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- 1150. La plainte est contenue dans une communication du Syndicat indépendant et autonome NSZZ «Solidarnosc» datée du 9 novembre 2004.
- 1151. Le gouvernement a répondu dans une communication datée du 24 février 2005.
- 1152. La Pologne a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 1153. Dans sa communication datée du 9 novembre 2004, l’organisation plaignante fait état de plusieurs actes de discrimination antisyndicale dans la société Hydrobudowa-6 SA dans le cadre d’un conflit avec le syndicat d’entreprise NSZZ «Solidarnosc». L’organisation plaignante allègue notamment que les relations professionnelles sont très difficiles dans la société Hydrobudowa-6 SA depuis septembre 1999, date à laquelle l’employeur s’est retiré de la convention collective d’entreprise et a interrompu les négociations avec les syndicats parce que ceux-ci n’acceptaient pas le projet d’amendements à la convention, qui était très défavorable aux travailleurs. A la date de rédaction de la plainte, l’employeur n’avait pas signé de nouvelle convention collective et aurait violé les droits de plusieurs travailleurs ainsi que la réglementation concernant, entre autres, les salaires (non-paiement de primes d’anniversaire à 57 travailleurs, de juin 2000 à la fin 2001, bien que ceux-ci aient eu droit à cette gratification après quinze ans de travail, conformément à la convention collective en vigueur à cette époque; non-paiement du treizième mois, une rémunération supplémentaire versée une fois par année au titre de la convention collective). Le syndicat a informé l’Inspection nationale du travail de la situation dans l’entreprise. L’inspection a procédé à plusieurs contrôles dans l’entreprise et retenu les accusations des syndicats. L’organisation plaignante joint trois lettres de l’Inspection nationale du travail (en polonais) pour étayer ses allégations.
- 1154. L’organisation plaignante allègue en outre que les travailleurs de la société Hydrobudowa-6 SA qui étaient membres de NSZZ «Solidarnosc», le syndicat d’entreprise, avaient donné leur consentement à la déduction des cotisations syndicales de leur rémunération parallèlement à la signature de la déclaration d’affiliation au syndicat. L’employeur était donc tenu de déduire les cotisations conformément à l’article 33 de la loi sur les syndicats du 23 mai 1991, qui exige une demande écrite du syndicat d’entreprise ainsi que le consentement par écrit des travailleurs concernés.
- 1155. L’employeur a cependant introduit une nouvelle prescription pour les travailleurs, leur demandant dans une lettre au personnel en date du 3 janvier 2002 de signer des déclarations supplémentaires de consentement. L’employeur a justifié cette prescription par une réorganisation de la structure administrative de l’entreprise. En particulier, les déclarations signées à ce jour étaient conservées au Service des finances, alors que les nouvelles déclarations seraient déposées au Service de la paie. L’organisation plaignante allègue que la lettre était adressée exclusivement au personnel, bien qu’ayant trait à des questions syndicales, sans passer par le syndicat. Aucune activité d’information ou de consultation n’a eu lieu. Au contraire, toute l’action était de nature conflictuelle, visant à décourager les travailleurs de s’affilier au syndicat. La lettre indiquait clairement, par exemple, qu’un travailleur n’est pas obligé de donner son accord à la déduction des cotisations syndicales. En outre, l’employeur a introduit une règle selon laquelle l’absence de consentement à la déduction des cotisations syndicales pendant une période de deux semaines serait traitée comme un refus de déduction des cotisations. L’organisation plaignante joint une lettre du directeur des ressources humaines datée du 18 mars 2004 (en polonais) pour étayer ses allégations.
- 1156. L’organisation plaignante ajoute que la réorganisation de la structure administrative de l’employeur n’a pas eu d’impact sur l’existence de l’obligation de déduire les cotisations syndicales de la rémunération des travailleurs. Le consentement d’un travailleur était adressé spécifiquement à l’employeur et n’était pas influencé par l’unité administrative qui s’occupait de cette affaire. L’organisation plaignante ajoute que, bien que l’Inspection nationale du travail ait partagé ce point de vue dans sa lettre du 26 mars 2004, elle n’avait pas compétence pour décider si l’employeur était en conformité avec la loi sur les syndicats, qui traite de la question de la déduction des cotisations, et ne pouvait que signaler la possibilité de déposer une plainte auprès du bureau du Procureur.
- 1157. Bien que l’organisation plaignante ait informé le bureau du Procureur de la violation, celui-ci n’a pas qualifié d’illégales les activités de l’employeur, et la procédure a été suspendue. Selon l’organisation plaignante, le bureau du Procureur a justifié sa décision en reprenant l’argument de l’employeur selon lequel l’obligation d’avoir le consentement d’un travailleur pour la déduction des cotisations syndicales de la rémunération est légale. L’argument selon lequel les travailleurs concernés avaient déjà donné leur accord par écrit n’a pas été pris en compte. Le Tribunal pénal a donc rejeté la plainte. L’organisation plaignante joint la décision du Procureur du district nord de Varsovie-Praga datée du 6 septembre 2002 et la décision du tribunal de district de Varsovie-Praga (Division pénale) datée du 29 janvier 2003 (en polonais).
- 1158. L’organisation plaignante allègue en outre que, le 27 février 2002, l’employeur a informé le syndicat d’entreprise, NSZZ «Solidarnosc», de son intention de licencier à titre de mesure disciplinaire M. Henryk Kwiatkowski, membre du comité exécutif syndical, en raison d’un grave manquement à ses obligations professionnelles (refus d’effectuer des heures supplémentaires). Selon l’organisation plaignante, M. Kwiatkowski était employé dans l’entreprise avec un contrat à durée indéterminée depuis 1976. Du fait de sa fonction au comité syndical, il bénéficiait d’une protection spéciale conformément à l’article 32 de la loi sur les syndicats du 23 mai 1991, en vertu de laquelle l’employeur ne peut pas licencier un membre du comité d’un syndicat d’entreprise ni mettre un terme à son contrat d’emploi sans le consentement du comité.
- 1159. Selon l’organisation plaignante, l’employeur a invoqué deux faits pour justifier le licenciement. Premièrement, le 12 février 2002, un groupe de 11 travailleurs, parmi lesquels se trouvait M. Kwiatkowski, a refusé d’effectuer des heures supplémentaires sur le site de l’édifice, affirmant que les conditions atmosphériques étaient très mauvaises et que les retards des travaux ce jour-là étaient dus au fait que le site de l’édifice n’avait pas été préparé en raison d’erreurs dans l’organisation du travail.
- 1160. Deuxièmement, le 13 février 2002, M. Kwiatkowski a participé à l’assemblée générale des membres du Fonds d’aide sociale d’entreprise. D’après la législation polonaise, ce fonds est un organe n’ayant pas de personnalité juridique, qui est créé par au moins dix employés de l’entreprise dans laquelle il est censé exister, dont l’objet est d’aider ses membres (employés et anciens salariés de l’entreprise aujourd’hui retraités) en leur accordant des prêts ou des indemnités de subsistance conformément à son statut. Une «surveillance sociale» statutaire des activités du Fonds d’aide sociale est assurée par les syndicats. La réunion devait avoir lieu après le travail, et l’employeur avait été informé de la date et de l’heure de cette réunion. Néanmoins, la veille de l’assemblée générale, l’employeur a demandé au groupe de travailleurs (11 personnes), dont M. Kwiatkowski, d’effectuer des heures supplémentaires à un moment incompatible avec l’heure de la réunion. Lorsque l’employeur a été informé par les travailleurs de leur refus d’effectuer des heures supplémentaires, étant donné qu’ils avaient prévu de participer à la réunion, il a d’abord demandé à un des membres du comité du fonds de changer l’heure de la réunion, en vain; il a ensuite été convenu que le membre du comité du fonds se rendrait sur le site de l’édifice pour donner les informations nécessaires au groupe de travailleurs qui n’auraient pas la possibilité de participer à la réunion à cause des heures supplémentaires. Cependant, les travailleurs ont estimé qu’une réunion avec un des membres du comité n’avait pas la même valeur que la participation à l’assemblée générale du fonds, du fait que des points d’une importance primordiale étaient inscrits à l’ordre du jour de la réunion nécessitant une surveillance sociale, comme le vote sur la réglementation des activités du fonds, l’évaluation des activités de l’ancien comité du fonds et l’élection du nouveau bureau. Pour satisfaire les intérêts de l’employeur, les travailleurs ont décidé que seuls quatre d’entre eux participeraient à l’assemblée générale afin de représenter le reste du groupe. M. Kwiatkowski a participé à l’assemblée générale du Fonds d’aide sociale en sa qualité à la fois de membre du fonds et de membre du comité syndical dans l’entreprise, ayant l’obligation de procéder à la surveillance sociale des activités du fonds.
- 1161. L’organisation plaignante ajoute que, bien que le syndicat de l’entreprise n’ait pas donné son consentement au licenciement de M. Kwiatkowski, considérant l’intention de le licencier comme une mesure répressive contre le syndicat dans son ensemble, M. Kwiatkowski a été licencié le 13 mars 2002. Aucun autre des 11 travailleurs n’a été licencié pour les faits survenus les 12 et 13 février 2002. Selon l’organisation plaignante, il est étonnant que l’employeur ait justifié la sanction la plus grave – licenciement pour motifs disciplinaires sans préavis – uniquement par le fait que M. Kwiatkowski était responsable syndical. En particulier, dans la lettre datée du 27 février 2002 concernant l’intention de le licencier sans préavis pour motifs disciplinaires, l’employeur a indiqué que «Même si, dans le cas d’un simple employé, il serait possible de chercher des circonstances atténuantes spéciales pour l’évaluation d’un tel comportement, M. Kwiatkowski – qui fait partie des autorités syndicales dans l’entreprise – abuse consciemment du privilège dont il bénéficie en tant que responsable syndical lui assurant une protection spéciale de son contrat de travail.»
- 1162. L’organisation plaignante allègue en outre que, le 18 mars 2002, M. Kwiatkowski a demandé au Tribunal du travail de Varsovie d’annuler son licenciement. En septembre 2004, seulement deux séances du tribunal avaient eu lieu et la séance suivante était fixée au 26 octobre 2004. Selon l’organisation plaignante, la lenteur de cette procédure judiciaire (deux ans et demi au moment de la rédaction de la plainte) constitue en soi un déni de justice. L’organisation plaignante joint plusieurs documents en polonais pour étayer ses allégations (décret de cabinet du 19 décembre 1992 sur les fonds d’aide sociale pour les employés et les fonds d’épargne coopérative dans l’entreprise; lettre du 27 février 2002 concernant l’intention de licencier sans préavis M. Kwiatkowski pour motifs disciplinaires; et lettre du syndicat datée du 29 février 2002, concernant son objection à l’intention de licencier M. Kwiatkowski sans préavis pour motifs disciplinaires).
- 1163. L’organisation plaignante ajoute que M. Sylwester Fastyn, président du syndicat d’entreprise NSZZ «Solidarnosc», a été licencié un mois après le licenciement de M. Kwiatkowski, le 30 avril 2002. Son licenciement était fondé sur un grave manquement à ses obligations professionnelles dû à un «comportement outrageant en public à l’égard du conseil d’administration de la société». M. Fastyn avait pris la parole pendant l’assemblée générale de la société pour commenter les plans de la direction visant à retirer les garanties du prix de rachat des actions des salariés et à diviser la valeur de ces actions (de plus de 15 fois). M. Fastyn était employé dans la société Hydrobudowa-6 SA avec un contrat à durée indéterminée depuis 1979. Lorsque l’entreprise a été privatisée, les salariés ont acheté des actions à prix réduit et sont ainsi devenus actionnaires. Les parts majoritaires ont été achetées par l’entreprise Bilfinger & Berger AG. Le 12 avril 2002, M. Fastyn a participé à l’assemblée générale des actionnaires de la société Hydrobudowa-6 SA. La discussion avait comme objet la modification du statut de la société et, en particulier, des garanties de rachat des actions des salariés actionnaires à un prix égal à celui payé par Bilfinger & Berger AG au Trésor, au moment de la privatisation. Selon la modification présentée par la direction de la société, ces garanties devaient être retirées et le prix des actions devait été réduit à quelques PLN au lieu de 100 PLN. M. Fastyn a posé la question suivante: «Les auteurs de cette modification se rendent-ils compte qu’une telle proposition sera considérée par les salariés actionnaires comme du vol de grand chemin?», puis il a ajouté, en réponse aux commentaires de l’employeur: «Messieurs, vous volez ouvertement les gens.» Enfin, au cours de la discussion sur le rapport du conseil de surveillance, il a posé la question suivante: «Le conseil de surveillance connaît-il le déroulement du conflit qui a eu lieu entre le syndicat d’entreprise, NSZZ «Solidarnosc», et la direction de la société? De quelle façon le conseil de surveillance entend-il régler ce conflit?»
- 1164. Selon l’organisation plaignante, le conseil d’administration de la société s’est senti tellement offusqué par les commentaires de M. Fastyn qu’il a informé le syndicat de son intention de le licencier sans préavis pour grave manquement à ses obligations professionnelles dû à un «comportement outrageant en public à l’égard du conseil d’administration de la société». Malgré les objections du syndicat, l’employeur a résilié son contrat le 30 avril 2002 sans donner de préavis. L’organisation plaignante souligne que, depuis que M. Fastyn était président du syndicat d’entreprise, l’employeur n’avait pas le droit de mettre un terme à son contrat sans le consentement du syndicat. En outre, l’employeur a tenté de justifier la sanction la plus grave prise à l’encontre de M. Fastyn en invoquant son militantisme syndical, faisant observer que «le comportement de tout employé, et en particulier le comportement du dirigeant de l’organisation syndicale, ne peut pas interférer avec les affaires de la société» (lettre du président du conseil d’administration de la société Hydrobudowa-6 SA datée du 24 avril 2004 concernant l’intention de licencier M. Fastyn sans préavis pour motifs disciplinaires). Enfin, l’employeur a interdit à M. Fastyn, qui était resté dirigeant du syndicat d’entreprise en tant que cadre syndical à plein temps après son licenciement, de demeurer dans le bureau du syndicat «sauf en présence de travailleurs», entravant ainsi sérieusement les activités syndicales.
- 1165. L’organisation plaignante allègue que l’employeur a intenté un procès civil contre M. Fastyn pour protection des biens personnels et mobiliers. Cette action infondée était de nature hautement répressive et a obligé le syndicat à participer pendant deux ans aux procédures. Le tribunal civil a rejeté l’action à sa première audience, qui ne s’est toutefois pas tenue avant 2004. L’employeur a fait appel.
- 1166. L’inspecteur national du travail a engagé des poursuites auprès du Tribunal de district de Varsovie (Division pénale) pour infraction à l’article 281 3) du Code pénal, c’est-à-dire résiliation du contrat de travail sans le consentement du syndicat d’entreprise. Le tribunal a prononcé le jugement au bout d’un an, le 27 août 2003, déclarant le président du conseil d’administration de Hydrobudowa-6 SA coupable de résiliation illégale du contrat de M. Fastyn. Le président du conseil d’administration ayant fait appel, la cour d’appel a maintenu la décision et l’a condamné au versement d’une amende, un an et demi après le licenciement de M. Fastyn.
- 1167. L’organisation plaignante ajoute que, le 8 mai 2002, M. Fastyn a engagé une action auprès du Tribunal du travail de Varsovie, demandant à être réintégré dans son poste. Le 10 juillet 2002, l’employeur a demandé la suspension de la procédure jusqu’à la décision du tribunal pénal susmentionnée. Le tribunal du travail a fait droit à la requête. Après l’appel interjeté par M. Fastyn contre cette décision, le tribunal de deuxième instance a ordonné la reprise de la procédure. Cependant, en raison des actions susmentionnées (procès civil pour protection de biens personnels et mobiliers, procédure pénale), le procès relatif à la réintégration est toujours en cours.
- 1168. L’organisation plaignante joint plusieurs documents en polonais pour étayer ses allégations (lettre de l’employeur datée du 24 avril 2004 concernant l’intention de licencier sans préavis M. Fastyn pour motifs disciplinaires; lettre du syndicat datée du 26 avril 2002 concernant son objection à l’intention de licencier sans préavis M. Fastyn pour motifs disciplinaires; décision du bureau du Procureur datée du 6 septembre 2002; et décision de la cour d’appel de Varsovie, Division pénale, du 22 janvier 2004).
- 1169. L’organisation plaignante conclut en soulignant que, bien que les actes susmentionnés aient été le résultat d’une discrimination pour activités syndicales visant à prévenir les violations des droits des travailleurs par l’employeur, le bureau du Procureur n’a pas reconnu que les actions de l’employeur constituaient un acte de discrimination antisyndicale (même si le tribunal pénal a reconnu ultérieurement que M. Fastyn avait été licencié illégalement – voir ci-dessus). L’organisation plaignante souligne que les décisions de suspendre la procédure dans des cas de discrimination antisyndicale, concernant la non-déduction des cotisations syndicales ou le licenciement de responsables syndicaux sans le consentement obligatoire du syndicat concerné, sont une pratique courante en Pologne ces dernières années. Même si l’acte d’un employeur est reconnu comme une infraction, la procédure est souvent suspendue à cause de la «nocivité sociale mineure» de l’acte. Cependant, ajoute l’organisation plaignante, la non-déduction des cotisations syndicales constitue un sérieux obstacle pour les syndicats qui doivent être dûment protégés dans de tels cas. L’organisation plaignante ajoute que l’argumentation selon laquelle le comportement des responsables syndicaux quant à la «dignité» ou au «respect de la priorité des affaires de la société» devrait répondre à des exigences plus élevées que lorsqu’il s’agit de simples travailleurs (comme dans le cas des arguments utilisés par l’employeur contre MM. Kwiatkowski et Fastyn) reflète le climat général de tolérance pour les actes de discrimination antisyndicale dans la jurisprudence du bureau du Procureur en Pologne. En outre, la lenteur des procédures du tribunal du travail en ce qui concerne la réintégration en cas de licenciement illégal de responsables syndicaux est répréhensible. Les tendances évoquées précédemment – c’est-à-dire une attitude complaisante à l’égard de la discrimination antisyndicale et la lenteur des procédures de réintégration en cas de licenciement illégal, dont la situation dans la société Hydrobudowa-6 SA n’est qu’un exemple – constituent de graves menaces pour les droits garantis par les conventions nos 87 et 98.
- B. Réponse du gouvernement
- 1170. Dans sa communication datée du 24 février 2005, le gouvernement indique d’abord, pour ce qui est de la résiliation de la convention collective dans l’entreprise, que, conformément à l’article 241 du Code du travail, en cas de résiliation d’une convention collective, la convention reste en vigueur jusqu’à la conclusion d’une nouvelle convention, à moins que les parties déclarent qu’elles n’ont pas l’intention de le faire. Lorsqu’un employeur résilie une convention collective d’entreprise, il est tenu d’entamer des négociations sur les modalités d’une nouvelle convention, si le syndicat en a fait la demande (art. 241, paragr. 3, alinéa 3). Ainsi, l’obligation se réfère à l’ouverture de négociations, pas à la conclusion d’une convention. Comme il découle de la plainte, l’employeur a entamé des négociations qui n’ont cependant pas abouti à la conclusion d’une nouvelle convention. Le fait que la convention collective soit restée en vigueur après sa résiliation signifie que l’employeur a été obligé de payer aux employés les prestations prévues dans ladite convention. Cependant, la situation a changé après une décision du tribunal constitutionnel en date du 26 novembre 2002 en vertu de laquelle l’article 241, paragraphe 4, du Code du travail avait perdu sa force obligatoire. Cela signifie que l’employeur n’est plus lié par les dispositions d’une convention collective d’entreprise après sa résiliation. L’employeur est toutefois lié par les conditions de travail et de rémunération prévues dans ladite convention jusqu’à l’expiration de la période de résiliation.
- 1171. Quant à la déduction des cotisations syndicales, le gouvernement indique que, en vertu de l’article 33 de la loi sur les syndicats du 23 mai 1991, l’employeur est obligé de déduire les cotisations syndicales du salaire de l’employé si deux conditions sont réunies: le syndicat doit en faire la demande par écrit et l’employé doit donner à l’employeur une autorisation écrite de déduction du montant déclaré des cotisations. Si l’employeur ne remplit pas cette obligation, il peut être sujet à une amende ou à une peine d’emprisonnement (art. 35, paragr. 1, clause 4, de la loi). De telles sanctions sont imposées par voie pénale.
- 1172. En ce qui concerne l’action spécifique entreprise par les autorités judiciaires lorsque l’employeur a supprimé la déduction des cotisations syndicales, le gouvernement indique qu’après avoir été informé par le syndicat qu’une infraction avait été commise, qui consistait en une violation des droits des employés de la société Hydrobudowa-6 SA, le Procureur du district nord de Varsovie-Praga a mené une enquête qui s’est achevée par une décision de mettre un terme à l’instruction, datée du 6 septembre 2002, vu l’absence de faits constitutifs d’une infraction. Le comité d’entreprise no 1771 de NSZZ «Solidarnosc» pour la région de Mazowsze a interjeté un appel contre la décision susmentionnée. Le Procureur de district de Varsovie a décidé que l’appel était infondé, et l’a référé au tribunal de district de Varsovie-Praga. Par sa décision du 29 janvier 2003, le tribunal de district a rejeté l’appel et maintenu le verdict rendu par le tribunal de district de Varsovie-Praga. Du point de vue procédural, les moyens de recours existants ont de ce fait été épuisés, et la décision du Procureur a été examinée par un tribunal indépendant, en conformité avec les garanties d’une procédure régulière. La décision du tribunal de district et son argumentation indiquent que le tribunal n’a trouvé aucune raison de remettre en question la façon dont le Procureur a traité le cas. Indépendamment de ladite décision, après la demande de reprise de la procédure formulée par le syndicat d’entreprise, NSZZ «Solidarnosc», le Procureur de la cour d’appel de Varsovie a examiné le dossier et ordonné que la procédure nécessaire soit engagée afin de réunir des preuves pour vérifier les circonstances justifiant éventuellement une reprise de la procédure. Ayant pris les mesures demandées, c’est-à-dire ayant réuni des documents supplémentaires et entendu les témoins, le Procureur de district a reconnu l’absence de circonstances justifiant la reprise de la procédure qui avait été suspendue valablement. Le Procureur de district de Varsovie partageait sa position. La présente plainte, qui a été notifiée au ministre de la Justice en vue de préparer la réponse du gouvernement, a été considérée comme une demande ultérieure de reprise de la procédure. En l’absence d’éléments nouveaux, les plaignants seront notifiés du résultat de l’examen du dossier réalisé dans le cadre de la surveillance procédurale.
- 1173. Pour ce qui est du licenciement du président et membre du comité exécutif syndical, le gouvernement indique que, conformément aux dispositions légales en vigueur en cas de résiliation des contrats de travail de responsables syndicaux, l’employeur peut mettre fin à leurs relations de travail ou leur donner un préavis de licenciement, à condition que le comité exécutif du syndicat de l’entreprise ait donné son consentement. Si la procédure n’a pas été respectée, l’employé peut demander justice auprès d’un tribunal du travail. Quant à la présence d’un responsable syndical qui n’est pas employé par une société donnée sur les locaux de la société en question, des arrangements appropriés devraient être conclus entre l’employeur et l’organisation syndicale.
- 1174. En ce qui concerne l’action entreprise par les autorités judiciaires au sujet du licenciement de M. Fastyn, président du syndicat d’entreprise NSZZ «Solidarnosc», le gouvernement indique que, dans sa décision du 22 janvier 2004, le tribunal de district de Varsovie (Division pénale) a déclaré M. Gregor Siegmund Sobisch (le président du conseil d’administration de la société Hydrobudowa-6 SA) coupable de violation flagrante de dispositions légales et l’a condamné au versement de 1 000 PNL d’amende pour avoir résilié sans préavis le contrat de travail de M. Fastyn, le 30 avril 2002, malgré l’absence du consentement préalable du comité syndical.
- 1175. Le 5 juin 2002, M. Sobisch et d’autres parties ont intenté un procès à M. Fastyn pour protection des biens personnels et mobiliers, auprès du tribunal de district de Varsovie. Dans sa décision du 30 mars 2004, le tribunal de district de Varsovie, ayant procédé à dix auditions et interrogé 13 témoins et parties, a rejeté l’action. Le plaignant ayant fait appel, le cas a été examiné par la cour d’appel qui l’a débouté dans sa décision du 9 décembre 2004. Contrairement à ce qui est déclaré dans la plainte, le tribunal n’a pas rejeté la requête immédiatement, pendant la première audience, sans avoir réuni les preuves suffisantes.
- 1176. M. Fastyn a engagé une action pour être réintégré dans son poste de travail le 7 mai 2002. Le 10 juillet 2002, une réunion d’explication a eu lieu au cours de laquelle l’avocat de la partie défenderesse a présenté une motion de suppression de la procédure jusqu’à l’aboutissement de l’affaire civile susmentionnée concernant la protection des biens personnels et mobiliers et de l’affaire pénale concernant la violation des dispositions de la législation du travail. Le tribunal de district a accueilli cette motion et suspendu la procédure, par sa décision du 3 février 2003, jusqu’à l’aboutissement des affaires susmentionnées. Dans sa décision du 30 juin 2003, le tribunal de district a débouté le plaignant de son appel.
- 1177. Après examen de la plainte par le tribunal pénal, le dossier a été renvoyé au tribunal de district le 12 septembre 2003, en vue de continuer la procédure. Au cours d’une audience qui a été fixée au 16 mars 2004, les conseils des parties ont dû présenter des motions à des fins de preuves dans un délai de vingt et un jours, faute de quoi elles ne seraient pas examinées. Au cours de l’audience suivante qui a eu lieu le 14 octobre 2004, le tribunal a entendu cinq témoins et ajourné la procédure au 8 novembre 2004. Quatre autres témoins ont été convoqués pour la nouvelle audience. Pendant la séance qui a eu lieu le 8 novembre 2004, le tribunal a entendu deux témoins et renvoyé l’affaire au 6 avril 2005. Six autres témoins et le président du conseil d’administration de la société défenderesse devaient être entendus à cette date. Le gouvernement estime que, compte tenu de ce qui précède, on peut présumer que les procédures seront menées à leur terme à la date indiquée ci-dessus. Le gouvernement précise que la longueur des procédures a été influencée de façon significative par la procédure d’appel concernant la suspension des actions et par les longs intervalles entre les auditions individuelles.
- 1178. En ce qui concerne le licenciement de M. Kwiatkowski, membre du comité exécutif syndical, le gouvernement indique que l’action qu’il a engagée pour être réintégré dans son poste de travail a été enregistrée par le tribunal de district de Varsovie-Praga le 18 mars 2002. En vertu de la décision du tribunal du 9 septembre 2002, la procédure a été suspendue, le plaignant n’ayant pas pris position sur la réponse de la société défenderesse à la plainte dans le délai notifié par le tribunal. Bien qu’un exemplaire de la décision de suspendre la procédure lui ait été remis avec la notification des mesures d’appel, le plaignant n’a pas présenté sa plainte. Ensuite, par sa décision du 28 novembre 2002, le tribunal de district a refusé de reprendre la procédure, comme le demandait le plaignant dans sa lettre du 9 octobre 2002. Le plaignant n’a pas non plus interjeté d’appel contre cette décision.
- 1179. Le gouvernement ajoute que, en vertu d’une décision du 24 janvier 2003, le tribunal a décidé de reprendre la procédure. La date d’audience a été fixée au 6 juin 2003. Un témoin a été entendu au cours de cette audience. Le tribunal a renoncé à entendre deux témoins restants, justifiant sa décision par le fait que le juge ne se sentait pas bien. L’audience a été reportée sine die. Le président du département concerné a émis une décision le 24 juin 2003, en vertu de laquelle le cas était présenté pour examen à un juge assistant, pour lequel une nouvelle division avait été créée. Le juge assistant a démissionné quelques mois plus tard, sans avoir tenu aucune audience pour le cas en question. A la suite de quoi, un nouveau juge a dû être nommé. Après ce changement, une nouvelle audience a été fixée au 20 mai 2004. Ce jour-là, le tribunal a entendu trois témoins et ajourné la séance au 9 mars 2005.
- 1180. Le gouvernement note que la longueur de la procédure dans ce cas était due principalement au fait qu’elle avait été suspendue entre le 9 septembre 2002 et le 24 janvier 2003. Les longs intervalles entre les auditions individuelles ont également eu un impact sur la durée du procès. Il faut garder à l’esprit que le plaignant, bien qu’ayant été dûment informé, n’a pas interjeté d’appel contre la décision de suspendre la procédure ni contre la décision de rejet d’une reprise de la procédure.
- 1181. Le gouvernement fait également remarquer que les longs intervalles entre les auditions individuelles sont courants dans d’autres cas examinés par le tribunal du travail de district de Varsovie-Praga. Cette situation est due au volume important de nouveaux cas et au grand nombre de cas déposés les années précédentes qui sont en attente d’examen. Ces circonstances, même si elles ne justifient pas la lenteur des procédures qui sont en cours depuis plusieurs années, ne devraient pas exister. Par conséquent, pour éviter une nouvelle prolongation des procédures juridiques, le ministre de la Justice a ordonné que les cas de MM. Fastyn et Kwiatkowski soient examinés sous la surveillance du Département des tribunaux ordinaires. Cette supervision signifie que des rapports annuels doivent être présentés aux tribunaux sur toute action entreprise en rapport avec les cas en question. Tout retard injustifié dans la procédure entraîne des sanctions disciplinaires. Cette mesure se traduit dans la pratique par une accélération de l’examen des cas entrant dans le cadre de la surveillance du Département des tribunaux ordinaires.
- 1182. Le gouvernement conclut en espérant que les actions entreprises par le ministère de la Justice, et en particulier le traitement des cas en question au moyen d’une procédure de surveillance, faciliteront leur prompt dénouement, sensibiliseront les autorités judiciaires aux cas relatifs à la protection syndicale et contribueront au respect de la réglementation concernant la liberté syndicale en Pologne.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 1183. Le comité note que ce cas concerne des allégations selon lesquelles la direction de la société Hydrobudowa-6 SA a supprimé la déduction des cotisations syndicales destinées au syndicat d’entreprise, NSZZ «Solidarnosc», et a licencié MM. Sylwester Fastyn et Henryk Kwiatkowski, respectivement président et membre du comité exécutif du syndicat susmentionné, en violation de la législation pertinente. L’organisation plaignante allègue également que le gouvernement et les autorités judiciaires ont eu une attitude complaisante à l’égard de ces actes de discrimination antisyndicale et qu’il y a eu des lenteurs dans la procédure relative à la réintégration des responsables syndicaux susmentionnés.
- 1184. Le comité note que, selon l’organisation plaignante, plusieurs actes de discrimination antisyndicale ont eu lieu dans la société Hydrobudowa-6 SA dans le cadre d’un conflit avec le syndicat d’entreprise, NSZZ «Solidarnosc»; ce conflit a débuté en septembre 1999, lorsque l’employeur s’est retiré de la convention collective d’entreprise et a interrompu les négociations avec le syndicat parce que celui-ci n’acceptait pas le projet d’amendements à la convention.
- 1185. Le comité note les observations du gouvernement en ce qui concerne la résiliation de la convention collective d’entreprise, à savoir que les négociations entre les parties n’ont pas abouti à la conclusion d’une nouvelle convention collective et que l’employeur n’est pas lié par les dispositions d’une convention collective d’entreprise après sa résiliation, mais est lié par les conditions de travail et de rémunération fixées dans la convention jusqu’à l’expiration de la période de résiliation. Le comité note également, d’après le texte de la décision du Procureur du district nord de Varsovie-Praga annexé à la plainte, que l’employeur a finalement versé aux travailleurs certaines primes et gratifications qui leur étaient dues en vertu de la convention collective et qui n’avaient pas été payées en temps voulu en raison de la situation financière difficile de la société.
- 1186. Le comité note en outre que l’organisation plaignante fait état de la non-déduction des cotisations syndicales depuis janvier 2002, date à laquelle l’employeur a instauré l’obligation pour les travailleurs de signer une déclaration de consentement à la déduction (en plus de celle qu’ils avaient déjà signée en adhérant au syndicat). L’employeur aurait justifié cette prescription par une réorganisation administrative de l’entreprise. En particulier, les déclarations signées avant cette date étaient conservées au Service des finances, alors que les nouvelles déclarations seraient déposées au Service de la paie. L’employeur aurait en outre introduit cette nouvelle règle sans consulter le syndicat et d’une manière considérée comme conflictuelle par les plaignants, stipulant clairement dans la lettre qu’un travailleur n’est pas obligé de donner son accord à la déduction des cotisations syndicales et considérant qu’un délai de deux semaines pour donner un consentement écrit équivaut à un refus. Lorsque l’organisation plaignante a informé le bureau du Procureur de la violation, celui-ci n’a pas qualifié d’illégales les activités de l’employeur, et la procédure judiciaire a été suspendue sans prendre en compte l’argument des travailleurs selon lequel ils avaient déjà donné par écrit leur consentement à la déduction.
- 1187. Le comité note, d’après la réponse du gouvernement, que l’article 33 de la loi sur les syndicats de 1991 stipule que l’employeur est obligé de déduire les cotisations syndicales lorsque le syndicat en fait la demande par écrit et que l’employé a donné une autorisation écrite dans ce sens; si l’employeur ne respecte pas cette obligation, il peut être sujet à une amende ou à une peine d’emprisonnement conformément à l’article 35 de la loi. Cependant, le Procureur du district nord de Varsovie-Praga a conclu en l’espèce que l’infraction n’était pas constituée et a décidé de clore l’enquête. Cette décision a été confirmée par le tribunal de district de Varsovie-Praga et par le Procureur de la cour d’appel de Varsovie. La présente plainte a été considérée comme une demande ultérieure de reprise de la procédure.
- 1188. Tout en prenant bonne note du fait que la décision du Procureur du district nord de Varsovie-Praga de mettre un terme à l’enquête sur la suppression de la déduction des cotisations syndicales a été confirmée par d’autres instances judiciaires, le comité doit également observer que ni le texte de la décision ni la réponse du gouvernement n’indiquent les raisons justifiant la suppression unilatérale de cette prestation, qui aurait existé dans le passé sur la base des autorisations écrites données conformément à la loi. Le comité rappelle que la suppression de la possibilité de retenir les cotisations à la source, qui pourrait déboucher sur des difficultés financières pour les organisations syndicales, n’est pas propice à l’instauration de relations professionnelles harmonieuses et devrait donc être évitée. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 435.] Le comité note également que les raisons avancées par l’employeur pour demander une nouvelle autorisation écrite de déduction des cotisations syndicales, notamment que les nouvelles autorisations seraient traitées par le Service de la paie plutôt que par le Service des finances, ne sont pas convaincantes à première vue puisqu’elles concernent un point propre à l’employeur et ne devraient avoir aucun impact sur la validité des autorisations données précédemment par les membres du syndicat. Enfin, en ce qui concerne l’instauration unilatérale et conflictuelle de cette règle, le comité rappelle que les tentatives d’un employeur pour persuader les salariés de retirer les autorisations données aux syndicats pour négocier en leur nom pourraient influer indûment le choix des travailleurs et affaiblir la position du syndicat, rendant ainsi plus difficile la négociation collective, ce qui est contraire au principe selon lequel la négociation collective doit être encouragée. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 766.] Notant que la retenue directe des cotisations à la source dans la société Hydrobudowa-6 SA aurait été modifiée unilatéralement depuis janvier 2002, le comité demande au gouvernement d’intercéder auprès des parties (dans le cadre de la reprise de la procédure ou d’une autre façon) en vue de rétablir le système de précompte syndical, tel qu’il existait auparavant, et de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
- 1189. Le comité note que l’organisation plaignante allègue en outre que: 1) le 13 mars 2002, l’employeur a licencié sans préavis M. Henryk Kwiatkowski, membre du comité exécutif syndical, au motif que son refus d’effectuer des heures supplémentaires pour mener des activités syndicales constituait un grave manquement aux obligations professionnelles; 2) le 30 avril 2002, l’employeur a licencié sans préavis M. Sylwester Fastyn, président du syndicat d’entreprise NSZZ «Solidarnosc», au motif que ses déclarations pendant l’assemblée générale des actionnaires de la société Hydrobudowa-6 SA constituaient une offense publique à l’égard du conseil d’administration et un grave manquement à ses obligations professionnelles; 3) les deux licenciements ont été exécutés sans le consentement du syndicat et malgré ses objections, ce qui est contraire aux dispositions de l’article 32 de la loi sur les syndicats de 1991; 4) le bureau du Procureur n’a pas reconnu que les actions de l’employeur constituaient une discrimination antisyndicale (bien que le tribunal pénal ait reconnu ultérieurement que M. Sylwester Fastyn avait été licencié illégalement).
- 1190. Le comité note que le gouvernement indique que, conformément aux dispositions légales en vigueur en cas de résiliation des contrats de travail de responsables syndicaux, l’employeur peut mettre fin à leur relation de travail ou leur donner un préavis de licenciement, à condition que le consentement du comité exécutif syndical dans l’entreprise ait été obtenu. Si la procédure n’a pas été respectée, l’employé peut demander justice auprès d’un tribunal du travail.
- 1191. Le comité attire l’attention du gouvernement sur la convention no 135 et la recommandation no 143 concernant les représentants des travailleurs dans l’entreprise, adoptées par la Conférence internationale du Travail en 1971, dans lesquelles il est expressément déclaré que les représentants des travailleurs dans l’entreprise doivent bénéficier d’une protection efficace contre toutes mesures qui pourraient leur porter préjudice, y compris le licenciement, et qui seraient motivées par leur qualité ou leurs activités de représentants des travailleurs, leur affiliation syndicale, ou leur participation à des activités syndicales, pour autant qu’ils agissent conformément aux lois, conventions collectives ou autres arrangements conventionnels en vigueur. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 732.] Un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi
- – licenciement, transfert, rétrogradation et autres actes préjudiciables –, et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu’ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu’ils détiennent. Le comité a estimé que la garantie de semblable protection dans le cas de dirigeants syndicaux est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe fondamental selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d’élire librement leurs représentants. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 724.] Le comité déplore les licenciements de MM. Sylwester Fastyn et Henryk Kwiatkowski, respectivement président et membre du comité exécutif du syndicat NSZZ «Solidarnosc» dans la société Hydrobudowa-6 SA, qui ont été exécutés contrairement à la loi pour ce qui est des procédures à suivre en cas de licenciement de responsables syndicaux.
- 1192. En ce qui concerne l’évolution de l’examen des cas de MM. Henryk Kwiatkowski et Sylwester Fastyn devant les tribunaux compétents, le comité note que, selon l’organisation plaignante: 1) bien que M. Henryk Kwiatkowski ait intenté une action en justice auprès du tribunal du travail de Varsovie le 18 mars 2002, demandant l’invalidité de son licenciement, seulement deux audiences du tribunal avaient eu lieu au moment de la rédaction de la plainte entraînant un long délai de deux ans et demi dans la procédure judiciaire; 2) l’action engagée par M. Sylwester Fastyn en vue d’obtenir la réintégration dans son poste est toujours en cours depuis le 8 mai 2002 (le 7 mai 2002 selon le gouvernement), bien que le 27 août 2003 le tribunal de district de Varsovie (Division pénale) ait reconnu l’employeur coupable de la résiliation illégale du contrat de Sylwester Fastyn et l’ait condamné au versement d’une amende.
- 1193. Le comité note que, selon le gouvernement: 1) la lenteur de la procédure engagée par M. Henryk Kwiatkowski était due principalement aux longs intervalles entre les audiences et au fait que la procédure a été suspendue entre le 9 septembre 2002 et le 24 janvier 2003, parce que le plaignant n’a pas pris position sur la réponse de la société défenderesse à la plainte dans le délai notifié par le tribunal et n’a pas ensuite interjeté d’appel dans les délais légaux, bien qu’ayant été dûment informé de procéder ainsi; malgré ce qui précède, les tribunaux ont finalement décidé de reprendre la procédure le 24 janvier 2003; 2) quant à M. Sylwester Fastyn, la longueur de la procédure était justifiée par le fait qu’elle a été suspendue et par les longs intervalles entre les auditions individuelles; en particulier, l’action en réintégration qu’il a engagée le 7 mai 2002 a été suspendue jusqu’à l’aboutissement d’un procès civil intenté par l’employeur pour protection des biens personnels et mobiliers ainsi que d’une procédure pénale pour licenciement injustifié (dans ce dernier cas, le tribunal de district de Varsovie, Division pénale, a conclu, le 22 janvier 2004, que l’employeur était coupable de violation flagrante des dispositions légales et l’a condamné au versement de 1 000 PNL d’amende pour la résiliation sans préavis du contrat de M. Sylwester Fastyn, malgré l’absence du consentement préalable du syndicat de l’entreprise); la procédure a repris le 12 septembre 2003 et doit être menée à son terme au cours d’une audience qui a été fixée au 6 avril 2005; 3) en vue de prévenir une nouvelle prolongation de la procédure légale dans ce cas, le ministre de la Justice a ordonné que les cas de MM. Sylwester Fastyn et Henryk Kwiatkowski soient placés sous la surveillance du Département des tribunaux ordinaires afin que des rapports mensuels fassent état des actions entreprises en ce qui concerne le cas en question, et toute lenteur injustifiée dans la procédure peut entraîner des sanctions disciplinaires.
- 1194. Tout en prenant bonne note de la déclaration du gouvernement selon laquelle il a pris des mesures pour éviter tout nouveau retard dans les procédures engagées par MM. Sylwester Fastyn et Henryk Kwiatkowski, le comité doit également observer que ces affaires sont en instance respectivement depuis avril et mars 2002. Le comité rappelle que les affaires soulevant des questions de discrimination antisyndicale contraire à la convention no 98 devraient être examinées promptement afin que les mesures correctives nécessaires puissent être réellement efficaces. Une lenteur excessive dans le traitement des cas de discrimination antisyndicale et, en particulier, l’absence de jugement pendant un long délai dans les procès relatifs à la réintégration des dirigeants syndicaux licenciés équivalent à un déni de justice et, par conséquent, à une violation des droits syndicaux des intéressés. L’administration dilatoire de la justice constitue un déni de justice. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 105 et 749.] Le comité s’attend à ce que les mesures prises actuellement par le gouvernement accéléreront effectivement les procédures judiciaires engagées par MM. Sylwester Fastyn et Henryk Kwiatkowski pour une réintégration dans le poste de travail et la reconnaissance de l’invalidité du licenciement, et demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution des procédures ainsi que de leur résultat final.
- 1195. Le comité note en outre que, selon l’organisation plaignante, l’employeur a interdit à M. Sylwester Fastyn, qui est resté président du syndicat dans l’entreprise en tant que cadre syndical à temps complet, de demeurer dans le bureau du syndicat «sauf en présence de travailleurs», entravant ainsi sérieusement les activités syndicales.
- 1196. Le comité note que le gouvernement répond à cette allégation en indiquant que, lorsque le responsable syndical n’est pas l’employé d’une compagnie donnée, des arrangements acceptables doivent être conclus entre l’employeur et l’organisation syndicale.
- 1197. Le comité observe que le licenciement de Sylwester Fastyn, président du syndicat d’entreprise NSZZ «Solidarnosc», pour lequel l’employeur a déjà été jugé et condamné au versement d’une amende, ainsi que la longueur de la procédure relative à la réintégration ne devraient pas entraver les activités du syndicat en permettant à l’employeur d’interdire la présence de M. Sylwester Fastyn dans le bureau du syndicat s’il n’est pas accompagné par un employé. La convention no 135 demande aux Etats Membres qui l’ont ratifiée de veiller à ce que des facilités soient accordées, dans l’entreprise, aux représentants des travailleurs de manière à leur permettre de remplir rapidement et efficacement leurs fonctions, et ce sans entraver le fonctionnement efficace de l’entreprise intéressée. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 950.] Le comité demande au gouvernement d’intercéder auprès des parties pour faire en sorte que M. Sylwester Fastyn, qui a conservé son poste de président du syndicat, puisse exercer ses activités syndicales sans nouvelle ingérence de la part de l’employeur, et en particulier rester dans le bureau du syndicat sans devoir être accompagné d’un employé. Le comité demande à être tenu au courant à cet égard.
- 1198. Le comité note en outre que, selon l’organisation plaignante, la situation dans la société Hydrobudowa-6 SA n’est qu’un exemple de l’attitude complaisante des autorités à l’égard de la discrimination antisyndicale et de la lenteur des procédures de réintégration en cas de licenciement illégal. Selon l’organisation plaignante, les décisions de suspendre la procédure concernant la discrimination antisyndicale sont une pratique courante; même si l’acte d’un employeur est reconnu comme une infraction, la procédure judiciaire est suspendue en raison de la «nocivité sociale mineure» de l’acte.
- 1199. Le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle la lenteur de la justice est un problème général, dû au volume important de nouveaux cas ainsi qu’au grand nombre de cas déposés les années précédentes qui sont en attente d’examen. Le comité observe d’après la réponse du gouvernement que, dans le cas de M. Sylwester Fastyn, par exemple, les audiences du tribunal ont eu lieu deux fois à sept mois d’intervalle. Dans le cas de M. Henryk Kwiatkowski, l’intervalle entre les audiences était une fois de onze mois et une autre fois de dix mois. Le comité observe enfin que le gouvernement n’a pas répondu à l’allégation selon laquelle il est courant de suspendre une procédure judiciaire pour discrimination antisyndicale, même si l’acte d’un employeur est reconnu comme une infraction, en raison de la «nocivité sociale mineure» de l’acte.
- 1200. Le comité souligne que les règles de fond existant dans la législation nationale qui interdisent les actes de discrimination antisyndicale ne sont pas suffisantes si elles ne sont pas accompagnées de procédures rapides assurant une protection adéquate contre de tels actes. Le gouvernement a la responsabilité de prévenir tous actes de discrimination antisyndicale et doit veiller à ce que les plaintes pour des pratiques discriminatoires de cette nature soient examinées dans le cadre d’une procédure qui doit être prompte, impartiale et considérée comme telle par les parties intéressées. L’existence de normes législatives interdisant les actes de discrimination antisyndicale est insuffisante si celles-ci ne s’accompagnent pas de procédures efficaces qui assurent leur application dans la pratique. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 738, 739 et 742.] Le comité demande donc au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires dès que possible en vue d’établir des procédures promptes, impartiales et considérées comme telles par les parties concernées, afin de garantir que les responsables et membres syndicaux aient droit à un recours effectif auprès des tribunaux nationaux compétents pour des actes de discrimination antisyndicale. Le comité demande à être tenu au courant de l’évolution de la situation à cet égard.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 1201. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Notant que le système de retenue des cotisations à la source dans la société Hydrobudowa-6 SA aurait été unilatéralement modifié depuis janvier 2002, le comité demande au gouvernement d’intercéder auprès des parties (dans le cadre de la reprise de la procédure ou d’une autre façon) en vue de rétablir la retenue des cotisations à la source telle qu’elle existait auparavant, et de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
- b) Le comité s’attend à ce que les mesures prises actuellement par le gouvernement accéléreront effectivement les procédures judiciaires engagées par M. Sylwester Fastyn, président du syndicat d’entreprise NSZZ «Solidarnosc», pour la réintégration dans son poste de travail, et par M. Henryk Kwiatkowski, membre du comité exécutif syndical, pour la reconnaissance de l’invalidité de son licenciement, et demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution des procédures ainsi que de leur résultat final.
- c) Le comité demande au gouvernement d’intercéder auprès des parties pour faire en sorte que M. Sylwester Fastyn, qui a conservé son poste de président du syndicat, puisse exercer ses activités syndicales sans nouvelle ingérence de la part de l’employeur, et en particulier rester dans le bureau du syndicat sans devoir être accompagné d’un employé. Le comité demande à être tenu informé à cet égard.
- d) Le comité demande au gouvernement de prendre dès que possible toutes les mesures nécessaires en vue d’établir des procédures promptes, impartiales et considérées comme telles par les parties concernées, afin d’assurer que les responsables et membres syndicaux aient droit à un recours effectif auprès des tribunaux nationaux compétents pour des actes de discrimination antisyndicale. Le comité demande à être tenu informé de l’évolution de la situation à cet égard.