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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 334, Juin 2004

Cas no 2267 (Nigéria) - Date de la plainte: 26-MARS -03 - Clos

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  1. 640. La plainte figure dans des communications datées des 26 mars et 28 avril 2003 envoyées par le Syndicat du personnel enseignant des universités (ASUU).
  2. 641. Le gouvernement a transmis ses observations dans des communications datées du 20 août 2003 et du 11 mars 2004.
  3. 642. Le Nigéria a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 643. Dans ses communications datées des 26 mars et 28 avril 2003, l’ASUU se présente comme une organisation de travailleurs dûment enregistrée en 1978 par le registre des syndicats qui fédère 36 syndicats de professeurs d’universités. Le Président du Nigéria est le chancelier de l’Université. Il désigne également le conseil directeur, le président et le vice-chancelier de l’Université, qui relève de la Commission nationale des universités et du ministère fédéral de l’Education. Selon l’organisation plaignante, les violations de la liberté syndicale qui se produisent dans ce contexte ne peuvent donc se produire que si le gouvernement fédéral le permet.
  2. 644. Le syndicat allègue que, parmi les violations flagrantes des droits syndicaux qui se sont produites dans le cas d’espèce, figurent le licenciement sommaire de certains membres du personnel pour participation à une grève, ainsi que des actes de harcèlement et des mesures vexatoires à l’égard de certains syndicalistes.
  3. 645. Le 2 avril 2001, après deux années d’avertissements, l’ASUU a déclenché une grève qui a été suivie par toutes les sections de l’organisation à l’échelle du pays. Toutefois, le 30 avril, les grévistes de l’Université de Ilorin ont été empêchés de pénétrer dans le campus. Dans la nuit du 11 au 12 mai 2001, l’administration de l’université a pénétré par effraction dans les locaux du secrétariat de l’organisation, qui ont été saccagés puis fermés. Les biens de l’organisation ont été entreposés dans un lieu inconnu, qui s’est avéré par la suite être l’entrepôt de l’université. Les locaux du secrétariat de l’organisation étaient toujours fermés au moment du dépôt de la plainte.
  4. 646. Le 15 mai 2001, cinq responsables syndicaux qui avaient participé à la grève ont été licenciés sans autre forme de procès. Le 22 mai 2001, 44 syndicalistes qui étaient toujours en grève ont également été licenciés. Aucune des personnes qui ont été licenciées n’a été entendue au préalable, contrairement à ce que prévoit la législation nationale, et une ordonnance de la Cour interdisant le licenciement du personnel enseignant a été violée de manière flagrante. Deux huissiers de justice qui avaient été requis en la circonstance ont été roués de coups par les gardes de l’université. Le 14 février 2002, six des enseignants qui devaient être renvoyés ont été expulsés de leur logement.
  5. 647. Le 30 juin 2001, l’ASUU et le gouvernement ont signé un accord contenant une clause qui interdit toute mesure vexatoire à l’égard des personnes ayant participé à la grève qui a débouché sur l’accord, mais le gouvernement s’est refusé jusqu’ici à contraindre l’université à réparer les violations commises. Le 6 septembre 2001 et le 27 mai 2002, à la suite d’une enquête approfondie, un comité créé par le gouvernement fédéral et comprenant plusieurs personnalités nigérianes a ordonné la réintégration des enseignants qui avaient été licenciés, mais les autorités compétentes ont refusé d’obtempérer. Le 4 décembre 2001, un comité de réconciliation créé par la Commission nationale des universités a formulé des recommandations allant dans le même sens, mais les autorités compétentes ont, là aussi, refusé d’obtempérer. Plusieurs parties prenantes nigérianes, y compris l’Assemblée nationale et diverses organisations, ont elles aussi réclamé la réintégration des personnes qui avaient été licenciées et le rétablissement de relations professionnelles normales, en vain. Toutes les demandes qui ont été adressées au gouvernement fédéral jusqu’ici ont échoué, et le gouvernement a également communiqué son refus à l’OIT par écrit.
  6. 648. Une documentation assez fournie a été transmise en même temps que les allégations de l’organisation. Il y est demandé notamment au comité de déclarer que les actions susmentionnées constituent une violation des droits syndicaux de l’organisation et des individus concernés et de demander aux autorités de réparer ces violations et, en particulier, de réintégrer les enseignants qui ont été licenciés.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 649. Dans sa communication du 20 août 2003, le gouvernement déclare que, selon les services compétents de l’enseignement supérieur, les événements qui se sont produits au cours des deux années qui ont précédé les licenciements ne permettent pas de conclure que ces personnes ont été licenciées pour avoir participé à la grève nationale déclenchée par l’ASUU en 2001. Les choses se sont passées comme suit: un groupe de professeurs d’université s’était constitué en une administration parallèle et avait menacé de détruire l’université; les enseignants qui ont été licenciés avaient violé le règlement de l’université; l’administration avait tenté de rétablir la discipline et de défendre l’intégrité de l’université, ce qui avait provoqué la colère de ce groupe; il y a plusieurs procès en instance à propos de cette affaire.
  2. 650. L’université n’a pas participé officiellement à la grève nationale de l’ASUU du 2 avril au 3 juillet 2001, celle-ci ayant été déclenchée pendant une période d’interruption des cours. Cinq enseignants ont été licenciés le 15 mai 2001 pour s’être battus avec des étudiants en essayant de troubler le déroulement des examens du deuxième semestre; ils ont été relâchés conformément au chapitre 455 des statuts de l’université (art. 15(3)(c)) de 1990, et avec l’autorisation du Conseil directeur de l’université.
  3. 651. Les quarante-quatre autres enseignants ont été licenciés pour avoir abandonné leur poste d’enseignant et de chercheur pendant six mois. En plus, ils avaient refusé de rendre les copies d’examen des examens qui avaient eu lieu en novembre 2000, alors que la grève n’a éclaté que le 2 avril 2001. Leurs actions étant considérées comme un manquement à leurs obligations et un abandon de poste équivalant à une rupture de contrat, ces quarante-quatre enseignants ont été sommés par écrit le 16 mai 2001 de reprendre leur travail, faute de quoi ils seraient considérés comme ayant volontairement mis fin à leurs fonctions. Les autorités universitaires réfutent toutes les allégations de harcèlement et de mesures vexatoires à l’égard des enseignants qui ont été licenciés, qu’elles accusent d’avoir semé le désordre dans l’université avant leur départ, en déclarant la guerre à l’administration. Pendant toute la durée de ces événements, l’université a estimé qu’il s’agissait d’une affaire disciplinaire.
  4. 652. Certains de ces enseignants ont été mis à la retraire ou déchargés de leurs fonctions en raison des actions à la limite de la faute qu’ils avaient commises. D’autres ont mis fin volontairement à leur contrat; d’autres encore étaient sous contrat et avaient déjà dépassé la durée maximum de service autorisée après la retraite; et d’autres enfin avaient été embauchés au titre d’un contrat de travail temporaire et ne remplissaient aucune des conditions nécessaires à leur titularisation.
  5. 653. Dans cette même communication en date du 20 août 2003, le gouvernement précise que l’ASUU a déclenché une grève le 29 décembre 2002 et n’y a mis fin que le 18 juin 2003. Entre le 13 et le 27 janvier 2003, il y a eu sept réunions avec l’ASUU pour régler les points litigieux; il y a eu une autre réunion le 10 mars 2003. Une commission technique mise en place lors d’une autre réunion le 23 mars a siégé à intervalles réguliers pendant six semaines et a recommandé que la Commission nationale des universités offre aux enseignants qui avaient été renvoyés des postes dans d’autres universités en leur assurant la continuité de l’emploi. Le gouvernement a immédiatement accepté cette proposition, au contraire de l’ASUU qui l’a rejetée. Toutes les mesures prises par le gouvernement pour sortir de l’impasse ayant échoué, un différend du travail a été constaté le 9 mai 2003 et soumis au Comité d’arbitrage des conflits du travail pour arbitrage.
  6. 654. Dans sa communication du 11 mars 2004, le gouvernement transmet la décision du comité d’arbitrage, qui conclut que, étant donné les circonstances de la grève, l’Université de Ilorin n’est nullement tenue de reprendre les enseignants grévistes qu’elle a remplacés par d’autres enseignants. Le tribunal constate avec satisfaction que le gouvernement est disposé à reclasser les personnes concernées dans d’autres universités. Les parties au différend, y compris l’ASUU, peuvent toujours contester cette décision, auquel cas l’affaire serait renvoyée au Tribunal du travail national.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 655. Le comité note que cette plainte concerne des allégations de licenciement de dirigeants et membres d’un syndicat dans le cadre des grèves nationales déclenchées en 2001, 2002 et 2003 par le Syndicat du personnel enseignant des universités à l’Université de Ilorin. L’ASUU allègue que les quarante-neuf licenciements sont motivés par une discrimination antisyndicale, alors que les autorités universitaires soutiennent qu’il s’agit d’une affaire strictement disciplinaire.
  2. 656. Tout en prenant note des différences d’appréciation des événements, le comité constate, à la lecture du rapport daté du 27 mai 2002 (annexe 9 de la plainte) du comité de mise en oeuvre, que:
    • - le comité de mise en oeuvre a eu la possibilité d’examiner les éléments de preuve et documents fournis par les deux parties le 6 septembre 2001 et a conclu que les quarante-quatre enseignants ont été renvoyés expressément en raison de la grève nationale et que les cinq autres enseignants, qui sont des dirigeants syndicaux, ont été licenciés pendant la grève nationale (p. 2 du rapport);
    • - le problème n’est toujours pas réglé, les interventions du comité de mise en oeuvre et du comité de réconciliation n’ayant pas abouti (p. 3);
    • - les lettres de licenciement des quarante-quatre enseignants indiquent sans équivoque possible qu’ils ont été renvoyés parce qu’ils avaient continué à participer à la grève nationale (p. 4);
    • - l’Université de Ilorin reproche d’autres actes d’indiscipline aux enseignants qui ont été renvoyés, mais aucun élément prouvant que ces actes ont bien été commis ou que ces personnes ont bien fait l’objet de mesures disciplinaires n’a été fourni au comité (p. 4);
    • - la crise au sein de l’université demeure une question douloureuse, une source potentielle de déstabilisation du système universitaire (p. 4);
    • - le comité de mise en oeuvre a demandé à l’université de revenir sur sa décision concernant les quarante-quatre enseignants et d’entamer des discussions avec les autres catégories de personnel (pp. 2 et 5).
  3. 657. Le comité souligne que le comité de mise en oeuvre est un organe tripartite créé au niveau national pour mettre en oeuvre l’accord du 30 juin 2001, par lequel les parties sont clairement convenues que personne ne peut faire l’objet de mesures vexatoires pour avoir participé à la grève ayant donné lieu à cet accord (annexe 7 de la plainte). Le comité a eu la possibilité d’examiner les faits, ainsi que les éléments de preuve et documents fournis à l’époque des événements (il y a près de trois ans) et a formulé des recommandations visant à préserver des relations de travail harmonieuses dans le système universitaire. En outre, la lettre envoyée par la Commission nationale des universités à l’Université de Ilorin (annexe 9 de la plainte) demande à cette dernière de revenir sur sa décision de licenciement afin de préserver la paix et l’harmonie dans les campus de ce pays et dans un esprit de négociation. Etant donné les circonstances, le comité estime qu’il serait inopportun d’essayer de prévoir quelle sera la décision du comité de mise en oeuvre qui lui paraît être conforme à des relations de négociation et de travail saines.
  4. 658. Le comité rappelle que le droit de grève est un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 475], que le licenciement de travailleurs pour fait de grève constitue une grave discrimination en matière d’emploi pour exercice d’activité syndicale licite contraire à la convention no 98 [voir Recueil, op. cit., paragr. 591] et que, quand les syndicalistes ou les dirigeants syndicaux sont licenciés pour avoir exercé leur droit de grève, le comité ne peut s’empêcher de conclure qu’ils sont sanctionnés pour leur activité syndicale et font l’objet d’une discrimination antisyndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 592.] Notant que la question peut être renvoyée au Tribunal du travail national, le comité invite le gouvernement à attirer immédiatement l’attention de tous les partenaires sociaux concernés et des institutions du travail compétentes sur les considérations ci-dessus. Le comité veut croire que la question sera résolue par les institutions du travail, y compris le Tribunal du travail national, conformément à ces principes de la liberté syndicale. Etant donné le temps écoulé depuis les événements, le comité demande au gouvernement de le tenir informé rapidement de l’évolution de la situation à cet égard.
  5. 659. Le comité note que le gouvernement n’a pas répondu aux allégations relatives à la fermeture du bureau de l’ASUU et à la confiscation des biens du syndicat. Rappelant qu’un contrôle judiciaire indépendant devrait être exercé par les autorités concernant l’occupation ou la mise sous scellés de locaux syndicaux, étant donné les risques importants de paralysie que ces mesures font peser sur les activités syndicales [voir Recueil, op. cit., paragr. 183], le comité demande au gouvernement de faire le nécessaire pour que l’ASUU puisse récupérer ses biens et utiliser ses locaux, et lui demande de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 660. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité veut croire que le gouvernement fera le nécessaire pour que la plainte concernant les quarante-neuf enseignants, dont cinq dirigeants syndicaux, qui ont été licenciés pour avoir exercé leur droit de grève soit traitée par les institutions du travail compétentes, y compris le Tribunal du travail national, conformément aux principes de la liberté syndicale, et demande de le tenir informé rapidement de l’évolution de la situation à cet égard.
    • b) Le comité demande au gouvernement de faire le nécessaire pour que le Syndicat du personnel enseignant des universités (ASUU) puisse récupérer ses biens et utiliser ses locaux, et lui demande de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
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