Afficher en : Anglais - Espagnol
- 1159. La plainte figure dans une communication de la Confédération syndicale nationale MERIDIAN datée du 22 mai 2006. Des informations complémentaires figurent dans une communication datée du 1er février 2007.
- 1160. Le gouvernement a envoyé ses observations par communication datée du 16 octobre 2006.
- 1161. La Roumanie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 1162. Dans sa communication du 22 mai 2006, l’organisation plaignante allègue que six mineurs, Miron Cozma, Constantin Cretan, Romeo Beja, Dorin Lois, Vasile Lupu et Ionel Ciontu, cinq d’entre eux représentants syndicaux, ont été condamnés à de lourdes peines de prison, malgré les recours entrepris à la Cour suprême. Au moment de la plainte, Miron Cozma, Constantin Cretan, Dorin Lois, Vasile Lupu et Ionel Ciontu étaient emprisonnés dans des conditions parfois dangereuses pour leur santé et leur sécurité.
- 1163. L’organisation plaignante allègue que, dès 1990, face aux plans de restructuration de l’industrie minière, les mineurs ont saisi leurs organisations syndicales pour faire valoir leurs revendications dont les principales étaient la mise en place d’une convention collective, la défense des emplois et des compensations en cas de licenciements par de nouveaux emplois. Un an plus tard, en 1991, les syndicats mineurs ont été amenés à appeler à la grève pour protester contre le non-paiement des salaires. Les syndicats ont obtenu un accord garantissant le paiement et l’augmentation des salaires, et la signature du premier contrat collectif entre syndicats et patronat. Mais les engagements concernant le paiement des salaires n’ont pas été tenus.
- 1164. Selon l’organisation plaignante, en septembre 1991, Miron Cozma, membre de la direction du syndicat des mineurs de la vallée du Jiu, fut mandaté par les syndiqués pour ouvrir des négociations avec le Premier ministre. Après que toutes les tentatives pour ouvrir de vraies négociations ont échoué, les membres du syndicat de la vallée du Jiu ont décidé de manifester à Bucarest, devant le siège du gouvernement. Toutes les déclarations syndicales de l’époque démontrent que le seul objectif de cette action syndicale était l’ouverture de négociations avec le gouvernement. A Bucarest, dès que leurs revendications ont été satisfaites par un protocole signé avec le gouvernement, les mineurs sont retournés chez eux.
- 1165. En 1994 et 1995, Miron Cozma siégea, pour la Roumanie, dans le groupe travailleur aux sessions annuelles de 1994 et 1995 de l’OIT.
- 1166. L’organisation plaignante allègue que Miron Cozma a été arrêté en février 1997, accusé d’«incitation à la subversion du pouvoir d’Etat», accusation muée ensuite en «troubles à l’ordre public», pour avoir été le principal responsable syndical mandaté pour organiser la marche des mineurs à Bucarest en septembre 1991.
- 1167. En 1998, Miron Cozma a été condamné par la cour d’appel de Bucarest à trois ans de prison (dont un an et demi avec sursis), et il a été libéré.
- 1168. Après sa libération en 1998, Miron Cozma fut réélu président du syndicat des mineurs de la vallée du Jiu le 12 décembre 1998. Peu après, le ministre de l’Industrie annonça que deux mines devaient fermer dans la vallée de Jiu. Miron Cozma, comme responsable syndical, fut mandaté pour entrer en négociation avec le ministère.
- 1169. Selon l’organisation plaignante, le 4 janvier 1999, n’ayant obtenu aucune garantie, les syndicats de mineurs de la vallée du Jiu votent la grève avec comme revendication principale l’augmentation du budget des mines. Le 5 janvier 1999, le gouvernement fait savoir que, «face à l’ultimatum des syndicats de la vallée du Jiu, le gouvernement de la Roumanie précise que, dans les conditions de force imposées par les protestataires, il n’y aura aucun dialogue». La grève durera quatorze jours. Pendant toute cette période, le syndicat a essayé de trouver une solution au conflit. N’ayant pas obtenu gain de cause, les mineurs, rassemblés devant le siège de la Société des mines, décidèrent de faire appel à leurs syndicats pour manifester à Bucarest, devant le siège du gouvernement. Les discussions continuent jusqu’au 18 janvier mais, n’aboutissant pas, les mineurs se mettent en route, mandatant leurs représentants syndicaux pour les conduire à Bucarest. A leur arrivée à Tirgu Jiu (ville principale de la région minière de la vallée du Jiu), les mineurs et leurs responsables syndicaux ont de nouveau proposé l’ouverture de négociations avec le gouvernement, mais en vain. A cette époque, parmi les principaux dirigeants syndicaux des mineurs du Jiu et de l’Olténie figurent Miron Cozma, Constantin Cretan, Romeo Beja, Dorin Lois et Ionel Ciontu. Poursuivant leur marche, ils finissent par obtenir l’ouverture de négociations à Cozia.
- 1170. Le 22 janvier 1999, un accord entre les représentants syndicaux et le gouvernement, connu sous le nom «d’accord de Cozia», est conclu par la signature d’un protocole en trois parties. L’accord, dont l’un des signataires au plan syndical est Miron Cozma, garantit qu’aucune sanction ne sera prononcée contre les mineurs et les responsables syndicaux, que les deux mines de la vallée du Jiu ne seront pas fermées, et que des subventions et investissements nécessaires au maintien d’une activité minière durable dans la région seront versés.
- 1171. Cependant, l’organisation plaignante allègue que début février 1999, constatant que ces garanties n’étaient pas mises en œuvre, les mineurs et leur organisation syndicale décidèrent le 9 février de marcher de nouveau vers Bucarest. Le 15 février 1999, soit six jours plus tard, la Cour suprême rendit son verdict suite à l’accusation lancée contre Miron Cozma concernant les événements de 1991. Il est condamné à dix-huit ans de prison. Cette condamnation faisait suite à la contestation par le procureur auprès de la Cour suprême, de la peine de trois ans de prison dont dix-huit mois avec sursis prononcée en 1997.
- 1172. Fin février 1999, Miron Cozma, arrêté pendant les manifestations syndicales, est renvoyé en prison. Une nouvelle procédure judiciaire est engagée peu après concernant cette fois-ci les manifestations syndicales de janvier 1999.
- 1173. Le 12 décembre 2003, un nouveau procès est jugé par la cour d’appel concernant les manifestations syndicales de janvier 1999. Miron Cozma y est condamné à dix ans de prison, et Constantin Cretan, Romeo Beja, Dorin Lois, Vasile Lupu, Ionel Ciontu à cinq ans de prison. L’organisation plaignante souligne que les articles ayant servi de base à la condamnation des responsables syndicaux ont été intégrés dans le Code pénal pendant la période de la dictature de Ceausescu et ont été maintenus après 1989. Cela concerne, entre autres, l’article sur «l’instigation à saper le pouvoir d’Etat» (art. 69/162), et l’article sur le «non-respect du contrat de travail» (article qui interdisait, de facto, le droit de grève pendant le régime de Ceausescu).
- 1174. Un recours est déposé auprès de la Cour suprême, devenue ensuite la Haute Cour de cassation et justice, qui, après plusieurs reports (voir ci-dessous), rend une décision finale le 28 septembre 2005, confirmant les condamnations à des peines de prison ferme.
- 1175. La première séance du procès de la Haute Cour pour les événements de janvier 1999 a eu lieu le 5 juillet 2004. Le 15 octobre 2004, à la même Haute Cour se tient une nouvelle séance du procès dans lequel est jugé le recours introduit contre les condamnations pour avoir «sapé le pouvoir de l’Etat». Selon l’organisation plaignante, après quelques minutes de délibération, l’équipe des trois juges a décidé le report du jugement pour la date du 10 décembre pour manque à la procédure dans la cause civile.
- 1176. Le 15 décembre 2004, suite aux élections présidentielles, le président Illiescu prononce une grâce présidentielle en faveur d’une cinquantaine de détenus dont Miron Cozma. Le 16 décembre 2004, Miron Cozma est libéré de prison par décret présidentiel.
- 1177. Il est arrêté le 17 décembre en présence de son fils, par la police de Timisoara «parce qu’il n’a pas de papiers d’identité sur lui». Le soir même, il est embarqué dans un avion de ligne et il est emmené à Bucarest pour «répondre aux questions du parquet dans le cadre d’une affaire de crime organisé dans laquelle son nom a été mentionné». Le temps de l’entrée en vigueur de la révocation de la grâce, décidée par l’ex-président Illiescu, Miron Cozma put être de nouveau incarcéré.
- 1178. Le 14 juin 2005, le tribunal de Craiova décide de revenir sur la révocation de la grâce présidentielle de décembre 2004 et prononce la libération de Miron Cozma, qui vient de passer six nouveaux mois en détention.
- 1179. Selon l’organisation plaignante, après sa libération prononcée le 14 juin 2005, Miron Cozma est interdit de séjour et de passage à Bucarest et à Petrosani, la grande ville minière, cela pour une durée de dix-sept ans. Il lui est strictement interdit de se présenter et d’être élu à n’importe quel poste de responsabilité syndicale (avec une mention spéciale concernant l’organisation syndicale dont il était membre), à tout poste de fonction politique et à toute dignité publique. Il est privé de ses droits parentaux, en vertu de l’accusation de «crime contre l’Etat».
- 1180. Le 12 septembre 2005 commence un nouveau procès des six syndicalistes mineurs (Miron Cozma, Constantin Cretan, Romeo Beja, Dorin Lois, Vasile Lupu et Ionel Ciontu) à Bucarest, devant la Haute Cour. Le verdict tombe le 28 septembre 2005: la Haute Cour a rejeté l’appel de Miron Cozma et a confirmé la condamnation de 2003 à dix ans de prison pour «subversion au pouvoir d’Etat», et elle condamne Constantin Cretan, Romeo Beja, Dorin Lois, Vasile Lupu et Ionel Ciontu à cinq ans de prison chacun. L’ensemble des accusés, à l’exception de Romeo Beja (réfugié à l’étranger), sont arrêtés et emprisonnés dans les heures qui suivent.
- 1181. Depuis, Miron Cozma, Constantin Cretan, Dorin Lois, Vasile Lupu et Ionel Ciontu sont emprisonnés en Roumanie pour de longues années, dans des conditions où leur santé et leur sécurité ne peuvent être garanties.
- 1182. L’organisation plaignante ajoute que Miron Cozma a exécuté, entre 1997 et 1998, puis entre 1999 et 2005, une partie d’une peine de dix-huit ans. En vertu des lois en vigueur en Roumanie, Cozma doit exécuter encore deux ans de prison. Les autres mineurs emprisonnés, Constantin Cretan, Ionel Ciontu, Dorin Lois et Vasile Lupu, doivent exécuter cinq ans de prison ferme. Romeo Beja, condamné par contumace, serait à l’étranger selon les informations de la presse roumaine.
- 1183. Miron Cozma est emprisonné à Timisoara (ouest de Roumanie). En début d’année 2006, sa demande de libération conditionnelle (approuvée par toutes les instances judiciaires) a été rejetée par une cour d’appel. D’éminents spécialistes en droit ont considéré ce refus comme illégal. Toutefois, Cozma pourra faire une nouvelle demande de libération conditionnelle en juin 2006.
- 1184. Ionel Ciontu, Dorin Lois et Vasile Lupu sont incarcérés dans une prison de haute sécurité non loin de Petrosani, dans la vallée du Jiu. Ciontu et Lois ont cependant été détenus très longuement à Bucarest, pour être entendus dans une enquête interminable sur les événements de 1990, événements pour lesquels aucun des responsables syndicaux n’est poursuivi. Ceci empêchant leurs familles, dans une situation matérielle très difficile, de leur rendre visite.
- 1185. Constantin Cretan, dirigeant syndical du bassin minier de l’Olténie, est emprisonné au pénitencier de Tirgu Jiu. Il a demandé une suspension d’exécution de sa peine pour des raisons médicales (les médecins ont constaté qu’il souffre de plusieurs affections cardiovasculaires, des suites d’un accident survenu dans la prison où il s’est cassé le tendon d’Achille et d’un grave glaucome à un œil). Bien que le tribunal de Tirgu Jiu ait dans un premier temps décidé sa libération temporaire, il s’est finalement autodéclaré «incompétent de juger un tel cas». Une nouvelle séance de la cour d’appel de Craiova doit décider de son sort le 22 mai 2006.
- 1186. Finalement, le plaignant allègue que le 24 mars 2005, alors que Miron Cozma était toujours incarcéré à Bucarest, une émission a diffusé sur la chaîne de télévision OTV le témoignage d’un ancien codétenu affirmant qu’un officier du SIPA (Service indépendant de protection et anticorruption, service dépendant du ministère de la Justice) lui avait demandé de liquider Miron Cozma en échange de certains avantages personnels. Ces informations ont été reprises par certains médias roumains, comme la Gazeta Valea Jiului (journal de la vallée du Jiu, 25 mars 2005).
- 1187. Selon l’organisation plaignante, les arrestations, condamnations et emprisonnement dont ont été et sont victimes les responsables syndicaux Miron Cozma, Constantin Cretan, Romeo Beja, Dorin Lois, Vasile Lupu et Ionel Ciontu ont tous été opérés dans le cadre de l’exercice de leur mandat et de leurs activités syndicales, mandat et activités décidés sur la base d’un vote collectif du Conseil de coordination de la ligue des syndicats de mineurs de la vallée du Jiu (LSMVJ) et de l’organisation syndicale des mineurs du bassin de l’Olténie. Ceci constitue une limitation au libre exercice du droit syndical et du droit des organisations, tels qu’ils sont garantis par la convention no 87 à son article 3. De même que la privation des droits civiques et parentaux et l’interdiction d’exercer une fonction syndicale prononcées à l’encontre de Miron Cozma constituent une limitation des droits garantis dans cet article de la convention no 87.
- 1188. L’organisation plaignante souligne le fait que, depuis près de dix ans, des procès ainsi que les reports des procédures judiciaires – reports qui constituent une forme d’intimidation à leur encontre – contre des responsables syndicaux pour avoir exercé le mandat confié par leurs syndiqués ont porté préjudice à l’activité syndicale, en particulier dans le domaine de l’industrie minière, secteur d’activité économique essentiel dans l’économie roumaine.
- 1189. Compte tenu de ce qui précède, la Confédération syndicale nationale MERIDAN demande que le gouvernement roumain prenne les mesures immédiates pour que ces syndicalistes soient libérés et recouvrent pleinement leurs droits.
- 1190. Dans une communication du 1er février 2007, l’organisation plaignante allègue que le 11 janvier 2007 la famille et les collègues de Ionel Ciontu, emprisonné depuis seize mois, apprennent par la presse son décès à l’hôpital de la prison de Jilava (Bucarest), suite à de graves problèmes de santé. Le chef de la prison de Barcea Mare (dans le département de Hunedoara, à 400 km au nord-ouest de Bucarest) a déclaré à l’agence Mediafax que ce responsable syndical avait été transféré mercredi 10 janvier au matin, par ambulance, à l’hôpital du pénitencier de Jilava. Sa veuve a indiqué que les autorités pénitentiaires ne livreront les résultats de l’autopsie que 45 jours après celle-ci.
- 1191. Il y a un an, dans l’hebdomadaire Replica, édition des 19-25 janvier 2006, Ionel Ciontu continuait à clamer son innocence: «Je suis un détenu politique. Dans la phase des poursuites judiciaires (c’est-à-dire avant son arrestation – NDLR), le procureur Sasarman m’a donné quatre variantes à ma disposition: «enfoncer Cozma», démissionner du syndicat, partir à la retraite ou entrer au Parti démocrate (le parti du président Basescu – NDLR). Dans mon dossier, il n’y a eu aucune déclaration contre moi. Pourtant, j’ai été condamné.»
- B. Réponse du gouvernement
- 1192. Dans une communication du 16 octobre 2006, le gouvernement rappelle que la Constitution de la Roumanie prévoit que «la loi établit les conditions et les limites de l’exercice de ce droit, aussi bien que les garanties nécessaires en vue d’assurer les services essentiels pour la société». L’exercice des autres droits et libertés, y compris de la liberté de réunion, se réalise toujours dans les conditions fixées par la Constitution et la loi. De même, la convention no 87 stipule que, «lors de l’exercice des droits reconnus par cette convention, les travailleurs, les employeurs et leurs syndicats sont tenus, aussi bien que d’autres personnes ou collectivités organisées, de respecter la légalité». Le contrôle de la légalité dans une société démocratique est effectué par les instances.
- 1193. Le gouvernement rappelle que la loi no 168/1999 sur la solution des conflits de travail règle de manière détaillée la procédure et les conditions dans lesquelles peut être déclenchée une grève, faute de quoi la grève peut être déclarée comme illégale ou peut être suspendue par l’instance. La loi établit également qu’une déclaration de grève par les organisateurs violant les conditions prévues par la loi représente une infraction qui est sanctionnée par emprisonnement de trois à six mois ou par amende, si le fait ne remplit pas les éléments d’une infraction pour laquelle la loi pénale prévoit une sanction plus grave.
- 1194. Conformément aux provisions de l’article 223 de la loi no 53/2003 – le Code du travail, avec les amendements et complétions ultérieures: 1) Les représentants élus dans les organismes de direction des syndicats sont protégés par la loi contre toute forme de conditionnement, contrainte ou limitation dans l’exercice de leurs fonctions. 2) Pendant toute la durée de l’exercice de leur mandat, ainsi que pendant deux ans à partir du moment de la cessation de leur mandat, les représentants élus dans les organismes de direction des syndicats ne peuvent pas être congédiés pour des raisons indépendantes de l’employé, faute d’un niveau professionnel qui n’est pas conforme aux exigences ou pour des raisons liées à l’accomplissement du mandat qui leur a été confié par les employés de l’entreprise. 3) D’autres mesures de protection pour les dirigeants syndicaux sont prévues dans des lois spéciales et dans les contrats de travail en vigueur.
- 1195. La loi des syndicats no 54/2003 prévoit également à son article 10(2) que la modification ou/et l’annulation des contrats individuels de travail, tant des représentants élus dans les organismes de direction des syndicats que de leurs membres, de l’initiative de l’employeur et pour des raisons concernant l’activité syndicale, sont interdites.
- 1196. Les dirigeants syndicaux mentionnés par l’organisation plaignante ont été condamnés par la Haute Cour pour l’infraction prévue par l’article 162 du Code pénal: «saper le pouvoir d’Etat». Le gouvernement rappelle que l’instance en question est la seule compétente à établir les circonstances où les faits ont été commis et à administrer les preuves nécessaires pour dévoiler la vérité.
- 1197. Le ministère public (le parquet auprès la Haute Cour de cassation et justice), qui a compétence en cette matière, a remis au gouvernement les informations suivantes: le 26 mars 1997, par le réquisitoire no 57/P/Sp/1992 du parquet auprès de la Haute Cour de cassation et justice – la Section de poursuites pénales et criminelles, l’inculpé Miron Cozma a été déféré en justice en état d’arrestation préventive, pour avoir commis les infractions prévues à l’article 162 du Code pénal (saper le pouvoir d’Etat), à l’article 274 du Code pénal, à l’article 275 du Code pénal, à l’article 276 du Code pénal (infractions contre la sécurité de la circulation par chemin de fer), par l’application des dispositions de l’article 31 du Code pénal (participation impropre), ainsi que pour l’infraction prévue à l’article 279 du Code pénal (non-respect du régime des armes et munitions).
- 1198. Le contenu de l’acte de réclamation a retenu le fait que, du 24 au 28 septembre 1991, Miron Cozma a causé le développement d’actions violentes par de nombreux groupes de mineurs contre le Parlement, le gouvernement et l’institution présidentielle, capables d’affaiblir le pouvoir d’Etat, ainsi que pour contraindre le personnel des Chemins de fer roumains à accomplir d’une manière défectueuse ses attributions de travail et quitter les lieux de travail, ce qui a entraîné la perturbation de l’activité de transport sur les chemins de fer et de nombreuses destructions des installations de sécurité. De même, Miron Cozma, en les circonstances ci-dessus mentionnées, a été trouvé en possession illégale d’un pistolet et de munitions y afférentes.
- 1199. Dans le dossier no 69/P/1999 du parquet auprès de la Haute Cour de cassation et justice – la Section de poursuites pénales et criminelles, l’inculpé Miron Cozma a été déféré en justice pour avoir commis les infractions prévues à l’article 25 du Code pénal, à l’article 271 du Code pénal (instigation au non-respect des décisions judiciaires), à l’article 321 du Code pénal (outrage contre les bonnes mœurs et la perturbation de l’ordre et de la tranquillité publics) et à l’article 323 du Code pénal (association pour commettre des infractions). Par l’intermédiaire du même réquisitoire, ont été également renvoyés pour être jugés les inculpés Lois Dorin Mihai, Beja Romeo, Casapu Sterian (pour Ionel Ciontu et Vasile Lupu, etc., la solution de la non-poursuite pénale a été adoptée).
- 1200. Selon le gouvernement, les inculpés ont été trouvés responsables d’avoir représenté un groupe ayant pour but de commettre des infractions, Miron Cozma étant celui qui a déterminé les mineurs et les leaders syndicaux de la LSMVJ (Ligue des syndicats des mineurs de Valea Jiului) à s’opposer, par violence et menaces, à l’exécution de la décision pénale no 486/1999 de la Cour suprême de justice, par laquelle il a été condamné à une peine de dix-huit mois d’emprisonnement, à cause des actions et manifestations qui ont gravement perturbé l’ordre et la tranquillité publics.
- 1201. Les deux réquisitoires ont été soumis au contrôle judiciaire, étant confirmés en instance par une décision définitive.
- 1202. Au cours de 2004-2006, le parquet auprès de la Haute Cour de cassation et justice n’a remis aux médias qu’un seul communiqué daté du 17 décembre 2004 (suite à la libération de Miron Cozma) qui portait sur sa surveillance en prison.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 1203. Le comité reconnaît le contexte mouvementé dans lequel ont eu lieu les événements faisant l’objet de ce cas.
- 1204. Le comité note que la plainte allègue que plusieurs responsables syndicaux ont été arrêtés à plusieurs reprises au motif d’incitation à la subversion du pouvoir d’Etat et de troubles à l’ordre public, alors qu’ils exerçaient des activités syndicales légitimes en rapport avec la défense des travailleurs et des grèves dans un contexte de fermeture de sites miniers. Les dirigeants en question ont été condamnés en septembre 2005, l’un à dix ans de prison, les cinq autres à cinq ans de prison.
- 1205. Le comité note la plainte détaillée soumise par la Confédération syndicale nationale MERIDIAN qui soulève plusieurs questions concernant: 1) l’obligation de négocier de bonne foi et le respect des engagements pris; 2) l’exercice du droit de grève; 3) l’emprisonnement de dirigeants syndicaux suite à des décisions judiciaires; 4) la procédure judiciaire suivie; 5) le non-respect de certaines libertés individuelles. Le comité note la gravité des allégations de l’organisation plaignante et le fait qu’elle allègue que les dirigeants syndicaux, Miron Cozma, Constantin Cretan, Dorin Lois, Vasile Lupu et Ionel Ciontu sont toujours emprisonnés.
- 1206. Le comité prend également note des observations du gouvernement. Celles-ci concernent les dispositions législatives applicables et le comité prend note que de nouvelles lois et dispositions ont été adoptées depuis les événements de 1991 et 1999. Le gouvernement décrit ensuite le processus judiciaire quant aux syndicalistes mentionnés dans la plainte. Le gouvernement énumère le contenu de l’acte de réclamations de 1997 concernant la grève de 1991 (violations de plusieurs articles du Code pénal; actions violentes de mineurs contre le Parlement, le gouvernement et l’institution présidentielle capables d’affaiblir le pouvoir d’Etat, ainsi que visant à contraindre le personnel des Chemins de fer roumains à accomplir d’une manière défectueuse ses attributions de travail et quitter les lieux de travail, entraînant la perturbation de l’activité de transport sur les chemins de fer et de nombreuses destructions des installations de sécurité; possession illégale de pistolet et minutions par Miron Cozma). Le second acte d’accusation à l’encontre de Cozma et, entre autres, Dorin Mihai Lois, Romeo Beja, Ionel Ciontu et Vasile Lupu, à la suite de la grève de 1999, concernait quant à lui plusieurs infractions au Code pénal (instigation au non-respect des décisions judiciaires, outrage contre les bonnes mœurs et la perturbation de l’ordre et de la tranquillité publics, association pour commettre des infractions).
- 1207. Le comité considère que, là où des personnes sont condamnées pour des raisons sans rapport avec l’exercice des droits syndicaux, la question échappe à sa compétence. Il a cependant souligné que le point de savoir si une telle question relève du droit pénal ou de l’exercice des droits syndicaux ne saurait être tranché unilatéralement par le gouvernement intéressé, mais que c’est au comité qu’il appartient de se prononcer à ce sujet, après examen de toutes les informations disponibles et, surtout, du texte du jugement. Par ailleurs, le comité a insisté sur le fait que, lorsqu’il demande à un gouvernement de lui communiquer le résultat de procédures judiciaires, une telle demande n’implique absolument aucun jugement quant à l’intégrité et à l’indépendance du pouvoir judiciaire. L’essence même de la procédure judiciaire est que ses résultats sont connus, et la conviction que l’on acquiert de son impartialité repose sur cette publicité. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 114 et 113.]
- 1208. Le comité note que, selon les allégations de l’organisation plaignante, les diverses inculpations dans cette affaire seraient liées aux activités syndicales de Miron Cozma, Constantin Cretan, Romeo Beja, Dorin Lois, Vasile Lupu et Ionel Ciontu et aux grèves de 1991 et de 1999. Ces inculpations et l’emprisonnement qui a suivi auraient eu lieu, en partie du moins, en raison de l’exercice du droit de grève. Le comité tient à rappeler en premier lieu l’importance fondamentale qu’il attache au droit des travailleurs de recourir à la grève. Selon le comité, le droit de grève ne devrait pas être restreint aux seuls différends de travail susceptibles de déboucher sur une convention collective particulière: les travailleurs et leurs organisations doivent pouvoir manifester, le cas échéant, dans un cadre plus large leur mécontentement éventuel sur des questions économiques et sociales touchant aux intérêts de leurs membres. Par ailleurs, les autorités ne devraient pas recourir aux mesures d’arrestation et d’emprisonnement en cas d’organisation ou de participation à une grève pacifique, et de telles mesures comportent de graves risques d’abus et de sérieux dangers pour la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 531.] Le comité considère que les demandes donnant lieu aux grèves en question
- – la grève de 1991 était liée au non-paiement des salaires et celle de 1999 à la fermeture de deux usines – représentent des intérêts légitimes qu’une organisation syndicale devrait pouvoir défendre. Cependant, pour être légale, une grève doit être pacifique, et le comité note que le gouvernement fait référence à la possession d’armes par Miron Cozma et à la violence des manifestations. Si le comité est d’avis que des allégations de comportement criminel ne doivent pas être utilisées pour harceler des syndicalistes à cause de leur affiliation ou de leurs activités syndicales [voir Recueil, op. cit., paragr. 41], le comité rappelle que les principes de la liberté syndicale ne protègent pas les abus dans l’exercice du droit de grève qui constituent des actions de caractère délictueux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 667.]
- 1209. Le comité est préoccupé par le fait que le gouvernement ne donne pas davantage d’explications quant aux événements décrits dans la plainte et se limite à citer l’acte d’accusation concernant des infractions au Code pénal ayant donné lieu à l’incarcération actuelle des dirigeants syndicaux qui fait l’objet de la plainte. Par ailleurs, le comité note la divergence entre les versions des faits transmises par l’organisation plaignante et par le gouvernement: l’organisation plaignante insiste sur le fait que l’arrestation de février 1999 faisait suite à des manifestations syndicales alors que le gouvernement relate que l’arrestation faisait suite à des infractions commises en protestation à la condamnation de Cozma à dix-huit ans de prison. Par ailleurs, selon l’organisation plaignante, les articles ayant servi de base à la condamnation des responsables syndicaux ont été intégrés dans le Code pénal pendant la période de la dictature de Ceausescu et ont été maintenus après 1989 (article sur «l’instigation à saper le pouvoir d’Etat» et article sur le «non-respect du contrat de travail» interdisant, de facto, le droit de grève pendant le régime de Ceausescu). En tout état de cause, le comité estime que, même si les arrestations faisaient suite à une manifestation concernant la peine de dix-huit ans imposée à Miron Cozma pour ses activités syndicales, en particulier la marche des mineurs sur Bucarest en 1991, de telles actions devraient être considérées légitimes sauf si elles deviennent violentes. Tout en notant que le gouvernement fait état d’outrage contre les bonnes mœurs et perturbation de l’ordre et de la tranquillité publics, ainsi que d’association pour commettre des infractions, le comité est particulièrement préoccupé de la sévérité de la peine de dix et cinq ans de prison.
- 1210. Dans ces circonstances, le comité considère qu’il nécessite davantage d’informations afin de comprendre la nature exacte des actes condamnés. Le comité prie le gouvernement de soumettre davantage d’informations concernant l’inculpation de 1999 afin de lui permettre d’établir les faits en toute connaissance de cause. En particulier, le comité prie le gouvernement de lui fournir copie de tout jugement rendu concernant l’affaire en instance ainsi que de lui fournir, lorsqu’ils seront rendus, les jugements concernant la suspension d’exécution de la peine de Constantin Cretan pour raisons médicales ainsi que ceux concernant toute demande de libération conditionnelle.
- 1211. Par ailleurs, le comité est préoccupé par les arrestations successives de Miron Cozma (en 1997, 1999, 2004 et 2005), ainsi que par les arrestations des autres dirigeants syndicaux et, en ce qui concerne la grève de 1991, par le lancement tardif (six ans plus tard) d’un procès concernant un événement qui a lieu à un moment particulièrement mouvementé de l’histoire du pays. Le comité est également préoccupé par le fait qu’ayant fait l’objet d’une amnistie pour les faits de 1991 Miron Cozma s’est trouvé arrêté immédiatement après sa libération avec une décision de révocation de grâce, décision ultérieurement annulée par un tribunal. Par ailleurs, le comité est préoccupé par le retrait d’un certain nombre de ses droits fondamentaux. La perte de droits fondamentaux, comme l’interdiction de séjour et de passage à Bucarest et à Petrosani, la grande ville minière, pour une durée de dix-sept ans et l’interdiction de se présenter et d’être élu à n’importe quel poste de responsabilité syndicale (avec une mention spéciale concernant l’organisation syndicale dont il était membre), à tout poste de fonction politique et à toute dignité publique, ne pouvant être justifiée que sur une base pénale sans aucun lien avec des activités syndicales est d’une importance à sévèrement mettre en question l’intégrité de la personne concernée. Le comité rappelle que la politique de tout gouvernement doit veiller à assurer le respect des droits de l’homme et spécialement le droit qu’a toute personne détenue ou inculpée de bénéficier des garanties d’une procédure judiciaire régulière engagée le plus rapidement possible. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 100.] De plus, le comité est particulièrement préoccupé par l’allégation de l’organisation plaignante quant aux propos du procureur Sasarman qui aurait donné quatre variantes à la disposition de Ionel Ciontu avant son arrestation: «enfoncer Cozma», démissionner du syndicat, partir à la retraite ou entrer au Parti démocrate (le parti du président). Le comité prie le gouvernement d’ouvrir une enquête afin de vérifier l’exactitude de cette allégation et de le tenir informé à cet égard. Le comité demande également au gouvernement d’ouvrir une enquête indépendante afin de déterminer si une procédure régulière a bien été respectée en ce qui concerne tous les inculpés et de revoir les interdictions imposées à Miron Cozma et, si l’enquête conclut qu’il y a eu discrimination antisyndicale, le comité prie le gouvernement de prendre des mesures en vue de leur libération immédiate. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 1212. Le comité note en outre que, selon les allégations de l’organisation plaignante, de nombreuses tentatives ont été entreprises à de nombreuses reprises afin de résoudre les conflits de travail dans le secteur minier et ouvrir le dialogue avec le gouvernement, et ces tentatives ont soit échoué soit le gouvernement n’a pas entièrement respecté les accords conclus. Le comité rappelle qu’employeurs et syndicats doivent négocier de bonne foi en s’efforçant d’arriver à un accord et que des relations professionnelles satisfaisantes dépendent essentiellement de l’attitude qu’adoptent les parties l’une à l’égard de l’autre et de leur confiance réciproque. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 936.] En outre, notant que les accords ne sembleraient pas toujours avoir été respectés, le comité souligne l’importance du principe en vertu duquel les accords doivent être obligatoires pour les parties. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 939.] Le comité prie le gouvernement de s’assurer que ces principes sont respectés dans l’avenir.
- 1213. Le comité note que les allégations font état de complot d’assassinat envers Miron Cozma et rappelle le principe général selon lequel les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 44.] Le comité demande au gouvernement d’ouvrir une enquête quant à la véracité de cette allégation et de le tenir informé des résultats à cet égard.
- 1214. Finalement, en ce qui concerne le décès de Ionel Ciontu à l’hôpital de la prison de Jilava, à Bucarest, le comité note que les résultats de l’autopsie n’ont pas encore été rendus et prie le gouvernement de les lui communiquer dès que possible.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 1215. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Vu les divergences entre les allégations du plaignant et la réponse du gouvernement, le comité prie le gouvernement de soumettre davantage d’informations concernant l’inculpation de 1999 afin de lui permettre d’établir les faits en toute connaissance de cause. En particulier, le comité prie le gouvernement de lui fournir copie de tout jugement rendu concernant l’affaire en instance ainsi que de lui fournir, lorsqu’ils seront rendus, les jugements concernant la suspension d’exécution de la peine de Constantin Cretan pour raisons médicales ainsi que ceux concernant toute demande de libération conditionnelle.
- b) Concernant les allégations d’irrégularité dans les procédures judiciaires, le comité prie le gouvernement d’ouvrir une enquête indépendante afin de déterminer si une procédure régulière a bien été respectée en ce qui concerne tous les inculpés et de revoir les interdictions imposées à Miron Cozma. Si l’enquête conclut qu’il y a eu discrimination antisyndicale, le comité prie le gouvernement de prendre des mesures afin d’assurer leur libération immédiate. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- c) Concernant l’allégation quant aux propos du procureur envers Ionel Ciontu, le comité prie le gouvernement d’ouvrir une enquête afin de vérifier l’exactitude de cette allégation et de le tenir informé.
- d) Le comité prie le gouvernement de s’assurer que les principes concernant le respect de l’obligation de négociation de bonne foi sont respectés dans l’avenir.
- e) Concernant l’allégation de complot d’assassinat contre Miron Cozma, le comité demande au gouvernement d’ouvrir une enquête quant à la véracité de cette allégation et de le tenir informé des résultats à cet égard.
- f) Concernant le décès de Ionel Ciontu à l’hôpital de la prison de Jilava à Bucarest, le comité prie le gouvernement de lui communiquer les résultats de l’autopsie dès que possible.