrétion du personnel d’encadrement et en fonction des besoins de l’employeur et des qualifications des employés auxquels elles avaient été attribuées; autrement dit, la personne est censée agir dans l’intérêt de l’employeur parce qu’elle fixe les critères d’attribution des tâches. La décision favorise aussi de bonnes relations du travail car elle examine et résout comme il convient le conflit d’intérêts inhérent qui existe quand des travailleurs et les personnes qui les supervisent légitimement font partie du même syndicat.
  90. – Le plaignant n’a pas apporté de preuves concrètes à l’appui de son argumentation selon laquelle les décisions du NLRB ont eu pour effet de priver un grand nombre d’employés du droit de constituer un syndicat, et rien ne permet en fait de conclure que ces décisions ont eu pour effet de priver un subordonné de ses droits de représentation. Le plaignant se fonde sur des données invérifiables et des conjectures pour étayer son argumentation. Il cite un rapport de l’Economic Policy Institute et une publication d’un cabinet d’avocats qui avaient été établis avant que le NLRB n’ait rendu sa décision dans les affaires Oakwood; ces documents étaient donc fondés sur des conjectures quant aux résultats attendus de cette décision et non pas sur l’analyse qui a été effectivement faite de cette affaire; en outre, les brochures de cabinets d’avocats ne peuvent pas être utilisées pour remettre en cause une décision concernant les droits des employés. En effet, d’après une enquête officieuse réalisée par la Chambre de commerce américaine auprès de cabinets d’avocats d’affaires pour déterminer dans quelle mesure certains de leurs clients avaient reclassifié des travailleurs comme personnel d’encadrement en se fondant sur la décision rendue par le NLRB dans l’affaire Oakwood, pas un seul cas de ce type n’a été signalé. Par ailleurs, la référence à des articles de journaux ne constitue pas une preuve de l’incidence effective d’une loi sur les droits des travailleurs. Le fait est que, dans l’année qui a suivi la trilogie d’Oakwood, il n’y a pas aux Etats-Unis eu de changement majeur quant à la manière de déterminer si des travailleurs sont classifiés «personnel d’encadrement». Ainsi, le plaignant n’a pas réussi à présenter un argument crédible selon lequel le principe de la liberté syndicale n’est pas respecté aux Etats-Unis.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 846. Le comité note que le présent cas concerne des allégations selon lesquelles, dans trois décision récentes, le NLRB énonce une nouvelle interprétation élargie de la définition de «personnel d’encadrement» de manière à priver des catégories importantes de travailleurs de la protection du droit d’organisation et de négociation collective en vertu de la NLRA, d’où de graves répercussions sur des dizaines de milliers de travailleurs qui étaient auparavant protégés par la NLRA.
  2. 847. Tout d’abord, notant que le gouvernement réitère son point de vue sur les obligations qui lui incombent en matière de liberté syndicale, le comité rappelle, comme il l’avait fait lorsqu’il avait examiné les cas nos 2227 et 2460 [voir 332e rapport, paragr. 600, et 344e rapport, paragr. 985], que, depuis sa création en 1951, il s’est vu confier la tâche d’examiner les plaintes alléguant l’existence de violations de la liberté syndicale, que le pays concerné ait ratifié ou non les conventions pertinentes de l’OIT. Le mandat du comité n’est pas lié la Déclaration de l’OIT de 1998 – qui a ses propres mécanismes de suivi – mais découle directement des buts et objectifs fondamentaux tels qu’ils sont énoncés dans la Constitution de l’OIT. Le comité rappelle aussi à cet égard que, lorsqu’un Etat décide d’adhérer à l’Organisation internationale du Travail, il s’engage à respecter les principes fondamentaux définis dans la Constitution et dans la Déclaration de Philadelphie, y compris les principes de la liberté syndicale. La responsabilité d’appliquer les principes de la liberté syndicale incombe en dernier ressort au gouvernement. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 15 et 17.]
  3. 848. En l’espèce, le comité note que, en vertu de la NLRA, les employés sont présumés être du «personnel d’encadrement» et sont donc privés de la protection de la loi s’ils sont habilités «au nom de l’employeur, à embaucher, muter, suspendre, mettre à pied, réintégrer, promouvoir, licencier, récompenser ou sanctionner d’autres employés, à leur attribuer des tâches ou à les encadrer d’une manière responsable, ou à régler leurs plaintes, ou à recommander une telle action lorsque, en rapport à ce qui précède, l’exercice d’un tel pouvoir n’est pas simplement de nature routinière ou administrative, mais exige un jugement indépendant» (art. 2(11) de la NLRA). En appliquant cette définition à des cas précis au fil des années, le NLRB, qui est l’organisme fédéral responsable de l’interprétation et de l’application de la NLRA, a, en principe, pris soin de «ne pas donner un sens trop large au statut de personnel d’encadrement parce qu’un employé présumé être un personnel d’encadrement est privé des droits que la loi entend protéger» (Chevron Shipping Co., 317, NLRB, 379, 381). Toutefois, en deux occasions concernant le secteur des soins de santé, la Cour suprême a jugé que le NLRB avait adopté une interprétation trop étroite de l’article 2(11), ce qui n’était pas conforme ni à la lettre ni à l’esprit de la NLRA. Comme le fait observer le plaignant, l’une de ces occasions a été la décision Kentucky River dans laquelle la Cour suprême a infirmé la décision du NLRB selon laquelle les infirmières responsables qui surveillent le travail d’infirmières subalternes et d’infirmières auxiliaires, sans exercer sur elles de pouvoir disciplinaire, ne sont pas du personnel d’encadrement. Ce jugement a largement inspiré les trois décisions du NLRB à l’origine de la présente plainte.
  4. 849. Le comité note à propos des allégations du plaignant que, dans la décision principale à l’origine de la présente plainte (Oakwood Healthcare Inc.), le NLRB a infirmé la décision rendue par une direction régionale du NLRB afin d’élargir la définition de «personnel d’encadrement» et d’exclure ainsi certaines catégories de travailleurs comme les «surveillantes» des dispositions de la NLRA qui garantissent les droits de liberté syndicale. Le comité note en particulier dans les allégations du plaignant que, en vertu de la décision initiale du directeur régional du NLRB, rien ne «prouve» que les surveillantes «aient le pouvoir autonome d’embaucher, promouvoir, rétrograder, mettre à pied, réintégrer, récompenser ou congédier des employés»; elles ne sont donc pas du «personnel d’encadrement au sens où l’entend la loi». Toutefois, conformément à la décision définitive rendue par le NLRB, les surveillantes rentrent dans la définition de personnel d’encadrement énoncée à l’article 2(11) de la NLRA parce que les expressions «attribuer des tâches» et «diriger d’une manière responsable» s’appliquent à elles; l’expression «attribuer des tâches» ne se limite pas à des affectations non transitoires – à un travail particulier, par exemple – ayant une incidence déterminante sur les conditions d’emploi des employés, mais s’entend plutôt «de l’acte d’affecter un employé à un lieu (tel qu’un service ou une aile), d’assigner un quart de travail ou une période supplémentaire à un employé, ou de confier des fonctions générales, ou tâches, à un employé» (Oakwood Healthcare Inc., op. cit., p. 4). Selon le plaignant, dans le contexte des soins de santé, cela inclurait des actes transitoires comme «assigner des patients donnés à des infirmières ou infirmières auxiliaires», même si une telle affectation ne vaut que pour un seul quart de travail. Le NLRB constate également que l’expression «diriger d’une manière responsable» signifie que «[si] une personne à l’atelier a “des subordonnés” et qu’elle décide “du travail à entreprendre ou de la personne qui s’en chargera”, cette personne est un personnel d’encadrement, sous réserve qu’une telle direction soit à la fois “responsable” et le fruit d’un jugement indépendant» (Oakwood Healthcare Inc., op. cit., p. 6). Le NLRB rappelle que ce terme figure dans l’article 2(11) de la NLRA pour que l’exemption prévue à l’article 2(11) s’applique aux individus qui exercent une supervision de base, mais qui n’ont pas le pouvoir ni l’occasion d’exercer les autres fonctions de supervision prévues par la loi – par exemple, lorsque les fonctions promotionnelles, disciplinaires et fonctions semblables sont prises en charge par un service centralisé de ressources humaines.
  5. 850. Le comité note en outre que, dans Golden Crest Healthcare Center et Croft Metals Inc., le NLRB – tout en constatant que, compte tenu des circonstances particulières du cas et de la preuve présentée, les travailleurs concernés ne sont pas du «personnel d’encadrement» – s’étend davantage sur la nature des tâches susceptibles de rentrer dans la définition de «diriger d’une manière responsable» en désignant des actes comme celui de corriger une infirmière auxiliaire lorsqu’elle ne suit pas les procédures requises pour donner un bain à un résident et d’ordonner à des auxiliaires d’exécuter certaines tâches, comme couper les ongles des mains et des pieds des résidents, vider les cathéters ou changer un résident incontinent, ou pour les travailleurs d’une usine, de dire aux employés quels colis charger en premier dans un camion ou quels travaux faire en premier sur une chaîne pour que les commandes soient exécutées et la production achevée en temps opportun.
  6. 851. En outre, le comité note que, selon le plaignant, un employé n’a pas besoin d’être investi à plein temps de ces formes d’autorité, aussi minimes soient-elles, sous réserve d’être ainsi habilité «de façon régulière et substantielle», c’est-à-dire à raison d’au moins 10 à 15 pour cent de son temps de travail. Ainsi, selon le plaignant, un groupe de dix infirmières, chacune occupant à tour de rôle le poste d’infirmière responsable, peuvent toutes, en tant que personnel d’encadrement, être exclues des garanties offertes par la loi.
  7. 852. Le comité note par ailleurs au sujet des allégations du plaignant que, selon la définition nouvellement interprétée de personnel d’encadrement, les employeurs peuvent classifier ou reclassifier «personnel d’encadrement» des employés chargés d’une surveillance minime ou sporadique de collègues, même lorsqu’une telle surveillance a peu de choses à voir avec la gestion ou la supervision effective. Selon le plaignant, cette exclusion a d’énormes répercussions sur les travailleurs qui sont maintenant du «personnel d’encadrement» au sens où l’entend la NLRA. Cette décision est d’autant plus inquiétante que des programmes de valorisation du travail visent à déléguer des responsabilités aux employés en décentralisant le pouvoir – un objectif louable au demeurant. Selon l’opinion dissidente de deux des cinq membres du conseil dans Oakwood Healthcare Inc., la décision aboutit à la création d’une nouvelle catégorie de travailleurs qui n’ont ni les vraies prérogatives de la direction ni les droits accordés par la loi aux simples employés. Selon le plaignant, la décision risque de priver des milliers de travailleurs de la protection de la NLRA, les empêchant ainsi de se syndiquer, de poser leur candidature à un poste de direction syndicale, d’engager des négociations collectives et de jouir de la protection contre les actes de discrimination et d’ingérence de la part de l’employeur, tout cela en violation des articles 2 et 3 de la convention no 87 et des articles 1, 2 et 4 de la convention no 98. Enfin, le comité note que, selon le plaignant, la trilogie d’Oakwood permet à un employeur de faire subir à un syndicat des années de coûteuses poursuites devant le NLRB et les tribunaux pour examiner à la loupe toutes les fonctions et responsabilités de chaque employé que la direction cherche à exclure de l’unité de négociation à titre de «personnel d’encadrement», empêchant ainsi le syndicat de s’engager dans la négociation collective.
  8. 853. Le comité note que la réponse du gouvernement et les observations formulées en toute indépendance par le Council for International Business et la Chambre de commerce américaine sont essentiellement axées sur le fait que le plaignant a exagéré l’impact de la trilogie d’Oakwood et n’a pas réussi à présenter un exposé satisfaisant de la jurisprudence en ce qui concerne les employés qui exercent des fonctions d’encadrement. Pour que le statut de personnel d’encadrement soit conféré, il est nécessaire d’établir que l’une quelconque des 12 fonctions d’encadrement énumérées dans la définition des termes «personnel d’encadrement» énoncée dans la NLRA soit exercée en faisant preuve d’indépendance de jugement et il incombe à l’employeur d’apporter la preuve que ce statut est applicable. En conséquence, même si les employés peuvent être considérés comme remplissant les conditions requises pour être personnel d’encadrement en vertu d’un des 12 critères énoncés à l’article 2(11) de la NLRA, qu’il s’agisse, en particulier, des expressions «attribuer des tâches» et «encadrer de manière responsable», l’employeur doit aussi prouver que ceux-ci agissent en faisant preuve d’«indépendance de jugement» pour qu’ils puissent être exclus de l’unité de négociation et, plus généralement, privés des droits de liberté syndicale garantis en vertu de la NLRA. La nécessité de remplir plusieurs critères sert de garde-fou efficace à l’exclusion inutile d’un grand nombre de catégories de travailleurs. En effet, le gouvernement souligne que, dans l’affaire Oakwood Inc., il a été constaté que, sur les 181 infirmières diplômées, seules 12 remplissaient les conditions requises pour être considérées comme du personnel d’encadrement, tandis que, dans les affaires Golden Crest Healthcare Center et Croft Metals Inc., il a été conclu qu’aucun employé ne remplissait ces conditions. Par ailleurs, un examen de toutes les décisions postérieures à l’affaire Oakwood concernant le statut de personnel d’encadrement au regard de la NLRA montre qu’il n’existe pratiquement aucun cas où les travailleurs se sont trouvés exclus d’une unité de négociation sur la base des définitions établies dans l’affaire Oakwood. D’après une enquête officieuse réalisée par la Chambre de commerce américaine auprès de cabinets d’avocats d’affaires pour savoir dans quelle mesure certains de leurs clients avaient reclassifié des travailleurs comme personnel d’encadrement en se fondant sur la décision rendue par le NLRB dans l’affaire Oakwood, aucun cas de ce type n’a été signalé. Enfin, à la suite des affaires Oakwood, le Conseil général du NLRB a précisé clairement dans un mémorandum daté d’avril 2007 que la charge de la preuve qui incombe à l’employeur est «importante et substantielle». Les affaires elles-mêmes étayent par des exemples la portée des éléments de preuve, qu’il s’agisse de témoignages ou de pièces justificatives, que le conseil examine et le degré d’attention que le conseil apporte dans l’application du critère juridique aux faits de l’espèce, processus qui dépend très largement des faits de la cause.
  9. 854. Le comité rappelle que tous les travailleurs sans distinction d’aucune sorte, y compris sans discrimination tenant à l’occupation, devraient avoir le droit de constituer les organisations de leur choix et de s’y affilier, d’engager des négociations collectives par le canal de ces organisations et de bénéficier d’une protection efficace contre les actes de discrimination antisyndicale et l’ingérence de l’employeur. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 216, 770, 855 et 881.] Concernant les dispositions qui interdisent au personnel d’encadrement de s’affilier à des organisations de travailleurs, le comité estime que les termes «personnel d’encadrement» ne devraient s’appliquer qu’aux seules personnes qui représentent effectivement les intérêts des employeurs. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 248.] Le comité a reconnu auparavant que le fait de limiter le personnel d’encadrement et de direction aux seules personnes qui sont habilitées à nommer ou licencier des employés satisfait à la condition que cette catégorie de personnel ne doit pas être définie en termes trop larges et qu’une référence dans la définition du personnel d’encadrement et de direction à l’exercice d’un contrôle disciplinaire sur les travailleurs peut donner lieu à une interprétation très large qui exclurait un grand nombre de travailleurs des droits accordés aux travailleurs. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 249 et 250.] Tout en prenant dûment note de l’explication fournie par le gouvernement, selon laquelle pour obtenir le statut de supervision, n’importe quelle fonction figurant dans la définition du «personnel d’encadrement» de la NLRA doit être accompagnée par l’exercice de «jugement indépendant», le comité note que certaines situations qui ressortent de l’interprétation de la NLRB dans la trilogie Oakwood impliquent l’autorité de «désigner» ou «diriger de manière responsable».
  10. 855. Tout en observant que l’incidence de la définition des termes «personnel d’encadrement» dans la trilogie d’Oakwood reste à établir, le comité note également les graves préoccupations soulevées par l’organisation plaignante sur le fait que cette définition pourrait aboutir à exclure un grand nombre de catégories de travailleurs des droits accordés aux travailleurs en matière de liberté syndicale et entraîner un blocage du processus de représentation et de négociation collective en raison du plus grand nombre d’appels interjetés par les employeurs aux fins de remettre en cause le statut des employés dans les unités de négociation.
  11. 856. Compte tenu de ce qui précède, le comité demande donc au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires en consultation des partenaires sociaux, pour que l’exclusion susceptible d’être autorisée en vertu de la NLRA soit limitée aux travailleurs représentant effectivement les intérêts des employeurs. Le comité demande à être tenu informé des progrès accomplis à cet égard.
  12. 857. Le comité demande en outre au gouvernement de le tenir informé de l’incidence que la trilogie d’Oakwood pourrait avoir, d’une part, sur des décisions futures se fondant sur l’interprétation de ce qui constitue le pouvoir d’«attribuer des tâches» ou d’«encadrer de manière responsable» et, d’autre part, sur les préoccupations soulevées par l’organisation plaignante concernant le blocage éventuel du processus de représentation et de négociation collective en raison du plus grand nombre d’appels interjetés par les employeurs aux fins de remettre en cause le statut des employés dans les unités de négociation.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 858. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande donc au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires en consultation avec les partenaires sociaux pour que l’exclusion susceptible d’être autorisée en vertu de la NLRA soit limitée aux travailleurs représentant effectivement les intérêts des employeurs. Le comité demande à être tenu informé des progrès accomplis à cet égard.
    • b) Le comité demande en outre au gouvernement de le tenir informé de l’incidence que la trilogie d’Oakwood pourrait avoir, d’une part, sur des décisions futures se fondant sur l’interprétation de ce que constitue le pouvoir d’«attribuer des tâches» ou d’«encadrer de manière responsable» et, d’autre part, sur les préoccupations soulevées par l’organisation plaignante concernant le blocage éventuel du processus de représentation et de négociation collective en raison du plus grand nombre d’appels interjetés par les employeurs aux fins de remettre en cause le statut des employés dans les unités de négociation.
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