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- 1097. La plainte figure dans une communication du 28 février 2006 du Syndicat autonome indépendant (NSZZ) Solidarnosc. Dans une communication du 10 mars 2006, l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA) a appuyé la plainte.
- 1098. Le gouvernement a transmis ses observations dans une communication en date du 6 octobre 2006.
- 1099. La Pologne a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant- 1100. Dans sa communication en date du 28 février 2006, NSZZ Solidarnosc fait état d’ingérences dans les affaires internes d’un syndicat et de licenciements antisyndicaux dans deux entreprises privées (d’une part UPC Poland Ltd, succursale d’UPC Holding Services BV (Pays-Bas), qui appartient à Liberty Media Holding (Etats-Unis), et d’autre part Frito Lay Poland Ltd, succursale de PepsiCo International, New York (Etats-Unis)). L’organisation plaignante fait aussi état de la lenteur des actions en justice intentées pour des violations alléguées des droits au travail.
- 1101. D’une façon générale, l’organisation plaignante présente la procédure d’établissement d’un syndicat et indique que la législation polonaise garantit une protection contre les licenciements antisyndicaux. Conformément à l’article 12 de la loi de 1991 sur les syndicats, un syndicat est formé en vertu d’une résolution adoptée par au moins dix personnes ayant le droit d’établir un syndicat. Pour acquérir la personnalité juridique, le syndicat doit être inscrit sur les registres du tribunal national. Toutefois, les unités organisationnelles (par exemple les syndicats au niveau d’une entreprise) sont enregistrées dans les structures régionales de NSZZ Solidarnosc. Une fois que l’employeur a été informé de l’établissement d’un syndicat dans une entreprise, le président du syndicat jouit d’une protection contre le licenciement. L’article 32 de la loi susmentionnée interdit à l’employeur de licencier un dirigeant syndical sans l’accord du comité du syndicat en place dans l’entreprise. En vertu des articles 12, 32 et 35 de la même loi, tout employeur qui commet un acte de discrimination antisyndicale est passible d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement. L’organisation plaignante estime que la législation susmentionnée est conforme aux normes internationales du travail mais que, dans la pratique, les droits syndicaux continuent d’être enfreints. Elle affirme dans les allégations qu’elle soumet que les directions respectives des deux entreprises en question ont porté atteinte à la liberté d’association.
- UPC Poland Ltd
- 1102. M. Marcin Kielbasa, le dirigeant du syndicat au niveau de l’entreprise (NSZZ Solidarnosc), travaille à UPC Poland Ltd (succursale de Varsovie) depuis le 1er avril 1995. Le 1er juin 2004, il a été promu au poste de directeur par intérim des services techniques et d’installation pour une période d’essai de trois mois. Après une évaluation positive à l’issue de cette période, il a été confirmé à son poste.
- 1103. En juillet 2004, sous la conduite de M. Kielbasa, les salariés de l’entreprise ont décidé d’établir au niveau de l’entreprise un syndicat de NSZZ Solidarnosc. L’employeur en a été informé par un courrier du 15 septembre 2004. Deux semaines après avoir été informé, l’employeur a invité les représentants de NSZZ Solidarnosc (M. Kielbasa et M. Krzysztof Zgoda, directeur du département de l’organisation de la Commission nationale de NSZZ Solidarnosc) à une réunion prévue pour le 5 octobre 2004 pour discuter de leur «coopération ultérieure».
- 1104. Toutefois, le jour de la réunion, M. Kielbasa a été informé de son licenciement au motif de changements structurels et de la suppression de son poste. L’employeur a aussi remis en question la légalité de l’établissement du syndicat. Il a affirmé que la direction de l’entreprise n’en avait pas été dûment informée, et qu’il fallait fournir les documents nécessaires – extrait du registre où le syndicat est inscrit, indication du nombre et des noms des membres du syndicat.
- 1105. NSZZ Solidarnosc estime que le président du syndicat établi à UPC Poland Ltd a été licencié en raison de son affiliation et de ses activités syndicales. Le plaignant affirme que le licenciement de M. Kielbasa est illicite puisqu’il a été effectué sans l’accord du syndicat au niveau de l’entreprise, contrairement à ce que dispose la législation polonaise. De plus, le plaignant considère que les initiatives de la direction de l’entreprise témoignent d’une politique hostile au syndicat et visent à éliminer tout mouvement syndical dans l’entreprise.
- 1106. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle les documents nécessaires n’ont pas été transmis à la direction de l’entreprise pour l’informer de l’existence du syndicat, le plaignant estime que toutes les conditions requises par la loi sur les syndicats ont été remplies. Alors que cette loi n’oblige pas le syndicat à fournir ces documents, NSZZ Solidarnosc a transmis à l’employeur des informations concernant l’enregistrement du syndicat en question dans la structure régionale de NSZZ Solidarnosc et le nombre de ses membres. Par conséquent, depuis lors, la personne qui représente le syndicat a droit à la protection contre le licenciement.
- 1107. Le 7 octobre 2004, NSZZ Solidarnosc a saisi l’Inspection nationale du travail à propos de l’inexécution du contrat de travail de M. Kielbasa. Dans son avis en date du 19 novembre 2004, l’inspection a appuyé pleinement l’argument selon lequel le licenciement était illicite. Selon l’inspection, M. Kielbasa, en tant que représentant syndical, bénéficiait de la protection que la législation du travail prévoit dans ce cas. UPC Poland Ltd a été condamnée à une amende pour avoir enfreint la loi. Toutefois, le plaignant considère que les amendes infligées par l’inspection sont très modérées et que, de ce fait, elles n’entraînent que des désagréments mineurs pour l’employeur et font qu’il lui est relativement facile de se débarrasser d’un syndicaliste.
- 1108. Le 11 octobre 2004, NSZZ Solidarnosc a déposé une plainte devant le bureau du procureur public régional dans laquelle il accuse l’employeur de discrimination antisyndicale. Le 6 décembre 2004, le procureur public régional a refusé d’entamer des poursuites au motif que, eu égard aux faits, ni l’article 35 de la loi sur les syndicats (discrimination antisyndicale) ni l’article 218 du Code pénal (violation des droits des travailleurs) n’avaient été enfreints. Le 5 janvier 2005, M. Kielbasa a contesté cette décision mais il a été débouté de son appel le 15 juin 2005.
- 1109. En novembre 2004, l’inspection régionale du travail a intenté aussi des poursuites contre l’employeur pour inexécution du contrat de travail en violation de l’article 281(3) du Code du travail.
- 1110. Le 6 octobre 2004, M. Kielbasa avait saisi le tribunal du travail du district de Varsovie afin d’obtenir la réintégration à son poste. Le 13 octobre 2005, cette instance a décidé de transmettre le cas au tribunal régional du travail à Varsovie. Au moment de la plainte, il n’a pas été fixé de date pour l’audience. Le plaignant estime qu’elle n’aura pas lieu avant juin 2006.
- 1111. Le plaignant estime que l’excessive lenteur des actions intentées devant les tribunaux polonais, en particulier pour les cas de licenciements antisyndicaux, constitue en soi un déni de justice et porte atteinte au principe de la liberté d’association. Malgré les recommandations récentes du Comité de la liberté syndicale dans les cas nos 2395 et 2291, qui faisaient aussi état de la lenteur d’actions en justice, le gouvernement et les institutions polonaises ne se sont pas attaqués à ce problème.
- 1112. Le 4 novembre 2004, NSZZ Solidarnosc a demandé au directeur de la communication d’UPC Holding Services BV aux Pays-Bas de rétablir le dialogue social à UPC Poland Ltd. Dans sa réponse, l’entreprise a indiqué que le courrier du syndicat avait été transmis à la direction compétente d’UPC Poland Ltd en Pologne et que cette dernière prendrait contact avec NSZZ Solidarnosc. Malgré les demandes ultérieures de NSZZ Solidarnosc, il n’y a pas eu d’autre réponse d’UPC.
- Frito Lay Poland Ltd
- 1113. Le plaignant précise que Frito Lay Poland Ltd (PepsiCo International) occupe quelque 400 personnes, dont 171 étaient membres du syndicat dans l’entreprise au 30 septembre 2005. Il souligne que cette usine a enfreint à maintes reprises les droits des travailleurs. Le 18 octobre 2004, l’Inspection nationale du travail a constaté plusieurs violations de ces droits – heures supplémentaires non rémunérées, infractions aux dispositions sur le temps de travail et sur la sécurité et la santé.
- 1114. Le plaignant indique que depuis fin 2004 M. Slawomir Zagrajek, le dirigeant de NSZZ Solidarnosc à Frito Lay Poland Ltd, intervient activement dans un différend concernant des allégations de harcèlement sexuel. Fin 2004, trois femmes occupées par l’entreprise auraient été victimes de harcèlement de la part de l’un des dirigeants de l’entreprise; cinq témoins ont été forcés de démissionner de leurs fonctions sous la menace d’un licenciement disciplinaire ou ont été licenciés. M. Zagrajek a immédiatement entamé des procédures pour obtenir la réintégration des travailleurs licenciés, et intenté des poursuites pénales contre le dirigeant en question. Le cas a eu un large écho dans les médias. En janvier 2005, NSZZ Solidarnosc a organisé une action internationale de solidarité à laquelle se sont jointes entre autres la Confédération internationale des syndicats libres, l’UITA et la Fédération européenne des syndicats des secteurs de l’alimentation, de l’agriculture et du tourisme.
- 1115. Le 9 décembre 2005, le journal populaire polonais Super Express a publié un article («Comment être payé à ne rien faire») diffamatoire à l’encontre de M. Zagrajek. Le journal affirmait que le syndicat en place à Frito Lay Poland Ltd comptait moins de membres que ce que déclarait le président du syndicat, et que ce dernier trompait délibérément l’employeur afin de percevoir une rémunération correspondant à une activité à temps plein. Le même jour, la direction de l’entreprise a demandé à chacun des membres du comité du syndicat de NSZZ Solidarnosc au niveau de l’entreprise de communiquer le nombre des membres du syndicat.
- 1116. Le 12 décembre 2005, des travailleurs de l’entreprise ont été invités à se rendre dans une pièce où il leur a été demandé de remplir un questionnaire sur leur affiliation syndicale. Il était facile de les identifier: avant d’entrer, ils devaient présenter un document d’identité et signer une liste. Ensuite, en présence de deux personnes, ils ont rempli des formulaires comportant la question «Etiez-vous le 30 septembre 2005 membre du syndicat au niveau de l’entreprise?». Aucune disposition n’avait été prise pour garantir la confidentialité et l’anonymat. Le fait que ces deux personnes étaient des hommes de loi engagés par l’employeur a accru la tension et le manque de sécurité. Le plaignant estime que, faute de confidentialité, la plupart des membres du syndicat ont répondu négativement à la question susmentionnée.
- 1117. Ayant considéré que le syndicat comptait bien moins de membres que ce qu’il déclarait, l’entreprise a accusé M. Zagrajek de le tromper et l’a licencié. Deux semaines après le licenciement de ce dernier, le syndicat ne comptait plus que 60 membres. Le plaignant estime que ce licenciement est illicite et qu’il a été effectué sans l’accord du comité du syndicat.
- 1118. Le 13 janvier 2006, une lettre préremplie a été distribuée aux travailleurs. Elle comportait les mentions: «Je déclare ne pas me considérer comme membre du syndicat» et «Par conséquent, si pour quelque raison que ce soit le syndicat de NSZZ Solidarnosc au niveau de l’entreprise me considère toujours comme membre, j’exprime le souhait par la présente de ne plus en être membre à compter d’aujourd’hui». La lettre devait être signée puis retournée à la direction dans un délai de cinq jours.
- 1119. Le plaignant estime que les mesures prises par l’employeur pour vérifier l’affiliation au syndicat visaient clairement à intimider les travailleurs et sont contraires à la législation en vigueur. A ce sujet, il indique que la loi sur les syndicats permet de s’adresser au tribunal pour vérifier sur ses registres, dans le cadre d’une procédure non contentieuse, le nombre des membres d’un syndicat en place dans une entreprise. A la suite des mesures prises par l’employeur, le nombre des membres du syndicat est tombé en deux semaines de 170 à 60.
- 1120. Le plaignant ajoute que la direction de l’entreprise continue d’enfreindre la liberté d’association en persistant dans son refus de dialoguer avec M. Zagrajek, alors que ce dernier continue de présider le syndicat. De plus, l’employeur dit qu’il ne rencontrera NSZZ Solidarnosc que si M. Zagrajek n’assiste pas à ces réunions.
- 1121. En conclusion, le plaignant affirme que ni le gouvernement ni une institution publique n’a encore sanctionné les mesures prises par les directions respectives d’UPC Poland Ltd et de Frito Lay Poland Ltd. L’extrême lenteur de la justice rend impossible l’exercice du droit d’obtenir une réparation effective pour des actes de discrimination antisyndicale. Pendant ces actions en justice, qui durent en moyenne trois ans, les syndicalistes licenciés ne reçoivent pas d’aide financière ou juridique, ni de la part de l’employeur ni d’une institution publique. Les cas en question (climat antisyndical dans l’entreprise, attitude hostile à l’encontre des travailleurs qui cherchent à s’organiser, discrimination antisyndicale, graves atermoiements des actions en justice visant la réintégration de travailleurs licenciés illicitement, absence d’aide aux syndicalistes licenciés lorsque l’employeur a recouru à ces licenciements pour éliminer des syndicats en place dans l’entreprise) menacent gravement l’exercice des droits garantis par la convention no 98. Le plaignant estime essentiel que le gouvernement veille à la protection effective du droit d’association et à l’application des normes de l’OIT. Plus particulièrement, il faut d’urgence faire face au problème répandu des employeurs qui ne respectent pas la réglementation protégeant les contrats de travail des dirigeants syndicaux, et à la lenteur excessive des actions en justice intentées dans des affaires concernant les droits au travail. Les cas de discrimination antisyndicale devraient être examinés de près par la Commission tripartite polonaise. Le gouvernement devrait inciter les organisations d’employeurs à prendre clairement position et à adopter des mesures pour lutter à l’échelle de l’entreprise contre la discrimination antisyndicale.
- B. Réponse du gouvernement
- 1122. Dans sa communication du 6 octobre 2006, le gouvernement apporte les renseignements suivants sur la protection que la législation polonaise garantit aux dirigeants syndicaux. L’article 32 de la loi de 1991 sur les syndicats protège spécifiquement la relation de travail de ces dirigeants. Sans l’accord du comité du syndicat au niveau de l’entreprise, l’employeur ne peut pas mettre unilatéralement un terme à la relation de travail ou modifier défavorablement les conditions d’emploi d’un salarié qui a été désigné représentant syndical. Cette protection prend effet dès que l’employeur a été informé de l’établissement d’un syndicat et de la désignation de son représentant. Le nombre des salariés bénéficiant de la protection dépend du degré de représentativité de l’organisation. La protection couvre aussi les membres du comité fondateur de l’organisation au niveau de l’entreprise (trois personnes au maximum) dont les noms figurent dans une résolution du comité fondateur. Dans le cas où le syndicat au niveau de l’entreprise n’aurait pas indiqué le nom des personnes jouissant de la protection, cette dernière s’applique au président du syndicat ou au président du comité fondateur.
- UPC Poland Ltd
- 1123. Le gouvernement indique que le cas du licenciement de M. Kielbasa d’UPC Poland Ltd a été entendu les 20 octobre et 6 novembre 2004 par la présidence de la Commission tripartite des affaires sociales et économiques. A la suite des discussions, le président de cette commission a demandé à l’Inspection nationale du travail d’enquêter. Il ressort des conclusions de l’enquête que l’employeur a notifié le 5 octobre 2004 à M. Kielbasa son licenciement avec un préavis de trois mois au motif de restructurations entraînant la suppression de son poste. L’employeur a évoqué l’article 10(1) de la loi du 13 mars 2003 sur les principes de la cessation de la relation de travail, pour des raisons non imputables au salarié. Cela étant, l’employeur a notifié le licenciement alors que M. Krzysztof Zgoda, membre de la présidence de NSZZ Solidarnosc, avait informé le président d’UPC Cable Television Ltd de la création d’un syndicat et du fait que M. Kielbasa en avait été nommé représentant. Malgré le fait que cette dernière information avait été transmise à l’employeur par un membre de la présidence de la Commission nationale de NSZZ Solidarnosc et non par le comité fondateur du syndicat au niveau de l’entreprise, comme le prévoit la législation en vigueur, l’inspecteur du travail a estimé que l’information adressée à l’employeur était effective. Considérant que le licenciement était illicite, l’inspecteur du travail a demandé à l’employeur de faire le nécessaire. Dans le même temps, il a été demandé au tribunal de sanctionner l’infraction commise au regard de l’article 281(3) du Code du travail (atteinte grave à la législation du travail). L’inspection du travail a aussi indiqué que M. Kielbasa a exercé son droit de contester le licenciement devant le tribunal du travail.
- 1124. Par ailleurs, le 18 octobre 2004, le bureau du procureur du district de Varsovie Mokotow a reçu les informations soumises au bureau du procureur du district de Lublin Sud par le secrétaire du comité régional Centre-Est de NSZZ Solidarnosc. Ces informations faisaient état du licenciement illicite de M. Kielbasa, qui occupait le poste de responsable des services techniques et d’installation. Selon le plaignant, le licenciement de M. Kielbasa n’a été communiqué à aucun moment au comité du syndicat en place dans l’entreprise. Ce licenciement contrevient donc à l’article 35(1), alinéas 1 à 3, de la loi sur les syndicats.
- 1125. Le bureau du procureur du district de Varsovie Mokotow a examiné la question et établi ce qui suit. En juillet 2004, les salariés d’UPC Poland Ltd ont créé une organisation syndicale qui a été enregistrée le 24 juillet 2004 auprès du comité régional Centre-Est de NSZZ Solidarnosc. M. Kielbasa en a été élu président. Le 15 septembre 2004, l’employeur en a été informé par la Commission nationale de NSZZ Solidarnosc. L’inscription du syndicat de NSZZ Solidarnosc au niveau de l’entreprise sur les registres du tribunal national n’était pas obligatoire étant donné que, conformément à la réglementation en vigueur et aux statuts de NSZZ Solidarnosc, l’enregistrement par le comité régional de NSZZ Solidarnosc suffit. Selon les documents soumis par UPC Poland Ltd, des réformes structurelles et organisationnelles étaient prévues pour 2004 afin de donner suite à la décision de fournir des services de téléphonie numérique. A cet égard, la nécessité de supprimer les postes de directeurs régionaux et de responsables de service et d’installation avait été envisagée. Le 22 septembre 2004, l’entreprise a adressé un courrier à MM. Kielbasa et Zgoda pour leur faire savoir que le courrier du syndicat en date du 15 septembre 2004, communiqué par fax à la direction, ne satisfaisait pas aux formalités requises. L’entreprise demandait donc au syndicat de communiquer les documents confirmant sa création dans l’entreprise et indiquant le nom de son représentant. Dans des lettres des 23 et 30 septembre 2004, l’employeur a réitéré sa demande. Selon l’employeur, ces documents n’ont jamais été fournis. A la réunion qui s’est tenue le 5 octobre 2004, M. Zgoda a dit à l’employeur que les documents demandés concernaient les affaires internes du syndicat. UPC Poland Ltd a donc consulté les registres du tribunal national à Varsovie, Lublin et Gdansk. Le syndicat ne figurait sur aucun de ces registres. Ces initiatives de l’employeur étaient justifiées par le fait que, dans le cadre des réformes organisationnelles d’UPC Poland Ltd, le conseil d’administration de l’entreprise envisageait d’appliquer la décision qu’il avait prise précédemment de licencier M. Kielbasa au motif de la réorganisation de la division technique et opérationnelle d’UPC. Entre-temps, c’est-à-dire de septembre à octobre 2004, pour le même motif, 30 salariés d’UPC ont été licenciés et les conditions d’emploi de 280 salariés ont été modifiées. Eu égard à ces faits, le bureau du procureur régional du district de Varsovie Mokotow a refusé d’intenter une action en justice contre UPC Poland Ltd. Le procureur a estimé que l’action du conseil d’administration d’UPC ne comportait pas d’éléments illicites puisqu’elle ne se caractérisait ni par des actes de malveillance ni par des atteintes persistantes à la législation du travail. Il a été aussi indiqué qu’aucun élément ne démontrait que le conseil d’administration avait pris des mesures discriminatoires à l’encontre du salarié en raison de son affiliation syndicale, ou que le conseil d’administration entravait les activités syndicales.
- 1126. La partie qui s’estime lésée, M. Kielbasa, a contesté dans les délais prévus par la loi la décision susmentionnée au motif qu’elle comportait des erreurs factuelles et qu’elle n’expliquait pas toutes les circonstances importantes pour le cas. Le plaignant affirme en particulier qu’on a conclu de façon erronée qu’après le 1er juin 2004 il occupait le poste de responsable de service et d’installation. En fait, depuis le 1er septembre 2004, il occupait au siège à Varsovie un poste qui n’avait d’analogue que l’intitulé – responsable des services techniques et d’installation – et qui ne devait pas être supprimé, contrairement aux postes de responsables de service et d’installation. De plus, selon M. Kielbasa, le procureur régional a conclu à tort qu’UPC Poland Ltd n’avait pas reçu du syndicat les documents nécessaires informant de la création d’un syndicat et indiquant le nom de la personne dont l’emploi serait protégé en vertu de la législation. Le plaignant affirme que les documents nécessaires ont été adressés et que seule la liste nominale des membres du syndicat n’a pas été communiquée. Pour corroborer cette information, le plaignant joint copie du fax que le secrétaire du comité régional Centre-Est de NSZZ Solidarnosc a envoyé à UPC le 1er octobre 2004.
- 1127. Le procureur régional de Varsovie n’a pas donné suite à la plainte et, par une lettre du 16 mars 2005, il l’a transmise au tribunal pour que celui-ci s’en saisisse. En vertu d’une sentence du 17 juin 2005, le tribunal du district de Varsovie Mokotow (troisième chambre pénale) n’a pas tenu compte de la plainte et a maintenu la décision en vigueur.
- 1128. Le procureur d’appel de Varsovie, en vertu de ses facultés de supervision, a examiné les dossiers du procureur régional de Varsovie Mokotow sur le cas en question. Le procureur d’appel a estimé que, bien que la décision du procureur régional ait été maintenue par le tribunal, sa légitimité était sujette à caution, en particulier parce que la décision a été prise prématurément, sans que n’aient été expliquées toutes les circonstances importantes ayant trait à l’action en justice. Après examen des documents réunis dans le cadre de la supervision, le procureur d’appel a décidé qu’une enquête préliminaire devait être menée afin de déterminer si le licenciement de M. Kielbasa, président du syndicat dans l’entreprise et salarié dont l’emploi était protégé par la législation, constituait une discrimination antisyndicale. Compte tenu de ces éléments, le procureur d’appel a énoncé des principes directeurs et demandé au procureur du district d’entamer immédiatement une enquête préliminaire.
- 1129. Le 6 juin 2006, à la demande du procureur du district de Varsovie Mokotow, le commissariat de police de Varsovie II a entamé une enquête préliminaire sur des infractions alléguées à l’article 35(1), alinéa 3, de la loi sur les syndicats (discrimination antisyndicale) et à l’article 218, alinéa 1, du Code pénal (actes de malveillance ayant porté atteinte aux droits d’un salarié). Actuellement, la police continue de réunir des documents et interroge des témoins.
- Frito Lay Poland Ltd
- 1130. A propos du licenciement de M. Slawomir Zagrajek, président du syndicat en place à Frito Lay Poland Ltd, le gouvernement indique ce qui suit. Le 28 décembre 2005, le bureau du procureur du district de Grodzisk Mazowiecki a reçu de la Fondation d’Helsinki pour les droits de l’homme une communication indiquant que la direction de Frito Lay Poland Ltd entravait les activités du syndicat et enfreignait les dispositions de la loi sur la protection des données personnelles. M. Zagrajek a porté aussi plainte pour les mêmes motifs. Selon son témoignage, entre le 9 et le 12 décembre 2005, les dirigeants de Frito Lay Poland Ltd ont distribué aux salariés un questionnaire sur leur affiliation syndicale. Ces derniers l’ont rempli en présence de deux personnes, dont un notaire. Craignant des mesures répressives, beaucoup ont indiqué dans le formulaire n’être affiliés à aucun syndicat. M. Zagrajek a joint à sa plainte les déclarations des personnes qui, par crainte de mesures répressives de l’employeur, ont répondu négativement aux questions. Sur la base des réponses réunies par l’entreprise, M. Zagrajek a été licencié pour avoir donné de fausses informations sur le nombre réel des membres du syndicat. Compte tenu des éléments susmentionnés, le procureur du district de Grodzisk Mazowiecki a demandé au commissariat de police de cette ville d’entamer l’enquête correspondante.
- 1131. En vertu de la décision du 12 janvier 2006 du vice-procureur du district de Varsovie, afin d’éviter l’accusation de manque d’objectivité formulée par le procureur du district de Grodzisk Mazowiecki, le cas a été renvoyé au procureur du district de Varsovie Ochota. Ce dernier mène actuellement l’enquête. Pour déterminer le nombre des membres de NSZZ Solidarnosc à Frito Lay Poland Ltd, le procureur a adressé à la section régionale de NSZZ Solidarnosc une demande d’information sur l’enregistrement de son syndicat au niveau de l’entreprise. Une demande d’information a aussi été adressée au trésorier du syndicat à Frito Lay Poland Ltd afin d’établir sur la base des cotisations versées le nombre des membres du syndicat.
- 1132. Le 19 décembre 2005, M. Ron Oswald, le secrétaire général de l’UITA, a adressé une lettre au Premier ministre dans laquelle il présente la situation à Frito Lay Poland Ltd du point de vue des salariés et lui demande d’intervenir pour prévenir les actes antisyndicaux. Le Premier ministre a saisi du cas le ministre du Travail et de la Politique sociale, lequel l’a examiné et a demandé à l’Inspection nationale du travail de s’assurer que Frito Lay Poland Ltd respectait la législation du travail. Il ressort des conclusions de l’enquête de l’inspection que, dans une lettre du 9 décembre 2005, la direction de Frito Lay Poland Ltd a informé le syndicat en place dans l’entreprise de son intention de licencier M. Zagrajek, président du syndicat, et a demandé au syndicat d’approuver le licenciement. Dans une lettre en date du 11 décembre 2005, le comité du syndicat a fait connaître son refus à l’employeur. Le 14 décembre 2005, l’employeur, malgré ce refus, a adressé à M. Zagrajek une lettre l’informant de son licenciement sans préavis, conformément à l’article 52(1) du Code du travail. La lettre donnait les motifs suivants: M. Zagrajek avait trompé l’entreprise en ce qui concernait le nombre réel des membres du syndicat; il avait donc abusé du droit d’être déchargé de ses fonctions puisqu’il n’avait pas adapté le degré de décharge au nombre des membres du syndicat et avait perçu ainsi un salaire excessif.
- 1133. Le gouvernement indique que seul le tribunal du travail peut se prononcer sur la légitimité de la cessation du contrat de travail. Toutefois, l’Inspection nationale du travail a dit au ministre du Travail qu’elle continuerait de s’assurer du respect par Frito Lay Poland Ltd de la législation du travail. Etant donné que le procureur du district de Grodzisk Mazowiecki avait entamé l’action en justice correspondante, le ministre du Travail a aussi prié le ministre de la Justice d’y donner priorité.
- 1134. Dans le même temps, le ministre du Travail s’est adressé au voïvode de Mazowsze pour que, en tant que président de la Commission du dialogue social de la voïvodie, il s’occupe de la question dans le cadre de la commission. La présidence de cette commission a examiné les 2 mars, 11 mai et 14 juillet 2006 le cas de Frito Lay Poland Ltd. Le 11 mai, la présidence a entendu les représentants de la direction de Frito Lay Poland Ltd et des syndicats de l’entreprise: NSZZ Solidarnosc et la Confédération du travail OPZZ. La présidence a décidé que M. Jerzy Zielinski, en tant que représentant du Club du centre d’affaires (syndicat d’employeurs à la commission), se rendrait dans l’usine à Grodzisk. Les conclusions de cette visite ont été présentées à la réunion de la présidence le 14 juillet 2006.
- 1135. Le gouvernement indique que le ministre du Travail, au sujet des allégations de violations des droits syndicaux à UPC Poland Ltd et à Frito Lay Poland Ltd, a recouru à tous les moyens juridiques prévus par la législation nationale. Conformément à la recommandation du BIT, le ministre du Travail a aussi demandé à la Confédération polonaise Lewiatan des employeurs privés de formuler des observations sur les allégations soumises par NSZZ Solidarnosc. Ces observations sont jointes à la réponse du gouvernement.
- 1136. En conclusion, le gouvernement indique que les deux cas sont actuellement examinés par les tribunaux, qui sont indépendants. Le gouvernement exprime à cette occasion l’espoir que le respect des droits syndicaux en Pologne s’améliorera avec l’adoption de l’accord national social qu’il négocie actuellement avec les partenaires sociaux.
- 1137. Dans sa réponse du 23 mai 2006, la Confédération polonaise des employeurs privés indique avoir consulté UPC Poland Ltd et Frito Lay Poland Ltd. A propos de la première entreprise, une procédure est en cours devant le tribunal du travail.
- 1138. Quant à Frito Lay Poland Ltd, la confédération estime que la législation en vigueur ne prévoit pas de méthode directe pour vérifier les informations fournies par le syndicat en ce qui concerne les obligations de l’employeur découlant de la loi de 1991 sur les syndicats. Seul le législateur peut corriger cette lacune. La confédération envisage de demander à la commission parlementaire compétente de modifier dans ce sens la législation en vigueur.
- 1139. Pour ce qui est des éléments du présent cas, la confédération indique que depuis de nombreuses années NSZZ Solidarnosc affirmait compter plus de 150 membres. Cela avait obligé l’employeur à décharger de ses fonctions le président du comité syndical tout en lui versant une rémunération complète. Toutefois, à plusieurs reprises, il avait été porté à l’attention de la direction que le nombre des membres du syndicat était exagéré et que le syndicat ne représentait que quelques dizaines de travailleurs. N’ayant pu vérifier la véracité de cette information, la direction avait préféré ne pas agir.
- 1140. A la suite de la publication le 9 décembre 2005 d’un article dans le journal Super Express révélant que M. Slawomir Zagrajek, le président du syndicat NSZZ Solidarnosc en place dans l’entreprise, avait été reconnu coupable dans le passé de falsification de documents et licencié de ses deux emplois précédents, l’employeur a décidé d’agir. La rédaction de Super Express a informé l’entreprise que M. Zagrajek n’avait ni demandé que l’article fasse l’objet d’un démenti ni intenté des poursuites au civil contre le journal. Une fois rendu public le fait que M. Zagrajek était accusé d’avoir obtenu une rémunération fondée sur de fausses déclarations et d’avoir exagéré le nombre des membres du syndicat, l’employeur a demandé au comité du syndicat de répondre à ce sujet et de l’aider à déterminer le nombre véritable des membres du syndicat. Le comité a refusé en arguant qu’il était tenu de garantir la confidentialité des informations relatives aux membres du syndicat.
- 1141. L’employeur a demandé plusieurs fois à l’organisation régionale du syndicat de l’aider à résoudre le conflit et a continuellement tenu informé par courrier de son action le comité de NSZZ Solidarnosc de la région de Mazowsze. L’employeur a aussi téléphoné à de multiples reprises aux représentants des organisations régionales et nationales de NSZZ Solidarnosc pour leur proposer de résoudre ensemble le problème. Il déplore que ceux-ci aient constamment refusé de collaborer.
- 1142. Le 28 décembre 2005, Frito Lay Poland Ltd a adressé un courrier officiel à M. Ron Oswald, le secrétaire général de l’UITA, pour lui expliquer les tenants et les aboutissants du conflit et le tenir au courant de l’évolution de la situation. L’employeur n’a pas reçu de réponse à cette lettre. Selon la Confédération polonaise des employeurs, M. Oswald a adressé une lettre au président du Conseil des ministres mais ni M. Oswald ni un autre représentant de l’UITA n’ont pris contact avec l’employeur pour évaluer les faits et se faire ainsi une opinion.
- 1143. Frito Lay Poland Ltd souligne que la procédure de vérification du nombre des membres du syndicat a eu un caractère confidentiel, que les salariés avaient été libres de s’y soumettre et que le notaire local, c’est-à-dire une personne investie de la confiance publique, et son assistant l’avaient supervisée. Ces modalités ne visaient pas à révéler l’identité des membres du syndicat mais à en établir le nombre total. Chaque salarié a pu répondre anonymement au questionnaire et indiquer s’il était membre ou non du syndicat, c’est-à-dire sans donner son identité. Le seul moment où ils l’ont donnée, c’est lorsqu’ils ont pris le questionnaire, c’est-à-dire immédiatement avant d’entrer dans la pièce où la vérification a eu lieu. En effet, il était nécessaire de vérifier leur identité à ce moment pour empêcher que d’autres personnes n’entrent et qu’un salarié ne prenne plusieurs questionnaires. Aucun représentant de l’employeur n’était présent. L’agencement et les dimensions de la pièce permettaient de remplir le questionnaire sans être vu. Après avoir rempli le questionnaire, les salariés l’ont déposé dans une boîte. La participation à la procédure de vérification était facultative. Aucun des salariés n’y était obligé et, de fait, plusieurs ne sont pas venus; 387 des 418 salariés de l’entreprise ont volontairement pris part à la procédure. Six seulement ont indiqué qu’ils étaient membres du syndicat. Il ne faisait donc aucun doute que le nombre des membres du syndicat était sensiblement inférieur à ce que M. Zagrajek déclarait. Trois semaines après seulement, le résultat de l’enquête a été confirmé par une autre déclaration du comité du syndicat dans l’entreprise, qui a été communiquée à l’employeur le 8 janvier 2006. Selon cette déclaration, au 31 décembre 2005, le syndicat comptait 70 membres et non 171 comme il avait été indiqué précédemment. Compte tenu de cela, l’employeur a licencié pour des raisons disciplinaires la personne qui avait violé constamment la loi et obtenu de l’employeur une rémunération fondée sur de fausses informations. En outre, le 20 décembre 2005, l’employeur a signalé les infractions de M. Zagrajek à l’article 286(1) du Code pénal et à l’article 271(1) du Code de procédure pénale.
- 1144. L’employeur souligne que ses nombreuses propositions d’examen du cas avec les représentants de NSZZ Solidarnosc ont été repoussées. L’employeur avait aussi invité ces personnes à se rendre dans l’entreprise au moment de la procédure susmentionnée de vérification afin qu’elles puissent constater d’elles-mêmes le caractère pleinement facultatif, confidentiel et licite de la procédure. Malheureusement, le syndicat a décliné l’invitation.
- 1145. L’employeur indique en outre que M. Zagrajek n’a pas été réélu à ses fonctions syndicales aux élections de mars 2006. Actuellement, les relations entre le comité dans l’entreprise de NSZZ Solidarnosc et la direction de Frito Lay Poland Ltd sont positives. Le nouveau comité du syndicat se réunit régulièrement avec la direction. Les dernières réunions ont eu lieu les 14 et 31 mars 2006. A cette occasion, les parties ont décidé des règles de collaboration entre les syndicats et la direction. Elles ont aussi décidé de l’affectation du fonds social et discuté des modalités de collecte des cotisations syndicales.
- 1146. En mars 2006, un autre syndicat a été créé dans l’entreprise. Les deux syndicats sont traités sur un pied d’égalité et participent de façon équitable à la solution des problèmes qui concernent les salariés. Le syndicat dans l’entreprise de NSZZ Solidarnosc compte actuellement 42 membres. Leur identité n’a pas été révélée à l’employeur. L’autre syndicat en compte 38, et les cotisations syndicales sont versées par l’employeur sur le compte bancaire du syndicat.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 1147. Le comité note que le présent cas porte sur des violations alléguées de la liberté d’association par les directions respectives de deux entreprises privées (UPC Poland Ltd et Frito Lay Poland Ltd): ingérences dans les affaires d’un syndicat et licenciements antisyndicaux. Le plaignant évoque aussi l’excessive lenteur des actions en justice intentées à la suite de plaintes faisant état de violations des droits syndicaux.
- 1148. Au sujet de la situation à UPC Poland Ltd, le comité note que le gouvernement ne conteste pas sur le fond les allégations telles que présentées par le plaignant, lesquelles peuvent être résumées comme suit. M. Marcin Kielbasa, dirigeant du syndicat en place dans l’entreprise, a été licencié en octobre 2004. Le plaignant affirme que ce licenciement est dû aux activités syndicales de cette personne, et l’employeur qu’il est lié aux réformes structurelles et organisationnelles de l’entreprise. Le comité note aussi que, alors que l’Inspection nationale du travail a conclu que le licenciement était illicite, étant donné que le comité du syndicat en place dans l’entreprise ne l’avait pas approuvé préalablement comme le prévoit la législation, le bureau du procureur public régional a refusé de donner suite à la plainte du syndicat et d’entamer l’action en justice correspondante. De l’avis du procureur, le licenciement découlait de la restructuration de l’entreprise. Le syndicat a contesté la décision du procureur régional et la plainte a été renvoyée au tribunal de district, lequel a maintenu la décision du procureur régional. M. Kielbasa a intenté des poursuites devant le tribunal du travail en octobre 2004. Toutefois, à ce jour, il n’a pas encore été fixé de date pour l’audience. Le comité prend note de l’allégation du plaignant selon laquelle, alors qu’une amende pour infraction à la législation du travail a été infligée à l’employeur à la suite d’une enquête menée par l’inspection du travail, d’une manière générale ces amendes sont relativement modérées et font qu’il est facile pour un employeur de licencier un dirigeant syndical. Le comité prend note de l’indication du gouvernement, à savoir que le procureur d’appel de Varsovie a examiné les dossiers du procureur public régional relatifs au cas et estimé que, bien que la décision du procureur public régional ait été maintenue par le tribunal, sa légitimité était sujette à caution. Le procureur d’appel a donc demandé au procureur de district compétent d’examiner le cas de plus près. Le 6 juin 2006, l’enquête préliminaire a commencé.
- 1149. En ce qui concerne la situation à Frito Lay Poland Ltd, le plaignant indique que M. Slawomir Zagrajek, dirigeant du syndicat en place dans l’entreprise, a été accusé par l’employeur de donner intentionnellement de fausses informations à la direction de l’entreprise quant au nombre des membres du syndicat, puis a été licencié sans l’accord du comité du syndicat. Le plaignant indique en outre que les données individuelles des travailleurs sur leur affiliation au syndicat, sur la base desquelles l’employeur a décidé de licencier M. Zagrajek, n’ont pas été réunies dans des conditions de confidentialité (le 12 décembre 2005, les travailleurs ont été priés de remplir un questionnaire sur leur affiliation au syndicat en présence de deux personnes qui représentaient l’employeur). Cela a eu un effet dissuasif sur les membres du syndicat. De plus, le 13 janvier 2006, il a été distribué aux salariés de l’entreprise une lettre préremplie attestant leur non-affiliation au syndicat. La lettre devait être signée puis retournée à la direction de l’entreprise. Selon le plaignant, ces actes d’intimidation ont fait que le nombre des membres du syndicat est passé de 170 à 60 en deux semaines.
- 1150. Le comité note que dans ce cas non plus le gouvernement ne conteste pas sur le fond les allégations mais qu’il indique que seul le tribunal du travail est compétent pour se prononcer sur le caractère licite du licenciement de M. Zagrajek. Le comité prend note également des observations de la Confédération polonaise Lewiatan des employeurs privés, lesquelles comprennent la position de la direction de Frito Lay Poland Ltd, à savoir que cette entreprise n’a pas enfreint la législation du travail, que la procédure de vérification de l’affiliation au syndicat était facultative et anonyme, et que cette procédure découlait des doutes légitimes que suscitaient les affirmations de M. Zagrajek quant au nombre des membres du syndicat. Le comité note aussi que la Confédération polonaise des employeurs privés se dit préoccupée par le fait que la législation en vigueur ne prévoit pas de moyens pour établir le nombre des membres d’un syndicat.
- 1151. Le comité prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle l’Inspection nationale du travail a dit au ministre du Travail qu’elle continuerait de s’assurer de l’application par Frito Lay Poland Ltd des dispositions pertinentes de la législation du travail. Etant donné que le procureur du district de Grodzisk Mazowiecki a intenté une action en justice en ce qui concerne le respect des droits syndicaux à Frito Lay Poland Ltd, le ministre du Travail a demandé aussi au ministre de la Justice d’y donner priorité. Le comité prend aussi note de l’indication du gouvernement selon laquelle le ministre du Travail s’est adressé au voïvode de Mazowsze pour que, en tant que président de la Commission du dialogue social de la voïvodie, il s’occupe de la question dans le cadre de la commission. La présidence de la Commission du dialogue social de la voïvodie a examiné le cas de Frito Lay Poland Ltd les 2 mars, 11 mai et 14 juillet 2006. A ces occasions, elle a entendu les représentants de la direction de Frito Lay Poland Ltd et des syndicats en place dans l’entreprise, ainsi que M. Jerzy Zielinski qui, représentant le Club du centre d’affaires (syndicat d’employeurs à la commission), avait été chargé de se rendre dans l’entreprise et de communiquer ses impressions.
- 1152. En conclusion, le gouvernement indique que les tribunaux, qui sont indépendants, enquêtent actuellement sur les deux cas. Le comité note que le gouvernement exprime l’espoir que le respect des droits syndicaux en Pologne s’améliorera avec l’adoption de l’accord national social qu’il négocie actuellement avec les partenaires sociaux.
- 1153. Le plaignant fait état dans les deux cas de licenciements antisyndicaux et de retards injustifiés des actions en justice intentées pour des violations alléguées des droits des travailleurs. Etant donné la nature du présent cas, le comité doit souligner que nul ne doit être licencié ou faire l’objet d’autres mesures préjudiciables en matière d’emploi en raison de son affiliation syndicale ou de l’exercice d’activités syndicales légitimes, et qu’il importe que tous les actes de discrimination en matière d’emploi soient interdits et sanctionnés dans la pratique. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 771.] L’un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi – licenciement, transfert, rétrogradation et autres actes préjudiciables –, et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu’ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu’ils détiennent. La garantie de semblable protection dans le cas de dirigeants syndicaux est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe fondamental selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d’élire librement leurs représentants. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 799.]
- 1154. En ce qui concerne les sanctions prises contre les licenciements antisyndicaux, lesquelles selon le plaignant ne sont pas suffisantes pour être dissuasives, le comité estime qu’il n’apparaît pas qu’une protection suffisante contre les actes de discrimination antisyndicale visés par la convention no 98 soit accordée par une législation permettant en pratique aux employeurs, à condition de verser l’indemnité prévue par la loi pour tous les cas de licenciement injustifié, de licencier un travailleur si le motif réel en est son affiliation ou son activité syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 791.]
- 1155. Tout en prenant dûment note de l’indication du gouvernement, à savoir que des enquêtes sont en cours sur le cas de M. Kielbasa ainsi que sur celui de M. Zagrajek et sur les violations alléguées des droits syndicaux à Frito Lay Poland Ltd, le comité se doit aussi de faire observer que ces cas sont en instance depuis octobre 2004 et décembre 2005, respectivement. Le comité rappelle que les affaires soulevant des questions de discrimination antisyndicale contraire à la convention no 98 devraient être examinées promptement afin que les mesures correctives nécessaires puissent être réellement efficaces. Une lenteur excessive dans le traitement des cas de discrimination antisyndicale et, en particulier, l’absence de jugement pendant un long délai dans les procès relatifs à la réintégration des dirigeants syndicaux licenciés équivalent à un déni de justice et, par conséquent, à une violation des droits syndicaux des intéressés. L’administration dilatoire de la justice constitue un déni de justice. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 105 et 826.] Le comité espère que les mesures que le gouvernement prend actuellement accéléreront effectivement les actions en justice concernant le licenciement des deux dirigeants syndicaux. Il demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de ces actions en justice et de leur issue définitive.
- 1156. Le comité note que le gouvernement, pour donner suite aux préoccupations soulevées à propos des entreprises UPC Poland Ltd et Frito Lay Poland Ltd, a renvoyé la question à la Commission tripartite des affaires sociales et économiques, en ce qui concerne la première entreprise, et à la Commission du dialogue social de la voïvodie, en ce qui concerne la seconde. Exprimant sa profonde préoccupation à propos de la situation des relations professionnelles dans les entreprises en question, et prenant en compte le fait qu’il a examiné dans le passé deux cas concernant la Pologne qui portaient sur des questions analogues (voir les cas nos 2291 et 2395, 333e et 337e rapports, respectivement), le comité demande instamment au gouvernement de poursuivre et d’intensifier ses efforts, sous les auspices de la commission tripartite, pour veiller à l’application des principes de la liberté d’association et de la négociation collective, en particulier en ce qui concerne la reconnaissance effective des syndicats et la garantie d’une protection appropriée contre les actes de discrimination antisyndicale et d’ingérence. Le comité s’attend pleinement à ce que le respect des droits syndicaux en Pologne s’améliorera avec l’adoption d’un accord social national entre le gouvernement et les partenaires sociaux. Il demande au gouvernement de le tenir informé des faits nouveaux à cet égard.
- 1157. Enfin, le comité prend note des préoccupations exprimées par la Confédération des employeurs privés au sujet de l’absence de dispositions juridiques pour déterminer la représentativité d’un syndicat. Il demande au gouvernement de prévoir, en consultation avec les partenaires sociaux, une méthode impartiale et indépendante pour déterminer la représentativité d’un syndicat, afin d’éviter les problèmes survenus dans le cas de Frito Lay Poland Ltd.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 1158. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité espère que les mesures que le gouvernement prend actuellement accéléreront effectivement les actions en justice concernant le licenciement de deux dirigeants syndicaux (MM. Marcin Kielbasa et Slawomir Zagrajek). Il demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de ces actions en justice et de leur issue définitive.
- b) Le comité demande instamment au gouvernement de poursuivre et d’intensifier ses efforts, sous les auspices de la commission tripartite, pour veiller à l’application des principes de la liberté d’association et de la négociation collective, en particulier en ce qui concerne la reconnaissance effective des syndicats et la garantie d’une protection appropriée contre les actes de discrimination antisyndicale et d’ingérence. Le comité s’attend à ce que le respect des droits syndicaux en Pologne s’améliorera avec l’adoption d’un accord social national entre le gouvernement et les partenaires sociaux. Il demande au gouvernement de le tenir informé des faits nouveaux à cet égard.
- c) Le comité demande au gouvernement de prévoir, en consultation avec les partenaires sociaux, une méthode impartiale et indépendante pour déterminer la représentativité d’un syndicat, afin d’éviter à l’avenir les problèmes survenus dans le cas de Frito Lay Poland Ltd.