ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Rapport intérimaire - Rapport No. 327, Mars 2002

Cas no 2134 (Panama) - Date de la plainte: 24-MAI -01 - Clos

Afficher en : Anglais - Espagnol

  1. 705. La plainte figure dans une communication de la Fédération nationale des fonctionnaires du Panama (FENASEP) datée du 24 mai 2001. Cette organisation a envoyé des informations complémentaires par communication du 11 juillet 2001. Dans une communication du 25 juin 2001, l’Internationale des services publics (ISP) s’est associée à la plainte présentée par la FENASEP. Le gouvernement a répondu par une communication datée du 31 octobre 2001.
  2. 706. Le Panama a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 707. Dans des communications des 24 mai et 11 juillet 2001, la FENASEP affirme que, depuis le 1er septembre 1999 (date à laquelle la nouvelle Présidente de la République a pris ses fonctions), le gouvernement, pour des raisons politiques partisanes, a destitué 19 000 fonctionnaires et a exclu du système de carrière administrative 2 000 fonctionnaires supplémentaires. La FENASEP ajoute qu’elle a entrepris de nombreuses actions syndicales et que le gouvernement a décidé de destituer de leurs fonctions des dirigeants syndicaux d’associations de fonctionnaires (une liste de 44 fonctionnaires destitués se trouve en annexe).
  2. 708. Selon la FENASEP, les mesures prises par le gouvernement ont fait l’objet d’une action en inconstitutionnalité visant la décision no 122 du 27 octobre 1999, mais cette déclaration d’inconstitutionnalité n’a pas eu lieu parce que la décision en question a été abrogée. Aucun organe administratif ou judiciaire ne s’est prononcé en faveur des dirigeants syndicaux.
  3. 709. La FENASEP reproche au gouvernement sa réticence à engager des négociations bipartites avec elle (elle a uniquement pu participer à des discussions en tant que membre du Conseil panaméen des travailleurs organisés (CONATO)), et elle fait référence de manière générale à des actes visant à empêcher les dirigeants syndicaux d’agir librement, à limiter leurs actions ou à tenter d’éviter les contestations.
  4. 710. La FENASEP dénonce, en outre, des actes contre son secrétaire général (menace de destitution, négociations pour proroger son congé sans solde), même si ce dernier a vu sa situation évoluer favorablement et «jouit de la pleine liberté syndicale», comme il ressort d’une communication signée par l’intéressé le 4 octobre 2001.
  5. 711. Enfin, la FENASEP joint une copie de la plainte pénale déposée contre le dirigeant M. Alberto Ibarra, membre du comité exécutif de l’organisation, pour atteinte à l’honneur (calomnies et injures) de représentants de l’administration publique (INAC), fondée sur certaines déclarations publiques faites par ce dirigeant le 4 octobre 1999, laissant entendre que les représentants en question auraient commis des actes répréhensibles.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 712. Dans sa communication du 31 octobre 2001, le gouvernement déclare que les travailleurs du service public ne sont pas tous des fonctionnaires de carrière. Ainsi, n’entrent pas dans cette dernière catégorie: les fonctionnaires élus par vote populaire; ceux qui sont nommés ou révoqués librement; ceux qui sont nommés en vertu de la Constitution; ceux qui sont choisis; ceux qui font un stage; ceux qui sont en fonction et ceux qui ont des contrats occasionnels.
  2. 713. Conformément à l’article 2 de la loi no 9, les fonctionnaires qui peuvent être nommés ou révoqués librement sont «ceux qui travaillent à des postes de secrétariat, de conseil, d’assistance ou de services directement pour le compte de fonctionnaires qui ne sont pas des fonctionnaires de carrière. Leur nomination, de par la nature de leurs fonctions, dépend de la confiance de leurs supérieurs, qui peuvent les démettre de leurs fonctions s’ils venaient à perdre cette confiance.»
  3. 714. Selon l’article 2, on entend par fonctionnaires en fonction «ceux qui, lors de l’entrée en vigueur de cette loi et de son règlement d’application, occupaient un poste dans les services publics, défini comme permanent, jusqu’à ce qu’ils acquièrent, conformément aux procédures établies, le statut de fonctionnaires de carrière administrative.
  4. 715. Par ailleurs, le décret exécutif no 222, précise, aux articles 24 et 25, les conditions que doit remplir un fonctionnaire pour accéder à la carrière administrative (évaluation des qualifications pour vérifier qu’elles répondent aux conditions minimales du poste définies dans le manuel de classification des postes, niveau d’études minimum ou expérience dans le poste pendant un nombre d’années déterminé).
  5. 716. En application de l’article 24 du décret exécutif no 222, la Direction générale de la fonction administrative a élaboré un manuel de classification des postes, qui définit les critères minima pour pouvoir prétendre à un poste de fonctionnaire de carrière administrative.
  6. 717. Le fonctionnaire de carrière administrative jouit de la stabilité d’emploi, et son éventuelle révocation doit être dûment motivée et conforme à la procédure établie à l’article 118 du décret exécutif no 222.
  7. 718. Les critères du manuel de classification des postes et les dispositions qui régissent l’entrée dans la carrière administrative ont été formellement et dûment appliqués jusqu’au 2 mai 1999, date à laquelle ont eu lieu les élections présidentielles, qui se sont soldées par la victoire de Mme Mireya Moscoso, alors membre de l’opposition. Pendant la période de transition comprise entre le mois de mai et le 31 août 1999, le gouvernement sortant a alors commencé à recruter des fonctionnaires sans suivre la procédure établie, et de façon arbitraire et illégale.
  8. 719. Cette situation a notablement affecté le rôle des entités gouvernementales, engendrant un manque de confiance dans le système de carrière administrative et portant atteinte à sa crédibilité.
  9. 720. De juin 1994 au 2 mai 1999, date des élections générales, 4 512 fonctionnaires avaient été «accrédités» («acreditados»), alors qu’entre les mois de juin et d’août 1999, période de transition qui a précédé la prise du pouvoir par le nouveau gouvernement, 5 634 fonctionnaires ont été accrédités, ce qui témoigne du manque de sérieux de ces «accréditations».
  10. 721. Face à cette situation, le gouvernement national, responsable, a pris des mesures correctives pour garantir que les fonctionnaires accrédités satisfaisaient aux critères minima énoncés dans les dispositions juridiques pertinentes.
  11. 722. C’est pourquoi, le 27 octobre 1999, le gouvernement national a publié la décision no 122, portant suspension temporaire de l’accès à la carrière administrative et a donné l’ordre de réviser le système pour l’assainir. Il en est ressorti qu’un pourcentage important d’accréditations ne satisfaisait pas les critères requis.
  12. 723. A la suite de ces investigations et de l’adoption des mesures d’assainissement, le gouvernement national a adopté la décision no 50, du 6 juillet 2001, révoquant la décision no 122, afin que les personnes remplissant les conditions minimales puissent être «accréditées» en tant que fonctionnaires de carrière administrative.
  13. 724. Les personnes qui ont perdu leur statut de fonctionnaire de carrière administrative, sont uniquement celles qui ont acquis ce statut de manière illégale et qui, de ce fait, ont affecté la crédibilité et le droit des autres. Néanmoins, les fonctionnaires qui ont perdu leur «accréditation» n’ont pas été révoqués et beaucoup d’entre eux continuent à travailler dans les institutions gouvernementales.
  14. 725. En cas de révocation, de retrait de l’accréditation ou de sanction disciplinaire, la loi permet au fonctionnaire concerné de demander le réexamen de la décision, de faire appel et, lorsque la décision des deux premières instances est contradictoire, de présenter, en dernier ressort, un recours auprès de la Cour suprême de justice. Toutes les institutions gouvernementales ont respecté les décisions prises dans le cadre de ce processus. A cet égard, nombre de fonctionnaires ayant intenté un recours ont obtenu gain de cause. La liste des nombreuses décisions prises en la matière est communiquée.
  15. 726. Le gouvernement de la République de Panama a déployé tous les efforts nécessaires pour que la FENASEP participe à diverses actions de concertation et de dialogue social concernant notamment l’accord en matière de transport collectif dans la zone métropolitaine.
  16. 727. Se référant aux actions syndicales de la FENASEP, le gouvernement indique que, respectant les garanties fondamentales énoncées dans la Constitution, à savoir la liberté de réunion, d’expression, d’association, etc., il a toujours autorisé la tenue de manifestations (marches, grèves) dans tous les secteurs, considérant que ces activités contribuent à renforcer la démocratie, tout en veillant à ce qu’elles se déroulent dans le cadre de la loi et dans le respect du droit d’autrui.
  17. 728. Le gouvernement souligne qu’il n’a pas destitué de dirigeants d’associations de fonctionnaires de façon illégale et qu’il a respecté les dispositions des conventions nos 87 et 98.
  18. 729. Le conseil du cabinet, par la décision no 122 du 27 octobre 1999, a habilité la Direction générale de la fonction administrative à passer en revue les dossiers des fonctionnaires accrédités, afin de vérifier que les dispositions légales en vigueur qui régissent l’entrée dans la fonction administrative avaient été respectées et de relever les cas où elles ne l’avaient pas été, en particulier pendant la période de transition entre l’ancien et le nouveau gouvernement.
  19. 730. Le gouvernement national n’a jamais interrompu la communication avec la FENASEP, l’informant de ses activités (des documents de rencontres ayant eu lieu entre le secrétaire général de la FENASEP et le ministre du Travail, le vice-ministre du Travail et le Vice-président de la République sont communiqués). En outre, il a encouragé la participation du secrétaire général de la FENASEP en tant que membre de la délégation tripartite panaméenne présente à la 89e session de la Conférence internationale du Travail. De même, l’organisation a participé aux négociations concernant le transport public, elle a assisté à des réunions tenues régulièrement entre le Conseil panaméen des travailleurs organisés (CONATO) et le ministre du Travail et du Développement social; elle a en outre reçu une aide importante de l’Etat (201 281 dollars E.-U. en 1999-2001) par le biais de fonds provenant de l’assurance éducative.
  20. 731. Selon le gouvernement, la FENASEP fait état de la communication entre l’Etat et les enseignants et autres fonctionnaires, prouvant ainsi clairement que le gouvernement national, désireux de maintenir la paix sociale et mener une bonne gouvernance, a entretenu une communication ouverte avec toutes les organisations sociales et associations de fonctionnaires, au même titre qu’avec la FENASEP, celle-ci n’étant pas la seule organisation de fonctionnaires au Panama.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 732. Le comité note, en ce qui concerne la présente plainte, que l’organisation plaignante dénonce la destitution de 44 dirigeants syndicaux dans le cadre des destitutions massives opérées pour des raisons politico-partisanes et dont des milliers de fonctionnaires ont été victimes depuis l’entrée en fonctions du nouveau pouvoir exécutif (septembre 1999).
  2. 733. Le comité note que, selon le gouvernement: 1) le gouvernement sortant avait fait entrer de manière illégale dans la fonction administrative 5 634 fonctionnaires pendant la période de transition; 2) de ce fait, par l’adoption de la décision no 122 du 27 octobre 1999, le gouvernement a suspendu provisoirement l’accès à la fonction administrative et a donné ordre de procéder à des contrôles pour assainir le système. Une fois atteint cet objectif, la décision no 50 du 6 juillet 2001 a annulé la décision antérieure pour que les fonctionnaires remplissant les conditions minimales requises puissent être accrédités en tant que fonctionnaires de carrière administrative; 3) les personnes qui ont fait l’objet de mesures de destitution ou qui se sont vues retirer leur accréditation (c’est-à-dire retirer la possibilité d’intégrer la carrière administrative, tout en conservant leur emploi) ont disposé de recours et que nombre d’entre elles ont obtenu gain de cause; 4) le gouvernement a dû prendre des mesures correctives pour s’assurer que les fonctionnaires accrédités remplissaient les conditions minimales requises par la loi (nombre d’années d’expérience, niveau d’instruction minimum, etc.), qui ont mis en évidence l’irrégularité d’une forte proportion des accréditations.
  3. 734. Prenant note des déclarations du gouvernement, le comité appelle néanmoins l’attention sur le risque qu’entraînent les mesures de destitution massive de fonctionnaires du point de vue de l’équité, et il regrette que 44 dirigeants syndicaux aient fait l’objet de telles mesures sans autre forme de procès, et ce contrairement à ce qui est prévu à l’article 118 du décret exécutif no 222 qui exige que la destitution soit justifiée par des motifs valables, qu’une procédure préliminaire soit respectée et qu’une enquête rapide soit menée avec possibilité de se défendre. Tenant compte des graves conséquences que ces décisions ont pour l’exercice des droits syndicaux, le comité invite le gouvernement à favoriser la réintégration de ces dirigeants dans leurs fonctions dans la mesure où ils remplissent les conditions légales d’accession à la fonction administrative, et à le tenir informé de l’état d’avancement des mesures entreprises depuis les destitutions.
  4. 735. Par ailleurs, le comité note que le gouvernement nie avoir refusé de dialoguer ou de négocier et avoir agi pour entraver l’action syndicale ou pris des mesures contre la FENASEP. Le comité note que les allégations sont formulées en termes très généraux et qu’il n’en poursuivra pas l’examen.
  5. 736. Enfin, le comité prie le gouvernement de lui faire parvenir ses observations sur les allégations relatives à la plainte pénale déposée contre le dirigeant syndical M. Alberto Ibarra.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 737. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement, dans la mesure où les fonctionnaires destitués remplissent les conditions requises pour intégrer la fonction administrative, de favoriser la réintégration dans leur emploi des 44 dirigeants syndicaux du service public destitués sans autre forme de procès et de le tenir informé de l’état d’avancement des mesures entreprises depuis les destitutions.
    • b) Le comité demande au gouvernement de lui faire parvenir ses observations sur les allégations relatives à la plainte pénale déposée contre le dirigeant syndical M. Alberto Ibarra.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer