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Rapport intérimaire - Rapport No. 333, Mars 2004

Cas no 2268 (Myanmar) - Date de la plainte: 28-MAI -03 - Clos

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  1. 642. La Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a présenté sa plainte dans une communication datée du 28 mai 2003.
  2. 643. Le gouvernement a présenté sa réponse dans deux communications, la première datée du 5 septembre 2003, et la seconde datée du 20 février 2004 et reçue le 2 mars 2004.
  3. 644. Le Myanmar a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, il n’a pas ratifié la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 645. La plainte et ses 17 annexes peuvent être résumées comme suit.
  2. 646. Dans une introduction, l’organisation plaignante indique que la plainte dénonce de nouvelles violations de la liberté syndicale. Ces violations constituent des exemples supplémentaires de la pratique établie du régime militaire actuel violant le droit des travailleurs de s’affilier librement à un syndicat. D’une manière plus générale, l’organisation plaignante invite le comité, lors de l’examen du cas, à garder à l’esprit que ces violations de la liberté syndicale se produisent dans un contexte où les droits fondamentaux de l’homme et autres libertés fondamentales et garanties sont gravement réprimés. Dans le cas présent, l’interdépendance entre la liberté syndicale et les libertés civiles est de première importance. Selon l’organisation plaignante, il est peu probable que les travailleurs puissent exercer librement leurs droits syndicaux au Myanmar tant que les droits de l’homme et les libertés fondamentales n’y seront pas respectées, tant que l’autorité judiciaire n’aura pas retrouvé son indépendance et qu’une procédure régulière ne sera pas garantie.
  3. 647. L’organisation plaignante rappelle que, depuis plus de quarante ans, la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR) dénonce, en matière de liberté syndicale, les graves divergences affectant la législation et la pratique nationales au regard de l’application de la convention no 87. En outre, la Commission de la Conférence pour l’application des normes a observé à 13 reprises des violations de la convention au Myanmar au cours des vingt dernières années. Lors des huit derniers examens, les conclusions de la Commission de la Conférence ont fait l’objet d’un paragraphe spécial dans le rapport de la commission. Lors des cinq derniers examens, l’application de la convention par le Myanmar a été citée comme un cas de «défaut continu d’application de la convention».
  4. 648. Malgré la pression internationale, la junte militaire n’a encore pris aucune mesure pour assurer une plus grande conformité entre la législation et la pratique nationales et les principes fondamentaux de la liberté syndicale. Au contraire, force est de constater que des violations flagrantes persistent encore au Myanmar.
  5. 649. La plainte se divise en deux parties. La première partie traite des questions législatives alors que la seconde donne des exemples précis de violations factuelles et graves de la liberté syndicale.
    • Les violations de la liberté syndicale et les questions législatives
  6. 650. Dans son introduction, l’organisation plaignante relate brièvement l’histoire politique et institutionnelle du Myanmar. Elle rappelle plus particulièrement qu’après avoir accédé à l’indépendance en 1948 le pays a connu un premier coup d’Etat militaire en 1962, qui a abouti à la constitution d’un conseil révolutionnaire sous la présidence du Général Ne Win. En 1974, un régime constitutionnel de parti unique fut adopté.
  7. 651. En 1988, le pays est confronté à un mécontentement général croissant en raison de la situation économique et politique. La grève générale déclenchée en août 1988 est violemment réprimée. Les forces armées se retranchèrent néanmoins dans leurs quartiers d’août à septembre. C’est pendant cette période que, à la suite d’un mouvement plus général ayant conduit à la création de nombreuses organisations et de médias indépendants, des centaines d’organisations de travailleurs ont été fondées tant dans le secteur public que le secteur privé. Ces organisations furent ensuite regroupées pour former «l’Union des travailleurs de toute la Birmanie» (All Burma Workers Union). Le 18 septembre 1988, la Constitution de 1974 fut suspendue pour laisser place à la loi martiale. Tous les organes de l’Etat furent abolis et remplacés par le Conseil d’Etat pour le rétablissement de l’ordre public (SLORC, State Law and Order Restoration Council). Les organisations jugées «anti-étatiques», dont certaines organisations de travailleurs, furent démantelées et leurs chefs de file incarcérés. En mars 1990, le parti démocratique d’opposition, la Ligue nationale pour la démocratie (NLD, National League for Democracy), remporte les élections législatives mais les militaires refusent de lui céder le pouvoir. Le 15 novembre 1997, le SLORC prononce sa dissolution et désigne le nouveau Conseil d’Etat pour la paix et le développement (SPDC, State Peace and Development Council).
  8. 652. En ce qui concerne le cadre législatif, l’organisation plaignante souligne qu’il est très difficile de connaître précisément la législation en vigueur au Myanmar puisqu’une partie de cette législation est secrète. Ceci étant, l’organisation plaignante fait savoir que la législation ayant pu être identifiée contient entre autres de nombreuses dispositions obsolètes, adoptées pendant l’ère britannique et celle du Général Ne Win, ainsi qu’une série de décrets et d’ordonnances militaires adoptés depuis 1988.
    • Lois sur la liberté syndicale: la loi sur les syndicats, 1926, la loi «définissant les droits fondamentaux et les responsabilités des travailleurs», 1964 (amendée en 1976), et la loi sur les différends syndicaux, 1929
  9. 653. L’organisation plaignante explique que le Myanmar a hérité d’une grande partie de ses lois de la période coloniale britannique, lois qui jusqu’alors n’ont été ni révoquées ni amendées, ni officiellement abrogées. C’est le cas de la loi sur les syndicats de 1926 (loi jointe à la plainte), qui a été le sujet des commentaires de la CEACR pendant de nombreuses années. Une des questions soulevées par la CEACR était celle du seuil beaucoup trop élevé fixé pour la constitution d’un syndicat. En 1964, la loi «définissant les droits fondamentaux et les responsabilités des travailleurs» fut adoptée (loi jointe à la plainte). La loi sur les syndicats demeura en vigueur tant qu’elle était compatible avec la loi de 1964. Pendant de nombreuses années, la CEACR a tenté, en vain, d’obtenir de la part du gouvernement des clarifications sur la mesure dans laquelle la loi sur les syndicats avait été abrogée.
  10. 654. L’organisation plaignante indique que la loi de 1964 ne se conforme pas aux dispositions de la convention no 87 puisqu’elle empêche les travailleurs de créer des organisations en dehors de la structure établie obligatoire. La loi de 1964 fut amendée en 1976. Dans son rapport, en 1977, la CEACR note néanmoins que la loi amendée «… limite la création de syndicats à une structure d’unicité syndicale, en contravention aux dispositions de l’article 2 de la convention stipulant que les travailleurs ont le droit de constituer des organisations de leur choix». L’organisation plaignante fait remarquer que la CEACR a depuis souligné ce problème dans plusieurs rapports successifs mais que malheureusement, à ce jour, il n’y a eu aucun progrès en la matière.
  11. 655. L’organisation plaignante indique que d’autres textes de lois doivent être portés à l’attention du comité, et plus particulièrement la loi sur les différends syndicaux, 1929 (loi jointe à la plainte). Cette loi, amendée en 1966, définirait les moyens de règlement des différends dans l’industrie. L’organisation plaignante mentionne un certain nombre de clauses qui, selon elle, ne sont pas conformes à la liberté syndicale. En outre, l’organisation plaignante indique qu’il lui est impossible de confirmer si cette loi est toujours en vigueur.
    • Décrets et ordonnances militaires: ordonnances nos 2/88 et 6/88
  12. 656. L’organisation plaignante souligne le fait que le cadre législatif ne serait exhaustif si les décrets et les ordonnances militaires adoptés depuis 1988 n’étaient pas pris en compte. Ces décrets et ordonnances entravent directement le libre exercice des droits syndicaux. Dans certains cas, il semblerait qu’ils remplacent les lois caduques qui n’ont jamais été officiellement abrogées.
  13. 657. L’organisation plaignante attire, dans un premier temps, l’attention du comité sur l’ordonnance no 2/88, adoptée le 18 septembre 1988, sous l’intitulé suivant «Ordonnance no 2/88 pour l’organisation du rétablissement de la loi et de l’ordre au sein de l’Etat» (ordonnance jointe à la plainte). L’ordonnance no 2/88 interdit «le rassemblement, le déplacement ou le défilé … de groupes de plus de cinq personnes … qu’il y ait ou non intention de perturber l’ordre public ou de commettre un acte criminel». Le texte de l’ordonnance no 2/88 se poursuit comme suit «aucun individu n’est autorisé à déclencher une grève qu’il y ait ou non intention de perturber l’ordre public ou de commettre des actes criminels». Enfin, l’ordonnance dispose qu’«aucun individu n’est autorisé à manifester en masse» ou «à interférer dans ou à entraver le travail des personnes chargées du maintien de la sécurité». L’organisation plaignante souligne que les termes employés dans l’ordonnance no 2/88 sont très généraux et qu’ils englobent tous les types de réunions, y compris celles qui se tiennent dans le cadre d’activités syndicales légitimes. Ce texte rendrait donc illégales les réunions syndicales essentielles à la défense et à la promotion des droits des travailleurs.
  14. 658. L’organisation plaignante souligne que l’article 17.1 de la loi de 1908 sur les associations illégales, disposant que «toute personne membre d’une association illégale ou participant aux réunions d’une telle association, ou contribuant d’une quelconque manière aux activités de cette association, peut encourir une peine d’emprisonnement de deux ans au minimum et de trois ans au maximum et est passible d’une amende», vient renforcer les dispositions de l’ordonnance no 2/88.
  15. 659. L’organisation plaignante attire ensuite l’attention du comité sur l’ordonnance no 6/88 du 30 septembre (ordonnance jointe à la plainte) et intitulée «Loi sur la constitution d’associations et d’organisations». L’organisation plaignante estime que cette ordonnance no 6/88 est en contravention flagrante avec la convention no 87. Ainsi, selon l’article 2(a), «le terme organisation signifie association, société, syndicat (le soulignement a été ajouté), comité d’un parti, fédération, groupement d’associations, ligue, club, ou organisation similaire formée d’un groupe de personnes ayant un objectif ou un programme...». En vertu de l’article 3(a) «les organisations doivent demander une autorisation préalable à leur constitution au ministère des Affaires intérieures et religieuses…», alors que l’article 3(c) spécifie que «les organisations n’ayant pas d’autorisation officielle ne peuvent pas poursuivre leurs activités et doivent se dissoudre ou ne pas se constituer». Il ne fait aucun doute, selon l’organisation plaignante, que l’ordonnance no 6/88 s’applique aux organisations de travailleurs ou d’employeurs qui se voient contraintes de demander une autorisation à la junte militaire avant de se constituer ou afin de pouvoir poursuivre leurs activités.
  16. 660. En outre, l’article 5(b) et (c) décrit longuement les organisations interdites, à savoir par exemple «les organisations qui commettent, incitent à commettre, sont à l’origine de ou encouragent des actes troublant l’ordre public, la paix et la tranquillité, ou menaçant la sécurité des communications» et «les organisations qui commettent, incitent à commettre, sont à l’origine de ou encouragent des actes perturbant le bon fonctionnement de l’Etat». L’organisation plaignante insiste sur le fait que l’ordonnance ne donne aucune indication des motifs en vertu desquels le gouvernement peut considérer qu’il y a eu violation de la loi. De plus, il n’existe aucune procédure d’appel d’une décision refusant à une organisation l’autorisation de se constituer.
  17. 661. Enfin, les sanctions prévues pour les infractions commises sont particulièrement lourdes. L’article 6 stipule que toute personne ayant enfreint les articles 3(c) et 5 «sera punie d’une peine d’emprisonnement pouvant atteindre cinq ans». L’article 7 spécifie que «toute personne membre d’une organisation illicite, utilisant son matériel, participant ou encourageant ses activités … est passible d’une peine d’emprisonnement pouvant atteindre trois ans».
  18. 662. L’organisation plaignante fait remarquer que ces deux ordonnances militaires font partie d’un ensemble de textes répressifs regroupant des textes, dont certains sont nouveaux et d’autres secrets, ou datant de la période coloniale et visant à empêcher toute personne de défier les forces armées en organisant des manifestations pacifiques. L’organisation plaignante dresse la liste d’autres textes: 1) la loi sur les associations illicites, 1908 (mentionnée ci-dessus et jointe à la plainte); 2) la loi sur les secrets d’Etat, 1928 (qui n’est pas jointe à la plainte et qui prévoit, selon l’organisation plaignante, des peines d’emprisonnement pour divulgation d’articles jugés secrets d’Etat); 3) la loi sur l’état d’urgence, 1950 (dont l’article 5 est joint à la plainte); 4) la loi de protection de l’Etat contre la subversion, 1975 (loi jointe à la plainte); 5) la loi no 5/96 (jointe à la plainte et intitulée «loi protégeant le transfert stable, pacifique et systématique de la responsabilité de l’Etat et l’exécution des tâches de la convention nationale sans désordre ni opposition»).
  19. 663. L’organisation plaignante soutient que le régime actuel peut faire un usage arbitraire de ces textes pour entraver toute activité syndicale. Ces textes contribuent à la négation des libertés fondamentales et à l’annihilation de toutes formes d’organisations de travailleurs. Ils devraient donc être révoqués sans délai, ou pour le moins modifiés, afin qu’ils ne représentent plus une menace pour les activités syndicales. Cependant, l’organisation plaignante est dans l’impossibilité de confirmer si les textes cités dans le paragraphe précédent sont toujours en vigueur.
    • Conclusions préliminaires de l’organisation plaignante concernant le cadre législatif
  20. 664. Eu égard aux graves divergences entre la législation et les dispositions de la convention, le gouvernement devrait:
    • – supprimer toute référence à une structure de syndicat unique;
    • – supprimer toute autorisation préalable à la constitution de et à l’affiliation à une organisation de travailleurs ou d’employeurs;
    • – consacrer le droit de constituer et de s’affilier à des organisations de travailleurs et d’employeurs, à tout niveau;
    • – supprimer toutes les sanctions à l’encontre des activités syndicales, dont la grève;
    • – prévoir une procédure d’appel devant un organe indépendant des décisions refusant l’enregistrement ou la reconnaissance d’une organisation de travailleurs ou d’employeurs.
  21. 665. L’organisation plaignante indique que le gouvernement devrait être instamment prié d’accepter l’assistance technique des experts dans le domaine de la liberté syndicale de l’OIT pour la révision complète de ses lois sur la liberté syndicale afin de les rendre conformes à la convention no 87. L’organisation plaignante fait référence à cet égard à «la résolution concernant le recours généralisé au travail forcé au Myanmar», adoptée par la Conférence internationale du Travail à sa 87e session (juin 1999). Conformément au paragraphe 3(b) de cette résolution, la Conférence décide que «le gouvernement du Myanmar devrait cesser de bénéficier de la coopération technique ou de l’assistance de l’OIT, sauf s’il s’agit d’une assistance directe pour l’application immédiate des recommandations de la commission d’enquête, tant qu’il n’aura pas mis en œuvre lesdites recommandations…». L’organisation plaignante considère que cette résolution n’empêche en aucun cas une assistance technique ou une quelconque assistance en matière de liberté syndicale. Elle estime au contraire que l’assistance dans ce domaine entre dans le cadre prévu par la résolution, soit «une assistance directe pour l’application immédiate des recommandations de la commission d’enquête». L’organisation plaignante se réfère à cet égard au rapport de la mission de haut niveau sur l’observation par le gouvernement du Myanmar de la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930, soumis au Conseil d’administration à sa 282e session (nov. 2001). Elle cite un extrait du paragraphe 68 de ce rapport «… s’il existait de véritables organisations de la société civile, et en particulier des organisations de travailleurs fortes et indépendantes comme l’exige la convention no 87 ratifiée par le Myanmar, ces organisations pourraient fournir aux personnes touchées par le travail forcé un cadre et un soutien collectifs qui pourraient les aider à exploiter au mieux tous les recours qui sont à leur disposition pour défendre leurs droits reconnus» (document GB.282/4).
    • Violations de la liberté syndicale basées sur des divergences factuelles
  22. 666. L’organisation plaignante fait savoir que, quelle que soit la loi écrite, dans la pratique, les travailleurs qui se battent pour améliorer leurs conditions de travail, souvent épouvantables, sont menacés, battus et parfois assassinés.
    • Aucun syndicat n’est autorisé à se constituer ou à mener des activités
  23. 667. L’organisation plaignante prétend qu’il n’existe au Myanmar aucune organisation de travailleurs légalement enregistrée. Tous les syndicats qui existaient avant l’arrivée au pouvoir de l’actuel régime militaire ont été dissous. Ceux qui existent doivent fonctionner clandestinement et sont sans cesse confrontés à des menaces de répression et de représailles. Les autorités publiques répriment systématiquement toutes formes d’organisations de travailleurs. Il s’agit souvent d’une répression violente allant parfois jusqu’à la torture.
  24. 668. L’organisation plaignante évoque également «l’Association de l’Union pour le développement de la solidarité» (USDA, Union Solidarity and Development Association). Les travailleurs sont forcés à s’affilier à cette association, par exemple pour travailler dans la fonction publique ou, plus généralement, dans une myriade d’activités économiques. Cette association a été créée en 1993 par le gouvernement. Elle est destinée à remplacer les organisations de travailleurs, mais aussi toutes les institutions civiles, et est largement perçue comme étant un instrument d’endoctrinement politique. Les objectifs affichés de cette association, tels que publiés sur le site Web du gouvernement, seraient de «renforcer l’Union du Myanmar afin de promouvoir l’amour et l’entente au sein du peuple, de consolider la souveraineté de l’Etat, de préserver l’intégrité territoriale, de contribuer au développement du pays et de construire un Etat pacifique et moderne».
    • Fédération des syndicats de Birmanie (FTUB, Federation of Trade Unions of Burma)
  25. 669. L’organisation plaignante indique que la FTUB est une organisation de travailleurs indépendante. Selon ses statuts provisoires (joints à la plainte avec la composition de son Comité exécutif central), un de ses objectifs est de «favoriser la constitution, le maintien et le développement de syndicats libres en Birmanie». La fédération s’est également fixé comme objectif de «protéger, de préserver et de promouvoir la démocratie et les droits syndicaux fondamentaux et les droits de l’homme…».
  26. 670. L’organisation plaignante explique que cette organisation a été constituée en 1991 par des syndicalistes qui avaient été licenciés par le régime militaire. L’organe principal est le Comité exécutif central. Ce comité n’a pas encore réussi à faire enregistrer l’organisation au Myanmar; d’où les statuts provisoires. De fait, depuis sa constitution, la FTUB a dû mener ses activités à l’extérieur du pays. Cette fédération est non seulement la voix de plus de 1,5 million d’immigrés travaillant en Thaïlande, mais aussi l’instrument qui permet aux syndicats clandestins dans des secteurs clés de l’industrie du Myanmar d’exister. La fédération est présente, en outre, dans toutes les grandes villes du pays. Elle a des bureaux dans la plupart des pays voisins du Myanmar, mais elle dispose également sur le territoire du Myanmar des infrastructures et y organise des syndicats de travailleurs, elle met au point des programmes de formation pour les travailleurs sur les territoires voisins comme à l’intérieur du pays. La fédération joue également un rôle majeur dans la création d’organisations de travailleurs indépendantes au sein des minorités ethniques du pays. Une liste de certaines de ces organisations est jointe à la plainte. Tout comme la fédération, ces organisations de travailleurs ne parviennent pas à s’enregistrer légalement et doivent fonctionner clandestinement. Bien qu’elles ne soient pas affiliées à la FTUB, elles travaillent en étroite collaboration avec elle.
  27. 671. Le gouvernement a orchestré une campagne de diffamation et de discrédit à l’encontre de la FTUB. Cette campagne est en partie diffusée par le biais de médias sous contrôle gouvernemental. L’organisation plaignante cite également une partie du discours du membre travailleur de la délégation du Myanmar à la 86e session de la Conférence internationale du Travail (juin 1998). Selon ce dernier, la FTUB a été créée par des expatriés. La FTUB «ne représente aucun travailleur du Myanmar ... [en outre], il s’agit d’une organisation illicite [qui a été] directement impliquée dans des actes terroristes ayant eu lieu [au Myanmar] et pour lesquels elle est tenue responsable...». L’organisation plaignante ajoute que le groupe des travailleurs a contesté les pouvoirs de ce délégué, étant donné son manque d’indépendance.
  28. 672. Enfin, l’organisation plaignante indique que la FTUB doit souvent faire face à des ingérences manifestes de la part des autorités publiques dans sa gestion, qui revêtent la forme de violations de ses locaux et de ses biens. En mai 2002, par exemple, la junte militaire a incendié le bureau du Syndicat des travailleurs de l’éducation Kawthoolei (KEWU, Kawthoolei Education Workers’ Union), dont les locaux se trouvent à Kho-Pay, dans la circonscription de Papun, et a également mis le feu aux maisons de plusieurs membres du KEWU. Le KEWU n’est pas affilié à la FTUB mais travaille en étroite collaboration avec elle. Il n’est pas enregistré légalement et subit sans cesse des menaces de mesures répressives. L’incendie s’est produit quelques jours après la fête organisée par la FTUB pour les membres des syndicats à l’occasion de la fête des travailleurs. Le bâtiment qui avait abrité la fête a lui aussi été incendié. A la connaissance de l’organisation plaignante, aucune enquête n’a été menée.
  29. 673. L’organisation plaignante conclut en insistant sur le fait qu’il serait impossible pour la FTUB d’obtenir une autorisation, en vertu de l’ordonnance no 6/88, lui permettant de fonctionner légalement sur le territoire du Myanmar. C’est pourquoi ses activités dans le pays sont systématiquement considérées comme étant illicites et comme étant passibles de poursuites pénales.
    • Cas du secrétaire général de la FTUB, Maung Maung
  30. 674. Maung Maung était le secrétaire général de la FTUB depuis sa création en 1991. Il a été obligé de quitter le pays au moment de la répression militaire. Maung Maung avec d’autres collègues avaient créé un syndicat dans la compagnie minière étatisée où ils travaillaient. Ils devinrent membres du comité exécutif de cette organisation et furent licenciés par l’armée, conformément à l’ordonnance no 6/88. Depuis lors, Maung Maung poursuit ses activités syndicales hors du Myanmar et le mouvement syndical international lui rend régulièrement hommage.
  31. 675. Maung Maung est régulièrement harcelé par le gouvernement qui tente de le discréditer en le présentant comme un criminel en fuite. Les médias sous contrôle gouvernemental lancent souvent des attaques contre lui (les articles de journaux sont joints à la plainte). En 2002, les services de renseignement militaires du Myanmar ont une fois encore tenté de discréditer la FTUB et ses dirigeants, son président et son secrétaire général, en les accusant, sans aucune preuve, d’avoir posé des bombes.
  32. 676. Selon l’organisation plaignante, des poursuites pénales ont été engagées contre le secrétaire général de la FTUB pour ses activités syndicales légitimes, ce qui est une violation flagrante du libre exercice des droits syndicaux et des principes fondamentaux sur la liberté syndicale.
    • Assassinat d’un syndicaliste: Saw Mya Than
  33. 677. Saw Mya Than était membre de la FTUB et un dirigeant du Syndicat des travailleurs de l’éducation Kawthoolei (KEWU) mentionné plus haut. Par le biais de ces deux organisations il a pu suivre, en 2001, une formation de spécialisation en droits de l’homme et en droit syndical. Il fut bientôt renommé pour son engagement en matière de droits de l’homme et fut élu chef de son village, Kaleiktoat, dans la circonscription de Ye (Etat de Mon).
  34. 678. L’organisation plaignante explique que Saw Mya Than a été contraint de travailler comme porteur pour le bataillon d’infanterie légère no 588, dirigé par le commandant Myo Hlaing. Le 4 août 2002, la colonne de l’armée a été attaquée par des éléments du mouvement d’indépendance ethnique. Saw Mya Than a été assassiné par les soldats du Conseil d’Etat pour la paix et le développement (SPDC, State Peace and Developement Council), en représailles à l’attaque des rebelles.
  35. 679. Se servir de personnes contraintes au travail forcé comme porteurs et «boucliers humains» et les faire marcher en tête du bataillon est une pratique commune au sein des forces militaires du Myanmar. L’organisation plaignante croit néanmoins qu’il existe un lien direct entre les activités syndicales de Saw Mya Than et son assassinat par les forces armées pour les raisons suivantes. Premièrement, l’implication de Saw Mya Than dans le combat pour le respect des droits syndicaux était très connue. Deuxièmement, comme mentionné précédemment, il était le chef de son village. L’organisation plaignante explique que les chefs de village ne sont généralement pas astreints aux travaux forcés, mais ils doivent organiser les travaux forcés pour les autres et sont donc chargés de recruter de la main-d’œuvre pour ces travaux forcés. En s’en prenant au chef du village, le régime militaire a voulu empêcher qu’un nouveau leader vienne défier son autorité.
  36. 680. L’organisation plaignante ajoute qu’elle a été informée de cet assassinat par la FTUB, avant de le porter à la connaissance de l’OIT. Le chargé de liaison de l’OIT a ensuite fait état du cas devant le Comité national d’application lors de la réunion du 9 novembre 2002. Le gouvernement n’a pas encore fourni de réponse. A la connaissance de l’organisation plaignante, aucune enquête n’a été ouverte afin de clarifier les faits, de permettre de prendre les sanctions nécessaires à l’encontre des coupables et pour que de tels drames ne se reproduisent plus.
    • Détention de syndicalistes: Myo Aung Thant, Khin Kyaw et Thet Naing
  37. 681. L’organisation plaignante fait part des éléments suivants concernant Myo Aung Thant. Myo Aung Thant était membre de la «All Burma Petro-Chemical Corporation Union», créée en 1988 alors que le mouvement prodémocratique était actif. En 1995, il devint membre du Comité exécutif central de la FTUB. Il fut arrêté le 13 juin 1997 à l’aéroport de Yangon avec sa femme et ses enfants et accusé de haute trahison. Son procès eut lieu secrètement en août 1997, procès où il ne fut pas défendu par son propre avocat mais par un avocat commis d’office désigné par la junte. Il fut reconnu coupable et condamné à «la transportation à vie» ainsi qu’à sept ans d’emprisonnement, dont trois pour violation de la loi sur les associations illicites de 1908. Sa condamnation était basée sur des aveux obtenus sous la torture. A la fin de 1998, il fut transféré de la prison d’Insein de Yangon à la maison d’arrêt isolée de Myitkyina, dans l’Etat de Kachin, au nord du pays, qui est située beaucoup trop loin pour que les familles des prisonniers puissent leur rendre visite. La femme de Myo Aung Thant fut, elle, condamnée en même temps que son mari, pour complicité, à dix ans de prison. Elle a été libérée depuis.
  38. 682. L’organisation plaignante fournit les informations suivantes quant au cas de Khin Kyaw. Khin Kyaw était membre du Syndicat des gens de mer de Birmanie. Sa femme et lui furent arrêtés en 1997. Il avait déjà été arrêté en 1993, en raison de ses activités syndicales, et torturé. Les autorités n’ont jamais indiqué les charges qui pèsent contre lui mais elles auraient un rapport avec le cas de Myo Aung Thant. Khin Kyaw purge actuellement une peine de dix-sept ans au sein de la prison de Thayarwaddy, dans la division de Pegu. Il est en mauvaise santé.
  39. 683. Pour ce qui est du cas de Thet Naing, l’organisation plaignante fait savoir qu’il était à la tête d’un syndicat clandestin et qu’il est aujourd’hui incarcéré. Il fut arrêté la première fois en 1990 pour ses activités politiques au sein de la Ligue nationale pour la démocratie (NLD) et d’organisations estudiantines et de travailleurs. Il fut libéré en 1994 et embauché en 1997 dans l’usine de vêtements de Yan Ze Kyan. En 1999, les employés protestèrent contre les pratiques abusives de leur employeur. Thet Naing fut l’un des 85 employés licenciés pour leur rôle dans le mouvement de protestation, et 100 autres ont vu leur salaire réduit en guise de sanction. En réponse à ces mesures, l’ensemble du personnel de l’usine a entamé une grève sauvage et le directeur a contacté le SPDC de la circonscription ainsi que certains responsables militaires. Un accord fut alors trouvé et les employés, y compris Thet Naing, furent autorisés à reprendre le travail. Cinq jours plus tard, Thet Naing et 60 de ses collègues furent à nouveau congédiés. Le 20 décembre 1998 (il s’agit de l’année donnée par l’organisation plaignante mais il est plus probable qu’il s’agisse de 1999), Thet Naing fut appréhendé à son domicile par l’unité no 3 des services de renseignement militaires du SPDC, accompagné de membres du poste de police de Pegu no 3. Il se vit dire qu’il avait été arrêté pour avoir violé l’article 5(j) de la loi sur l’état d’urgence, 1950 (mentionnée plus haut). Il fut condamné à sept ans de prison. Il purgea cinq mois de sa peine dans les prisons de Insein et de Pegu et fut ensuite transféré à la maison d’arrêt de Myitkyina, dans l’Etat de Kachin.
  40. 684. L’organisation plaignante estime que de telles arrestations et condamnations contribuent à créer un climat de terreur préjudiciable au développement normal des activités syndicales. Elle considère que Myo Aung Thant, Khin Kyaw et Thet Naing devraient être libérés sur?le?champ.
    • Répression exercée à l’encontre des marins du Myanmar employés à bord de navires battant pavillon étranger
  41. 685. L’organisation plaignante rappelle en détail le cas no 1752 examiné par le comité. [Voir 295e rapport, paragr. 87-119, et 299e rapport, paragr. 17.] Elle décrit ensuite le cas de Shwe Tun Aung afin de démontrer que, contrairement à ce qu’a affirmé le gouvernement au comité lors de l’examen du cas no 1752, les marins du Myanmar ne jouissent toujours pas de la liberté syndicale et sont encore victimes de discrimination lorsqu’ils tentent de défendre leurs droits. L’organisation plaignante ajoute qu’elle a connaissance de centaines de cas similaires mais que, par peur des mesures de représailles, ils sont particulièrement difficiles à documenter.
  42. 686. L’organisation plaignante rappelle que dans le cas no 1752 il a été allégué que, avant de quitter le territoire, le Service de contrôle de l’emploi des marins (SECD) demandait aux marins du Myanmar de signer une déclaration écrite garantissant qu’ils n’accepteraient aucune aide de la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) ou de ses affiliés. En outre, cette déclaration écrite les obligeait à signer deux fiches de salaire. Le comité avait alors instamment prié «le gouvernement de retirer l’obligation imposée par le SECD aux marins du Myanmar de signer une déclaration écrite sous serment limitant leur droit de prendre contact avec la [ITF] pour lui demander son aide ou de s’y affilier, obligation qui constitue une violation des principes de la liberté syndicale». Le comité avait en outre souligné que contraindre les marins à signer une double feuille de paie était un moyen répréhensible de ne pas appliquer les termes d’une convention collective, «une pratique que le comité condamne avec fermeté».
  43. 687. Le comité avait ensuite pris note du fait que le Syndicat des gens de mer de Birmanie (SUB), affilié à l’ITF et qui était intervenu à plusieurs reprises aux noms des marins du Myanmar, opérait en exil en Thaïlande pour n’être pas reconnu par le gouvernement. Le comité avait rappelé au gouvernement qu’il «… ne lui appartient pas de décider quelle organisation représenterait le mieux les intérêts des travailleurs, comme cela semble être le cas du SECD, organisme gouvernemental qui exerce un contrôle absolu sur le placement de tous les marins du Myanmar». Le comité avait donc instamment demandé au gouvernement «de garantir et de respecter le droit des marins de constituer, s’ils le souhaitent, un syndicat indépendant au Myanmar chargé de défendre leurs droits et intérêts fondamentaux».
  44. 688. Enfin, le comité avait pris note «avec une profonde préoccupation» des divers incidents décrits par l’ITF et des mesures de représailles prises à l’encontre des marins du Myanmar
    • – telles que l’annulation de leur inscription, la confiscation de leur passeport et même la menace d’emprisonnement – dans le cas où ils accepteraient de recevoir une somme que l’ITF les aurait aidés à recouvrer, et où ils refuseraient de remettre au SECD les arriérés de salaires qui leur auraient été versés. Le comité avait donc prié le gouvernement «de s’abstenir désormais de recourir à des actes de discrimination antisyndicale contre les marins du Myanmar qui présentent leurs doléances légitimes par l’intermédiaire de l’organisation plaignante et/ou des syndicats qui lui sont affiliés».
  45. 689. Dans le cadre du suivi de ce cas, l’organisation plaignante rappelle que le gouvernement avait informé le comité que la «demande de déclaration écrite» avait été révoquée et que des mesures permettant aux marins du Myanmar de constituer des organisations avaient été prises. [Voir 299e rapport, paragr. 17.] L’organisation plaignante affirme pour sa part qu’aucune mesure pour suivre les recommandations du comité n’a été prise: aucune organisation de marins n’a été autorisée à se constituer et les actes de discrimination antisyndicale se perpétuent. De plus, des marins ont encore été contraints de signer un contrat attestant qu’ils ne feront pas appel à l’aide de l’ITF. En soutien de ses affirmations, l’organisation plaignante évoque le cas de Shwe Tun Aung et joint deux déclarations écrites relatant son histoire. Il convient de noter que ces deux déclarations écrites ne comportent ni signature ni date (il y est seulement fait référence au mois de mars 2002), et qu’elles sont imprimées sur du papier blanc sans en-tête. Bien qu’aucun des deux documents fournis par l’organisation plaignante ne soit signé, ils comportent tous deux un espace destiné à la signature d’un notaire du comté de Harris, Etat du Texas. Une des déclarations indique qu’elle reprend les propos de James McAuley qui «… a connaissance personnelle des faits dont il est question … [et] qui fait cette déclaration aux fins de la demande d’asile de Shwe Tun Aung». Les éléments soumis par l’organisation plaignante et reflétés dans les déclarations peuvent être résumés comme suit.
  46. 690. Avant d’être engagé pour la première fois comme marin, Shwe Tun Aung fut convoqué par un employé du SECD pour signer une déclaration écrite lui interdisant de s’affilier à l’ITF ou de lui adresser quelque demande que se soit. S’il avait refusé de signer cette déclaration, Shwe Tun Aung n’aurait pas pu obtenir le certificat dont il avait besoin pour pouvoir travailler en tant que marin. A la fin de son premier contrat, Shwe Tun Aung resta en Thaïlande pour chercher un nouvel emploi. Il découvrit là-bas combien les conditions de travail des marins pouvaient être différentes dans d’autres pays. Il rencontra le secrétaire général de la FTUB et appris beaucoup sur les activités de l’ITF. Il rejoignit le Syndicat des gens de mer de Birmanie (SUB) en 1997 et devint également membre de la FTUB.
  47. 691. En 1998, il fut engagé dans l’équipage du «M/V Great Concert». Pendant quatre mois, les marins n’ont pas reçu de salaire équitable et, deux semaines durant, ils n’ont rien eu à manger. Lorsque le navire est arrivé au port de Paranagua au Brésil en 1999, Shwe Tun Aung téléphona aux inspecteurs de l’ITF qui ont contrôlé le bateau. L’agent maritime du Myanmar a appris ce qu’avait entrepris Shwe Tun Aung et en a informé l’ambassade du Myanmar. Suite au différend qui a opposé quatre mois durant l’ITF et la compagnie maritime, les deux parties sont parvenues à un accord et la compagnie maritime a payé tous les arriérés de salaires. Des quatre membres de l’équipage qui décidèrent de rentrer au Myanmar, deux étaient membres de syndicats. Dès leur arrivée, ils furent forcés à rembourser au SECD les salaires versés suite à l’intervention de l’ITF et durent s’acquitter d’une grosse amende. A ces sanctions vint s’ajouter une interdiction de quitter le pays pendant trois ans.
  48. 692. Craignant les mesures de représailles, Shwe Tun Aung n’est pas rentré au Myanmar mais s’est rendu à Bangkok où il s’est davantage impliqué dans les activités du SUB. Dans une interview pour la radio, il a évoqué ce qui s’était passé à bord du «M/V Great Concert». Son nom à été rendu public et l’interview fut largement diffusée dans tout le Myanmar. Lorsque le gouvernement eu connaissance de cela, il taxa Shwe Tun Aung de criminel. Shwe Tun Aung participa également à des manifestations devant l’ambassade du Myanmar, et c’est au cours de l’une d’elles qu’il rencontra James McAuley, marin lui aussi.
  49. 693. En septembre 1999, ils embarquèrent tous deux à bord du «M/V Global Mariner» pour participer à une campagne d’information sur les conditions de travail au Myanmar à travers le monde. Le navire appartenait à l’ITF. Le tour du monde s’acheva en février 2000. Le navire fut alors offert à une compagnie maritime pour laquelle la plupart de l’équipage ainsi que Shwe Tun Aung décidèrent de travailler. Le 2 août 2000, le «M/V Global Mariner» fit naufrage au large du Venezuela et tous les membres de l’équipage perdirent, entre autres, leurs papiers d’identité. Shwe Tun Aung pris contact avec l’ambassade du Myanmar au Brésil afin d’obtenir un nouveau passeport. Le 17 octobre 2000, il appris par le troisième secrétaire de l’ambassade que le gouvernement avait mis son nom sur «liste noire» et que tout ce qu’il pouvait obtenir était un document lui permettant de rentrer au Myanmar. Six mois plus tard, grâce à l’intervention de plusieurs syndicats, les autorités lui délivrèrent un passeport mais il dut s’acquitter d’une amende de 1 500 dollars américains. Le document délivré contenait néanmoins une prescription spéciale du ministère des Affaires étrangères et du ministère de l’Intérieur en charge de la force spéciale de police qui enquête sur tous les cas avant la délivrance des passeports, informant les autorités concernées que le gouvernement du Myanmar souhaitait voir Shwe Tun Aung rentrer dans son pays. En d’autres mots, s’il était retourné en Thaïlande, il aurait risqué l’extradition vers le Myanmar. Avec l’aide de l’ITF, il put obtenir le statut de réfugié politique aux Etats-Unis, où il travaille actuellement comme inspecteur pour l’ITF.
  50. 694. La déclaration de M. James McAuley confirme que Shwe Tun Aung a effectivement pris part aux activités syndicales du SUB en Thaïlande, ainsi qu’à la campagne menée par l’ITF. Il a été informé par le secrétaire général de la FTUB et par Shwe Tun Aung des difficultés rencontrées par ce dernier pour obtenir un passeport de l’ambassade du Myanmar au Brésil. Il ajoute que Shwe Tun Aung était le seul ressortissant du Myanmar parmi l’équipage du «M/V Global Mariner». James McAuley a aidé Shwe Tun Aung à obtenir des visas temporaires lui permettant de quitter le Brésil où il ne se sentait pas en sécurité. L’organisation plaignante soutient que Shwe Tun Aung est inquiété par le gouvernement pour avoir tenté de présenter ses doléances légitimes relatives au travail.
    • Troubles liés aux conditions de travail et licenciements de travailleurs
  51. 695. L’organisation plaignante déclare qu’elle a été informée d’un grand nombre de licenciements de travailleurs suite à des réclamations et des protestations collectives.
  52. 696. Le premier cas rapporté est celui de la fabrique de pneus Motocar du village de Kanthayar (circonscription de Thaton, Etat de Karen). La fabrique fut ouverte en 1996 par le ministère de l’Industrie. En raison de la pénurie de mazout et de matières premières, la fabrique n’a rien pu produire pendant l’année 1999. Les ouvriers journaliers les moins qualifiés ont perdu leur emploi en février 2000, alors que 120 ouvriers qualifiés ont été licenciés au mois de mai suivant. Le 25 février 2001, le ministère de l’Industrie a annoncé 19 nouveaux licenciements d’ouvriers qualifiés. Ces travailleurs n’ont reçu aucune indemnité. Une manifestation pacifique a été organisée devant l’usine les 9 et 10 mars 2001 pour obtenir une indemnité de licenciement. Les autorités du district de Thaton et une unité des services de renseignement militaire locale ont dit aux protestataires qu’ils devaient adresser leurs demandes au ministère de l’Industrie et au ministère du Travail. Elles ont instamment prié les travailleurs de mettre un terme à la manifestation qui pouvait «menacer la sécurité régionale».
  53. 697. Avant même que des requêtes aient pu être soumises, les agents des services de renseignement et la police du Myanmar procédèrent aux premières arrestations des chefs de file des manifestants. Dix-neuf travailleurs qualifiés furent tout d’abord arrêtés. Les arrestations se poursuivirent le 11 mars 2001 et la plupart des travailleurs fuirent l’usine. Deux compagnies détachées du bataillon d’infanterie légère no 24 furent déployées sur le site. Un panneau placé au début de la route conduisant à la fabrique indiquait que toute personne passant sur cette route entre 18 heures et 6 heures risquait d’être abattue. Personne ne sait ce qui est advenu des travailleurs arrêtés.
    • Les fabriques de vêtements
  54. 698. L’organisation plaignante fait savoir que des douzaines de cas de différends du travail dans des fabriques de vêtements, et sévèrement réprimés par les autorités publiques, ont été rapportés comme ayant eu lieu en 2001. L’organisation plaignante donne des exemples de la façon dont les droits des travailleurs sont bafoués, en violation flagrante des droits syndicaux fondamentaux.
    • L’usine de vêtements Unique, Hlaing That Ya, zone industrielle 4
  55. 699. En novembre 2001, les travailleurs de cette usine organisèrent un mouvement afin d’obtenir une augmentation de la rémunération des heures supplémentaires. Sur la demande du directeur de l’usine, des représentants du Bureau des opérations stratégiques des forces militaires de Yangon arrivèrent immédiatement et demandèrent aux travailleurs d’élire des représentants. Six ouvriers prirent la parole pour expliquer leurs requêtes. Le lendemain, ces six ouvriers reçurent trois mois de salaire en plus de leur salaire mensuel et furent congédiés. Aux dernières nouvelles, les travailleurs se cachent par peur d’être arrêtés.
    • L’industrie Texcamp Ltd. du Myanmar, Hlaing Tha Ya, zone 3
  56. 700. L’usine Texcamp Ltd. du Myanmar est une compagnie financée par des fonds en provenance de Singapour et qui emploie plus de 1 000 personnes. Au cours de la deuxième semaine de janvier 2002, les travailleurs ont présenté une demande collective pour une augmentation de salaire et de meilleures conditions de travail. La direction riposta en appelant le commandant des opérations stratégiques des forces militaires de Yangon, qui menaça les travailleurs de les faire arrêter pour «menace à la stabilité de la nation» s’ils ne stoppaient pas leur mouvement. Le directeur ajouta que, étant donné la mauvaise conjoncture économique, une augmentation des salaires obligerait l’usine à fermer ses portes. Les travailleurs furent obligés de mettre un terme à leur mouvement et de renoncer à leurs réclamations.
    • La fabrique de vêtements Yes du Myanmar, Hlaing Tha Ya
  57. 701. Cette compagnie, financée par des fonds en provenance de Hong-kong, emploie plus de 2 000 personnes travaillant dans des conditions déplorables. Les salaires moyens sont bas et les journées de travail très longues (les ouvriers sont obligés de travailler jusqu’à 22 heures, voire la nuit entière en cas de surcroît de travail. S’ils refusent, ils sont systématiquement licenciés.) En plus de ne disposer d’aucune possibilité de soins médicaux, l’accès aux toilettes est limité (une carte est nécessaire pour l’accès aux toilettes et il n’y a qu’une carte pour 100 employés). Bien que l’employeur fournisse le transport, il en déduit le coût des salaires de ses employés.
  58. 702. Le 16 mai 2000, une ouvrière, Ma Moe Moe Htay, tomba gravement malade et supplia le directeur de la laisser se reposer. Deux jours plus tard, son corps, vêtu de son uniforme de travail, fut retrouvé dans le caniveau. Aucune enquête ne fut ouverte et la colère monta parmi les travailleurs.
  59. 703. Le 5 octobre 2000, les travailleurs organisèrent une manifestation en réponse à l’incapacité de la compagnie de tenir sa promesse de rémunérer ses employés au nombre de vêtements fabriqués. Le directeur appela l’unité de services de renseignement militaire qui arrêta bon nombre d’ouvriers. Certains furent détenus au poste de police de Hlaing Tha Ya et d’autres à Ye Kyi Ai, un lieu d’interrogatoire bien connu où des prisonniers politiques sont régulièrement torturés.
  60. 704. Le cas fut dénoncé par la Fédération internationale des travailleurs de l’habillement et du cuir dans une communication adressée au directeur de la compagnie et datée du 2 novembre 2000. L’organisation plaignante a joint une copie de cette communication à la plainte. Aucune action n’a été entreprise à la connaissance de l’organisation plaignante et personne ne connaît le sort qui a été réservé aux travailleurs arrêtés.
    • Conclusion de l’organisation plaignante
  61. 705. L’organisation plaignante estime que cette plainte met en évidence les graves divergences qui existent entre la législation et la pratique en vigueur au Myanmar et les principes internationalement reconnus de la liberté syndicale.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 706. Le gouvernement a complété sa réponse du 5 septembre 2003 par une communication datée du 20 février. Il souligne d’emblée dans sa première communication que les allégations de l’organisation plaignante sont fausses. Sa réponse ne porte que sur les allégations factuelles.
    • Allégation selon laquelle aucun syndicat ne peut se constituer ou avoir des activités
  2. 707. Le gouvernement déclare que la transformation d’un système politique et le passage d’un système à un autre ne vont pas sans une nouvelle Constitution. C’est pourquoi la constitution des syndicats de premier degré ne peut avoir lieu qu’après l’adoption d’une Constitution nationale puisque toutes les lois du pays émanent de la Constitution. Le gouvernement s’efforce néanmoins, pendant la période transitoire que traverse le pays, de trouver des solutions appropriées, et en particulier d’utiliser les structures existantes. Le gouvernement cite à ce propos les associations pour le bien-être des travailleurs et les associations professionnelles telles que l’Association du Myanmar des gens de mer à l’étranger, le Comité national des femmes et l’Association des ingénieurs du Myanmar. Le gouvernement estime que ces associations sont aptes à protéger, autant que faire se peut étant donné les circonstances, les droits, les intérêts et le bien-être des travailleurs. Il précise également que ces associations agissent actuellement dans plusieurs entreprises, usines, zones industrielles et services et qu’elles sont les précurseurs des syndicats.
  3. 708. Le gouvernement déclare être convaincu que, grâce à la collaboration continue avec l’OIT et à l’aide apportée par cette dernière, les problèmes vont être résolus. Il affirme que son premier objectif est de poursuivre sa coopération avec l’OIT.
    • Allégations concernant l’ingérence des autorités publiques à l’égard de la Fédération des syndicats de Birmanie (FTUB)
  4. 709. Le gouvernement souligne d’abord que la FSB est une organisation illégale, exerçant des activités terroristes, dirigée par Maung Maung, un criminel qui avait auparavant fondé le groupe Hawk qui menait des activités terroristes de destruction. Ce groupe est par la suite devenu la FSB. S’agissant des allégations relatives à la campagne de diffamation menée contre la FSB, le gouvernement déclare qu’il a l’obligation de sensibiliser la population à la présence d’éléments dangereux dans la société.
    • Réponse concernant le cas de Maung Maung de la Fédération des syndicats de Birmanie (FTUB), représentant de la CISL
  5. 710. Selon le gouvernement, Maung Maung (aussi connu sous le nom de Pyi Thit Nyunt Wai), est un terroriste faisant partie d’un groupe de rebelles. C’est un justiciable qui est en fuite. Deux plaintes ont été déposées contre lui en vertu de la loi sur le maintien de l’ordre public, 1947, et du Code pénal (haute trahison). En 1989, il a été licencié de la Coopérative de pierres précieuses du Myanmar car il était accusé d’avoir participé au vol de bijoux dans un grand magasin pour diplomates de Yangon. Lorsqu’une deuxième action en justice fut intentée contre lui, en vertu de la loi susmentionnée, il a fui le pays.
  6. 711. Maung Maung a ensuite intégré une organisation antigouvernementale – le Front démocratique uni, qui deviendra plus tard le Gouvernement de coalition nationale de l’Union birmane (NCGUB) – et s’est impliqué dans plusieurs actions contre le gouvernement. Lorsqu’il était à Bangkok, il prit part aux activités d’un groupe d’insurgés du nom de «Ba Ka Tha» et, en 1992, il fonda la «HAWK», une organisation illicite ayant également des activités terroristes. Maung Maung fut impliqué dans une tentative d’attentat terroriste à la bombe à Yangon en 1997 et aida un autre terroriste, Myo Aung Thant, à faire entrer clandestinement des explosifs dans le pays. Il fut reconnu coupable de ces faits conformément à l’article 122 du Code pénal (haute trahison).
    • Allégations relatives au décès de Saw Mya Than
  7. 712. Le gouvernement fait savoir qu’une enquête approfondie à été menée et qu’elle a conduit aux conclusions suivantes.
  8. 713. Saw Mya Than était un habitant du village de Kaleiktoat dans la circonscription de Ye. Il n’était membre d’aucune association licite de travailleurs de l’éducation. Le gouvernement précise que le Syndicat des travailleurs de l’éducation Kawthoolei est une association illicite, affiliée à l’Union nationale Karen (KNU) qui est l’ultime groupe d’insurgés du pays.
  9. 714. Saw Mya Than n’avait pas, contrairement à ce qu’a déclaré la FTUB, été élu chef de son village et il n’était pas non plus porteur. L’armée l’employait comme guide. Le 4 août 2002, c’est en tant que guide qu’il accompagnait le bataillon de l’armée. A environ 8 kilomètres du village, un groupe d’insurgés de la KNU fit exploser une des mines de Claymore, et Saw Mya Than fut tué sur le coup (sa mort est due à ses onze blessures causées par les éclats) et d’autres soldats et porteurs furent blessés. L’armée a fait parvenir le corps de Saw Mya Than à sa famille et a aidé à l’organisation des funérailles. Sa famille a perçu une indemnité et était très satisfaite de l’aide apportée par l’armée et de la sympathie qu’elle lui a témoignée. Aucun membre de la famille n’a émis de plaintes. Le gouvernement conclut que les allégations de la FTUB sont totalement infondées, inventées de toutes pièces et animées par des motivations politiques.
    • Allégations concernant Myo Aung Thant et Khin Kyaw
  10. 715. Le gouvernement affirme que Myo Aung Thant n’avait pas d’emploi stable. Il se rendit à Bangkok à plusieurs reprises et côtoya plusieurs organisations antigouvernementales. Pyi Thit Nyunt Wai (Maung Maung) demanda à Myo Aung Thant de garder des contacts réguliers avec lui et de recruter des travailleurs du Myanmar. Leur objectif était de fomenter un soulèvement estudiantin au Myanmar. Myo Aung Thant quitta donc Yangon pour Ranong le 2 juin 1997. Le 4 juin, Pyi Thit Nyunt Wai, Myo Aung Thant, Khin Kyaw, un spécialiste de la démolition, Than Lwin et un représentant d’une autre organisation (ABSDF), Aye Maung, organisèrent une réunion pour inciter les travailleurs de Yangon à se révolter. Le meurtre de chefs d’Etat, des attentats à la bombe contre les ambassades de Chine et d’Indonésie, la destruction des transformateurs et des lignes téléphoniques au centre de Yangon y furent également décidés. Le même jour, des agents de sécurité appréhendèrent Myo Aung Thant et ses complices à Kawthoung et saisirent des explosifs ainsi que d’autres preuves. Ils furent tous punis pour leurs crimes.
    • Allégations relatives aux mesures répressives à l’encontre des marins à l’étranger
  11. 716. Le gouvernement fournit les éléments suivants. Il déclare, premièrement, que le Département de l’administration maritime a conclu un accord avec l’ITF. Par la suite, l’Association du Myanmar des gens de mer à l’étranger fut établie légalement et s’affilia à l’ITF. Un des objectifs de l’association est le bien-être et les droits des marins du Myanmar et elle a les moyens de mener un travail efficace puisqu’elle est affiliée à l’ITF.
  12. 717. De plus, le service de contrôle de l’emploi des marins a émis une institution formelle, datée du 1er février 1995, selon laquelle la déduction de 25 pour cent des versements effectués aux familles de marins du Myanmar était supprimée. En vertu de la notification no 146/94 du ministère des Finances et des Impôts, datée du 16 novembre 1994, les marins ne payeront plus qu’un impôt de 10 pour cent sur la totalité du salaire qu’ils auront déclaré gagner à l’étranger.
  13. 718. Le gouvernement rappelle que, suite aux recommandations du comité dans le cas no 1752, une communication a été envoyée. Le gouvernement estime que cette communication répond de manière adéquate aux allégations contenues dans la plainte concernant les marins. Dans cette lettre, le gouvernement expliquait que les mesures suivantes avaient été prises afin de respecter les recommandations du comité: 1) le SCD avait levé avec effet au 9 février 1995 l’obligation imposée aux marins de signer une déclaration écrite sous serment avant de quitter le territoire; 2) des mesures étaient en cours d’être prises pour permettre aux marins de constituer librement des organisations; le gouvernement démentait formellement tout acte de discrimination antisyndicale. Dans sa communication, le gouvernement faisait également référence à l’instruction émise par le SCD, datée du 1er février 1995, et à la notification no 146/94. Le gouvernement insistait sur son engagement à pleinement respecter les recommandations du comité. Il soulignait aussi que certaines mesures pourraient être longues à mettre en place .
    • Allégations relatives aux différends du travail et aux licenciements de travailleurs
  14. 719. En ce qui concerne les allégations sur la fabrique de vêtements Unique, la fabrique de vêtements Texcamp du Myanmar et les allégations concernant l’usine de fabrication de vêtements Yes, le gouvernement affirme dans sa communication du 5 septembre 2003 n’avoir connaissance d’aucun cas de cette nature. Il reconnaît l’existence de certains désaccords entre travailleurs et employeurs, mais il souligne qu’un terrain d’entente a été trouvé par le Comité de surveillance pour les travailleurs de la circonscription (toutes les usines se trouvent dans la circonscription de Hlaing Tha Ya). Contrairement à ce qui est dit dans la plainte, il n’y avait pas de cas en suspens concernant la fabrique de vêtements Unique en novembre 2001; l’usine de vêtements Texcamp du Myanmar en janvier 2002; ou la fabrique de vêtements Yes du Myanmar entre mai et novembre 2000.
  15. 720. Dans sa communication du 20 février, le gouvernement soumet des observations supplémentaires sur les allégations concernant les trois usines de fabrication de vêtements mentionnées dans la plainte. Le gouvernement souligne qu’il conteste les dates indiquées et la façon dont les incidents sont relatés par les plaignants. Il déclare sur un plan général que les travailleurs jouissent au Myanmar de droits et avantages en application de la législation du travail existante. Toute violation prouvée des dispositions législatives applicables oblige l’employeur responsable à payer une indemnisation aux travailleurs concernés.
  16. 721. Le gouvernement décrit ensuite le mécanisme de règlement des différends, insistant sur le fait que les travailleurs y sont représentés par les associations pour le bien-être des travailleurs, présentes dans la plupart des établissements. Lorsqu’un différend surgit, des séances de négociation et de conciliation sont tenues entre l’employeur et les travailleurs, en présence desdites associations et du Comité de surveillance des zones industrielles. Si les parties le souhaitent, le Comité local de surveillance pour les travailleurs peut poursuivre les négociations et la conciliation jusqu’à ce qu’un accord soit conclu. Le gouvernement nie toute ingérence des autorités militaires dans les conflits du travail, qui sont réglés exclusivement par le conseil administratif et les comités fonctionnant sous l’autorité du ministère du Travail. Le gouvernement indique que plusieurs différends ont surgi dans diverses zones industrielles entre janvier 2000 et décembre 2003; tous ces cas, 1 069 au total, ont été réglés par le processus de négociation et la conciliation, qui a permis à 19 186 travailleurs de recevoir des prestations complémentaires.
  17. 722. S’agissant plus particulièrement des usines de fabrication de vêtements, le gouvernement indique que celles-ci ont été soumises à de fortes pressions en raison des sanctions économiques imposées au Myanmar, et n’ont parfois eu d’autre choix que de mettre des travailleurs en chômage technique, auquel cas les indemnités applicables ont été payées aux ouvriers licenciés. Le gouvernement nie que des travailleurs ayant participé à des actions de protestation ont été menacés ou licenciés. Dans les cas où les travailleurs en ont fait la demande, le ministère du Travail, en collaboration avec les gestionnaires et les travailleurs concernés ainsi que les organes administratifs compétents, a réussi à éviter les confrontations.
  18. 723. Le gouvernement formule ses commentaires sur chacun des trois cas particuliers mentionnés dans la plainte.
    • Unique Garment Factory
  19. 724. Le gouvernement confirme que des différends ont effectivement surgi dans cette entreprise, mais conteste les dates mentionnées ainsi que l’issue des litiges. Selon lui, les trois différends suivants ont éclaté:
    • a) le 6 octobre 2000, 19 travailleurs ayant refusé d’effectuer des heures supplémentaires, il fut décidé de les affecter à une autre section de travail, ce qui a provoqué un différend que le Comité local de surveillance pour les travailleurs a tenté de régler par la conciliation; un accord a été trouvé, aux termes duquel la direction acceptait de réintégrer les 10 travailleurs dans leur section antérieure (la différence dans le nombre de travailleurs ressort de la communication du gouvernement); il fut également convenu que le personnel expatrié ne s’ingérerait pas dans la gestion de l’usine et que le 6 octobre serait considéré comme une journée travaillée et payée pour tous les travailleurs concernés;
    • b) le 10 juillet 2001, s’est produit un différend impliquant 77 travailleurs du quart de nuit; l’usine traversait alors une période difficile; les 77 travailleurs en question, qui n’avaient pas terminé leur période probatoire, ont été licenciés avec indemnités, suite à une conciliation menée par le Comité de surveillance pour les travailleurs;
    • c) le 15 décembre 2001, des travailleurs ont réclamé le paiement du travail effectué durant les heures de repas ainsi que le paiement d’heures supplémentaires; les autorités locales et les fonctionnaires du ministère du Travail ont tenu avec la direction une séance de conciliation, qui a débouché sur la signature d’un accord entre l’employeur et les travailleurs.
      • Myanmar Texcamp Garment Factory
    • 725. Le gouvernement souligne qu’il n’y a eu aucune arrestation et qu’une conciliation et des négociations ont été entreprises avec le concours du Comité local de surveillance pour les travailleurs, du Comité de surveillance des zones industrielles et de l’Association pour le bien-être des travailleurs. Toutes les réclamations des travailleurs ont été satisfaites, dans de nombreux cas au-delà des demandes formulées. Le gouvernement ajoute qu’en raison de la crise économique l’entreprise a dû payer les «prestations prévues par la loi» à tous les travailleurs. Le gouvernement fait état des trois différends suivants:
    • a) le 8 janvier 2002, tous les travailleurs de l’entreprise ont demandé des augmentations de salaires et l’amélioration des conditions de travail; des fonctionnaires du gouvernement ont entrepris une conciliation et les parties ont signé un accord; la direction a accepté toutes les réclamations présentées et le propriétaire de l’entreprise a en outre convenu de verser une augmentation aux travailleurs à bas salaire;
    • b) le 2 décembre 2002, les travailleurs ont réclamé une augmentation de salaire; le propriétaire et la direction de l’entreprise ont rencontré les travailleurs en présence du Comité local de surveillance pour les travailleurs et ont conclu un accord sur la rémunération des heures supplémentaires;
    • c) le 5 juillet 2003, un différend a pris naissance lorsque 300 travailleurs ont exigé l’augmentation d’une allocation particulière; les fonctionnaires du ministère du Travail ont mené une conciliation qui a abouti à un accord.
      • Myanmar Yes Garment Factory
    • 726. Le gouvernement affirme que les règles régissant le temps de travail dans cette fabrique sont conformes à la législation du travail en vigueur et que le temps supplémentaire effectué est rémunéré. Les indemnités de transport sont régies par accord entre l’employeur et les travailleurs: il est soit gratuit (si le transport est fourni), soit remboursé aux travailleurs (qui préfèrent utiliser leur propre moyen de transport). Le gouvernement mentionne les deux cas suivants qui ont fait l’objet d’une conciliation et de négociations en présence du Comité local de surveillance pour les travailleurs, du Comité de surveillance de la zone industrielle et de l’Association pour le bien-être des travailleurs:
    • a) le 24 mai 2002, 80 travailleurs ont soumis plusieurs réclamations concernant une augmentation de salaire et une amélioration des conditions de travail. Les parties sont arrivées à des accords suite à la conciliation menée par le Comité local de surveillance;
    • b) le 16 septembre 2002, les travailleurs ont manifesté leur mécontentement au sujet d’une mise à pied et des conditions dans lesquelles celle-ci avait été imposée, et du traitement réservé aux travailleurs par un contremaître (du secteur de la couture); le Comité local de surveillance a entrepris une conciliation et a exhorté la direction à payer l’indemnisation prévue par les contrats d’embauche; les parties sont parvenues à un accord.
  20. 727. En ce qui concerne le cas particulier de Mme Ma Moe Htay, le gouvernement confirme que celle-ci est tombée malade au travail le 16 mai 2000 et a été autorisée à se reposer. Elle ne s’est pas présentée au travail l’après-midi, et son corps a été retrouvé plus tard dans les circonstances décrites par l’organisation plaignante. La police a diligenté une enquête et a conclu qu’il s’agissait d’un accident. L’entreprise et les autorités publiques ont acquitté les frais funéraires.
  21. 728. Pour ce qui est de l’usine de pneus Motocar dans le village de Kanthayar (circonscription de Thaton, Etat de Karen), le gouvernement fait savoir qu’il s’agit d’une usine appartenant à l’Etat. Le gouvernement soutient qu’il n’a connaissance d’aucune plainte du type de celle alléguée par l’organisation plaignante. Il n’existe aucun dossier d’incident auprès de la circonscription ou du bureau local du ministère du Travail. Les allégations sont donc infondées.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 729. Le comité note que l’organisation plaignante a soumis deux séries d’allégations. La première série concerne les questions législatives. L’organisation plaignante a identifié certains instruments législatifs qui présentent de graves violations de la convention no 87. La deuxième série d’allégations concerne des questions factuelles. Le comité regroupera ces allégations en trois catégories. La première catégorie comprend les allégations sur l’absence totale d’organisations de travailleurs reconnues au Myanmar. La seconde porte sur les allégations concernant la répression exercée par les autorités – mesures répressives qui comprennent les assassinats, les arrestations et la torture – à l’encontre de tout travailleur ayant des activités syndicales ou, plus généralement, contre toute expression de doléances relatives au travail; des allégations relatives à des licenciements de travailleurs ont également été soumises. La troisième catégorie regroupe les allégations concernant la reconnaissance de la liberté syndicale des marins, question traitée par le comité lors de son examen du cas no 1752. D’une manière générale, l’organisation plaignante déclare que les violations de la liberté syndicale alléguées ont eu cours dans une situation où les droits de l’homme et autres libertés fondamentales sont violemment réprimés.
  2. 730. Tout d’abord, le comité ne peut que constater l’extrême gravité des allégations et leur description détaillée. Le comité note que le gouvernement n’a présenté une réponse que sur certaines allégations de fait. Le comité note également que la seconde communication du gouvernement n’a été reçue qu’une semaine avant la réunion. Notant que l’objectif déclaré du gouvernement du Myanmar est la poursuite de sa coopération avec l’OIT, le comité considère que le contenu de ses futures réponses et leur soumission en temps voulu seront une manifestation importante de sa volonté en la matière.
  3. 731. Pour ce qui est de la teneur des allégations, le comité doit rappeler le contexte particulier entourant la liberté syndicale dans lequel ces allégations sont présentées. Les organes de contrôle de l’OIT ont suivi de près l’application de la convention no 87 par le Myanmar pendant plusieurs années. La Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations et la Commission pour l’application des normes de la Conférence internationale du Travail ont à plusieurs reprises attiré l’attention du gouvernement sur son manquement continu à appliquer la convention. La Commission de la Conférence a cité de manière régulière (la dernière mention de ce problème est intervenue lors de la 91e session de la Conférence internationale du Travail en juin 2003) l’application de la convention par le Myanmar dans un paragraphe spécial de son rapport général, soulignant ainsi la gravité du problème.
  4. 732. Compte tenu des circonstances, le comité souhaite rappeler que, lorsqu’un Etat décide d’adhérer à l’Organisation internationale du Travail, il s’engage à respecter les principes fondamentaux définis dans la Constitution et dans la Déclaration de Philadelphie, y compris les principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 10.] A ces obligations générales viennent s’ajouter les engagements spécifiques résultant de la ratification de la convention no 87 par le Myanmar.
    • Questions législatives
  5. 733. Le comité note que le gouvernement n’a présenté aucune réponse aux points soulevés par l’organisation plaignante concernant la législation. Le comité note que le gouvernement reconnaît néanmoins que dans la pratique il n’existe aucun syndicat de premier degré. Le gouvernement explique une telle absence par le fait que la nouvelle Constitution, dont découlent toutes les lois nationales, n’a pas encore été adoptée. Le comité note à cet égard que la législation applicable aux syndicats et aux différends syndicaux citée par l’organisation plaignante a été adoptée ou était considérée comme étant en vigueur sous l’empire de la Constitution de 1974, qui a été suspendue depuis. Le comité note également que l’ordonnance no 6/88, qui s’applique explicitement aux syndicats – et dont personne ne conteste qu’elle soit toujours en vigueur –, soumet leur constitution à l’autorisation préalable du ministère de l’Intérieur et des Affaires religieuses. Cette ordonnance interdit les organisations, y compris les syndicats, en des termes extrêmement généraux, tels que violation de la loi et perturbation de l’ordre ou de la sécurité de l’Etat, tout en ne prévoyant aucun mécanisme d’appel. Le comité souligne à cet égard que le principe de la liberté syndicale risquerait souvent de rester lettre morte si les travailleurs et les employeurs devaient, pour pouvoir constituer une organisation, obtenir une autorisation quelconque. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 244.]
  6. 734. A la lumière de ce qui précède, le comité note que, d’une part, il n’y a actuellement pas de Constitution en vigueur au Myanmar et que, selon le gouvernement, cela empêche l’adoption de lois permettant la constitution de syndicats; d’où l’absence de syndicats dans la pratique. D’autre part, paradoxalement, l’ordonnance no 6/88 s’adresse aux syndicats et s’applique, dans les conditions décrites ci-dessus, comme étant problématique du point de vue de la liberté syndicale. La combinaison de ces deux éléments conduit le comité à l’observation suivante: il n’y a à l’heure actuelle aucune législation offrant une base juridique au respect et à la réalisation de la liberté syndicale au Myanmar. Cette situation juridique est en violation flagrante de la convention no 87.
  7. 735. Le comité estime que le gouvernement devra entreprendre plusieurs actions pour remédier à cette situation. Premièrement, une base juridique doit être élaborée pour garantir le respect et la réalisation de la liberté syndicale et, en particulier, la reconnaissance d’organisations de travailleurs et d’employeurs libres et indépendantes. Cette base juridique doit pour le moins consacrer les garanties énoncées dans la convention no 87. Elle devrait également traiter des questions plus spécifiques du droit syndical des marins. Le comité rappelle également au gouvernement que la convention couvre les employeurs aussi bien que les travailleurs. Bien qu’il ait pris bonne note des observations du gouvernement concernant l’absence d’une Constitution d’Etat, le comité remarque qu’une telle situation n’empêche en rien l’adoption de lois, et que des décrets et des ordonnances ont malgré tout été adoptés depuis la suspension de la Constitution de 1974.
  8. 736. Deuxièmement, conformément à l’article 8 de la convention, cette base juridique devrait aussi comprendre des mesures spécifiques veillant à ce que toute autre législation, et en particulier les ordonnances nos 2/88 et 6/88, soit appliquée d’une façon qui ne porte pas atteinte aux garanties relatives à la liberté syndicale et à la négociation collective.
  9. 737. Enfin, le comité relève que le respect de la règle de droit requiert que toute nouvelle loi adoptée soit rendue publique et que son contenu soit largement diffusé. Un amendement à une loi ou a fortiori l’abrogation d’une loi devrait suivre le même processus. Le comité s’attend à ce que tout nouvel instrument législatif concernant la liberté syndicale respecte strictement ces exigences fondamentales.
  10. 738. Conscient des graves conséquences qu’entraîne l’absence de base juridique pour la liberté syndicale au Myanmar, le comité est convaincu que le gouvernement devrait accepter l’assistance technique du Bureau pour remédier à cette situation.
    • Questions factuelles
  11. 739. En ce qui concerne la non-reconnaissance des syndicats, le comité examinera tout d’abord la question de la représentation des intérêts des travailleurs par les associations pour le bien-être des travailleurs mentionnées par le gouvernement et qui, de son propre aveu, ne sont pas des syndicats mais peuvent être considérées comme leurs prédécesseurs. Cette question a déjà été examinée par la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations et a été portée récemment devant la Commission de vérification des pouvoirs de la Conférence internationale du Travail.
  12. 740. Dans l’attente de la constitution et de la reconnaissance des syndicats, le comité est d’avis que des formes alternatives de représentations collectives et organisées de travailleurs peuvent être envisagées à condition qu’elles soient une réelle étape préalable à l’établissement de syndicats libres et indépendants. Ces organisations de travailleurs embryonnaires doivent donc à tout le moins jouir de garanties d’indépendance. La question est de savoir si les associations des travailleurs présentent de telles garanties.
  13. 741. Le comité relève que, s’il fait généralement référence au rôle des associations dans le règlement des différends, le gouvernement n’a fourni aucune information relative à leur composition et à leur fonctionnement, et qu’il n’a pas non plus donné d’exemples des statuts qui les régissent. Bien que le comité ait pu obtenir copie des statuts de l’Association du Myanmar des gens de mer à l’étranger, en l’absence d’informations détaillées sur les circonstances dans lesquelles ces statuts ont été élaborés et adoptés, le comité ne peut vérifier si ces statuts sont la libre expression de la volonté des travailleurs concernés. Dans tous les cas, le paragraphe 5 du chapitre 4 de ces statuts limite explicitement la liberté de choix des marins quant à la constitution d’une association ou son affiliation; ainsi, conformément à cette disposition cette association est «… la seule et unique association représentant les marins». Le comité note des conclusions de la Commission de vérification des pouvoirs [voir 3e rapport, paragr. 27, 90e session de la Conférence internationale du Travail (juin 2002)] que ces associations sont loin de présenter toutes les garanties d’indépendance puisque les représentants du gouvernement et les employeurs font partie de leurs comités de direction. Le comité relève également l’observation faite en 2002 par la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations selon laquelle «… les associations de protection des travailleurs … ne constituent pas un substitut au droit fondamental d’organisation prévu par la convention».
  14. 742. A la lumière des considérations ci-dessus, le comité est aussi d’avis que les associations pour le bien-être des travailleurs ne sauraient être des substituts à des syndicats libres et indépendants. Il en sera ainsi tant qu’elles ne présenteront pas de garanties d’indépendance dans leur composition et dans leur fonctionnement et, pour le moins dans le cas des marins, tant que ces derniers ne seront pas libres de constituer une association de leur choix ou de s’y affilier. De même, si le gouvernement devait envisager la participation des associations pour le bien-être des travailleurs à l’élaboration du projet de législation sur la liberté syndicale, le comité doit signaler que cette contribution ne saurait être considérée comme remplissant les critères d’une représentation réelle des travailleurs dans le processus.
  15. 743. Le comité relève que, dans ses observations concernant la FTUB, le gouvernement n’a pas répondu aux allégations concernant les autres organisations de travailleurs clandestines opérant sur le territoire du Myanmar. Le comité note que, selon le gouvernement, la FTUB est une organisation illégale, dirigée par une personne contre qui pèsent les accusations pénales, question que le comité examinera ci-après. Le comité note également que le gouvernement considère illégale une autre organisation, le KEWU. Etant donné le contexte législatif actuel prévalant au Myanmar et l’absence de tout syndicat reconnu, le comité peut raisonnablement conclure que toute organisation librement choisie par les travailleurs sera jugée illégale par le gouvernement. Dans ces circonstances, dans l’attente du résultat du processus législatif et de la constitution de syndicats proposée précédemment dans ce rapport, le comité demande au gouvernement de s’abstenir de tout acte entravant le libre fonctionnement de toute forme de représentation collective et organisée de travailleurs, choisie librement par ces derniers pour défendre et promouvoir leurs intérêts sociaux et économiques. La demande du comité concerne également les organisations de travailleurs opérant en exil puisqu’elles ne peuvent pas être reconnues dans le contexte législatif actuel du Myanmar. Le comité demande également au gouvernement de donner, à cet égard, des instructions claires à ses agents et de le tenir informé de l’évolution de la situation. Enfin, le comité rappelle que l’on ne peut affirmer qu’il existe un droit des travailleurs et des employeurs de constituer librement des organisations de leur choix et de s’y affilier, tant qu’une telle liberté n’est pas pleinement établie et respectée en droit et en pratique.
  16. 744. Pour ce qui est des allégations sur les mesures répressives prises par les autorités à l’encontre des dirigeants et des membres de syndicats, et des travailleurs présentant leurs doléances relatives au travail, le comité présente les considérations préliminaires suivantes avant de se pencher sur chacune de ses allégations. D’une manière générale, le comité rappelle aux gouvernements qu’il convient d’adopter toutes les mesures adéquates pour garantir que, quelle que soit la tendance syndicale, les droits syndicaux puissent s’exercer normalement, dans le respect des droits fondamentaux de l’homme et dans un climat exempt de violence, de pressions, de crainte et de menaces de tous ordres. En outre, si un mandat syndical ne confère pas à son titulaire une immunité lui permettant de violer les dispositions en vigueur, celles-ci, à leur tour, ne doivent pas porter atteinte aux garanties fondamentales en matière de liberté syndicale ni sanctionner des activités qui, conformément aux principes généralement reconnus en la matière, devraient être considérées comme des activités syndicales licites. Pour finir, concernant les plaintes formulées contre les dirigeants syndicaux et relatives à leurs activités syndicales, le comité a signalé par le passé le danger que représentent pour le libre exercice des droits syndicaux des inculpations prononcées à l’encontre de représentants de travailleurs dans le cadre d’activités liées à la défense des intérêts de leurs mandants. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 36, 42 et 44.]
  17. 745. Le comité est conscient des différentes limites qui se posent à l’examen des allégations en question. En effet, comme il a été mentionné plus haut, étant donné que la liberté syndicale n’a aucune base juridique, et au vu de la teneur de certains instruments législatifs, tels que l’ordonnance no 6/88, la conséquence logique veut que toute forme d’activité syndicale est considérée illicite et ne peut se développer normalement dans la pratique. C’est pourquoi le rassemblement de preuves quant aux allégations relatives aux activités syndicales sera particulièrement difficile, étant donné que les organes et les individus concernés sont considérés comme étant en situation d’illégalité. Dans ces circonstances, et lors de la détermination des questions soulevées par ce cas, le comité considèrera que toute activité relative au travail et pouvant raisonnablement être reliée à la liberté syndicale constituera une base suffisante aux fins de son examen. En outre, le comité demande ci-dessous au gouvernement de fournir copies des documents produits par les autorités gouvernementales ou par toute autre autorité publique qui soient en rapport avec les questions soulevées par les allégations, pour permettre un examen objectif par le comité.
  18. 746. Considérant en premier lieu le cas de l’assassinat de Saw Mya Than, le comité relève que, selon l’organisation plaignante, ce dernier s’impliquait beaucoup dans des activités relatives aux droits de l’homme et des activités syndicales: il était membre de la FTUB et un dirigeant du Syndicat des travailleurs de l’éducation Kawthoolei (KEWU). Il a été élu chef de son village Kaleiktoat et contraint de travailler pour l’armée en tant que porteur. Il a été assassiné par l’armée, en représailles à une attaque perpétrée par un groupe d’insurgés. L’organisation plaignante prétend qu’il existait un lien direct entre ses activités syndicales et son assassinat par l’armée. En effet, ses activités syndicales étaient connues de tous et un chef de village ne travaille pas, en temps normal, pour l’armée. Le comité relève que, selon le gouvernement, Saw Mya Than n’avait pas été élu chef du village et n’était pas non plus porteur pour l’armée. Il était employé par l’armée en tant que guide. Il n’appartenait à aucune association licite de travailleurs de l’éducation, et le KEWU est une organisation illicite et clandestine affiliée au dernier groupe d’insurgés du pays. Saw Mya Than a été tué par l’explosion d’une mine provoquée par le groupe d’insurgés. Les membres de la famille de Saw Mya Than ont perçu une indemnité et l’armée a aidé à organiser les funérailles. Une enquête approfondie a été menée sur cet assassinat par les autorités.
  19. 747. Le comité prend note que le gouvernement ne dément pas la participation de Saw Mya Than à des activités syndicales, mais il a simplement déclaré qu’il n’appartenait à aucune association de travailleurs licite. Etant donné qu’une association de travailleurs illicite peut également soulever des questions relatives à la liberté syndicale, le comité considère qu’un examen de cet assassinat se justifie. Cependant, au vu des versions des faits contradictoires, le comité ne peut tirer aucune conclusion quant au lien entre son assassinat et toute activité touchant à la liberté syndicale. Si le comité prend bonne note du fait qu’une enquête a été ouverte – les résultats de cette enquête ont été présentés au Conseil d’administration –, il relève qu’elle a été entreprise par le gouvernement dans un contexte très particulier et que ses conclusions sont très succinctes.
  20. 748. Dans ces circonstances, le comité rappelle que des cas graves tels que l’assassinat d’un syndicaliste exigent l’ouverture d’enquêtes judiciaires indépendantes en vue de faire pleinement, et à bref délai, la lumière sur les faits et les circonstances dans lesquelles se sont produits ces faits et ainsi, dans la mesure du possible, de déterminer les responsabilités, de sanctionner les coupables et d’empêcher que de tels faits se reproduisent. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 51.] Le comité est conscient du fait que les conditions d’une telle enquête ne sont pas remplies au niveau national. C’est pourquoi, le comité considère que la meilleure solution serait la constitution d’un groupe indépendant d’experts, considérés impartiaux par toutes les parties concernées. Ce groupe d’experts mènerait une enquête indépendante sur le cas de Saw Mya Than. Le comité demande au gouvernement de constituer un tel groupe et de l’informer de sa décision à cet égard.
  21. 749. En ce qui concerne le cas du secrétaire général de la FTUB, le comité relève que, selon l’organisation plaignante, des poursuites pénales ont été engagées contre lui pour ses activités syndicales légitimes. Il aurait été licencié en vertu de l’ordonnance no 6/88, après avoir constitué un syndicat au sein de la compagnie minière d’Etat pour laquelle il travaillait. Après avoir quitté le pays, il a été nommé secrétaire général de la FTUB en 1991. Le comité prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle le secrétaire général de la FTUB est un justiciable en fuite, eu égard à deux plaintes déposées contre lui en vertu de la loi sur le maintien de l’ordre public, 1947, et du Code pénal pour haute trahison; il a été jugé coupable «de prime abord» («prima facie») en vertu de l’article 122 de ce code. Il a été congédié en 1989 pour avoir commis un vol.
  22. 750. Le comité relève que le gouvernement ne fait aucune déclaration concernant les activités syndicales du secrétaire général de la FTUB. Plus précisément, le gouvernement ne nie pas qu’il ait participé à la constitution d’un syndicat dans la compagnie d’Etat qui l’employait alors, mais il n’est pas d’accord avec l’organisation plaignante sur la raison de son licenciement. Les deux parties sont d’accord sur le fait que le secrétaire général de la FTUB est poursuivi au pénal. Toutefois, le gouvernement n’explique pas en détail les chefs d’accusation et les motifs sur la base desquels il a été reconnu coupable en vertu de l’article 122 du Code pénal.
  23. 751. Le comité considère que les éléments à disposition sont suffisants pour justifier l’examen de ce cas. Etant donné les activités syndicales proéminentes du secrétaire général et le contexte législatif actuel du Myanmar rendant de telles activités illégales, le comité doit tenir compte du fait que ces activités puissent être la cause des poursuites pénales. C’est la raison pour laquelle le comité demande au gouvernement d’apporter la preuve que les activités syndicales du secrétaire général de la FTUB ne sont pas la raison des poursuites pénales engagées contre lui. Le comité demande en particulier copie de la décision à laquelle le gouvernement se réfère dans sa réponse et qui reconnaît le secrétaire général de la FTUB coupable, en vertu de l’article 122 du Code pénal, ainsi que tout document concernant l’autre plainte déposée contre lui en vertu de la loi sur le maintien de l’ordre public, 1947.
  24. 752. Pour ce qui est des cas relatifs à Myo Aung Thant et Khin Kyaw, selon l’organisation plaignante, Myo Aung Thant était membre de la «All Burma Petro-Chemical Corporation Union». En 1995, il est devenu membre du Comité central exécutif de la FTUB. Il a été arrêté le 13 juin 1997 à l’aéroport de Yangon avec sa femme et ses enfants et accusé de haute trahison. Un procès eu lieu secrètement en août 1997, procès pour lequel il n’a pu recourir aux services de son avocat et a dû accepter l’avocat désigné par la junte militaire. Il a été reconnu coupable et condamné à «la transportation à vie» ainsi qu’à une peine d’emprisonnement de sept ans. Sa condamnation reposait sur des aveux obtenus sous la torture. La femme de Myo Aung Thant a été condamnée à dix ans de prison pour complicité. Elle a été libérée depuis. En ce qui concerne Khin Kyaw, l’organisation plaignante allègue qu’il était membre du Syndicat des gens de mer de Birmanie. Il a été arrêté en 1997 avec sa femme. Il avait déjà été arrêté en 1993 en raison de ses activités syndicales et avait été torturé pendant sa détention. Les autorités n’ont jamais communiqué les charges qui pesaient contre lui mais elles seraient en relation avec le cas de Myo Aung Thant. Khin Kyaw purge actuellement une peine de 17 ans de prison.
  25. 753. Selon le gouvernement, Myo Aung Thant n’avait pas d’emploi stable et était en contact régulier avec le secrétaire général de la FTUB ainsi qu’avec plusieurs organisations antigouvernementales. Ses complices et lui-même, y compris Khin Kyaw, ont décidé, le 4 juin 1997, d’inciter les travailleurs à la révolte à Yangon et de commettre des assassinats. Ils ont été appréhendés ce même jour par des agents de sécurité, et des explosifs ainsi que d’autres preuves ont été saisis à Kawthoung. Myo Aung Thant et Khin Kyaw ont été condamnés pour leurs crimes.
  26. 754. Le comité relève que le gouvernement reconnaît que les deux cas sont liés et que des condamnations ont été prononcées. Le gouvernement ne fait aucun commentaire concernant les allégations relatives aux activités syndicales. Au vu du contexte législatif existant au Myanmar, et étant donné que les noms de Myo Aung Thant et de Khin Kyaw figurent sur les listes des membres du Comité exécutif central de la FTUB, le comité considère que les éléments dont il dispose sont suffisants pour justifier l’examen de ces deux cas. Le comité relève, avec une grande préoccupation, l’extrême gravité des allégations relatives à la manière dont Myo Aung Thant, Khin Kyaw et leurs familles ont été arrêtés, mais aussi la gravité des allégations relatives à la torture, des allégations selon lesquelles Khin Kyaw n’a pas été informé des charges pesant contre lui, ou encore de celles sur la façon dont le procès a été instruit, pour le moins dans le cas de Myo Aung Thant. Le comité observe à cet égard que ces allégations n’ont pas été démenties ou contredites par le gouvernement, à l’exception des circonstances dans lesquelles les arrestations se sont déroulées.
  27. 755. Le comité se doit d’attirer l’attention du gouvernement sur les principes généraux suivants. L’arrestation et la détention de syndicalistes, même pour des raisons de sécurité intérieure, risquent d’impliquer une grave ingérence dans l’exercice des droits syndicaux si une telle mesure ne s’accompagne pas de garanties judiciaires appropriées. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 84.] L’absence de garanties d’une procédure judiciaire régulière risque de conduire à des abus et de permettre que des dirigeants syndicaux soient victimes de décisions non fondées. Elle peut en outre créer un climat d’insécurité et de crainte susceptible d’influer sur l’exercice des droits syndicaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 106.] Dans les cas allégués de tortures ou de mauvais traitements de prisonniers, les gouvernements devraient enquêter sur les plaintes de cette nature pour que les mesures qui s’imposent, y compris la réparation des préjudices subis, soient prises et que des sanctions soient infligées aux responsables pour veiller à ce qu’aucun détenu ne subisse ce genre de traitement. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 57 et 59.] Enfin, un climat de violence à l’encontre des dirigeants syndicaux et de leurs familles ne favorise pas le libre exercice des droits syndicaux garantis par les conventions nos 87 et 98 que tous les Etats ont le devoir de garantir. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 61.]
  28. 756. Dans ces circonstances, tenant compte du fait que Myo Aung Thant et Khin Kyaw n’ont pas bénéficié d’un procès équitable et d’un accès au conseil juridique de leur choix pour leur défense et qu’il est allégué que la condamnation de Myo Aung Thant était basée sur des aveux obtenus sous la torture, le comité demande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin que Myo Aung Thant et Khin Kyaw soient libérés de prison.
  29. 757. Pour ce qui est du cas de Thet Naing, selon l’organisation plaignante, il a été engagé dans la fabrique de vêtements de Yan Ze Kyan en 1997. En 1999, une protestation collective, à laquelle Thet Naing participe, a éclaté, ce qui lui a valu d’être licencié. Les travailleurs ont alors entamé une grève sauvage et la direction a demandé l’intervention de l’armée. Un accord a été finalement conclu et les travailleurs, y compris Thet Naing, ont été autorisés à reprendre le travail. Cinq jours plus tard, Thet Naing et 60 de ses collègues ont été à nouveau licenciés. Thet Naing a été ensuite arrêté à son domicile par l’unité des services de renseignement militaire no 3 du SPDC, accompagné des membres au poste de police no 3 de Pegu. Il s’est vu déclarer qu’il avait été arrêté pour violation de l’article 5(j) de la loi sur l’état d’urgence, 1950, et il a été condamné à sept ans de prison. Le comité regrette que le gouvernement n’ait présenté aucune réponse à ces allégations. Il prie donc instamment le gouvernement de soumettre une réponse complète ainsi que copie de tous documents pertinents et de toute décision judiciaire en vertu de laquelle Thet Naing pourrait avoir été condamné. Si une quelconque condamnation a été décidée, le comité demande au gouvernement de fournir la preuve qu’elle est sans lien avec une quelconque activité ayant trait à la liberté syndicale et, en l’absence de preuve concluante, de prendre des mesures de toute urgence afin de libérer Thet Naing de prison.
  30. 758. Considérant les allégations selon lesquelles les employés de plusieurs usines auraient été réprimés ou menacés pour avoir présenté leurs doléances relatives aux travail, le comité prend note des allégations suivantes concernant les divers exemples mis en exergue dans la plainte. Dans le cas de la fabrique de pneus Motocar, une manifestation pacifique avait été organisée devant l’usine les 9 et 10 mars 2001, en vue d’obtenir une indemnité de licenciement pour les employés congédiés suite à l’arrêt de la production. Les autorités de Thaton district, et une unité des services de renseignement militaire locale, sont intervenues. Des représentants des services de renseignement, ainsi que les forces de police du Myanmar, ont arrêté 19 employés. Ils ont procédé à d’autres arrestations le 11 mars 2001 et deux compagnies détachées du bataillon d’infanterie légère no 24 ont été déployées sur le site. Personne ne sait ce qui est advenu des travailleurs arrêtés. Le comité relève que le gouvernement a nié toutes les allégations. Au vu des versions contradictoires données par l’organisation plaignante et par le gouvernement, il est difficile au comité de tirer des conclusions dans le cadre de cet examen. C’est pourquoi le comité demande au gouvernement de fournir copie des registres du personnel de la compagnie, au 9 mars 2001 et au 31 mars 2001, accompagnée de toute explication d’une quelconque différence afin de permettre de résoudre cette question.
  31. 759. Dans le cas de la fabrique de vêtements Unique, une manifestation de travailleurs a eu lieu en novembre 2001 pour l’obtention d’une augmentation de la rémunération des heures supplémentaires. Sur la demande de la direction, des représentants du Bureau des opérations stratégiques des forces militaires de Yangon sont arrivés et ont demandé aux employés d’élire des représentants. Six travailleurs ont alors pris la parole et le lendemain ils ont été licenciés et ont perçu les paiements liés à la cessation de leur emploi. Les travailleurs se sont cachés par peur d’être arrêtés. Dans le cas de l’industrie Texcamp Ltd. du Myanmar, pendant la deuxième semaine de janvier 2002, une requête collective a été adressée à la direction de la part des travailleurs pour une augmentation de salaire et de meilleures conditions de travail. La direction a répondu en faisant appel au commandant des opérations stratégiques des forces militaires de Yangon qui a menacé les travailleurs de les faire arrêter s’ils ne mettaient pas un terme à leur protestation. Les travailleurs ont été contraints de cesser leur mouvement et de renoncer à leurs requêtes. Pour finir, en ce qui concerne la fabrique de vêtements Yes du Myanmar, le 5 octobre 2000, les travailleurs ont organisé une manifestation en réponse à l’incapacité de la compagnie à respecter les engagements pris quant aux salaires. La compagnie a fait appel à l’unité des services de renseignement militaire et de nombreux ouvriers ont été arrêtés. Certains ont été détenus au poste de police de Hlaing Tha Ya et d’autres à Ye Kyi Ai, un centre bien connu pour ses interrogatoires et où régulièrement des prisonniers politiques sont torturés. Personne ne sait ce qui est advenu des travailleurs arrêtés.
  32. 760. S’agissant de ces trois derniers cas, le comité note les observations générales du gouvernement sur le mécanisme de règlement des différends et le nombre de différends surgis entre janvier 2000 et décembre 2003. Le comité note que le gouvernement nie que des travailleurs aient été menacés ou licenciés en raison de leur participation à des actions de protestation et affirme que, si des travailleurs ont été licenciés, c’est en raison de la situation économique difficile de l’industrie du vêtement, et que les travailleurs concernés ont reçu des indemnités de licenciement. S’agissant de l’entreprise Unique Garment Factory, le gouvernement commente trois différends qui ont eu lieu les 6 octobre 2000, 10 juillet et 15 décembre 2001. Dans ces trois cas, selon le gouvernement, des ententes ou des accords ont été conclus suite à la conciliation menée par le Comité local de surveillance pour les travailleurs et des fonctionnaires du ministère du Travail. Les seuls licenciements intervenus concernent 77 travailleurs du quart de nuit, qui ont reçu des indemnités de licenciement. En ce qui concerne la société Myanmar Texcamp, le gouvernement fait état de trois différends survenus les 8 janvier et 2 décembre 2002 et 5 juillet 2003; dans ces trois cas également, des accords ont été conclus suite à la conciliation menée par le Comité local de surveillance pour les travailleurs et des fonctionnaires du ministère du Travail. Le gouvernement fait aussi allusion, sans plus de détails, à des «prestations prévues par la loi» qui ont été versées aux travailleurs en raison de la situation économique difficile de la société Myanmar Texcamp. S’agisant enfin de la société Myanmar Yes Garment, le gouvernement déclare que des accords ont été conclus en ce qui concerne les deux différends survenus les 24 mai et 16 septembre 2002, le deuxième de ces différends concernant les conditions de mise à pied des travailleurs.
  33. 761. S’agissant du mécanisme de règlement des différends, le comité renvoie à ses conclusions précédentes concernant la représentation des intérêts des travailleurs par les associations pour le bien-être des travailleurs, conclusions qui valent également pour le règlement des différends. Le comité veut croire que la législation sur la liberté syndicale en voie d’élaboration traitera de cette question et que les intérêts des travailleurs, notamment en ce qui a trait au règlement des différends, seront défendus par des organisations présentant toutes les garanties d’indépendance. Le comité demande en outre au gouvernement de lui transmettre copie de tous les instruments juridiques régissant le mécanisme de règlement des différends qu’il a décrit, et de lui donner en particulier des détails sur la composition, le rôle et le fonctionnement du Comité local de surveillance pour les travailleurs et du Comité de surveillance des zones industrielles.
  34. 762. S’agissant des trois entreprises de fabrication de vêtements, le comité note que le gouvernement reconnaît l’existence de différends du travail. Toutefois, à l’exception du différend survenu au sein de la société Myanmar Texcamp en janvier 2002, le comité note des contradictions importantes entre la version des faits donnée par les plaignants et le gouvernement, au point où ils pourraient faire état d’incidents différents. Le comité est donc dans l’incapacité d’en tirer des conclusions à ce stade et doit demander les précisions suivantes.
  35. 763. Le comité demande à l’organisation plaignante de fournir des renseignements supplémentaires au vu des commentaires formulés par le gouvernement sur les différends du travail survenus dans les trois entreprises. En outre, le comité demande au gouvernement de lui transmettre copie de tous les accords mentionnés dans sa réponse (ou de lui donner des détails sur les conditions des accords intervenus si les parties n’ont pas signé d’accord formel) et notamment: 1) les accords relatifs aux différends des 6 octobre 2000, 10 juillet et 15 décembre 2001 dans l’entreprise Unique Garment Factory; 2) les accords relatifs aux différends des 8 janvier et 2 décembre 2002 et 5 juillet 2003 dans la société Myanmar Texcamp; 3) les accords relatifs au différend du 24 mai 2002 au sein de la société Myanmar Yes Garment. Outre le texte de ces accords, le comité demande au gouvernement de lui fournir tout autre document relatif au processus ayant conduit à la signature de ces accords, et de lui donner des détails sur la façon dont ils ont été mis en œuvre, et par qui.
  36. 764. Par ailleurs, le comité demande au gouvernement de préciser les motifs des licenciements mentionnés dans sa réponse et de fournir des détails sur les accords intervenus concernant les conditions du règlement de ces licenciements. La demande du comité concerne: 1) le licenciement de 77 travailleurs du quart de nuit à l’usine Unique Garment; 2) les travailleurs de l’entreprise Myanmar Yes Garment qui ont protesté le 16 septembre 2002 contre les conditions de leur mise à pied. Enfin, le comité demande au gouvernement de fournir des renseignements supplémentaires sur les licenciements pour motifs économiques dans la société Myanmar Texcamp.
  37. 765. Enfin, le comité souhaite souligner que l’intervention de l’armée dans le règlement des différends collectifs ne favorise pas un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces, essentiel à l’exercice des droits syndicaux. Le comité note que le gouvernement nie toute intervention de l’armée dans les différends du travail et lui demande de prendre des mesures expresses pour protéger les organisations de travailleurs et d’employeurs contre toute ingérence des autorités publiques, dans le cadre de la législation sur la liberté syndicale à venir.
  38. 766. Pour ce qui est de la reconnaissance de la liberté syndicale des marins, comme l’ont rappelé l’organisation plaignante et le gouvernement, le comité s’est déjà penché sur cette question dans le cas no 1752. Le comité relève cependant que l’organisation plaignante apporte de nouvelles preuves au soutien de ses allégations de négation de la liberté syndicale des gens de mer et d’actes de discrimination antisyndicale en exposant en détail le cas de Shew Tun Aung. Le comité prend note que le gouvernement n’a fait aucun commentaire sur ce cas en particulier.
  39. 767. Concernant la question de la liberté syndicale des marins, et plus particulièrement de la représentation de leurs intérêts par l’Association du Myanmar des gens de mer à l’étranger, le comité ne peut que renvoyer le gouvernement à sa précédente conclusion sur les associations pour le bien-être des travailleurs en général, et sur l’Association du Myanmar des gens de mer à l’étranger en particulier. Le comité demande donc au gouvernement de reconnaître de manière explicite le droit syndical des marins dans la législation future. Il lui demande également de s’abstenir de recourir à des actes entravant le libre fonctionnement de toute forme de représentation collective et organisée de marins, choisie librement par ces derniers pour défendre et promouvoir leurs intérêts économiques et sociaux. Il convient de rappeler que cette demande concerne également les organisations de marins opérant en exil et qui ne peuvent être reconnues dans le contexte législatif actuel du Myanmar. Des instructions devraient être données à cette fin aux agences gouvernementales en charge des conditions de travail des marins. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  40. 768. Le comité demande en outre au gouvernement de présenter une réponse détaillée aux allégations relatives au cas de Shwe Tun Aung, ainsi que tout document pertinent au soutien de ses commentaires. Pour ce qui est des allégations selon lesquelles Shwe Tun Aung aurait été contraint de signer un contrat attestant qu’il renonçait à son droit de demander de l’aide à l’ITF et/ou aux organisations qui y sont affiliées, le comité demande au gouvernement de fournir tout contrat ou document signé ou accepté par Shwe Tun Aung lors de son premier contrat, ainsi que tout document permettant actuellement aux marins d’obtenir leur premier emploi.
  41. 769. Le comité veut croire que l’examen de la plainte incitera le gouvernement du Myanmar à respecter son obligation générale relative au respect et à la réalisation de la liberté syndicale, obligation qu’il a acceptée lorsqu’il est devenu Membre de l’OIT, ainsi que les engagements spécifiques résultant de la ratification de la convention no 87. Si le comité et le Bureau se tiendront à la disposition du gouvernement du Myanmar pour lui fournir toute l’assistance ou tous les conseils qu’il pourrait souhaiter avoir, tout progrès réel et durable ne dépendra que de la volonté du gouvernement de remplir ses obligations en tant que Membre de l’OIT et, en particulier, de sa coopération dans la présente procédure.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 770. A la lumière des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Relevant l’absence d’une base juridique pour la liberté syndicale au Myanmar, le comité demande au gouvernement:
    • i) d’élaborer une législation garantissant le respect et la réalisation de la liberté syndicale pour l’ensemble des travailleurs, y compris pour les marins et les employeurs;
    • ii) d’inclure des mesures spécifiques dans la législation mentionnée ci?dessus en vertu desquelles toute autre législation, y compris les ordonnances nos 2/88 et 6/88, ne sera pas appliquée d’une façon qui porte atteinte aux garanties relatives à la liberté syndicale et à la négociation collective.
    • b) Conscient des lourdes conséquences qu’entraîne l’absence d’une base juridique pour la liberté syndicale au Myanmar, le comité est convaincu que le gouvernement devrait accepter l’assistance technique du Bureau pour remédier à cette situation.
    • c) Notant que les associations pour le bien-être des travailleurs ne sont pas des substituts à des syndicats libres et indépendants, et dans l’attente du résultat du processus législatif, le comité demande au gouvernement de s’abstenir de recourir à tout acte entravant le libre fonctionnement de toute forme de représentation collective et organisée de travailleurs, y compris celles des marins, librement choisie par eux pour défendre et promouvoir leurs intérêts économiques et sociaux; cette demande est également valable pour les organisations de travailleurs qui opèrent en exil étant donné qu’elles ne peuvent être reconnues dans le contexte législatif actuel du Myanmar. Le comité demande au gouvernement de donner des instructions précises à cet égard à ses agents et de le tenir informé de l’évolution de la situation. Le comité rappelle que l’on ne peut affirmer qu’il existe un droit des travailleurs et des employeurs de constituer librement des organisations de leur choix et de s’y affilier, tant qu’une telle liberté n’est pas pleinement établie et respectée en droit et en pratique.
    • d) Le comité demande au gouvernement de constituer un groupe d’experts indépendants considérés impartiaux par toutes les parties concernées, en vue de mener une enquête indépendante sur l’assassinat de Saw Mya Than et de le tenir informé de sa décision à cet égard.
    • e) Pour ce qui est du secrétaire général de la FTUB, le comité demande au gouvernement de fournir la preuve que les poursuites pénales engagées à l’encontre du secrétaire général de la FTUB n’ont aucun lien avec ses activités syndicales; il demande copie de la décision dont il est question dans la réponse du gouvernement et qui le condamne, en vertu de l’article 122 du Code pénal, ainsi que tous documents relatifs à l’autre plainte déposée contre lui en vertu de la loi sur le maintien de l’ordre public, 1947.
    • f) S’agissant des cas liés de Myo Aung Thant et Khin Kyaw, tenant compte du fait qu’ils n’ont pas bénéficié d’un procès équitable et d’un accès au conseil de leur choix pour leur défense et qu’il est allégué que la condamnation de Myo Aung Thant était basée sur des aveux obtenus sous la torture, le comité demande instamment au gouvernement de prendre les mesures afin que Myo Aung Thant et Khin Kyaw soient libérés de prison.
    • g) Le comité regrette que le gouvernement n’ait présenté aucune réponse aux allégations relatives au cas de Thet Naing et lui demande instamment de soumettre une réponse complète ainsi que copie de tous documents pertinents, y compris de toute décision judiciaire en vertu de laquelle Thet Naing aurait été condamné; si une quelconque sentence a été rendue, le comité demande au gouvernement d’apporter la preuve qu’elle n’a aucun lien avec une activité liée à la liberté syndicale et, en l’absence de preuve concluante, de prendre des mesures de toute urgence afin de libérer Thet Naing de prison.
    • h) Le comité demande au gouvernement de soumettre une réponse détaillée sur les allégations relatives au cas de Shwe Tun Aung, ainsi que tout document pertinent au soutien de ses commentaires. Le comité demande au gouvernement de fournir tout contrat ou document signé ou accepté par Shwe Tun Aung avant qu’il ne puisse débuter son premier emploi en tant que marin, ainsi que tout document en vertu duquel les marins peuvent actuellement commencer leur métier.
    • i) Concernant les différentes allégations de mesures répressives ou de menaces à l’égard des travailleurs pour avoir présenté leurs doléances relatives au travail:
    • i) le comité demande au gouvernement de fournir copie des instruments juridiques régissant le mécanisme de règlement des différends du travail et de fournir notamment des détails sur la composition, le rôle et le fonctionnement des Comités locaux de surveillance pour les travailleurs et du Comité de surveillance des zones industrielles;
    • ii) dans le cas de l’usine de pneus Motocar, au vu des versions contradictoires données par l’organisation plaignante et par le gouvernement, le comité demande au gouvernement de fournir copies des registres du personnel de la compagnie pour les 9 et 31 mars 2001, accompagnées de toute explication quant aux différences éventuelles, afin de résoudre cette question;
    • iii) le comité demande à l’organisation plaignante de fournir des renseignements supplémentaires au vu des commentaires formulés par le gouvernement sur les différends du travail survenus dans les entreprises Unique Garment Factory, Myanmar Texcamp Factory et Myanmar Yes Garment Factory;
    • iv) le comité demande au gouvernement de lui transmettre copie de tous les accords mentionnés dans sa réponse (ou de lui donner des détails sur les conditions des accords intervenus si les parties n’ont pas signé d’accord formel) et notamment: 1) les accords relatifs aux différends des 6 octobre 2000, 10 juillet et 15 décembre 2001 dans la société Unique Garment Factory; 2) les accords relatifs aux différends des 8 janvier et 2 décembre 2002 et 5 juillet 2003 dans la société Myanmar Texcamp Factory; 3) les accords relatifs au différend du 24 mai 2002 au sein de la société Myanmar Yes Garment Factory. Le comité demande en outre au gouvernement de lui fournir tout autre document relatif au processus ayant conduit à la signature de ces accords, et de lui donner des détails sur la façon dont ils ont été mis en œuvre, et par qui;
    • v) le comité demande au gouvernement de préciser les motifs des licenciements mentionnés ci-dessous et de fournir des détails sur les accords à l’amiable intervenus concernant ces licenciements, en rapport avec: 1) le licenciement de 77 travailleurs du quart de nuit à la société Unique Garment Factory; 2) les travailleurs de la société Myanmar Yes Garment qui ont protesté le 16 septembre 2002 contre les conditions de leur mise à pied. Le comité demande également au gouvernement de fournir des renseignements supplémentaires sur les licenciements pour motifs économiques dans la société Myanmar Texcamp;
    • vi) notant que le gouvernement nie toute intervention de l’armée dans les différends du travail, le comité lui demande de prendre des mesures expresses pour protéger les organisations de travailleurs et d’employeurs contre toute ingérence des autorités publiques, dans le cadre de la législation sur la liberté syndicale à venir.
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