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- 188. La plainte à l'origine du présent cas a été présentée par l'Association centrale des syndicats de l'Estonie (EAKL) dans une communication du 25 février 1999. Des informations complémentaires ont été transmises par la confédération plaignante le 23 mars 1999.
- 189. Dans une communication du 7 mai 1999, le ministre du Travail et des Affaires sociales a indiqué qu'un nouveau gouvernement était arrivé au pouvoir le 25 mars 1999, et il a invité le Bureau à envoyer une mission technique en Estonie en vue de trouver une solution aux questions soulevées conforme aux principes de la liberté syndicale.
- 190. A sa session de juin 1999, le comité a ajourné l'examen de ce cas et il a noté que des contacts seraient pris pendant la Conférence internationale du Travail afin de fixer les modalités d'une telle mission. (Voir 316e rapport du comité, approuvé par le Conseil d'administration à sa 275e session, juin 1999, paragr. 13.) Cette mission a eu lieu du 25 au 27 août 1999. Elle était dirigée par Mme Pouyat, cheffe adjointe du Service de la liberté syndicale, accompagnée de Mme Shauna Olney, juriste principale du service, et de M. Giuseppe Casale, spécialiste principal des relations professionnelles (BIT, Budapest). Le comité a été informé de cette mission à sa session de novembre 1999 où il a à nouveau ajourné l'examen du cas. (Voir 318e rapport, paragr. 10.)
- 191. Depuis lors, la confédération plaignante a communiqué de nouvelles informations dans une communication en date du 28 février 2000, et le gouvernement a envoyé certaines informations dans des communications des 16 mars et 24 avril 2000.
- 192. L'Estonie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de la confédération plaignante
A. Allégations de la confédération plaignante- 193. Dans sa communication du 25 février 1999, l'Association centrale des syndicats d'Estonie (EAKL) dénonçait le refus de son enregistrement en tant que confédération nationale par les autorités publiques. Elle soulignait que la loi sur les associations à but non lucratif en vertu de laquelle les organisations syndicales devaient être enregistrées pour pouvoir obtenir la personnalité juridique était très restrictive. Il en résultait des retards dans l'enregistrement des syndicats et des ingérences injustifiées dans leur fonctionnement. De plus, elle alléguait que ces dispositions avaient comme incidence la dissolution automatique des syndicats qui n'avaient pas obtenu leur enregistrement à une date donnée.
- 194. L'EAKL précisait qu'en application de la loi les organisations qui n'avaient pas obtenu leur enregistrement en octobre 1998, date qui avait été reportée au 1er mars 1999, seraient dissoutes et que leurs biens seraient liquidés. La confédération plaignante ajoutait que ses statuts, qui avaient été approuvés démocratiquement par son congrès en 1995, avaient été rejetés par le greffier chargé de l'enregistrement. Ceci empêchait l'EAKL d'être enregistrée et la menaçait de dissolution automatique.
- 195. Quant aux conditions restrictives d'enregistrement qui, selon l'EAKL, constituaient une autorisation préalable à sa constitution, il s'agissait:
- -- de l'obligation de déposer une demande d'enregistrement certifiée devant notaire et contresignée par les membres du comité directeur, ce qui impliquait le paiement de frais de notaire;
- -- de l'obligation, pour obtenir l'enregistrement, du paiement d'une taxe, ce qui, ajouté aux frais de notaire, correspondait à un demi-mois de salaire minimum;
- -- du pouvoir discrétionnaire du greffier d'accepter ou de refuser les documents joints à la demande d'enregistrement, les formalités étant très détaillées et permettant différentes interprétations;
- -- de la longueur de la procédure allant de trois à six mois ou plus, aucune date limite n'étant imposée aux autorités publiques pour le traitement des dossiers pour permettre aux syndicats de recourir en justice;
- -- des différences de traitement au cas par cas des conditions d'enregistrement des syndicats déjà existants.
- 196. De l'avis de l'EAKL, les conditions d'enregistrement portaient atteinte aux droits de constituer des organisations et d'y adhérer sur les points suivants:
- -- entraves au droit des syndicats de s'affilier à des fédérations puisqu'un syndicat non enregistré n'avait pas la personnalité juridique et qu'il ne pouvait donc pas adhérer à une fédération;
- -- obligation faite aux membres fondateurs des syndicats de signer personnellement l'accord de fusion pour constituer une fédération, alors que selon la confédération plaignante ce droit devrait appartenir à l'assemblée générale des délégués des syndicats;
- -- entraves imposées aux syndicats implantés dans les grandes entreprises où se trouve un grand nombre de membres fondateurs, en ce sens qu'ils n'avaient pas le droit de désigner des délégués qui, lors de la réunion constitutive, avaient le pouvoir de créer formellement le syndicat;
- -- impossibilité pour les petits syndicats de trois ou dix membres qui ne souhaitaient pas obtenir leur enregistrement de s'affilier à des fédérations.
- 197. S'agissant des ingérences dans les affaires internes des syndicats, l'EAKL soulevait d'autres points concernant:
- -- la procédure de convocation des assemblées générales et d'adoption des résolutions (plus de la moitié des membres devaient y participer, les statuts devaient être adoptés par la majorité des deux tiers et les modifications concernant les objectifs devaient l'être à la majorité des neuf dixièmes);
- -- l'obligation de tenir une assemblée générale annuelle (comprenant la moitié des membres), qui devait approuver le rapport annuel;
- -- nombre trop élevé de membres nécessaires à l'adoption des résolutions (la moitié au moins des membres);
- -- le système des délégués qui n'était pas autorisé, alors qu'aux termes des statuts des syndicats les délégués étaient élus par les organes représentatifs en fonction du nombre d'adhérents aux syndicats;
- -- l'élection des organes de direction, qui était réglementée, et, dans certaines circonstances, le droit conféré au tribunal de nommer les membres d'un comité directeur;
- -- la dévolution dans certains cas des biens d'une association, qui pouvaient aller à l'Etat;
- -- l'ingérence des autorités dans la détermination des membres adhérents en cas de fusion ou de division des associations;
- -- l'obligation de rendre publics les procès-verbaux de réunions et autres documents;
- -- le pouvoir du greffier de demander les procès-verbaux des réunions concernant les modifications de statuts et la liste des participants ainsi que les signataires;
- -- l'obligation de convoquer une assemblée générale quand le greffier exigeait des modifications aux statuts des associations;
- -- les conditions restrictives imposées au contenu de ces statuts aux termes desquelles l'EAKL et ses organisations affiliées, dans plusieurs secteurs, ne pouvaient pas rédiger leurs statuts conformément à la loi car ils auraient eu comme incidence des entraves à leurs activités syndicales.
B. Informations obtenues pendant la mission
B. Informations obtenues pendant la mission- 198. La mission qui s'est rendue en Estonie du 25 au 27 août 1999 a rencontré, entre autres personnalités, du côté gouvernemental, le ministre des Affaires sociales, M. Eiki Nestor, et la conseillère juridique du ministère, Mme Anne Joonsaar; des représentants du ministère de la Justice, MM. Henri Mikk, directeur du Département de droit privé, et Viljar Peep, chef du Bureau du registre du commerce; du côté travailleurs, M. Tiit Kaadu, secrétaire général de l'Association centrale des syndicats d'Estonie (EAKL), et Mmes Kadi Pärnits, conseillère juridique, et Margarita Tuch, juriste de ce syndicat; et du côté employeurs, M. Tarmo Kriis, conseiller juridique. La mission a bénéficié de toutes les facilités nécessaires à l'accomplissement de sa tâche, et l'ensemble des personnes rencontrées a fait montre d'un grand esprit de coopération et de franchise.
- 199. Le ministre des Affaires sociales a expliqué l'histoire récente des relations professionnelles en Estonie. En 1989, une loi spéciale a été adoptée pour mettre un terme au système de syndicalisme inféodé au pouvoir gouvernemental et garantir la constitution de nouveaux syndicats indépendants. Cependant, cette loi de 1989 qui autorise la constitution d'organisations syndicales sans autorisation préalable ne traite pas de la question de l'enregistrement qui, en Estonie, confère la personnalité juridique aux syndicats. La législation applicable en la matière était donc la loi sur les associations à but non lucratif et connexes qui a été abrogée par la loi sur les associations à but non lucratif de 1996 afin de soustraire le contrôle de l'enregistrement des associations au gouvernement et de le confier aux tribunaux. Selon le ministre des Affaires sociales, environ la moitié des syndicats enregistrés auparavant se sont réenregistrés aux termes de la loi nouvelle et, pour l'autre moitié, la procédure est considérée par les syndicats comme trop compliquée et inadéquate. Le ministre des Affaires sociales a expliqué que, lorsqu'il était encore dirigeant du Syndicat des transports, son syndicat a été enregistré en application de la loi de 1996, mais il a convenu que la procédure prévue par la loi est compliquée et lourde. Il s'est référé, en particulier, au fait que les membres fondateurs doivent personnellement déposer leurs signatures par acte notarié. Il a également reconnu que les travailleurs qui, à titre individuel, souhaitent adhérer à une fédération rencontrent des difficultés. Le ministre a cependant souligné qu'un groupe de travail chargé d'examiner un projet de loi sur l'enregistrement des syndicats a été mis en place et que ce groupe, qui a tenu plusieurs sessions, continue de se réunir. L'EAKL y siège et elle est chargée de la rédaction de proposition de loi sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical qui a été portée à la connaissance de la mission. Le gouvernement compte formuler ses commentaires sur cette proposition. Cependant, le ministre a expliqué l'importance de l'enregistrement pour l'acquisition de la personnalité juridique afin d'établir leur crédibilité et de déterminer les interlocuteurs syndicaux en matière de négociation collective. Il a assuré que la loi nouvelle sera moins rigide et laissera aux syndicats le soin d'établir leur structure et de conduire leurs activités internes.
- 200. Le ministre des Affaires sociales a enfin assuré la mission de l'importance pour l'Estonie de respecter la liberté syndicale, et en particulier de permettre aux syndicats de conduire leurs activités sans ingérence gouvernementale. Il a indiqué qu'une loi, adoptée le 28 juin 1999, avait été promulguée, prévoyant que les syndicats, fédérations et confédérations ne seraient pas sujets à dissolution administrative, en application de la loi sur les associations à but non lucratif, avant le 1er décembre 1999 pour non-conformité avec les formalités d'enregistrement. La date d'enregistrement a été également étendue jusqu'au 1er décembre 1999. Il s'agissait du second report législatif, et aucun syndicat n'avait encore été dissous.
- 201. Les représentants du ministère de la Justice ont, quant à eux, estimé que la loi de 1996 sur les associations à but non lucratif constitue un progrès en ce sens que la procédure d'enregistrement est désormais confiée à des juges indépendants. Depuis 1996, le système mis en place confie la tenue du registre des associations au greffe des tribunaux où sont enregistrées les associations et les entreprises. Selon eux, la loi est très libérale puisque seulement deux personnes sont nécessaires pour constituer une association et qu'il n'y a pas, contrairement au dire de la confédération plaignante, de taxe d'enregistrement pour les syndicats qui étaient préalablement enregistrés. Les syndicats peuvent contester les dispositions de la loi de 1996 devant la Cour constitutionnelle s'ils estiment qu'elles sont contraires aux conventions internationales du travail ratifiées par l'Estonie. Les représentants du ministère de la Justice ont confirmé que la proposition de loi sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical en cours d'élaboration, qui était actuellement rédigée par l'EAKL, relevait bien de la compétence du ministère des Affaires sociales, mais ils ont indiqué que cette proposition devrait obtenir l'aval du ministère de la Justice. Ils ont fourni à la mission des informations statistiques sur les syndicats enregistrés (70 le sont, 50 sont en cours d'enregistrement, dont l'EAKL). Selon eux, cette organisation pour être enregistrée devait d'abord introduire des modifications à ses statuts concernant des formalités techniques, des erreurs ou des articles non conformes.
- 202. Les représentants du ministère de la Justice ont admis que des différences d'interprétation de la loi de 1996 pouvaient exister entre les quatre zones judiciaires compétentes territorialement. Ceci tenait à ce que le système judiciaire est encore relativement récent. S'agissant des taxes, seuls les nouveaux syndicats sont tenus de les payer, les syndicats qui se réenregistrent n'ayant pas à le faire. Les délais d'enregistrement devraient être en principe de quinze jours en cas de réenregistrement et de deux mois pour les nouveaux syndicats. En cas de difficulté, il appartient au juge d'accorder des délais supplémentaires pour que les syndicats apportent les modifications nécessaires à leurs statuts. Malheureusement, presque toutes les demandes d'enregistrement ayant été déposées au mois de février 1999, juste avant la date limite, ceci a allongé les délais. Les représentants du ministère de la Justice ont affirmé que les dispositions de la loi de 1996 ne constituent aucunement une autorisation préalable. Selon eux, les membres fondateurs doivent tous signer personnellement ou donner une procuration à quelqu'un pour qu'il signe à leur place. La loi n'autorise pas l'élection de délégués pour participer aux assemblées générales, mais un adhérent peut désigner une personne pour voter à sa place. Il ne leur semble pas utile de modifier la loi de 1996, mais ils sont prêts à étudier la proposition de loi concernant les syndicats en cours d'élaboration.
- 203. Les représentants de l'EAKL ont rencontré la mission à deux reprises. Ils ont expliqué qu'ils avaient déposé leurs statuts pour enregistrement le 26 février 1999 et qu'en mai 1999 le tribunal avait rejeté leur demande en déclarant, dans des termes très généraux, qu'elle n'était pas conforme à la loi sur les associations à but non lucratif. L'EAKL a fourni par la suite le texte du décret portant refus du juge adjoint qui mentionne que "le certificat d'enregistrement, les procès-verbaux et les statuts du syndicat joints à la demande d'enregistrement ne sont pas conformes aux exigences de l'article 85, alinéa 3, de la loi sur les associations à but non lucratif de 1996, aux termes duquel seuls les originaux, ou des actes certifiés par un notaire, peuvent être soumis au greffier". Le décret indique que l'EAKL doit rectifier la situation avant le 30 septembre 1999. Les représentants syndicaux se sont déclarés conscients que les syndicats doivent s'enregistrer pour jouir de la personnalité juridique et pour être admis à la table des négociations collectives, mais ils ont réitéré leurs fortes critiques à l'égard de la loi de 1996. Selon eux, seules les fédérations de trois secteurs sont enregistrées: les transports, l'énergie et le bois et la foresterie. Celles des textiles et des télécommunications, de la médecine et des marins ont introduit des recours en justice à propos de leur enregistrement. S'agissant de la révision de la loi, pour laquelle l'EAKL a élaboré une proposition très détaillée, ils se sont référés aux difficultés qu'ils rencontrent avec les représentants du ministère de la Justice. Ils ont souhaité que la loi en préparation sur la liberté syndicale et la protection des droits syndicaux conduise à abroger la loi sur les syndicats de 1989 et à exclure les syndicats de la loi de 1996 sur les associations à but non lucratif. Pour eux, la loi nouvelle doit être moins restrictive et consacrer le droit des syndicats de gérer leurs affaires internes sans ingérence des pouvoirs publics.
- 204. Le représentant de la Confédération estonienne des employeurs (ETTK) a confirmé que la loi de 1996 s'applique aux employeurs et aux organisations d'employeurs et que la Confédération des employeurs a dû s'enregistrer conformément à la loi. Une seule organisation d'employeurs a été dissoute, mais elle souhaitait cesser ses activités. La loi a certainement un impact plus négatif pour les organisations de travailleurs que pour les organisations d'employeurs. Selon lui, l'obtention de la personnalité juridique est essentielle pour faciliter les relations des syndicats avec les employeurs. Ces derniers sont en faveur d'un système unique d'enregistrement pour les organisations d'employeurs et de travailleurs et du maintien de la loi de 1996, mais ils critiquent les dispositions permettant des ingérences des pouvoirs publics dans les affaires internes des organisations, notamment en ce qui concerne la question des affiliés et de la structure. Il relève que certaines organisations d'employeurs ont eu des difficultés pour obtenir leur enregistrement. Par ailleurs, le représentant des employeurs a expliqué qu'en l'absence de syndicats d'entreprise des représentants des travailleurs peuvent être élus. Dans la pratique, les conventions collectives ne couvrent les travailleurs que des grandes entreprises. Si une loi nouvelle devait être adoptée, les employeurs souhaitent qu'elle s'applique aux différentes organisations d'employeurs et qu'elle précise les niveaux de négociations avec les interlocuteurs gouvernementaux, car actuellement les discussions ne se déroulent que dans le cadre d'arrangements informels. En outre, les employeurs souhaitent que la loi tienne compte de leur engagement en matière d'éducation professionnelle, de politiques industrielles et de collecte des statistiques. Actuellement, ces questions dépendent de plusieurs ministères, ce qui rend la coordination difficile. En matière de représentativité des organisations, des discussions sont en cours, mais les employeurs considèrent qu'en principe il est convenable d'exiger que cinq associations de branches forment une confédération.
- 205. A la demande de la mission, une réunion tripartite a eu lieu en sa présence entre le ministère des Affaires sociales et les représentants de l'EAKL et de l'ETTK.
- 206. Du côté employeurs, il a été indiqué que l'ETTK se contenterait d'amendements à la loi de 1996 pour la rendre plus conforme aux principes de la liberté syndicale. Les employeurs ont admis que le système de procuration en lieu et place de l'élection de délégués pour participer aux assemblées générales risquait de causer des difficultés aux syndicats et que, proportionnellement, les taxes étaient moins lourdes pour les organisations d'employeurs que pour les organisations de travailleurs. Les employeurs n'ont pas insisté pour l'adoption d'une loi unique couvrant les employeurs et les travailleurs.
- 207. Du côté travailleurs, les représentants de l'EAKL ont réitéré leurs griefs à l'égard de la loi sur les associations à but non lucratif de 1996. Ils ont dénoncé le refus du juge d'enregistrer notamment le Syndicat des marins au motif qu'il n'approuvait pas la manière dont le comité directeur avait été élu (les marins à bord des navires ne pouvaient pas tous signer personnellement). La procédure d'élection prévue par la loi a été évoquée. Aux termes des statuts de l'EAKL, chaque syndicat de base vote en proportion des membres qu'il représente, alors que la loi de 1996 accorde un même nombre de voix à un syndicat représentant 20 membres ou à un syndicat représentant 600 membres. Ils ont à nouveau évoqué les difficultés rencontrées avec le ministère de la Justice et indiqué que dans le cadre de l'élaboration de la loi nouvelle la question de la représentativité pourrait être laissée de côté pour le moment.
- 208. Le ministre des Affaires sociales s'est déclaré en faveur d'une modification de la loi sur les syndicats de 1989 pour y inclure des dispositions relatives à la procédure d'enregistrement. Il a indiqué qu'une loi couvrant les employeurs et les travailleurs risquait d'apporter plus de confusion que de solutions. Il s'est référé à nouveau aux questions relatives à la structure des syndicats et aux activités syndicales, qui devraient être à son avis laissées entièrement aux statuts des syndicats et ne devraient être aucunement réglementées par la loi. Il a admis que des dispositions sur la protection des travailleurs contre la discrimination antisyndicale devraient être renforcées. Pour lui, la question de la représentativité des organisations syndicales ne devrait pas être traitée à ce stade. Il pense préférable de laisser les relations professionnelles évoluer en l'état. Il s'est déclaré en faveur d'une législation moins complexe et conforme aux normes et aux principes de la liberté syndicale, insistant sur le fait que la loi devrait s'appliquer à tous les travailleurs sans distinction d'aucune sorte plutôt qu'aux employés au sens strict du terme.
C. Développements intervenus depuis la mission
C. Développements intervenus depuis la mission- a) Informations communiquées par la confédération plaignante
- 209 Dans une communication du 28 février 2000, l'EAKL a annoncé que son enregistrement a été obtenu à la mi-décembre 1999 et qu'elle n'a eu à modifier ses statuts sur aucun point, alors que les autorités avaient préalablement déclaré qu'ils n'étaient pas compatibles avec la loi estonienne.
- 210 L'EAKL a cependant regretté le manque de progrès dans l'adoption de la législation nouvelle. Elle a indiqué que la loi sur les syndicats en préparation n'a toujours pas été adoptée en raison des réticences du ministère de la Justice.
- b) Réponse du gouvernement
- 211 Dans une communication du 16 mars 2000, le gouvernement annonce que le 29 février 2000 il a soumis au Parlement le projet de loi syndicale discuté avec les représentants de l'EAKL. Il joint en annexe le communiqué du Premier ministre soumettant au Parlement, pour adoption, ledit projet de loi élaboré par le ministère des Affaires sociales et confiant au ministre des Affaires sociales le soin de le présenter au Parlement. Le gouvernement insiste sur le fait que le ministère des Affaires sociales est le seul partenaire social de l'EAKL, et non le ministère de la Justice. Il affirme que le projet de loi a tenu compte de toutes les recommandations formulées par la mission sur la base des principes de la liberté syndicale.
- 212 Dans une communication du 24 avril 2000, le gouvernement précise que le projet de loi a été adopté en première lecture au Parlement le 5 avril 2000. Il espère que le texte sera adopté définitivement en juin 2000.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité- 213. Le présent cas concerne des allégations d'ingérence gouvernementale dans la constitution et le fonctionnement interne des organisations syndicales. Il porte en particulier sur des allégations de refus d'enregistrement d'une confédération nationale, l'Association centrale des syndicats de l'Estonie (EAKL), par les autorités publiques et de menaces de dissolution automatique des organisations syndicales qui n'auraient pas obtenu leur enregistrement à une date donnée. Il porte aussi sur des entraves à la constitution et au fonctionnement des syndicats contenues dans la loi de 1996 sur les associations à but non lucratif en vertu de laquelle les syndicats doivent être enregistrés pour pouvoir obtenir la personnalité juridique.
- 214. Sur les questions du refus d'enregistrement de l'EAKL et du risque de dissolution automatique de cette organisation syndicale, le comité note avec satisfaction que l'EAKL, qui avait déposé ses statuts en février 1999, a été enregistrée en décembre 1999, sans qu'elle ait eu à modifier aucunement ses statuts. Dans ces circonstances, le comité ne poursuivra pas l'examen de ces allégations.
- 215. Le comité a pris note avec préoccupation des dispositions de la loi sur les associations à but non lucratif qui imposent aux organisations de travailleurs et d'employeurs une procédure lourde et détaillée pour obtenir la personnalité juridique (actes notariés, taxes) et qui confèrent aux fonctionnaires du ministère de la Justice des pouvoirs discrétionnaires d'ingérence dans la rédaction des statuts des organisations, dans l'encadrement des élections des dirigeants syndicaux et dans le contrôle de la gestion des organisations de travailleurs et d'employeurs. Le comité rappelle que, en ratifiant la convention no 87, le gouvernement s'est engagé à assurer aux organisations de travailleurs et d'employeurs le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants et d'organiser leur gestion et leurs activités sans ingérence des pouvoirs publics. Il rappelle en outre que l'acquisition de la personnalité juridique par les organisations de travailleurs et d'employeurs, leurs fédérations et confédérations ne peut être subordonnée à des conditions de nature à mettre en cause l'application des dispositions de la convention (articles 3 et 7 de la convention). Le comité a toujours estimé que les dispositions législatives régissant de façon détaillée le fonctionnement interne des organisations de travailleurs et d'employeurs présentent des risques graves d'ingérence par les autorités publiques. Lorsque de telles dispositions sont jugées nécessaires par les autorités publiques, elles devraient se borner à établir un cadre global, en laissant la plus large autonomie possible aux organisations dans leur fonctionnement et leur gestion. Les restrictions à ce principe devraient avoir pour seul but de préserver l'intérêt des membres et de garantir le fonctionnement démocratique des organisations. Il devrait par ailleurs exister une procédure de recours devant un organe judiciaire, impartial et indépendant, pour éviter tout risque d'ingérence excessive ou arbitraire dans la liberté de fonctionnement des organisations. En conséquence, en vue de garantir pleinement le droit des organisations de travailleurs d'élaborer leurs statuts et règlements en toute liberté, la législation nationale ne devrait fixer que des conditions de forme en ce qui concerne les statuts des syndicats, et les statuts et règlements ne devraient pas être soumis à l'accord préalable des pouvoirs publics pour entrer en vigueur. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 331 et 333.)
- 216. Dans ces conditions, à propos des ingérences dans la constitution et le fonctionnement des organisations syndicales contenues dans la loi de 1996 sur les associations à but non lucratif, le comité note avec intérêt que, conformément aux engagements pris par le gouvernement pendant la mission du BIT, un projet de loi syndicale discuté avec les représentants de l'EAKL a été soumis au Parlement le 29 février 2000. Il observe en particulier que, selon le gouvernement, ce projet de loi a tenu compte de toutes les recommandations formulées par la mission sur la base des principes de la liberté syndicale.
- 217. Notant la déclaration du ministre des Affaires sociales selon laquelle une loi couvrant les organisations de travailleurs et d'employeurs risquerait d'apporter plus de confusion que de solution, le comité prie le gouvernement de garantir que la législation nationale permette et promeuve la libre constitution et le libre fonctionnement des organisations d'employeurs.
- 218. Le comité veut croire que la loi nouvelle sur la constitution et le fonctionnement des organisations syndicales, conforme aux principes de la liberté syndicale, sera adoptée à brève échéance et qu'elle ne maintiendra pas en vigueur les dispositions de la loi de 1996 sur les associations à but non lucratif qui limitent la création et le fonctionnement de ces organisations. Il demande au gouvernement d'en fournir le texte définitif dès qu'il sera adopté.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 219. Vu les conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité note avec satisfaction que l'Association centrale des syndicats de l'Estonie a obtenu son enregistrement sans qu'elle ait eu à modifier ses statuts.
- b) Notant avec intérêt qu'un projet de loi syndicale a été adopté en première lecture par le Parlement, le comité veut croire que la nouvelle loi contiendra des dispositions conformes aux principes de la liberté syndicale et qu'elle ne maintiendra pas en vigueur les dispositions de la loi de 1996 sur les associations à but non lucratif qui entravent la création et le fonctionnement des organisations syndicales.
- c) Le comité demande au gouvernement de transmettre une copie du texte définitif de la loi syndicale dès qu'elle sera adoptée.