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- 645. La Fédération des syndicats des travailleurs à Madagascar (FISEMA), la Confédération des syndicats chrétiens de Madagascar (SEKRIMA), l’Union des syndicats autonomes de Madagascar (USAM), la Fédération des syndicats des travailleurs de la santé (FSMF), la Fédération des syndicats des travailleurs du secteur informel (SEMPIF TOMAVA) et divers syndicats malgaches ont présenté la plainte faisant l’objet du présent cas par des communications des 2 et 28 mai et 18 juillet 2001. Le gouvernement a fait parvenir ses observations par des communications du 13 septembre 2001 et du 29 janvier 2002.
- 646. Madagascar a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- 647. Dans leurs communications des 2 et 28 mai 2001, les organisations plaignantes allèguent que le gouvernement a pris la décision unilatérale d’adopter une démarche d’ingérence dans la gestion des fonds sociaux, notamment dans celle de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNaPS). Elles expliquent que le gouvernement a promulgué le décret 99-673 du 20 août 1999. Avant ce décret, le conseil d’administration de la CNaPS était constitué de quatre membres représentant l’Etat, huit représentants des employeurs et huit représentants des travailleurs et était présidé en alternance par les groupes travailleurs et employeurs. En restructurant ce conseil, la décision a modifié la composition qui est maintenant de six membres travailleurs, employeurs et représentants du gouvernement et a créé une nouvelle rotation où l’Etat participe à sa présidence. Se basant sur les accords et conventions qui ont toujours existé avec le ministère de la Fonction publique, du Travail et des Lois sociales, les partenaires sociaux considèrent que le principe du tripartisme est la base du dialogue social et que la gestion des organismes sociaux leur revient, sous contrôle de l’Etat. Ainsi, suite à la promulgation de ce décret, le dialogue social a été suspendu.
- 648. Les organisations plaignantes précisent que ledit décret a par la suite été déclaré inconstitutionnel par la Haute Cour constitutionnelle de justice dans sa décision du 23 août 2000 (la décision est annexée à la plainte).
- 649. Les organisations plaignantes affirment que, suite à cette position du ministère de la Fonction publique, du Travail et des Lois sociales, et en l’absence d’une réponse à la demande de dialogue des partenaires sociaux, ces derniers se sont abstenus de participer aux travaux du Conseil national de l’emploi (structure qui étudie en particulier les textes pour une refonte du Code du travail).
- 650. En outre, les organisations plaignantes font état de nombreuses interventions de la part du ministère de la Fonction publique, du Travail et des Lois sociales dans les affaires internes des syndicats telles que: ingérence de ce ministère dans l’élection des représentants des travailleurs dans diverses instances tripartites; organisation de missions réunissant des délégués de travailleurs et d’employeurs à l’insu de leur confédération pour leur désignation à siéger dans les instances tripartites régionales ou demande de propositions d’autres noms que ceux déjà avancés par les confédérations pour siéger au sein de ces instances.
- 651. Les organisations plaignantes allèguent également des atteintes à la négociation collective puisque selon elles, la loi no 94-029 portant Code du travail est supplantée par le décret no 97-1355. En vertu de ce décret, les partenaires sociaux ne peuvent engager souverainement une négociation collective sur les conditions d’emploi des travailleurs qu’après autorisation du ministère du Développement du secteur privé et de la Privatisation.
- 652. Enfin, les organisations plaignantes, tout en reconnaissant la signature d’un protocole d’accord tripartite en date du 8 mai 2000, instituant entre autres les modalités de reprise du dialogue social, estiment que le gouvernement, malgré la décision d’inconstitutionnalité du décret no 99-673, n’a pas apporté jusqu’ici les modifications préalables à la relance du dialogue social puisqu’il continue de s’ingérer dans les privilèges accordés aux organisations syndicales, notamment dans la détermination du nombre de leurs représentants au sein de la CNaPS.
- 653. Dans une communication ultérieure du 18 juillet 2001, les organisations plaignantes déclarent que le ministère de la Fonction publique, du Travail et des Lois sociales s’ingère dans les affaires syndicales au regard du contenu de l’article 1, alinéa 3) (nouveau), du décret no 2000-291 du 31 mai 2000 qui exige des syndicats de donner la liste de leurs membres, en plus de l’exemplaire des statuts et des noms des membres du bureau en exercice.
- 654. En outre, les organisations plaignantes indiquent que, suite à deux réunions tenues avec le ministère de la Fonction publique, du Travail et des Lois sociales les 22 juin et 5 juillet 2001, ce dernier a présenté aux organisations syndicales un projet de décret relatif au nombre et à la désignation des représentants syndicaux au sein du conseil d’administration de la CNaPS. Selon les organisations plaignantes, ce projet de décret, qui attribue six représentants des travailleurs affiliés et issus des organisations syndicales multisectorielles les plus représentatives et qui abroge le décret no 99-673, doit également être considéré anticonstitutionnel puisqu’il enlève aux organisations syndicales le droit de désigner le sixième représentant. En effet, le ministère s’approprie le droit de désigner ce représentant de sa propre initiative au motif qu’un nombre de délégués du personnel élus en grande majorité sur des listes non syndicales (souvent à l’instigation de leurs employeurs) doit avoir un représentant au conseil d’administration de la CNaPS.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 655. Dans sa communication du 13 septembre 2001, le gouvernement déclare que les différentes concertations provoquées par l’Etat à la suite de la suspension du dialogue social, décidée le 28 septembre 1999 par les partenaires sociaux, démontrent largement la volonté de l’Etat de parvenir à une solution acceptable pour chaque partie au problème de reprise du dialogue social malgache. Suite à la signature du Protocole d’accord tripartite du 8 mai 2000, une commission ad hoc a été mise en place et a déjà tenu neuf réunions tripartites en vue d’exécuter les charges spécifiques qui lui ont été attribuées, à savoir: l’examen de solutions au problème de la CNaPS; la détermination des organisations représentatives, et l’émission d’avis sur le Code du travail.
- 656. Le gouvernement indique que les travaux de la commission ad hoc ont abouti à des résultats consensuels, sauf pour l’examen de la solution à apporter au problème de la CNaPS. Considérant que la désignation des représentants des partenaires sociaux au conseil d’administration de la CNaPS dépend de la représentativité des organisations d’employeurs et de travailleurs, la commission ad hoc, à sa réunion du 2 juin 2000, a convenu que la représentativité des organisations syndicales serait mesurée par la confrontation des données recueillies au niveau des inspections du travail et celles fournies par les organisations syndicales. Ainsi, il a été demandé à ces dernières de faire parvenir au ministère de la Fonction publique, du Travail et des Lois sociales les informations relatives aux critères de représentativité détenues par leurs unions régionales. Toutefois, le 25 juillet 2000, le coprésident travailleur de la commission ad hoc a dû reconnaître qu’aucune information n’avait été reçue et qu’il était impossible aux syndicats d’avoir toutes les données pour le moment. Le gouvernement précise que les organisations d’employeurs, pour leur part, ont fourni les informations demandées. Enfin, s’agissant de l’alinéa 3) (nouveau) de l’article premier du décret no 2000-291 du 31 mai 2000, le gouvernement indique qu’il ne cherche qu’à s’assurer de la force réelle des organisations syndicales par l’application du critère objectif qu’est l’effectif des adhérents des organisations syndicales aux fins d’apprécier leur représentativité.
- 657. En outre, le gouvernement précise que le ministre de la Fonction publique, du Travail et des Lois sociales a invité les partenaires sociaux à lui faire parvenir leurs propositions écrites relatives au conseil d’administration de la CNaPS avant le 4 mai 2000 afin de les présenter aux autorités compétentes. Cette invitation n’a pas eu non plus d’écho favorable de la part des organisations de travailleurs.
- 658. Enfin, le gouvernement affirme que plusieurs des activités du ministère demandant une consultation tripartite n’ont pu aboutir à cause de l’attitude des partenaires sociaux. Selon le gouvernement, le comportement des organisations syndicales est la cause des récents blocages et ces dernières ont utilisé des manoeuvres dilatoires, voire politiques, aux fins de bloquer la bonne marche des affaires de l’Etat.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 659. Le comité note que ce cas concerne des allégations d’ingérence du gouvernement dans les affaires internes syndicales, ce qui aurait mené à la rupture du dialogue social en 1999. En particulier, le comité observe que la cause principale de rupture du dialogue social serait l’adoption par le gouvernement du décret no 99-673 du 20 août 1999. Ce décret, portant restructuration du conseil d’administration de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNaPS), en modifie la composition (faisant passer de huit à six les représentants des organisations de travailleurs), ainsi que le fonctionnement (en faisant participer l’Etat à sa présidence rotative). Ce décret a par la suite été déclaré inconstitutionnel par la Haute Cour constitutionnelle de justice le 23 août 2000. En outre, le comité note qu’un nouveau projet de décret, présenté par le gouvernement, prévoit que le ministère s’accorderait le droit de désigner un des six représentants des travailleurs.
- 660. Depuis l’adoption de ce décret, le comité note que le gouvernement et les partenaires sociaux ont signé un Protocole d’accord tripartite en date du 8 mai 2000, et qu’une commission ad hoc tripartite a été mise en place. Cette commission, qui a notamment pour objectif de régler le problème de la composition du conseil d’administration de la CNaPS, aurait tenu, selon le gouvernement, neuf réunions depuis sa mise en place. Le comité observe toutefois que, selon les organisations plaignantes, aucune solution répondant à leurs exigences n’a pu être trouvée à ce jour. A la lumière des informations disponibles, le comité ne peut que constater que les parties en présence se rejettent la responsabilité de la non-résolution du problème de la composition du conseil d’administration de la CNaPS. Toutefois, concernant l’adoption du décret modifiant la structure de ce conseil d’administration, le comité se doit de rappeler au gouvernement l’importance qu’il convient d’attacher à ce que des consultations franches et complètes aient lieu sur toute question ou tout projet de dispositions législatives ayant une incidence sur les droits syndicaux. Ainsi, le comité rappelle au gouvernement que toute décision concernant la participation des organisations de travailleurs à un organisme tripartite devrait se prendre à l’avenir en pleine consultation avec l’ensemble des organisations syndicales ayant une représentativité déterminée selon des critères objectifs. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, 1996, quatrième édition, paragr. 927 et 943.] En outre, s’agissant du nouveau projet de décret qui octroierait au ministère le droit de nommer un des six représentants des travailleurs, le comité rappelle qu’il appartient aux organisations de travailleurs, et non aux autorités, de choisir en toute liberté tous leurs représentants au sein d’organes tripartites. Le comité demande aux parties concernées de ne ménager aucun effort afin de trouver un accord concernant la composition du conseil d’administration de la CNaPS et demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 661. S’agissant de la question de la représentativité des organisations syndicales, le comité note que le gouvernement, en réponse aux allégations des organisations plaignantes relatives à l’article 1, alinéa 3) (nouveau), du décret no 2000-291 du 31 mai 2000 qui exigerait des syndicats de donner la liste de leurs membres, en plus de l’exemplaire des statuts et des noms des membres du bureau en exercice, déclare qu’il ne cherche qu’à s’assurer de la force réelle des organisations syndicales en évaluant le nombre d’adhérents de ces dernières. Le comité observe que le gouvernement reconnaît qu’au cours d’une réunion de la commission ad hoc en juin 2000 il aurait été convenu que la représentativité des organisations syndicales serait mesurée par la confrontation des données recueillies au niveau des inspections du travail et celles fournies par les organisations syndicales. Le comité note qu’il aurait été demandé à ces dernières de faire parvenir au ministère de la Fonction publique, du Travail et des Lois sociales les informations relatives aux critères de représentativité détenues par leurs unions régionales, mais que les organisations syndicales auraient été incapables de fournir ces chiffres. A cet égard, le comité rappelle qu’il a admis, dans le passé, que certains avantages, notamment en matière de représentation, pourraient être accordés aux organisations les plus représentatives, caractère qui découle du nombre plus important de leurs affiliés. La détermination des syndicats les plus représentatifs devrait toujours se faire d’après des critères objectifs, précis et préétablis, de façon à éviter toute possibilité de partialité ou d’abus. Dans le cas d’espèce, le comité estime qu’il n’est pas nécessaire de dresser une liste avec les noms des membres des organisations syndicales pour déterminer le nombre d’adhérents. En effet, un relevé des cotisations syndicales pourrait attester du nombre d’affiliés à une organisation syndicale, sans pour autant qu’il soit nécessaire de dresser une liste de noms qui pourrait faciliter d’éventuels actes de discrimination antisyndicale. En conséquence, le comité demande au gouvernement de modifier l’article 1 3) du décret no 2000-291 afin que la représentativité des organisations syndicales puisse être établie sans que les noms des adhérents soient obligatoirement communiqués aux autorités. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 662. Enfin, le comité note que le gouvernement n’a pas répondu aux allégations relatives aux interventions de la part du ministère de la Fonction publique, du Travail et des Lois sociales dans les affaires internes des syndicats telles que l’organisation de missions réunissant des délégués de travailleurs à l’insu de leur confédération pour leur désignation à siéger dans les instances tripartites régionales ou demande de propositions d’autres noms que ceux déjà avancés par les confédérations pour siéger au sein de ces instances. En outre, le gouvernement n’a également fourni aucune observation relative aux allégations d’atteinte à la négociation collective en vertu du décret no 97-1355. Le comité demande au gouvernement de lui faire parvenir sans tarder ses observations sur ces allégations.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 663. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité rappelle au gouvernement que toute décision concernant la participation des organisations de travailleurs à un organisme tripartite devrait se prendre à l’avenir en pleine consultation avec l’ensemble des organisations syndicales ayant une représentativité déterminée selon des critères objectifs. Le comité demande aux parties concernées de ne ménager aucun effort afin de trouver un accord concernant la composition du conseil d’administration de la CNaPS et demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- b) Au sujet du nouveau projet de décret concernant la composition du conseil d’administration de la CnaPS, le comité rappelle qu’il appartient aux organisations de travailleurs et non aux autorités de choisir en toute liberté tous leurs représentants au sein d’organes tripartites.
- c) Le comité demande au gouvernement de modifier l’article 1 3) du décret no 2000-291 afin que la représentativité des organisations syndicales puisse être établie, sans que les noms des adhérents soient obligatoirement communiqués aux autorités. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- c) Le comité demande au gouvernement de lui faire parvenir sans tarder ses observations concernant les allégations relatives aux interventions de la part du ministère de la Fonction publique, du Travail et des Lois sociales dans les affaires internes des syndicats, ainsi que celles relatives aux atteintes à la négociation collective en vertu du décret no 97-1355.