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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 330, Mars 2003

Cas no 2171 (Suède) - Date de la plainte: 20-NOV. -01 - Clos

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  1. 1010. Dans une communication conjointe en date du 20 novembre 2001, la Confédération générale des cadres, fonctionnaires et employés de Suède (TCO) et la Confédération suédoise des syndicats (LO) ont présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de la Suède.
  2. 1011. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication datée du 9 septembre 2002.
  3. 1012. La Suède a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 1013. Dans leur plainte du 20 novembre 2001, la LO et la TCO qui, avec leurs fédérations affiliées, représentent ensemble 3,3 millions de travailleurs manuels et de cadres, fonctionnaires et employés des secteurs public et privé, allèguent qu’un amendement voté par le Parlement le 16 mai 2001 modifiant la loi sur la protection de l’emploi viole les conventions no 98 et no 154, toutes deux ratifiées par la Suède.
  2. 1014. Cet amendement autorise les travailleurs à garder leur activité professionnelle jusqu’à l’âge de 67 ans et interdit de conclure, avec entrée en vigueur au 1er septembre 2001, des conventions collectives et individuelles obligeant les employés à quitter leur emploi avant 67 ans. En outre, les dispositions des conventions collectives conclues avant le 1er septembre 2001 relatives à la retraite obligatoire avant 67 ans ne s’appliqueront que pendant la période de validité desdites conventions mais jusqu’à la fin de l’année 2002 au plus tard.
  3. 1015. Les organisations plaignantes allèguent que l’amendement: 1) viole les principes fondamentaux de l’OIT concernant le droit des partenaires sociaux à agir en tant qu’organisations indépendantes et autonomes libres de réglementer leurs accords par voie de négociation collective; 2) restreint la liberté de négociation des partenaires sociaux et leur interdit de conclure des accords sur la retraite obligatoire avant 67 ans; 3) entraîne la nullité des règles existantes en matière de retraite obligatoire dans les conventions collectives dont la validité expire après la fin de l’année 2002.
  4. 1016. Avant l’adoption de cet amendement, l’âge auquel un employé devait obligatoirement prendre sa retraite et toucher sa pension de vieillesse était réglementé, dans la grande majorité des cas, par des conventions collectives ou individuelles et non par la voie législative. Cet âge avait été fixé à moins de 67 ans pour la plupart des salariés; en l’absence de convention toutefois, l’employeur pouvait notifier l’employé, au titre de l’article 33 de la loi sur la protection de l’emploi, de la cessation de son emploi lorsqu’il atteignait l’âge de 67 ans, le mettant ainsi d’office à la retraite. Faute de dispositions légales impératives, les parties avaient toute latitude pour s’entendre, par voie de négociation collective ou autre, sur un âge de retraite obligatoire en tenant compte des caractéristiques propres aux différentes catégories de professions incluses dans les conventions collectives. Par exemple, cet âge avait été fixé à 60 ans pour tous les travailleurs employés à des travaux pénibles en sous-sol, ce même âge ayant aussi été retenu, pour des raisons de sécurité, notamment dans le cas des contrôleurs du trafic aérien. C’est la réforme du régime des pensions, approuvée par cinq des partis politiques de la Suède, qui est à l’origine de la nouvelle disposition légale, l’objectif essentiel de la réforme étant de baser la prestation de retraite sur la totalité des gains du travailleur pendant sa vie active et d’abolir la limite d’âge supérieure pour l’accumulation des droits à pension.
  5. 1017. Dans un rapport ministériel de 1999, il avait été suggéré d’annuler les conventions collectives et individuelles fixant obligatoirement la retraite entre 65 et 67 ans et d’imposer la retraite obligatoire à 67 ans. Largement critiquées par tous les partenaires du marché du travail, ces propositions avaient aussi fait l’objet de commentaires de la part du comité suédois tripartite sur l’OIT qui avait relevé que «… sous une forme ou une autre, elles (ces propositions) portent atteinte à la liberté des partenaires du marché du travail à engager des négociations collectives et …. en conséquence, entraînent des difficultés quant à l’application des conventions no 98 et no 154». En novembre 2000, un autre rapport proposait d’inclure une disposition impérative (et des règles subsidiaires à caractère transitoire) dans la loi sur la protection de l’emploi, en vertu de laquelle les employés auraient le droit de continuer à travailler jusqu’à 67 ans; autrement dit, il ne serait plus possible de conclure des accords rendant la retraite obligatoire avant l’âge de 67 ans. Cette nouvelle proposition a aussi été critiquée par la LO, la TCO et la Confédération des entreprises suédoises tandis que le Comité suédois tripartite sur l’OIT réitérait les opinions qu’il avait fait valoir précédemment.
  6. 1018. Malgré toutes ces critiques, le Parlement adoptait un projet de loi, le 16 mai 2001, en vertu duquel l’article suivant était incorporé dans la loi sur la protection de l’emploi:
    • Article 32 a)
    • Tout cadre, fonctionnaire ou employé a le droit de garder son emploi jusqu’à la fin du mois correspondant à celui de son soixante-septième anniversaire, à moins que la présente loi n’en dispose autrement.
  7. 1. La présente loi entre en vigueur le 1er septembre 2001.
  8. 2. Les conventions collectives conclues avant l’entrée en vigueur de la présente loi seront applicables en dérogation à l’article 32 a) de ladite loi jusqu’à ce que la convention soit échue mais, en aucun cas, après le 31 décembre 2002.
  9. 1019. Les organisations plaignantes élèvent des objections à l’encontre de cette nouvelle disposition impérative pour les raisons énumérées ci-après. Les conventions collectives existantes qui contiennent des dispositions sur la retraite obligatoire prévoient habituellement des avantages financiers sous forme d’une pension collective complémentaire dont le principe est généralement bien accueilli par les employés qui en bénéficient. La nouvelle législation se fonde sur l’hypothèse contraire, à savoir que les accords qui rendent la retraite obligatoire avant l’âge de 67 ans ne profitent pas aux employés. L’opinion quasi-unanime prévalant en Suède depuis longtemps est de régler ces questions par la négociation collective. L’amendement adopté incite moins les parties en cause à conclure des conventions collectives sur les pensions et risque, à plus long terme, de relever l’âge de la retraite pour des catégories entières d’employés. Nourri d’incertitudes, cet amendement pourrait aussi donner lieu à un nombre croissant de différends quant à l’interprétation des dispositions des conventions collectives applicables, notamment, aux taux de rémunération et aux prestations à accorder après l’âge convenu de la retraite obligatoire, soit jusqu’à (et y compris) 67 ans. Par exemple, l’obligation faite à l’employeur de verser une pension complémentaire cesserait lorsque le travailleur aurait atteint 65 ans même s’il choisit de travailler jusqu’à 67 ans.
  10. 1020. En Suède, la tradition a toujours été de régler la question de la retraite obligatoire des employés percevant une pension en fonction des particularités et conditions de la profession exercée. Nombre de conventions collectives contiennent des dispositions sur la retraite obligatoire anticipée dans le cas de certaines professions (par exemple, contrôleurs du trafic aérien, pompiers, danseurs, mécaniciens-conducteurs de locomotives, etc.) à cause des répercussions de l’activité en question sur la santé et la sécurité ou en raison des conditions de travail. Si les travailleurs de ces catégories décident de continuer à travailler après l’âge ouvrant droit à pension au titre de la convention collective dont leur catégorie est signataire, ils risquent maintenant d’être licenciés par leur employeur et de perdre ainsi ladite prestation de retraite. En tout état de cause, ils seront probablement confrontés à une situation lourde de contentieux juridiques ou soumis à d’autres types de «mécanismes d’éjection» qui ne sont guère susceptibles de leur apporter une plus grande sécurité de l’emploi.
  11. 1021. En Suède, comme dans la plupart des autres pays d’Europe occidentale, le problème fondamental est qu’un grand nombre d’employés n’ont ni la force ni les capacités de continuer à travailler au-delà de l’âge habituel de la retraite. L’âge de la retraite est actuellement fixé à 62 ans en Suède; moins de la moitié de la population âgée de 60 à 64 ans occupe un emploi rémunéré, cette proportion ne représentant plus qu’un tiers de la tranche des 64 ans. L’amendement législatif ne permet donc pas de résoudre le problème évoqué au début de ce paragraphe.
  12. 1022. Les conventions collectives conclues avant le 1er septembre 2001 qui contiennent des dispositions réglementant la mise à la retraite obligatoire avant 67 ans deviendront inopérantes dès le 1er janvier 2003. Il y a cependant lieu de noter une disposition explicite du projet de loi qui prévoit que les conventions individuelles obligatoires conclues avant le 1er septembre 2001 resteront applicables, même après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi. Cette disposition opère une véritable discrimination entre conventions collectives et conventions individuelles conclues avant l’entrée en vigueur de l’amendement, en violation flagrante du principe de la promotion de la négociation collective; elle est aussi contraire à l’article 4 de la convention no 98 et à la convention no 154.
  13. 1023. En outre, les restrictions à la liberté de conclure des conventions collectives ne sont assorties d’aucun accord conclu avec les partenaires du marché du travail, bien que de telles questions aient toujours été résolues par la voie de la négociation collective. Les organisations plaignantes soutiennent que le gouvernement et le Parlement devraient mettre tout en œuvre pour aboutir à un accord mais qu’au cas où leurs efforts échoueraient, il leur faudrait respecter les conventions collectives qui ont déjà été conclues.
  14. 1024. Il est d’autant plus étonnant de constater l’existence de restrictions à la liberté des parties de conclure des conventions collectives lorsque l’on sait que la Suède a déjà fait l’objet d’une plainte présentée à l’OIT en 1994 pour infraction au droit de libre négociation collective (cas no 1760). Le Conseil d’administration avait conclu en recommandant à la Suède de s’abstenir à l’avenir d’avoir recours à des dispositions affectant les conventions collectives conclues antérieurement.
  15. 1025. Les organisations plaignantes sont en faveur d’une attitude flexible en ce qui concerne l’âge de la retraite afin de permettre aux travailleurs qui le souhaitent et en ont les capacités de choisir de partir à la retraite ou de continuer à travailler entre 61 et 67 ans. Cette liberté de choix, cependant, se trouve limitée par les dispositions prévues dans l’amendement et par le fait que le nouveau régime octroie, à certaines catégories d’employés, une pension bien inférieure à celle de l’ancien système. Certains travailleurs peuvent donc se sentir obligés de continuer à travailler afin de se constituer une retraite d’un montant raisonnable, la liberté de choix se trouvant ainsi de nouveau restreinte.
  16. 1026. Le Conseil suédois de la législature, composé de juges de la Cour suprême et du Tribunal administratif supérieur, dont la tâche consiste, notamment, à examiner la compatibilité des propositions législatives avec les engagements internationaux de la Suède a exprimé des doutes quant à la compatibilité des dispositions légales proposées avec les conventions no 98 et no 154 de l’OIT.
  17. 1027. Les organisations plaignantes concluent que la nouvelle règle légale viole les principes fondamentaux du droit des partenaires sociaux à agir indépendamment et de façon autonome par le biais des conventions collectives et ce, pour les raisons suivantes: imposition de restrictions à la liberté d’engager des négociations collectives à partir du 1er septembre 2001; annulation de certaines conventions collectives à partir du 1er janvier 2003. Le principe de l’indépendance des partenaires du marché du travail est un principe si fondamental qu’il laisse peu de possibilités d’intervention au gouvernement et au Parlement. Le gouvernement n’a pu invoquer l’existence d’aucune situation exceptionnelle (par exemple, danger manifeste pour l’économie nationale, la sécurité nationale ou la démocratie) pour justifier de telles restrictions dont l’imposition constitue donc une violation des conventions ratifiées et de l’engagement pris par ledit gouvernement de promouvoir, par la voie de la négociation collective, le règlement des termes et conditions d’emploi.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 1028. Dans sa communication du 9 septembre 2002, le gouvernement explique la raison d’être de l’amendement législatif dont l’adoption a été suscitée par la mise en place du nouveau régime des pensions de vieillesse, sachant que le principe du revenu acquis pendant la vie active est au cœur de ce système où le montant de la retraite est influencé par la totalité des revenus perçus la vie durant. L’un des objectifs visés est d’encourager les travailleurs à travailler plus longtemps que cela n’avait été le cas antérieurement et à améliorer ainsi leur prestation de retraite. Le gouvernement considère que chacun doit être libre d’augmenter cette prestation en continuant à travailler, même après avoir commencé à percevoir une pension. Le bon fonctionnement du système dépend, dans une large mesure, de la levée des obstacles s’opposant à l’emploi afin de permettre à un plus grand nombre de travailleurs d’améliorer le montant de leur retraite. Il était donc essentiel de relever l’âge de la retraite obligatoire. Les tendances démographiques montrant que le nombre de travailleurs partant à la retraite sera en forte hausse au cours des prochaines années aggravent encore une situation qui, selon toute vraisemblance, devrait entraîner une pénurie générale de main-d’œuvre, synonyme de ralentissement de la croissance dont les répercussions se feront sentir sur l’ensemble de l’économie à long terme. Il était donc urgent de prévenir une telle pénurie en prenant les mesures nécessaires pour éliminer les obstacles placés sur la route de ceux qui souhaitaient travailler au-delà de 65 ans et en avaient les capacités, et de relever l’âge de la retraite obligatoire.
  2. 1029. Le gouvernement a clairement indiqué à plusieurs reprises qu’il était préférable de régler la question du maintien dans la population active jusqu’à l’âge de 67 ans en concluant des conventions collectives. Comme les partenaires sociaux n’ont cependant fait aucune tentative pour régler cette question malgré les nombreuses discussions qui ont eu lieu à ce sujet depuis le début des années quatre-vingt-dix, le changement a du être effectué par voie législative. Le gouvernement soutient que l’imposition d’une règle impérative ne comportant pas d’exception est dans l’intérêt de tous les employés. Tous les travailleurs sont traités à égalité et sont donc libres de décider s’ils veulent ou non tirer avantage de leur sécurité d’emploi et accumuler des droits à pension en travaillant plus longtemps. Les travailleurs qui devaient auparavant prendre leur retraite alors qu’ils étaient encore relativement jeunes, en vertu d’une convention collective ou d’un instrument législatif, pourront désormais continuer à travailler s’ils le souhaitent, les employeurs ayant néanmoins la possibilité de notifier à leurs employés un avis de congédiement s’ils peuvent apporter des preuves objectives justifiant un tel licenciement. Ces catégories de travailleurs ne pouvaient auparavant conserver leur emploi qu’en concluant un accord avec leur employeur.
  3. 1030. S’agissant de la chronologie des événements, le gouvernement déclare qu’un groupe de travail chargé de l’étude des pensions et retraites, composé de représentants de tous les partis politiques, avait été mis sur pied dès la fin de l’année 1991. Dans le cadre d’un système de pensions laissant une certaine flexibilité en matière d’âge de départ à la retraite, le groupe avait conclu qu’il y avait de bonnes raisons de permettre à des personnes dûment assurées de continuer à travailler jusqu’à un âge avancé. La question s’était aussi posée de savoir si les partenaires sociaux devraient continuer à prescrire des dates de retraite obligatoire et s’il ne serait pas préférable de relever la limite plus ou moins universelle de l’âge actuellement fixé (65 ans). Notant qu’aucun ajustement n’avait été apporté aux conventions collectives et ne souhaitant pas se borner à lancer un appel aux partenaires sociaux, le groupe de travail avait recommandé de porter à 67 ans l’âge de la retraite obligatoire par le biais d’un texte ayant force de loi. Une clause du projet de loi présenté ensuite au Parlement à cet effet (Proposition 1993/94:250) prévoyait qu’il incombait aux partenaires sociaux de s’entendre sur le relèvement de la limite d’âge, le recours à un texte législatif ayant force de loi n’étant envisagé que si lesdits partenaires n’étaient pas parvenus à un accord début 1996.
  4. 1031. Un groupe composé de représentants des cinq partis politiques qui avaient entériné l’accord sur le nouveau régime des pensions avait aussi été constitué pour mettre en œuvre le système. Une consultation dont l’un des thèmes de discussion portait sur la fixation d’un âge limite en matière de retraite obligatoire était organisée avec les représentants des partenaires sociaux le 14 novembre 1994. Le groupe a attiré à plusieurs reprises l’attention des partenaires sociaux sur l’importance d’un règlement négocié permettant aux employés de continuer à travailler jusqu’à 67 ans. Suite aux conclusions présentées par le groupe, le gouvernement a proposé, dans la loi budgétaire de 1997, de reporter à fin novembre 1997 toute décision concernant la promulgation d’un texte ayant force de loi, l’une des raisons avancées étant qu’il serait plus facile de traiter ces questions par le biais des conventions collectives. Le sujet a de nouveau été à l’ordre du jour d’une autre réunion entre le groupe et un certain nombre de représentants du marché du travail début 1998.
  5. 1032. En juin 1998, sur la base d’un accord conclu entre cinq partis politiques du pays, le Parlement suédois décidait de réformer le régime des pensions de vieillesse afin de créer un système plus souple reflétant l’évolution économique et démographique. La couverture individuelle restait fondée sur un système public obligatoire comportant une protection assurée en vertu du principe de la perte de gains («pension de vieillesse liée au revenu»), financée par les contributions, et une couverture de base («retraite garantie»), financée par les recettes fiscales ordinaires pour ceux qui ont eu de très faibles revenus ou pas de revenus du tout. Le calcul de la pension liée au revenu se fonde sur le principe du revenu gagné pendant la vie, ce qui signifie que tous les revenus ouvrant droit à la constitution d’une retraite au cours de la vie d’un individu auront un effet sur la prestation allouée. Il n’y a pas de limite à l’accumulation de droits à la retraite, et la pension peut être perçue à partir de 61 ans au plus tôt. Quant à la «retraite garantie», elle complète la pension basée sur le revenu, le bénéficiaire pouvant commencer à la percevoir, au plus tôt, à partir du mois au cours duquel il atteint l’âge de 65 ans.
  6. 1033. Un rapport contenant cinq propositions sur le relèvement de l’âge obligatoire de la retraite à 67 ans a été préparé par le ministère de l’Industrie, de l’Emploi et des Communications qui a de nouveau noté qu’il serait préférable que la question soit réglée par la négociation collective mais que la voie législative semblait être le seul recours en l’absence d’amendement aux conventions collectives. Les partenaires sociaux ont eu une nouvelle occasion d’intervenir quand le rapport leur a été envoyé pour commentaires entre juillet et septembre 1999. En réponse aux critiques visant sa proposition antérieure, le ministère préparait en novembre 2000 un autre rapport intitulé «Conditions régissant le droit de travailler jusqu’à 67 ans» (Proposition 2001/01:78) contenant la version préliminaire de la disposition légale sur le droit de continuer à travailler jusqu’à 67 ans. Ce rapport était présenté en décembre 2000 pour commentaires et discussion à une réunion de consultation au cours de laquelle l’opinion des partenaires sociaux a de nouveau été sollicitée. Le projet de loi dans lequel le gouvernement proposait d’inclure, dans la loi sur la protection de l’emploi, une règle obligatoire concernant le droit de continuer à travailler jusqu’à 67 ans a été voté par le Parlement le 16 mai 2001, avec effet au 1er septembre 2001.
  7. 1034. La nouvelle disposition légale confère aux travailleurs le droit de continuer à travailler jusqu’à la fin du mois de leur 67e anniversaire mais ne les oblige pas à le faire. Après le 1er septembre 2001, il est encore possible de conclure des conventions précisant un âge auquel l’employé a le droit de prendre sa retraite mais ces accords ne peuvent rendre la retraite obligatoire avant l’âge de 67 ans. Une clause transitoire spécifie que les dispositions des conventions collectives sur la retraite obligatoire avant 67 ans restent en vigueur jusqu’à la date d’expiration desdites conventions, mais ce jusqu’au 31 décembre 2002 au plus tard.
  8. 1035. S’agissant de l’allégation spécifique selon laquelle l’amendement inciterait moins les parties à conclure des conventions collectives sur les pensions, le gouvernement déclare qu’il considère la liberté de négociation collective comme un principe très important et qu’il est conscient du fait que toute intervention peut constituer une gêne pour les conventions collectives. Il affirme cependant qu’il a tout mis en œuvre pour convaincre les partenaires sociaux d’accorder à la majorité des employés la possibilité de continuer à travailler jusqu’à l’âge de 67 ans en concluant des conventions collectives à cet effet. Regrettant qu’aucune tentative n’ait été faite dans ce sens bien que le sujet soit à l’étude depuis plus de dix ans, le gouvernement s’est vu dans l’obligation de légiférer pour effectuer les changements. De l’avis du gouvernement, promouvoir l’élargissement des choix proposés aux travailleurs devrait être la règle générale des organisations représentant les employés.
  9. 1036. S’agissant de l’allégation selon laquelle l’adoption de cet amendement risquerait de relever l’âge de la retraite pour de nombreuses catégories de salariés, le gouvernement explique que le but visé n’est pas d’obliger le travailleur à continuer de travailler jusqu’à 67 ans mais de lui permettre de prendre volontairement sa retraite, en touchant sa pension, avant 67 ans. Il ne s’agit pas de procéder à un relèvement généralisé de l’âge de la retraite mais plutôt de lui conférer une plus grande flexibilité. Dans ce contexte, aucun changement n’a été apporté en ce qui concerne les droits à pension ou leur calcul. Le droit à une retraite garantie à partir de 65 ans reste applicable et il est désormais possible de percevoir la nouvelle pension, établie en fonction du revenu, dès l’âge de 61 ans. En conséquence, la condition concernant l’âge auquel la pension de vieillesse peut être perçue a été rendue plus flexible et les salariés ont désormais la possibilité d’augmenter le montant de leur retraite.
  10. 1037. S’agissant des appréhensions des organisations plaignantes qui craignent un redoublement du nombre de litiges, le gouvernement précise que la législation suédoise, conformément à l’article 5 de la convention no 154, prévoit la mise en œuvre d’une procédure légale de règlement des différends.
  11. 1038. Pour ce qui est de l’allégation selon laquelle le nouveau régime pourrait constituer un «mécanisme d’éjection» pour les travailleurs dont la profession exige certaines conditions spécifiques en matière de sécurité ou de santé, le gouvernement considère que ledit système empêchera précisément que les employeurs aient recours à de tels mécanismes puisqu’ils ne pourront licencier les travailleurs que s’ils présentent des raisons objectives de le faire. Si un employé n’est plus apte à assumer ses fonctions, l’employeur pourra certes le notifier par un avis de congédiement mais, comme la loi l’oblige à le transférer à un autre poste au lieu de le licencier, cet employé pourrait se voir assigner d’autres tâches. Le gouvernement considère donc que l’expérience et les qualifications des travailleurs seront utilisées plus longtemps dans le cadre du nouveau système, quoique vraisemblablement sous d’autres formes.
  12. 1039. Le gouvernement partage l’opinion des organisations plaignantes qui estiment que de nombreuses personnes n’ont plus ni la force ni les capacités nécessaires pour continuer à travailler jusqu’à 65 ans ou au-delà, mais considère qu’il s’agit d’un problème distinct qui requiert un traitement particulier. Une action vigoureuse est nécessaire en ce domaine et c’est la raison pour laquelle des mesures visant à améliorer les conditions de travail et de santé sur le lieu du travail ont été présentées au titre du projet de loi budgétaire 2002. De l’avis du gouvernement, même si de nombreuses personnes n’ont plus ni la force ni la capacité de continuer à travailler au-delà de 65 ans, il importe de conférer le droit de continuer à travailler quelques années encore à ceux qui le souhaitent et en ont les capacités.
  13. 1040. S’agissant de l’allégation d’un traitement discriminatoire entre les conventions collectives et les conventions individuelles (à savoir que ces dernières continueraient à être applicables après l’entrée en vigueur de l’amendement), le gouvernement déclare qu’aucune disposition de ce type n’a été promulguée concernant des contrats de travail individuels.
  14. 1041. S’agissant de l’effet rétroactif de la législation, le gouvernement précise qu’en Suède les règles promulguées ne sont normalement applicables qu’aux situations légales découlant de l’entrée en vigueur de la loi. Tout en affirmant qu’il convient de s’abstenir de toute ingérence dans les conventions collectives et les contrats individuels existants, le gouvernement reconnaît que des règles obligatoires ont parfois pu avoir un effet sur des situations légales préexistantes mais que cet impact a toujours été réduit au minimum. Il fait observer que les conventions collectives sont diversement formulées et que les nombreuses clauses de renouvellement ne permettent pas toujours de déterminer avec précision la date d’expiration; de surcroît, certaines d’entre elles sont renouvelées automatiquement à moins d’être spécifiquement annulées. Il y a lieu de noter que, à partir de 2003, la question consistant à pouvoir travailler jusqu’à l’âge de 67 ans intéressera directement les personnes incluses dans le nouveau régime des pensions et qu’il est donc important que les nouvelles dispositions aient un impact rapide. Les conventions collectives représentant une part dominante du marché du travail en Suède et le pourcentage de travailleurs syndiqués y étant élevé, il a été nécessaire de dissiper certaines ambiguïtés quant à la durée de leur validité en donnant aux dispositions législatives prépondérance sur les conventions collectives à partir du 1er janvier 2003. Le gouvernement considère que les délais d’exécution de cette décision sont raisonnables étant donné que la question est connue des partenaires sociaux depuis longtemps. Les contrats de travail individuels n’ont pas la même portée sur le plan social et il est donc moins urgent de déterminer quelles seront les modalités d’intervention dans ce cas.
  15. 1042. S’agissant de l’allégation relative à une plainte antérieure présentée contre la Suède, le gouvernement fait observer que le point de législation qui avait été à l’origine des critiques émises par l’OIT en 1994 diffère de la question à l’étude. Il s’agissait d’une clause, facultative pour les parties, portant sur la possibilité de modifier les conventions collectives en vigueur. Dans le cas présent, le débat porte sur l’introduction d’une disposition impérative visant à renforcer la sécurité de l’emploi.
  16. 1043. Le gouvernement conclut que si les autorités doivent se garder d’intervenir dans des conventions collectives antérieurement conclues, il y a néanmoins lieu de tenir compte, pour déterminer si une disposition légale peut être considérée comme violant l’article 4 de la convention no 98, des raisons pour lesquelles cette disposition a été adoptée. La mise en place d’un nouveau régime des pensions a été à l’origine de la décision de prendre une telle disposition, l’un des principes importants du nouveau système étant qu’il doit être possible d’améliorer le montant de sa pension en travaillant plus longtemps que ce n’était le cas antérieurement. La question présente un caractère d’urgence et intéresse le grand public. Elle est aussi un élément important de la réforme du système des pensions. Pour que cette réforme puisse profiter au plus grand nombre, il a été nécessaire d’éliminer certains obstacles dont celui des limites d’âge obligatoires fixées dans les conventions collectives. La législation vise à permettre aux travailleurs d’améliorer leur retraite en se conformant au nouveau régime des pensions. Il ne faut pas oublier non plus que les partenaires sociaux n’ont pas tenté de résoudre cette question en concluant des conventions collectives alors que le débat est ancien et que de nombreuses occasions de dialogue leur ont été offertes.
  17. 1044. Dans un contexte plus général, le gouvernement note que l’intention des conventions internationales ne peut être de faire renoncer une fois pour toutes un Etat Membre qui les a ratifiées à la possibilité de légiférer dans un domaine qui relevait antérieurement de la réglementation des partenaires sociaux. Si telle était l’intention, cela équivaudrait à priver les Etats de la possibilité de légiférer sur des questions d’un très grand intérêt. Le gouvernement considère qu’une disposition impérative sur le renforcement de la sécurité de l’emploi ne peut être interprétée comme dérogeant aux engagements internationaux pris par la Suède. Au vu des circonstances exposées, il considère qu’il n’a pas agi en violation des conventions de l’OIT.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 1045. Le comité note que la présente plainte concerne l’adoption d’un amendement législatif qui fait partie d’une réforme portant sur le régime des pensions, et qu’il:
    • – confère aux travailleurs le droit de continuer à travailler jusqu’à l’âge de 67 ans;
    • – stipule que les clauses relatives à l’âge de la retraite obligatoire avant 67 ans qui sont contenues dans les conventions collectives conclues avant le 1er septembre 2001 ne s’appliqueront que pendant la période de validité des conventions en vigueur mais au plus tard, jusqu’au 31 décembre 2002; et
    • – interdit, à partir du 1er septembre 2001, de conclure des conventions collectives obligeant les employés à quitter leur emploi avant l’âge de 67 ans.
  2. 1046. Le comité note tout d’abord que, même s’il n’est pas compétent pour commenter la décision prise par le gouvernement de relever l’âge de la retraite obligatoire dans le cadre de la réforme du régime des pensions, il peut examiner si, ce faisant, le gouvernement a respecté les principes de la liberté syndicale. Le comité précise que la question comporte deux aspects au vu du fait que l’amendement législatif entraîne des effets sur la situation antérieure et à venir.
  3. 1047. En ce qui concerne les conventions collectives conclues avant le 1er septembre 2001, le comité relève que l’amendement annule, à partir du 31 décembre 2002, la validité légale et l’application des clauses stipulant un âge de retraite obligatoire avant 67 ans. Le comité note que le gouvernement ne nie pas l’effet rétroactif de la disposition mise en cause mais qu’il le justifie à plusieurs titres, notamment: le caractère exceptionnel et restrictif de l’amendement; les ambiguïtés concernant les dates d’expiration des nombreuses conventions collectives existantes qui s’appliquent à une large fraction de la population active; l’importance d’assurer un impact rapide au nouveau régime légal, y compris ses répercussions sur les employés concernés par le régime des pensions. Tout en prenant acte de ces raisons, le comité rappelle qu’une disposition légale qui autorise l’employeur à modifier unilatéralement la teneur d’une convention collective conclue antérieurement, ou contraint les parties à la renégocier, est contraire aux principes de la négociation collective. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 848.] Le même principe s’applique, mutatis mutandis, à un gouvernement agissant en tant qu’employeur ou autorité établissant les règles applicables dans ces domaines.
  4. 1048. La première raison de cette conclusion est que la négociation volontaire des conventions collectives, et donc l’autonomie des partenaires sociaux, constitue un aspect fondamental des principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 844.] En deuxième lieu, il faut tenir compte de la réalité de la négociation collective qui est un processus de concessions mutuelles, basé sur la certitude raisonnable que les engagements négociés seront tenus, au moins pendant la durée de validité de la convention, ladite convention résultant de compromis auxquels les deux parties ont abouti sur certains aspects, ainsi que d’exigences qu’elles ont abandonnées pour obtenir d’autres droits auxquels les syndicats et leurs membres accordaient une priorité plus élevée. Si les droits acquis en vertu de concessions accordées sur d’autres points peuvent être annulés unilatéralement, on ne peut raisonnablement pas s’attendre à ce que les relations professionnelles soient stables ni à ce que les accords négociés soient suffisamment fiables. Troisièmement, les partenaires à la négociation collective sont mieux placés pour apprécier les justifications et déterminer les modalités d’application (notamment, en ce qui concerne les employeurs, l’application pratique sur le plan financier) des clauses négociées sur la retraite obligatoire avant l’âge légal de la retraite, que ce soit pour des raisons tenant à la difficulté du travail ou à la santé et à la sécurité.
  5. 1049. Le comité conclut donc que les conventions antérieurement négociées doivent continuer à produire tous leurs effets, y compris dans le cas des dispositions concernant la retraite obligatoire avant l’âge fixé dans la législation générale, jusqu’à la date d’expiration de leur validité, y compris après le 31 décembre 2002. Il demande au gouvernement de prendre les mesures correctrices appropriées et de le tenir informé de l’évolution de la situation.
  6. 1050. S’agissant des effets ultérieurs, le comité note que, au titre de l’amendement législatif, les partenaires à la négociation peuvent encore conclure des conventions pour stipuler l’âge, qui peut être inférieur à l’âge prescrit dans la législation générale, auquel un employé peut prendre sa retraite et toucher une pension. Toutefois, à partir du 1er septembre 2001, de tels accords ne pourront donner force de loi à une mise à la retraite obligatoire étant donné la formulation de l’article 32 a): «Un employé a le droit de conserver son emploi jusqu’à la fin du mois de son 67e anniversaire» (le soulignement a été ajouté). S’il s’agit bien d’une clause habilitante pour le travailleur individuel, elle restreint clairement le champ d’application de la négociation collective dans un domaine qui laissait auparavant davantage de marge de négociation aux parties concernées.
  7. 1051. Le comité note en outre que cette limitation substantielle du champ d’application de la négociation a apparemment été imposée à tous les partenaires sociaux contre leur volonté étant donné que, selon les organisations plaignantes, l’organisation principale représentative des employeurs, outre les confédérations de travailleurs les plus importantes, s’était opposée à deux reprises à l’amendement comme l’avait aussi fait le Comité suédois tripartite sur l’OIT. Le gouvernement n’a pas réfuté ces allégations. De l’avis du comité, si le gouvernement jugeait nécessaire de modifier le système existant qui, apparemment, bénéficiait d’un large consensus, il aurait été de loin préférable d’obtenir l’accord des parties concernées. Légiférer pour imposer une mesure comme l’amendement mis en cause dans le cas présent équivaut à revenir unilatéralement sur un système qui avait été accepté par les partenaires sociaux et avait donné lieu à des accords négociés adaptés à des conditions de travail particulières; cette mesure n’aurait été justifiée que dans une situation de crise aiguë, par exemple au cas où le fait de ne pas adopter des mesures immédiates aurait mis en péril l’existence même du régime des pensions. Le gouvernement n’a pas fourni les preuves d’une telle situation d’urgence.
  8. 1052. Compte tenu des circonstances particulières de ce cas et en vue d’assurer une atmosphère de bonnes relations professionnelles dans le pays, le comité prie le gouvernement de reprendre des consultations approfondies sur les questions liées à la retraite et aux pensions avec toutes les parties concernées, afin de trouver une solution négociée mutuellement acceptable pour toutes les parties concernées, et conforme aux conventions sur la liberté syndicale et la négociation collective ratifiées par la Suède.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 1053. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures correctrices appropriées pour que les conventions déjà négociées sur l’âge de la retraite obligatoire continuent à produire tous leurs effets jusqu’à la date d’expiration de leur validité, y compris après le 31 décembre 2002.
    • b) Compte tenu des circonstances particulières de ce cas, le comité prie le gouvernement de reprendre des négociations approfondies sur la question des pensions et des retraites avec toutes les parties concernées, en vue de trouver une solution négociée acceptable pour toutes les parties, et conforme aux conventions sur la liberté syndicale et la négociation collective ratifiées par la Suède.
    • c) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation.
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