229. Dans une communication en date du 21 juillet 1998, le Congrès du travail du Canada (CTC) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement du Canada (Ontario). L'Internationale des services publics (ISP) et la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) se sont associées à cette plainte dans des communications en date des 23 et 27 juillet 1998.
- 229. Dans une communication en date du 21 juillet 1998, le Congrès du travail du Canada (CTC) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement du Canada (Ontario). L'Internationale des services publics (ISP) et la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) se sont associées à cette plainte dans des communications en date des 23 et 27 juillet 1998.
- 230. Le gouvernement a transmis ses observations sur le cas dans des communications en date des 25 janvier et 19 avril 1999.
- 231. Le Canada a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Toutefois, il n'a ratifié ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ni la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, ni la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 232. La plainte porte sur le projet de loi 22 -- la loi visant à empêcher la syndicalisation en ce qui concerne la participation communautaire visée par la loi de 1997 sur le Programme Ontario au travail, 1997 (ci-après projet de loi 22) adopté le 18 décembre 1998.
- 233. L'organisation plaignante allègue que le projet de loi 22 prive les travailleurs concernés des droits fondamentaux de s'affilier aux organisations de leur choix, de négocier collectivement ou de faire grève dans le cadre de leur participation communautaire prévue au regard de la loi de 1997 sur le Programme Ontario au travail. En outre, l'organisation plaignante ajoute que le projet de loi 22 rend inapplicables les dispositions de la loi de 1995 sur les relations de travail pour ce qui est des travailleurs qui prennent part aux activités communautaires prévues à la loi de 1997 sur le Programme Ontario au travail. De façon générale, l'organisation plaignante considère que le projet de loi 22 viole certains des droits et principes les plus fondamentaux prévus aux conventions (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
- 234. Plus précisément, l'organisation plaignante observe que l'adoption du projet de loi 22 suit de très près celle du projet de loi 142 -- loi révisant la loi relative à l'aide sociale en édictant la loi sur le Programme Ontario au travail et la loi sur le programme ontarien de soutien aux personnes handicapées, en abrogeant la loi sur les prestations familiales, la loi sur les services de réadaptation professionnelle et la loi sur l'aide sociale générale, et en modifiant plusieurs autres lois (ci-après projet de loi 142). L'organisation plaignante indique que le projet de loi 142 est entré en vigueur le 1er janvier 1998 et a eu pour principal effet de modifier les règles relatives au paiement de l'aide sociale, et ce au détriment des bénéficiaires. En effet, l'organisation plaignante allègue que le projet de loi 142 porte préjudice aux bénéficiaires de l'aide sociale (personnes en fin de droits) à différents égards: participation obligatoire dans des activités communautaires pour certains bénéficiaires, mesures plus sévères en vue de combattre la fraude incluant la possibilité d'utiliser des informations personnelles et confidentielles ainsi qu'une nouvelle définition de la notion d'incapacité. L'organisation plaignante considère que le projet de loi 142 vise à obliger désormais les bénéficiaires à travailler pour être éligibles à l'aide sociale et porte ainsi atteinte au principe universel du droit à l'indemnisation.
- 235. L'organisation plaignante insiste sur le fait que le principe de l'aide sociale vise à aider les moins fortunés de la communauté à pourvoir à leurs besoins essentiels. Selon l'organisation plaignante, les activités communautaires imposées au regard du projet de loi 22 ne sont absolument pas efficaces compte tenu du nombre croissant de bénéficiaires, de l'insuffisance des fonds publics pour financer leur réinsertion dans le monde du travail et du manque d'intérêt des employeurs privés par rapport aux emplois qui ne seraient pas subventionnés -- à tout le moins en partie -- par quelques niveaux de gouvernement. Obliger ces bénéficiaires à accepter tout emploi sans prendre en considération les conditions d'exécution aura pour résultat d'accentuer la disparité déjà existante: d'un côté, une minorité d'emplois bien rémunérés et, de l'autre, un nombre toujours croissant d'emplois précaires.
- 236. L'organisation plaignante soutient que, en adoptant le projet de loi 22, qui vient modifier le projet de loi 142 en interdisant aux bénéficiaires de s'affilier aux organisations de leur choix, de négocier collectivement ou de faire grève, le gouvernement fait marche arrière et revient aux conditions qui prévalaient avant la révolution industrielle, époque au cours de laquelle l'établissement de syndicats était considéré au Canada comme une activité criminelle et où les employeurs pouvaient de façon tout à fait discrétionnaire reconnaître ou nier l'existence des syndicats dûment constitués.
- 237. Pour l'organisation plaignante, l'effet combiné de l'application des projets de loi 22 et 142 entraîne des violations importantes des principes de la liberté syndicale. Plus précisément, pour ce qui est de la convention no 87, le simple titre du projet de loi 22 établit très précisément ce à quoi aspire le législateur: de façon non équivoque, il nie aux bénéficiaires de l'aide sociale des droits fondamentaux, tel celui de pouvoir constituer ou de s'affilier aux organisations de leur choix. Dans ce même esprit, les bénéficiaires ne peuvent pas élaborer ou formuler leur programme d'action collective, et ce en violation avec les dispositions de l'article 3 de la convention no 87. Pour ce qui est de la convention no 98, l'organisation plaignante -- bien que reconnaissant que le Canada n'ait pas ratifié cet instrument international -- souligne que le projet de loi 22 constitue un acte de discrimination manifeste contre les bénéficiaires devant participer aux activités communautaires en leur interdisant, dans ce contexte, de s'affilier aux syndicats de leur choix, contrairement à l'article 1 de la convention no 98.
- 238. En outre, l'organisation plaignante estime que le fait de forcer les bénéficiaires à renoncer à leur droit de faire partie d'un syndicat porte préjudice au mouvement syndical et pourrait contribuer à diminuer le niveau de syndicalisation dans la province, privant ainsi les travailleurs de la possibilité de défendre collectivement leurs droits et intérêts.
- 239. Enfin, l'organisation plaignante se réfère au projet de loi 31 -- loi visant à promouvoir le développement économique et à créer des emplois dans l'industrie de la construction, favorisant la démocratie en milieu de travail et apportant d'autres modifications aux lois ayant trait au travail et à l'emploi (ci-après projet de loi 31). L'organisation plaignante considère que le projet de loi 31 rend plus difficile la mise en oeuvre effective du droit de s'organiser, notamment dans le domaine de la construction. En effet, le projet de loi 31 exige que la majorité des employés appuient, par un vote secret, un syndicat avant que ce dernier ne puisse être accrédité, éliminant ainsi la possibilité pour la Commission des relations de travail de l'Ontario d'accréditer automatiquement un syndicat dans le cas où l'intimidation des travailleurs par l'employeur peut être présumée. En outre, le projet de loi 31 permet la conclusion d'accords concernant des projets de construction spécifiques; ces accords modifient les conventions conclues au niveau provincial en cette matière; ni grève ni lock-out ne sont autorisés dans ce contexte.
- 240. Enfin, l'organisation plaignante considère que le projet de loi 31 permet à certaines personnes morales extérieures au domaine de la construction de favoriser l'emploi de travailleurs non syndiqués en vue de la réalisation de travaux de construction ponctuels.
- 241. A titre de conclusion, l'organisation plaignante dénonce le fait que le gouvernement de la province de l'Ontario utilise des lois répressives en vue d'empêcher la syndicalisation de certaines catégories de travailleurs. L'organisation plaignante estime que le projet de loi 22 viole les principes de la liberté syndicale et prie dès lors le comité d'insister auprès des autorités concernées en vue d'obtenir son abrogation.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- Description du Programme Ontario au travail
- 242 Dans sa réponse, le gouvernement explique que le Programme Ontario au travail qui a été annoncé en juin 1996 vise à favoriser l'autonomie par l'emploi en permettant aux bénéficiaires de l'aide sociale (personnes en fin de droits) de développer leur habileté et d'acquérir une certaine expérience professionnelle dans le cadre d'activités communautaires. Le gouvernement espère ainsi encourager le chemin le plus court vers un emploi véritablement rémunéré. Dans ce contexte, le Programme Ontario au travail cherche à établir l'équilibre entre, d'une part, la contribution offerte par les bénéficiaires à leur communauté et, d'autre part, le fait qu'ils puissent bénéficier de ce programme en vue de renforcer leur estime de soi et leur indépendance et ainsi briser le cycle qui les rend dépendants de l'aide gouvernementale (aide sociale).
- 243 La loi de 1997 sur le Programme Ontario au travail, qui est entrée en vigueur le 1er mai 1998, constitue la première réforme significative du système d'aide sociale ontarien depuis les trente dernières années. L'aide, qui s'octroie désormais au niveau municipal, comprend deux facettes soit une aide financière provisoire à ceux qui sont le plus dans le besoin et une aide à l'emploi incluant un service de placement et des opportunités en vue d'une formation. Le gouvernement estime que ce programme permettra aux bénéficiaires de réintégrer le milieu de travail dans leurs communautés respectives; dans cet esprit, la participation communautaire est une composante essentielle du système élaboré. Le gouvernement précise que la participation communautaire s'entend de toute activité communautaire non rémunérée réalisée au bénéfice de la communauté ou d'organisations publiques, sans but lucratif.
- 244 Le gouvernement précise que les participants au programme doivent obligatoirement être reconnus bénéficiaires aux termes de la loi sur l'aide sociale pendant toute la durée de l'activité communautaire.
- Présentation du projet de loi 22 (loi visant à empêcher la syndicalisation en ce qui concerne la participation communautaire)
- 245 Le gouvernement rappelle que le projet de loi 22 est entré en vigueur le 18 décembre 1998 et avait notamment pour but de modifier la loi de 1997 sur le Programme Ontario au travail en prévoyant expressément que la loi de 1995 sur les relations de travail ne s'applique pas à l'égard de la participation à une activité communautaire et que les personnes qui participent à une telle activité ne peuvent ni adhérer à un syndicat ni faire fixer, par voie de négociation collective, les conditions de leur participation et ni se mettre en grève.
- 246 Le gouvernement insiste sur le fait que le projet de loi 22 poursuit un but limité et spécifique en ce qu'il exclut du champ d'application de la loi de 1995 sur les relations de travail les bénéficiaires de l'aide sociale dans le cadre restreint de leur participation et activité communautaire au regard de la loi de 1997 sur le Programme Ontario au travail. Le projet de loi 22 n'empêche aucunement un bénéficiaire de l'aide sociale d'exercer ses droits syndicaux dans un autre contexte. Deux raisons justifient la mise en oeuvre du projet de loi 22 soit, d'une part, la protection de l'intégrité des réformes de l'aide sociale entreprises par le gouvernement et, d'autre part, la protection des chances créées par le programme ontarien en vue de rendre les bénéficiaires de l'aide sociale plus indépendants.
- 247 Par la suite, le gouvernement insiste sur le fait que les participants aux activités communautaires ne sont pas des employés. Toutefois, bien que le projet de loi 22 spécifie expressément que la loi de 1995 sur les relations de travail ne s'applique pas dans le contexte d'une participation communautaire, les personnes visées se voient octroyer une protection certaine, incluant l'obligation pour l'organisation participante de respecter les lois fédérales et provinciales relatives à la protection des droits de l'homme et à la santé et à la sécurité au travail. En outre, l'activité communautaire ne doit pas excéder huit heures par jour ou quarante-quatre heures par semaine; dans ce contexte, le montant de l'aide versé divisé par le nombre mensuel d'heures de travail doit être au moins équivalent au salaire minimum. Enfin, le bénéficiaire doit avoir droit à certains congés et à une couverture d'assurance appropriée pour les accidents.
- Non-violation des conventions nos 87 et 98
- 248 Le gouvernement considère que le projet de loi 22 ne viole aucunement la convention no 87. D'abord, il estime que les participants aux activités communautaires ne sont pas des employés et ne sont d'ailleurs pas couverts par la loi de 1995 sur les relations de travail; le projet de loi 22 ne fait que clarifier et spécifier expressément cet état de fait. Dans le cas où les tribunaux viendraient à une conclusion contraire, les participants aux activités communautaires pourraient toujours s'associer, négocier collectivement et faire grève à l'extérieur du cadre de la loi de 1995 sur les relations de travail. Le projet de loi 22 n'empêche aucunement les participants aux activités communautaires de s'organiser, de négocier collectivement et de faire grève dans le cadre de la loi de 1995 sur les relations de travail si ces activités se réfèrent à un emploi qui n'est pas lié à leur participation aux activités communautaires.
- 249 Le gouvernement se réfère au cas no 1958 concernant le Danemark et dans lequel le Comité de la liberté syndicale a conclu qu'il n'y a pas de violation des conventions nos 87 et 98 dans le cadre des emplois subventionnés par un gouvernement et pour lesquels les travailleurs se voient privés du droit de négocier collectivement leurs salaires dans la mesure où certaines conditions sont respectées, à savoir: il s'agit d'un programme en vue de renforcer les mesures de politique active visant à promouvoir l'emploi et à développer l'éducation et la formation professionnelle des jeunes et des adultes. De plus, ce programme a une durée déterminée évitant de priver de façon permanente les travailleurs concernés de leur droit de négocier collectivement. Enfin, ce programme n'implique pas des emplois ordinaires puisqu'il tend à combattre le chômage par la mise en place d'offres d'emplois subventionnées de durée limitée sans mettre en danger les postes des emplois réguliers.
- 250 Le gouvernement estime que le Programme Ontario au travail répond parfaitement aux critères établis par le Comité de la liberté syndicale puisque le Programme Ontario au travail vise à fournir une possibilité de formation et d'éducation et constitue une mesure de lutte contre le chômage; il est également d'une durée limitée et ne peut en aucun temps être utilisé en vue de remplacer des travailleurs dûment rémunérés.
- 251 Dans ce contexte, le gouvernement estime que ni les dispositions de la convention no 87 ni celles de la convention no 98 ne sont violées. Le Programme Ontario au travail permet au système d'assistance sociale de revenir à sa véritable vocation, c'est-à-dire un programme transitoire de dernier recours en vue de fournir aux assistés sociaux (personnes en fin de droits) une chance de réintégration dans le marché du travail.
- Projet de loi 31 (loi visant à promouvoirle développement économique et à créer des emplois dans l'industrie de la construction, favorisant la démocratie en milieu de travail et apportant d'autres modifications aux lois ayant trait au travail et à l'emploi)
- 252 Pour ce qui est du projet de loi 31, le gouvernement indique que ce texte a été adopté en vue de promouvoir la création d'emplois par le biais d'accords conclus entre les employeurs et les syndicats, et ce pour des projets spécifiques de construction. Le projet de loi 31 permet également de soustraire de l'application des dispositions de la loi de 1995 sur les relations de travail propres à la construction les employeurs qui n'oeuvrent pas dans ce domaine. Ils demeurent toutefois soumis aux autres dispositions de la loi organique du travail. Enfin, il vise à assurer que l'accréditation en vue de la négociation collective est octroyée au syndicat souhaité par la majorité des travailleurs concernés.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 253. Le comité note que ce cas se réfère principalement à des dispositions législatives adoptées dans le cadre de la réforme de l'aide sociale en Ontario qui violeraient les principes de la liberté syndicale en interdisant aux personnes visées d'adhérer à un syndicat, de faire fixer, par voie de négociation collective, les conditions de leurs activités et de faire grève. Aucun cas concret lié à la mise en oeuvre de ces textes législatifs n'a été toutefois mentionné.
- Cadre législatif contesté 254. Le gouvernement de l'Ontario a adopté le 18 décembre 1998 le projet de loi 22 -- la loi visant à empêcher la syndicalisation en ce qui concerne la participation communautaire visée par la loi de 1997 sur le Programme Ontario au travail, 1997 (ci-après projet de loi 22). Cette loi, tel que son titre l'indique, vient modifier la loi de 1997 sur le Programme Ontario au travail, 1997 (ci-après loi de 1997 sur le Programme Ontario au travail) qui, pour sa part, vise la réforme de l'aide sociale dans cette province du Canada.
- a) Loi de 1997 sur le Programme Ontario au travail
- 255. La note explicative de la loi de 1997 sur le Programme Ontario au travail, jointe au texte adopté par l'autorité législative, précise que cette loi a pour objet de créer un programme qui reconnaît la responsabilité individuelle et favorise l'autonomie par l'emploi, fournit une aide financière provisoire à ceux qui sont le plus dans le besoin pendant qu'ils satisfont à des obligations en vue de se faire employer et de le rester, sert efficacement ceux qui ont besoin d'aide et comprend l'obligation de rendre compte aux contribuables de l'Ontario. Ces observations sont reprises dans l'article premier de la loi de 1997 sur le Programme Ontario au travail qui précise son objet.
- 256. La loi de 1997 sur le Programme Ontario au travail prévoit deux types d'aide: une aide au revenu, fournie au titre des besoins essentiels et du logement, et une aide à l'emploi qui est définie comme une aide fournie pour aider une personne à se faire employer et à le rester (art. 4). Cette dernière comprend pour sa part deux composantes. La première inclut les mesures d'emploi qui s'entendent notamment de "la recherche d'emploi, des services de soutien à la recherche d'emploi, de l'orientation vers l'éducation de base et vers la formation professionnelle liée à un emploi particulier et du placement dans un emploi" (art. 2). La seconde couvre la participation communautaire qui vise la "participation aux activités communautaires qui contribuent au bien de la collectivité" (ibid.).
- 257. Aux termes de l'article 7 de la loi de 1997 sur le Programme Ontario au travail, nul n'est admissible à l'aide au revenu, à moins de satisfaire à certaines conditions dont notamment celles de "participer à des mesures d'emploi" et de "satisfaire aux exigences en matière de participation communautaire" (désignées "activités d'aide à l'emploi").
- 258. Au regard de la réglementation applicable, une personne peut se voir requise de participer à une ou plusieurs activités d'aide à l'emploi pour lesquelles elle présente les aptitudes physiques et pour une période déterminée par l'autorité compétente (art. 25 et 29 (1) du Règlement d'application); toutefois, nul ne peut être requis de participer à une activité communautaire pour une durée excédant 70 heures mensuelles. Dans tous les cas, le montant de l'aide alors reçue divisé par le nombre d'heures travaillées doit être au moins équivalent au salaire minimum majoré de 4 pour cent (congés).
- 259. La directive 4-10 vient préciser plus avant les conditions de mise en oeuvre de la loi de 1997 sur le Programme Ontario au travail. Elle précise notamment que les activités communautaires doivent être bénéfiques tant pour la communauté qui reçoit le service que pour le prestataire qui doit pouvoir s'enrichir d'une expérience valable en vue de sa réinsertion dans le monde du travail. Les activités doivent être non rémunérées, réalisées sous la supervision d'un représentant de la communauté visée ou d'une organisation sans but lucratif (caritative). Les organisations privées ne peuvent qu'octroyer un soutien financier ou matériel et ne peuvent en aucun temps offrir, administrer ou superviser le placement aux fins d'activités communautaires. La durée d'un placement communautaire ne doit pas excéder six mois. Toutes les organisations participantes doivent respecter les lois et règlements visant la protection des droits de l'homme ainsi que la santé et la sécurité au travail en termes notamment de nombre maximal d'heures travaillées par jour et par semaine, de pauses obligatoires, de jours fériés, de congés de maternité et parentaux.
- 260. Il ne peut y avoir de placement communautaire au sein d'une entreprise dont les travailleurs exercent légalement leur droit de grève. De plus, les personnes participant aux activités communautaires ne doivent en aucun temps remplacer des employés réguliers de l'organisation ou être requis de participer à des activités communautaires qui violeraient leurs conditions d'affiliation à une association professionnelle ou à un syndicat.
- b) Projet de loi 22 -- loi visant à empêcher la syndicalisation en ce qui concerne la participation communautaire visée par la loi de 1997 sur le Programme Ontario au travail, 1997 (ci-après projet de loi 22)
- 261. Le projet de loi 22 dispose en son article premier que la loi de 1997 sur le Programme Ontario au travail est modifiée par l'adjonction de l'article suivant:
- 1) La loi de 1995 sur les relations de travail ne s'applique pas à l'égard de la participation à une activité communautaire aux termes de la présente loi.
- 2) Sans préjudice de la portée générale du paragraphe (1), nul ne doit, en ce qui concerne sa participation à une activité communautaire, faire l'un ou l'autre des actes suivants sous le régime de la Loi de 1995 sur les relations de travail:
- 1. Adhérer à un syndicat.
- 2 Faire fixer, par voie de négociation collective, les conditions de sa participation.
- 3. Se mettre en grève.
- Programme Ontario au travail (programme d'aide à l'emploi)
- 262. Le comité note que, selon le gouvernement, le Programme Ontario au travail annoncé en juin 1996 et concrétisé par la loi de 1997 sur le Programme Ontario au travail vise à favoriser l'autonomie par l'emploi en permettant aux bénéficiaires de l'aide sociale (personnes en fin de droits) de développer leur habileté et d'acquérir une certaine expérience professionnelle dans le cadre d'activités communautaires. Le gouvernement souhaite ainsi rapprocher les bénéficiaires d'un emploi véritablement rémunéré. Il s'agit en fait d'une réforme du programme d'aide sociale provinciale.
- 263. Le comité observe que le Programme Ontario au travail s'inscrit dans le cadre de mesures de politique active mises en oeuvre par différents gouvernements à travers le monde au cours des dernières décennies, et visant notamment à promouvoir l'emploi et à développer l'éducation et la formation professionnelles. En réponse à la crise de l'emploi, ces programmes ont donné naissance à différentes formes de travail gratuit en vue d'inciter à la création ou au maintien de l'emploi en subventionnant le travail sous de multiples formes. Dans ce contexte, certaines mesures vont jusqu'à obliger les individus dans le besoin et sans emploi régulier à accepter une forme de travail en échange de transferts de revenus de l'Etat; ces programmes sont aussi connus sous le nom de "workfare".
- 264. D'emblée, le comité considère qu'il ne relève pas de sa compétence de juger du bien-fondé du Programme Ontario au travail ni de se prononcer sur le fait de savoir si un tel programme viole ou restreint de quelque manière que ce soit le droit universel au soutien du revenu. En l'espèce, le comité doit plutôt déterminer si le fait d'exclure du champ d'application de la loi de 1995 sur les relations de travail -- loi organique établissant le cadre des relations professionnelles dans la province -- les personnes participant à une activité communautaire et de leur interdire, sous le régime de la loi de 1995 sur les relations de travail, d'adhérer à un syndicat, d'avoir recours à la négociation collective ou de faire grève est contraire aux principes de la liberté syndicale.
- 265. Le gouvernement se réfère aux critères que le comité aurait établis dans une affaire similaire (voir 312e rapport, cas no 1958 (Danemark), paragr. 4-77); selon le gouvernement, le Programme Ontario au travail répond aux conditions fixées par le comité puisqu'il vise à fournir une possibilité de formation et d'éducation et constitue une mesure de lutte contre le chômage. De plus, il est d'une durée limitée et ne peut en aucun temps être utilisé en vue de remplacer des travailleurs dûment rémunérés.
- 266. Le comité souligne que le cas mentionné par le gouvernement soulevait des allégations relatives à l'ingérence du gouvernement dans l'application des conventions collectives en imposant un plafond de rémunération horaire aux employés engagés sur la base d'offres d'emplois subventionnées par l'Etat. Il ne s'agissait donc pas de dénier totalement à ces travailleurs le droit de s'organiser, mais plutôt de restreindre leur droit à la négociation collective en imposant un plafond salarial pendant la durée de leur travail subventionné qui ne pouvait en aucun cas excéder trois ans. Dans cette affaire, le comité avait constaté que ces programmes visaient à combattre le chômage par la mise en place d'offres d'emplois subventionnées de durée limitée sans mettre en danger les postes des emplois réguliers et avait dès lors conclu que les postes ainsi créés n'étaient pas des emplois ordinaires. Le comité avait toutefois insisté sur le fait que ces programmes devaient demeurer limités dans le temps et ne pas devenir l'occasion d'offrir des postes permanents à des chômeurs dont le droit de négocier collectivement leurs conditions salariales était limité.
- 267. Toutefois, l'approche adoptée par les autorités dans le présent cas diffère de celle suivie dans le cas mentionné par le gouvernement: plutôt que de fixer par voie législative certaines des conditions de travail -- incluant le salaire --, l'article premier du projet de loi 22 exclut complètement du champ d'application de la loi organique du travail (loi de 1995 sur les relations de travail) les personnes couvertes par le Programme Ontario au travail. Celles-ci, n'étant pas considérées comme travailleurs au regard de la loi, ne peuvent dès lors bénéficier des droits et garanties qui y sont prévus: elles ne peuvent notamment faire partie d'une unité d'accréditation, être représentées par le syndicat accrédité et exercer les droits afférents, incluant le droit à la négociation collective et le droit de faire grève. A cet égard, le comité souligne que le paragraphe 2 de l'article premier du projet de loi 22 ne fait que reprendre des interdictions déjà comprises dans le paragraphe premier en insistant sur le fait que les personnes participant à des activités communautaires ne peuvent, sous le régime de la loi de 1995 sur les relations de travail, adhérer à un syndicat, faire fixer, par voie de négociation collective, les conditions de leur participation et se mettre en grève.
- 268. Dans le cas d'espèce, tout comme dans l'affaire mentionnée par le gouvernement, le comité observe qu'il ne s'agit pas d'emplois ordinaires mais plutôt d'activités qui, selon le gouvernement, visent à favoriser l'autonomie par l'emploi; ces activités sont d'une durée limitée de six mois et ne peuvent en aucun temps remplacer le travail réalisé par des employés réguliers. De plus, les personnes participant aux activités communautaires ne peuvent se substituer aux travailleurs qui exercent légalement leur droit de grève.
- 269. En outre, il ne peut être contesté, selon le comité, que les personnes participant aux activités communautaires ne sont pas de véritables salariés de l'organisation qui bénéficie de leur travail; dans ce contexte, elles peuvent se voir légitimement exclues du champ d'application des conventions collectives en vigueur tout au moins en ce qui concerne leurs conditions salariales.
- 270. D'autre part, il est indéniable que les personnes participant aux activités communautaires accomplissent un travail, exécutent une prestation dont une organisation est bénéficiaire. A ce titre, elles doivent pouvoir jouir d'une certaine protection en ce qui concerne les conditions dans lesquelles elles exécutent leur travail; le comité comprend que cette couverture leur est octroyée puisque lois et réglementations relatives aux droits de l'homme ainsi qu'à la santé et à la sécurité au travail sont applicables à de telles activités et couvrent notamment la durée du travail, les pauses obligatoires, les jours fériés ainsi que les congés de maternité et parentaux. Néanmoins, l'approche suivie par les autorités législatives en ce qui a trait à la liberté syndicale est différente, voire opposée; en effet, tel que le met bien en exergue le titre du projet de loi 22 (loi visant à empêcher la syndicalisation en ce qui concerne la participation communautaire), les personnes participant aux activités communautaires n'ont pas le droit d'adhérer à un syndicat, de faire fixer, par voie de négociation collective, les conditions de leur participation et de se mettre en grève dans le cadre du régime fixé par la loi de 1995 sur les relations de travail. Or le comité insiste sur la portée universelle du principe de la liberté syndicale et rappelle que le droit syndical, tel que protégé par les dispositions de la convention no 87, doit être garanti à tous les travailleurs sans distinction d'aucune sorte; la non-discrimination doit être considérée comme le principe général dont la seule exception est prévue à l'article 9 de la convention no 87 qui permet aux Etats de déterminer dans quelle mesure les garanties prévues par cette convention s'appliquent aux forces armées et à la police. Les personnes accomplissant un travail dans le cadre d'une participation communautaire, étant des travailleurs au sens de la convention no 87, doivent jouir du droit de s'organiser, d'autant qu'elles ont indiscutablement des intérêts collectifs à promouvoir et à défendre. Le comité prie dès lors le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de modifier la législation applicable aux activités communautaires et d'assurer aux personnes y participant le droit de s'organiser en conformité avec les principes de la liberté syndicale en général et les dispositions de la convention no 87 en particulier. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 271. En tout état de cause, le comité regrette que le gouvernement se soit référé, dans l'intitulé même du projet de loi 22, à une volonté d'empêcher la syndicalisation en ce qui concerne la participation communautaire.
- c) Projet de loi 31 -- loi visant à promouvoir le développement économique et à créer des emplois dans l'industrie de la construction, favorisant la démocratie en milieu de travail et apportant d'autres modifications aux lois ayant trait au travail et à l'emploi
- 272. Enfin, pour ce qui est de la loi visant à promouvoir le développement économique et à créer des emplois dans le domaine de la construction, favorisant la démocratie en milieu de travail et apportant d'autres modifications aux lois ayant trait au travail et à l'emploi (projet de loi 31), le comité prend note des allégations du plaignant et de l'information fournie par le gouvernement. Le comité observe qu'il s'agit d'un projet de loi qui vient modifier la loi organique du travail pour ce qui est notamment de projets spécifiques dans le domaine de la construction en vue de promouvoir le développement économique. A ce stade, le comité ne peut toutefois se prononcer sur cet aspect du cas étant donné le manque de précisions des allégations de l'organisation plaignante et la réponse sommaire du gouvernement. Le comité prie dès lors l'organisation plaignante de fournir des informations complémentaires au sujet du projet de loi 31; le comité prie également le gouvernement de fournir des précisions en ce qui concerne notamment l'impact du projet de loi 31 sur les accords préalablement conclus et sur l'interdiction de faire grève ou lock-out.
- 273. Le comité porte à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations les aspects législatifs de ce cas.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 274. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Insistant sur la portée universelle du principe de la liberté syndicale et rappelant que le droit syndical doit être garanti à tous les travailleurs sans distinction d'aucune sorte, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de modifier la législation applicable aux activités communautaires et d'assurer aux personnes y participant le droit de s'organiser en conformité avec les principes de la liberté syndicale en général et les dispositions de la convention no 87 en particulier. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- b) Le comité prie l'organisation plaignante de fournir des informations complémentaires au sujet du projet de loi 31; le comité prie également le gouvernement de fournir des précisions en ce qui concerne notamment l'impact du projet de loi 31 sur les accords préalablement conclus et sur l'interdiction de faire grève ou lock-out.
- c) Le comité porte à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations les aspects législatifs de ce cas.