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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 333, Mars 2004

Cas no 2299 (El Salvador) - Date de la plainte: 11-SEPT.-03 - Clos

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  1. 543. La plainte figure dans une communication datée du 11 septembre 2003, envoyée par la Fédération nationale syndicale des travailleurs salvadoriens (FENASTRAS), qui a fait part d’informations complémentaires et de nouvelles allégations dans des communications datées des 24 octobre et 25 novembre 2003. Le gouvernement a transmis ses observations dans des communications datées des 29 octobre et 4 novembre 2003 et des 5 et 8 janvier 2004.
  2. 544. El Salvador n’a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 545. Dans sa communication du 11 septembre 2003, la Fédération nationale syndicale des travailleurs salvadoriens (FENASTRAS) allègue que, en 2001, l’entreprise J.R.C. Manufacturing SA de C.V. a licencié les dirigeantes syndicales María del Rosario Hernández, Marlene Jeannete Arguello Alfaro, Rutilia Rivera de Miranda, Sonia Guadalupe Rivera Argueta et Rosa Sánchez Osegueda. La FENASTRAS a demandé la réintégration de ces personnes, demande qu’elle a renouvelée le 4 février 2002.
  2. 546. Le 11 février 2002, la FENASTRAS a remis au ministère du Travail des témoignages écrits de cinq dirigeantes syndicales menacées de mort par une des propriétaires de l’entreprise à cause de leurs responsabilités syndicales. En février 2002, Mme Juana Ramírez, dirigeante du syndicat, a été licenciée.
  3. 547. La FENASTRAS allègue que, le 7 août 2003, la Police nationale civile d’El Salvador a arrêté le secrétaire aux finances du Comité directeur de section du syndicat de la J.R.C. Manufacturing SA de C.V., M. José Alirio Pérez Cañenguez et M. Gilberto Antonio Mejía Barrios, qu’elle a accusés de vol. Cette accusation s’est révélée infondée lorsque, le 12 août 2003, le juge de paix d’Ilopango a remis ces personnes en liberté (pour non-lieu), faute d’un motif justifiant leur maintien en détention, et a ainsi démontré la fausseté des accusations proférées par la propriétaire de l’entreprise mentionnée. Le dirigeant syndical a été licencié.
  4. 548. Dans sa communication du 24 octobre 2003, la FENASTRAS allègue que la personnalité juridique a été refusée au Syndicat des travailleurs de l’industrie des services de sécurité privée d’El Salvador (SITRASEPRIES) constitué le 11 avril 2003, qui en avait fait la demande le 19 mai 2003. En août ont été licenciés M. Carlos Baltazar Martínez Quiteño, dirigeant syndical, et M. Orlando Flores Paz, président intérimaire du syndicat; tous les deux travaillaient dans l’entreprise Security Consultants SA de C.V. Le syndicat a demandé le versement d’indemnités de licenciement, qui ont été accordées.
  5. 549. Dans sa communication du 25 novembre 2003, la FENASTRAS allègue que, le 24 octobre 2003, tout le comité directeur de la section (17 dirigeants) a été licencié par l’entreprise J.R.C. Manufacturing SA de C.V. La FENASTRAS indique que, en audience de conciliation, il a été convenu avec l’entreprise de verser leurs salaires à ces personnes, ainsi qu’à M. Alirio Pérez Cañenguez, mais l’entreprise leur interdit l’accès à ses locaux, empêchant ainsi ces dirigeants de protéger les intérêts des autres travailleurs.

B. Réponses du gouvernement

B. Réponses du gouvernement
  1. 550. Dans ses communications des 29 octobre et 4 novembre 2003 et des 5 et 8 janvier 2004, le gouvernement déclare que, le 15 février 2002, lors d’une audience de conciliation organisée par la Direction générale du travail à la demande du syndicat STITAS de l’entreprise J.R.C. Manufacturing SA de C.V., il a proposé à titre de mesure conciliatoire de réintégrer les dirigeantes syndicales María del Rosario Hernández Pérez, Marlene Jeannete Arguello Alfaro, Rutilia Rivera de Miranda, Sonia Guadalupe Rivera Argueta et Rosa Sánchez Osegueda, à compter du 18 février 2002, ce qui a été accepté par le syndicat.
  2. 551. Concernant les prétendues menaces de mort contre cinq dirigeantes syndicales, le gouvernement déclare que le ministère du Travail n’a pas compétence pour juger des causes au pénal.
  3. 552. S’agissant de l’arrestation alléguée, par la Police nationale civile en août 2003, de M. José Alirio Pérez Cañenguez, secrétaire aux finances du Comité directeur de section du syndicat de J.R.C. Manufacturing, et M. Gilberto Mejía Barrios, tous deux accusés de vol par le représentant légal de l’entreprise, ce sont les tribunaux compétents qui ont eu connaissance de cette situation. En conséquence, le Secrétariat au travail et à la prévision sociale ne peut se prononcer à ce sujet, étant donné que la situation exposée est d’ordre pénal et ne relève pas du droit du travail. Le gouvernement signale qu’il transmettra en temps opportun les observations de l’entreprise en question.
  4. 553. Concernant le prétendu refus d’accorder la personnalité juridique au syndicat en formation dénommé Syndicat des travailleurs de l’industrie des services de sécurité privée d’El Salvador (SITRASEPRIES), le gouvernement confirme les arguments légaux exposés dans la résolution du 26 juin 2003, par laquelle a été acceptée sans discussion la demande d’octroi de la personnalité juridique au SITRASEPRIES, arguments motivés par les éléments suivants:
    • – L’article 7 de la Constitution de la République interdit expressément, au troisième alinéa, «l’existence de groupes armés à caractère politique, religieux ou corporatif». Un syndicat est un groupe corporatif et, de surcroît, en l’espèce, formé de personnes ayant l’usage et la possession d’armes à feu, ce qui le fait tomber directement sous le coup de l’interdiction constitutionnelle susmentionnée.
    • – D’autre part, de par leur nature, les tâches accomplies par un agent de sécurité, qui sont d’assurer la sécurité et la surveillance dans les lieux dont la garde lui est confiée par son employeur, en font le détenteur d’un poste de confiance, et cette confiance constitue un élément fondamental de l’existence et du maintien de la relation de travail entre l’agent et son employeur.
    • – Nonobstant ce qui précède, la loi prévoit la possibilité qu’un employé de confiance adhère à une organisation syndicale, à condition que l’assemblée générale du syndicat auquel il a l’intention d’adhérer l’accepte comme membre (art. 221 a), alinéa 6, du Code du travail); cela implique nécessairement l’existence préalable d’une organisation syndicale qui ne soit pas formée d’employés de confiance et à laquelle la personnalité juridique ait été reconnue.
    • – Il résulte de ce qui précède que les employés de confiance, comme dans le cas présent, sont dépourvus des facultés légales nécessaires pour faire partie comme membres constituants d’une organisation syndicale, puisqu’il n’existe pas encore d’organe de direction habilité par la loi à les accepter comme membres. Il est donc illogique de penser que les employés de confiance ayant l’intention de constituer un syndicat puissent s’accepter eux-mêmes en tant que membres.
    • – En conséquence, les employés de confiance ne pouvant faire partie d’un syndicat en tant que membres constituants, les agents de sécurité qui ont participé à la constitution du syndicat en cause n’étaient pas légalement habilités à le faire.
  5. 554. Les motifs ayant conduit le Secrétariat au travail et à la prévision sociale à refuser la demande de personnalité juridique du syndicat en formation sont d’ordre juridique. Il appartiendrait à la partie plaignante d’intenter les recours judiciaires ou administratifs qu’elle juge utiles pour assurer la protection des droits syndicaux auxquels il aurait été porté atteinte.
  6. 555. De même, concernant la demande présentée par la partie plaignante pour l’adoption d’une résolution annulant le refus d’octroi de la personnalité juridique audit syndicat et lui accordant immédiatement la personnalité juridique, la demande en question est à l’étude car accorder la personnalité juridique au syndicat requérant contreviendrait à la Constitution de la République puisque celle-ci interdit expressément, à l’article 7, troisième alinéa, «l’existence de groupes armés à caractère politique, religieux ou corporatif».
  7. 556. Concernant le prétendu licenciement de 17 dirigeants du syndicat STITAS le 24 octobre 2003, le gouvernement déclare que, à la demande du syndicat, la Direction générale du travail a organisé une audience de conciliation, qui a donné le résultat suivant: l’entreprise a fait savoir aux 17 dirigeants syndicaux licenciés qu’elle avait reçu pour instruction de son mandant de leur payer dans les locaux de la Direction générale du travail les salaires non versés pour une cause imputable au patron. De son côté, la représentation syndicale s’est dit d’accord pour que le paiement des salaires non versés pour une cause imputable au patron se fasse dans les locaux du ministère.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 557. Le comité observe que l’organisation plaignante allègue les faits suivants: licenciements successifs de dirigeants syndicaux par l’entreprise J.R.C. Manufacturing SA de C.V.; menaces de mort contre cinq dirigeantes syndicales; détention et jugement d’un dirigeant syndical et d’un autre travailleur à la suite d’un vol supposé; refus d’accorder la personnalité juridique à un syndicat constitué d’agents privés de sécurité et licenciement de deux de ses dirigeants.
  2. 558. Concernant le prétendu licenciement des cinq dirigeantes syndicales en 2001, le comité note que, selon les indications du gouvernement, elles ont été réintégrées le 18 février 2002. Le comité demande au gouvernement d’indiquer les faits ayant motivé le licenciement de la dirigeante syndicale Juana Ramírez en février 2002.
  3. 559. S’agissant des menaces de mort proférées par une des propriétaires contre cinq dirigeantes du syndicat de l’entreprise J.R.C. Manufacturing SA de C.V., le comité regrette que le gouvernement se contente de répondre que le ministère du Travail n’a pas compétence pour juger des causes au pénal. Le comité rappelle que la liberté syndicale ne peut s’exercer que dans une situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l’homme, en particulier du droit à la vie et du droit à la sécurité de la personne. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 46.] Le comité souligne que, comme il est indiqué dans la plainte, l’allégation de menaces est étayée par des témoignages écrits; il demande au gouvernement de prendre de toute urgence des mesures pour que les autorités compétentes mènent une enquête et, si les faits allégués sont vérifiés, de punir les coupables et de garantir une protection appropriée aux dirigeantes concernées.
  4. 560. Concernant les allégations de détention et de jugement du dirigeant syndical José Alirio Pérez Cañenguez pour un vol supposé, le comité prend note des déclarations du gouvernement selon lesquelles les tribunaux ont été saisis de cette question, et il a demandé à l’entreprise des informations à ce sujet. Le comité observe que les annexes envoyées par l’organisation plaignante font état d’une décision judiciaire, d’où il ressort que le dirigeant en cause n’est pas détenu, l’autorité judiciaire ayant rendu une ordonnance de non-lieu en attendant d’obtenir de nouveaux éléments ou preuves. Dans ces conditions, le comité estime que ce dirigeant syndical devrait être réintégré à son poste de travail sans perte de salaire et autorisé à exercer ses activités syndicales. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de toute nouvelle décision judiciaire qui pourra être rendue sur cette affaire.
  5. 561. Concernant le prétendu refus de la personnalité juridique au Syndicat d’agents privés de sécurité SITRASEPRIES, le comité note que le gouvernement confirme ledit refus et indique que la demande présentée par la partie plaignante pour l’annulation de cette fin de non-recevoir est à l’étude. Le comité prend note des arguments présentés par le gouvernement, pour qui il serait illégal d’accorder ladite personnalité juridique (la Constitution de la République, en son article 7, interdit l’existence de groupes armés et on est en présence de travailleurs de confiance qui peuvent uniquement adhérer à un syndicat formé de travailleurs d’autres catégories et qui les accepte comme membres). Le comité souligne à cet égard que la disposition en question de la Constitution ne devrait pas avoir pour effet d’interdire le droit syndical aux travailleurs qui ont besoin d’armes en raison de la nature de leur travail.
  6. 562. A cet égard, le comité rappelle que, en vertu des principes de la liberté syndicale, seules les forces armées et la police peuvent être exclues du droit d’association, qui est un droit fondamental. Par conséquent, tous les autres travailleurs, y compris les agents privés de sécurité, devraient pouvoir librement constituer des organisations syndicales de leur choix. Dans ces conditions, le comité estime que le refus de la personnalité juridique au syndicat SITRASEPRIES représente une atteinte grave à la liberté syndicale. Il exhorte le gouvernement à octroyer sans délai la personnalité juridique audit syndicat et à l’en tenir informé. Le comité note que l’entreprise Security Consultants SA de C.V. a licencié deux dirigeants de SITRASEPRIES, tout en observant que (selon les documents fournis en annexe par le plaignant) les intéressés ont fini par accepter le paiement des indemnités légales.
  7. 563. S’agissant du licenciement de 17 dirigeants syndicaux de STITAS par l’entreprise J.R.C. Manufacturing SA de C.V., le comité observe que, selon le gouvernement, lors d’une audience de conciliation organisée par la Direction générale du travail, l’entreprise a accepté de verser les salaires non payés. Le comité regrette que le gouvernement ne lui ait pas fourni d’informations sur les faits concrets ayant motivé ces licenciements et ne lui ait pas indiqué si ces dirigeants syndicaux – qui, selon les allégations, n’ont pas accès à l’entreprise – sont encore licenciés, informations qu’il lui demande de lui communiquer sans retard. Le comité rappelle le principe selon lequel nul ne doit être licencié ou faire l’objet d’autres mesures préjudiciables en matière d’emploi en raison de son affiliation syndicale ou de l’exercice d’activités légitimes, et il importe que tous les actes de discrimination en matière d’emploi soient interdits et sanctionnés dans la pratique. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 696.] Le comité demande au gouvernement, s’il est démontré que l’un quelconque de ces dirigeants a été licencié en raison de ses activités syndicales, de veiller à sa réintégration à son poste de travail sans perte de salaire.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 564. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement de prendre de toute urgence des mesures pour que les autorités compétentes mènent une enquête sur les menaces de mort qui auraient été proférées par une propriétaire de l’entreprise J.R.C. Manufacturing SA de C.V. contre cinq dirigeantes du syndicat STITAS et, si les faits allégués sont vérifiés, de punir les coupables et de garantir à ces dirigeantes une protection appropriée.
    • b) Le comité estime que le dirigeant syndical José Alirio Pérez Cañenguez devrait être réintégré à son poste de travail sans perte de salaire et autorisé à exercer ses activités syndicales; il demande au gouvernement de le tenir informé de toute nouvelle décision qui sera prise concernant l’accusation de vol pesant sur ce dirigeant syndical et qui a abouti, à ce jour, à une ordonnance de non-lieu en l’absence de preuve suffisante.
    • c) Le comité estime que le refus d’octroyer la personnalité juridique au syndicat SITRASEPRIES constitue une atteinte à la liberté syndicale, et il exhorte le gouvernement à reconnaître ladite personnalité juridique et à l’en tenir informé.
    • d) Le comité demande au gouvernement de lui fournir rapidement des informations sur les faits concrets ayant motivé le licenciement de 17 dirigeants syndicaux de l’entreprise J.R.C. Manufacturing SA de C.V. en octobre 2003 et de lui indiquer si ces syndicalistes sont encore licenciés. Le comité demande également au gouvernement de lui indiquer les faits concrets ayant motivé le licenciement de la dirigeante syndicale Juana Ramírez en février 2002; s’il est démontré que l’un quelconque des dirigeants a été licencié en raison de ses activités syndicales, le comité demande au gouvernement de veiller à sa réintégration à son poste de travail sans perte de salaire.
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