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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 318, Novembre 1999

Cas no 2004 (Pérou) - Date de la plainte: 20-JANV.-99 - Clos

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  1. 393. La plainte faisant l'objet du présent cas figure dans une communication du 20 janvier 1999 émanant de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP). Dans une communication du 15 avril 1999, la CGTP a adressé un complément d'information. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications des 26 avril et 6 septembre 1999.
  2. 394. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 395. Dans ses communications des 20 janvier et 16 avril 1999, la CGTP fait état du caractère antisyndical du licenciement, sans indication du motif, de M. Benancio Aguilar Atahua, secrétaire de l'économie et des finances du conseil national de la CGTP, licenciement effectué le 4 septembre 1998 par l'entreprise Unión de Cervecerías Peruanas Backus y Johnston SA. De même, l'organisation plaignante craint une lenteur excessive de l'action en justice qu'a intentée en octobre 1998 M. Aguilar Atahua pour demander l'annulation de son licenciement.
  2. 396. Par ailleurs, l'organisation plaignante indique qu'en juillet 1996 l'entreprise susmentionnée avait cherché à licencier M. Aguilar Atahua dans le cadre d'un licenciement collectif, mais que l'autorité administrative avait estimé qu'il jouissait du privilège syndical et ne pouvait donc pas être licencié dans ces conditions. Elle ajoute que l'entreprise a fait appel de cette décision devant la juridiction du contentieux administratif, laquelle ne s'est pas encore prononcée.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 397. Dans ses communications des 26 avril et 6 septembre 1999, le gouvernement signale que, selon l'organisation plaignante, le licenciement de M. Benancio Aguilar Atahua constitue un acte arbitraire et discriminatoire, motivé par sa qualité de dirigeant syndical. Elu le 3 décembre 1995 secrétaire de l'économie et des finances du conseil national de la CGTP, il avait été inclus le 5 juillet 1996 dans une liste de personnes faisant l'objet d'un licenciement collectif, liste présentée par l'entreprise Unión de Cervecerías Peruanas Backus y Johnston SA. Le gouvernement ajoute que ce licenciement collectif, dans le cadre duquel a été licencié le dirigeant syndical en question, a été accepté par l'autorité du travail en vertu de la décision directoriale no 140-96. Le gouvernement précise toutefois que cette décision, confirmée par la décision directoriale no 034-96, indiquait que M. Aguilar Atahua ne pouvait pas être inclus dans ce licenciement collectif, ce qui a conduit l'entreprise en question à solliciter l'annulation des résolutions susmentionnées auprès de la troisième chambre compétente en matière de travail de la juridiction du contentieux administratif. De plus, le gouvernement note que l'organisation plaignante affirme qu'elle a fait l'objet d'un déni de justice et que, pour ce motif, elle porte plainte contre le Pérou devant l'Organisation internationale du Travail.
  2. 398. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle le motif du licenciement du dirigeant en question n'a pas été indiqué, le gouvernement signale que l'organisation plaignante fait état d'un licenciement collectif. Or la législation du travail indique que le licenciement collectif peut être effectué pour certaines raisons objectives -- cas fortuits ou de force majeure, raisons économiques, techniques, structurelles ou du même ordre, dissolution ou liquidation de l'entreprise et en cas de faillite. Le gouvernement ajoute que, l'entreprise Unión de Cervecerías Peruanas Backus y Johnston SA étant alors en cours de fusion avec les entreprises Compañia nacional de Cerveza SA, Sociedad Cervecera de Trujillo SA et Cervecería del Norte SA, on peut en déduire aisément que le licenciement collectif s'inscrivait dans ce processus. Comme le prévoit le paragraphe b) de l'article 63 du décret suprême no 001-96-TR, le licenciement collectif, pour des motifs justifiés, peut également s'appliquer aux travailleurs jouissant du privilège syndical. Par ailleurs, le gouvernement signale que la treizième chambre du tribunal du travail de Lima, qui examine actuellement le licenciement en question, ne s'est pas encore prononcée sur la demande d'annulation. Cette voie de recours n'ayant pas encore été épuisée, l'organisation plaignante est mal avisée de déposer à ce sujet une plainte devant l'OIT contre le gouvernement péruvien.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 399. Le comité observe que, dans le cas à l'examen, l'organisation plaignante fait état du caractère antisyndical du licenciement sans indication du motif de M. Benancio Aguilar Atahua, secrétaire de l'économie et des finances du conseil national de la Confédération générale des travailleurs du Pérou, licenciement effectué le 4 septembre 1998 par l'entreprise Unión de Cervecerías Peruanas Backus y Johnston SA. Par ailleurs, l'organisation plaignante craint une lenteur excessive de l'action en justice intentée en octobre 1998 par M. Aguilar Atahua pour demander l'annulation de son licenciement.
  2. 400. En premier lieu, le comité note que les versions du gouvernement et de l'organisation plaignante sur le licenciement du dirigeant syndical en question sont contradictoires. Selon l'organisation plaignante, le licenciement, effectué sans indication du motif, a un caractère antisyndical. De son côté, le gouvernement signale que l'organisation plaignante elle-même indique que le licenciement a été effectué dans le cadre d'un licenciement collectif. Le gouvernement ajoute que, l'entreprise étant alors en cours de fusion, on peut en déduire aisément que le licenciement collectif s'inscrivait dans ce processus. A ce sujet, le comité note que l'organisation plaignante n'a affirmé à aucun moment que M. Aguilar Atahua avait été licencié dans le cadre du licenciement collectif en question, lequel a eu lieu en juillet 1996, et il précise qu'elle a joint à sa plainte copie de la notification notatrice par laquelle l'entreprise Unión de Cervecerías Peruanas Backus y Johnston SA a fait savoir au dirigeant syndical en question qu'il était licencié sans indication de motif et que cette mesure prenait effet le samedi 5 septembre 1998. A ce sujet, puisqu'il est démontré que le licenciement a été effectué sans indication du motif, le comité souhaite rappeler que, lors de l'examen d'allégations analogues, il a indiqué ce qui suit: "Dans un cas où les dirigeants syndicaux pourraient être licenciés sans indication du motif, le comité a demandé au gouvernement de prendre des mesures en vue de sanctionner les actes de discrimination antisyndicale et d'offrir des voies de recours à ceux qui en sont victimes" et "Il n'apparaît pas qu'une protection suffisante contre les actes de discrimination antisyndicale visés par la convention no 98 soit accordée par une législation permettant en pratique aux employeurs, à condition de verser l'indemnité prévue par la loi pour tous les cas de licenciement injustifié, de licencier un travailleur si le motif réel en est son affiliation ou son activité syndicale". (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 706 et 707.)
  3. 401. Le comité souligne que l'autorité administrative a ordonné en juillet 1996 que M. Aguilera Atahua, dirigeant syndical, qui faisait l'objet d'une mesure de licenciement collectif, ne soit pas licencié puisqu'il bénéficiait du privilège syndical. Il a pourtant été licencié sans indication de motif deux ans plus tard, en septembre 1998, alors qu'il était toujours protégé par le privilège syndical. Dans ces conditions, observant qu'il existe une procédure judiciaire en instance sur cette question, le comité estime que M. Benancio Aguilera Atahua devrait être réintégré dans son poste de travail sans pertes de salaires et demande au gouvernement qu'il prenne les mesures nécessaires, compte étant tenu en particulier de la lenteur de la procédure judiciaire (on ne s'est pas encore prononcé sur le recours interjeté en 1996 par l'entreprise contre la décision administrative qui ordonnait de ne pas licencier le dirigeant syndical, au motif qu'il était protégé par le privilège syndical). Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de toute mesure qu'il prendra dans ce sens.
  4. 402. A propos du fait que l'organisation plaignante est préoccupée par la lenteur de l'action en justice que M. Aguilar Atahua a intentée en octobre 1998 pour obtenir l'annulation de son licenciement, le comité rappelle ce qui suit: "Les affaires soulevant des questions de discrimination antisyndicale contraire à la convention no 98 devraient être examinées promptement afin que les mesures correctives nécessaires puissent être réellement efficaces. Une lenteur excessive dans le traitement des cas de discrimination syndicale et, en particulier, l'absence de jugement pendant un long délai dans les procès relatifs à la réintégration des dirigeants syndicaux licenciés équivalent à un déni de justice et, par conséquent, à une violation des droits syndicaux des intéressés". (Voir Recueil, op. cit., paragr. 749.) Le comité veut croire que l'action intentée en octobre 1998 par M. Aguilar Atahua à propos de son licenciement arrivera très prochainement à son terme. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé du jugement qui devra rapidement être rendu à ce sujet.
  5. 403. En ce qui concerne la déclaration du gouvernement qu'il existe une procédure judiciaire en instance et que donc l'organisation plaignante est malavisée de déposer à ce sujet une plainte devant l'OIT, le comité rappelle qu'en vertu de ce qu'il a indiqué dans sa procédure:
    • "Si le recours à la procédure judiciaire interne, quel qu'en soit le résultat, constitue un élément qui doit, certes, être pris en considération, le comité a toujours estimé, étant donné la nature de ses responsabilités, que sa compétence pour examiner les allégations n'est pas subordonnée à l'épuisement des procédures nationales de recours." (Voir procédure du comité, paragr. 33.)

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 404. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) A propos du licenciement, en septembre 1998, du dirigeant syndical, M. Benancio Aguilar Atahua, de l'entreprise Unión de Cervecerías Peruanas Backus y Johnston SA, le comité, tout en notant qu'il existe une procédure judiciaire en instance sur cette question, estime que le dirigeant syndical susmentionné devrait être réintégré dans son poste de travail sans pertes de salaires et demande au gouvernement qu'il prenne les mesures nécessaires. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de toute mesure qu'il adoptera dans ce sens.
    • b) Le comité veut croire que l'action en justice que le dirigeant syndical, M. Aguilar Atahua, a intentée en octobre 1998 à propos de son licenciement arrivera très prochainement à son terme. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé du jugement qui devra être rendu rapidement à cet égard.
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