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Rapport intérimaire - Rapport No. 310, Juin 1998

Cas no 1931 (Panama) - Date de la plainte: 12-JUIN -97 - Clos

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474. La plainte figure dans une communication conjointe de l'Organisation internationale des employeurs (OIE) et du Conseil national de l'entreprise privée du Panama (CONEP) datée du 12 juin 1997.

  1. 474. La plainte figure dans une communication conjointe de l'Organisation internationale des employeurs (OIE) et du Conseil national de l'entreprise privée du Panama (CONEP) datée du 12 juin 1997.
  2. 475. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 8 mars 1998.
  3. 476. Le Panama a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 477. Dans leur communication du 12 juin 1997, l'Organisation internationale des employeurs (OIE) et le Conseil national de l'entreprise privée du Panama (CONEP) allèguent que le décret ministériel no 252 du 30 décembre 1971, publié dans la "Gaceta Oficial" no 17040 du 18 février 1972, qui a été amendé par la promulgation de la loi no 44 du 12 août 1995, contient des dispositions qui sont incompatibles avec les conventions nos 87 et 98 de l'OIT.
  2. 478. Les organisations plaignantes signalent que l'article 493 prévoit, sans aucun droit de recours, la fermeture totale et immédiate de l'entreprise, de l'établissement ou du commerce touché par une grève, ce qui enfreint l'article 3 de la convention no 87, qui consacre le droit des employeurs à organiser leur gestion et leurs activités, ainsi que d'établir leur programme d'action, et qui méconnaît le principe de l'inviolabilité du domicile des partenaires sociaux.
  3. 479. En vertu des dispositions de l'article précité, une fois que la grève a commencé, les autorités administratives du travail procèdent, immédiatement, à l'apposition de scellés sur les portes des établissements ou commerces des employeurs, y compris des établissements donnant accès aux bureaux d'administration et de direction. Les autorités administratives du travail donnent des ordres aux autorités de police pour qu'elles "garantissent la fermeture et protègent dûment les personnes et les biens". En d'autres termes, les autorités de police doivent veiller à ce que les employeurs ne puissent pas entrer dans les locaux de leurs entreprises.
  4. 480. En outre, l'article 497 du décret précité ordonne la fermeture totale des entreprises, établissements ou commerces quand la grève est déclarée par un syndicat industriel, et même par un syndicat professionnel. Cette disposition ne touche pas seulement l'employeur mais également les autres travailleurs qui ne sont pas en grève. Cette situation de fermeture totale ne favorise pas la négociation collective volontaire et rend le règlement du conflit plus difficile. On ne peut s'attendre à ce que l'employeur ait la volonté de négocier une solution rapide et effective du différend s'il se voit privé de son droit de libre accès à ses biens et si sa liberté de circulation est limitée. La situation que crée l'ordre de fermeture n'est guère propice à la "bonne foi" dans les négociations.
  5. 481. Les organisations plaignantes estiment que ce genre de pratique de fermeture des entreprises n'est pas un acte symbolique. Les autorités administratives du travail appliquent le concept de "la fermeture immédiate" en apposant de grands scellés de papier ou de plastique sur toutes les portes d'accès aux installations industrielles, commerciales ou aux bureaux touchés par la grève. Ces scellés ne peuvent être enlevés que par les inspecteurs du travail quand la grève est terminée ou, temporairement, quand les travailleurs autorisent, sous leur surveillance, les travaux essentiels à l'entretien ou à la réparation des équipements et machines. Cela porte atteinte à l'autonomie de l'un des partenaires sociaux à la négociation.
  6. 482. En outre, la fermeture totale des entreprises ne permet pas d'engager des tierces personnes pour les travaux d'entretien. Habituellement, les grévistes donnent leur autorisation à cette fin en contrepartie de concessions de la part des employeurs.
  7. 483. L'OIE et le CONEP font valoir que la fermeture totale des entreprises entraîne la paralysie de toute activité administrative ou financière, ce qui met en péril l'avenir des entreprises ou des commerces. Durant la grève, les employeurs se voient privés de l'utilisation de leurs bureaux, de leurs équipements informatiques, de leurs archives, en résumé de tous leurs locaux et installations qui sont nécessaires à l'administration de leurs affaires. Il s'ensuit que les employeurs ne peuvent plus qu'utiliser leurs propres résidences ou des locaux loués pour gérer leurs affaires et réaliser les transactions indispensables à la survie de leurs entreprises. En agissant ainsi, ils courent toutefois le risque que les grévistes les accusent d'avoir violé l'ordre de fermeture.
  8. 484. Par ailleurs, les organisations plaignantes allèguent que l'article 510 aggrave les violations du principe de la liberté d'action des employeurs en prévoyant deux motifs pour lesquels ils peuvent être tenus de payer les salaires que les grévistes ne perçoivent plus durant la grève: premièrement, quand les travailleurs ont déclaré la grève dans le but d'obtenir l'exécution d'une convention collective de travail, d'un arrangement direct ou d'une sentence d'arbitrage; et, deuxièmement, quand les employeurs ont violé l'ordre de fermeture totale des entreprises, selon la pratique décrite plus haut.
  9. 485. L'article 510 2) a trait au règlement des différends juridiques ou de droit, pour lesquels, conformément aux dispositions de l'article 420, les parties doivent respecter les normes de procédure. Il n'en reste pas moins qu'aucune des dispositions contenues dans les articles 426 à 447 du décret no 252 n'exige que les organisations syndicales des travailleurs présentent une copie de la sentence d'arbitrage non exécutée pour pouvoir engager une procédure de conciliation. En d'autres termes, les travailleurs peuvent exiger que l'employeur accepte une procédure de conciliation en l'accusant de violations et d'inobservations imaginaires ou non fondées. Il n'existe pas de norme permettant aux autorités administratives du travail de rejeter un cahier de revendications, et la présentation dudit cahier déclenche automatiquement la procédure de conciliation. L'article 433 énonce qu'"il est interdit de rejeter un cahier de revendications". L'autorité administrative du travail peut signaler les défauts constatés dans le document, mais elle doit le faire au moment où elle le reçoit. Dans la pratique, l'autorité administrative du travail peut exiger que les défauts soient corrigés, mais à aucun moment et quelles que soient les circonstances elle n'est habilitée à rejeter carrément un cahier de revendications comportant des défauts ou un cahier de revendications dans lequel sont présentées des allégations de violations imaginaires ou non fondées.
  10. 486. L'article 420 offre aux parties au différend la possibilité de solliciter la médiation des autorités administratives du travail lorsqu'il s'agit d'un cas de différend collectif juridique. Néanmoins, les travailleurs peuvent engager la procédure de conciliation si l'exercice du droit de grève est admis pour le différend. La loi ne définit toutefois pas les différends juridiques pour lesquels l'exercice du droit de grève est admis.
  11. 487. Le décret no 252 ne contient aucune norme indiquant comment les employeurs peuvent présenter un cahier de revendications quand le syndicat des travailleurs ne respecte pas ce qui a été convenu ou viole une disposition légale. Le décret no 252 ne prévoit aucune procédure de conciliation permettant aux employeurs d'exercer, en dernier recours, leur droit de "lock-out".
  12. 488. Dans la pratique, chaque fois que les travailleurs déclarent une grève, l'ordre de fermeture totale des établissements des employeurs empêche lesdits employeurs de pouvoir accéder librement à leurs biens. La fermeture de leurs établissements ou bureaux constitue une grave ingérence des autorités dans les activités des employeurs et une violation du droit à l'inviolabilité de leur domicile; elle limite leur liberté d'action et leur droit de libre passage; elle est incompatible avec le principe de la négociation de bonne foi et avec le principe de négociation libre et volontaire. Toutes ces dispositions mettent gravement en péril les garanties en faveur des employeurs prévues par la convention no 87.
  13. 489. Les plaignants allèguent également que l'article 427 dispose que le cahier de revendications présenté par l'organisation syndicale de travailleurs doit contenir, entre autres, les énonciations suivantes: "3. Le nom, le numéro de la carte d'identité et le domicile des représentants désignés pour la conciliation, dont le nombre sera de deux au moins et de cinq au plus et, s'ils le jugent nécessaire, d'un conseiller syndical et d'un conseiller juridique; ...". Cette disposition s'applique par analogie pour déterminer la composition du groupe de négociateurs des employeurs. Elle viole directement le principe de la négociation collective libre et volontaire, énoncé par l'article 4 de la convention no 98. Les plaignants se réfèrent également aux principes du Comité de la liberté syndicale. Selon les plaignants, les employeurs devraient avoir la liberté de constituer leur équipe de négociation et d'être assistés par les conseillers techniques, financiers et juridiques qu'ils considèrent comme nécessaires pour défendre leurs intérêts, sans limitations quant à leur nombre ou leur statut.
  14. 490. Enfin, les organisations plaignantes allèguent que, si l'article 443 du décret no 252 prévoit que la conciliation prend fin lorsque "...les parties parviennent à un règlement ou sont convenues d'avoir recours à l'arbitrage", l'article 452 stipule que les employeurs doivent accepter que le différend soit soumis, en tout ou en partie, à l'arbitrage si les travailleurs, "avant la grève ou pendant celle-ci, sollicitent l'arbitrage auprès de la direction régionale ou générale du travail". Une telle disposition est contraire au principe de la négociation libre et volontaire. A cet égard, les organisations plaignantes se réfèrent aux principes du Comité de la liberté syndicale et soulignent que l'arbitrage, pour être effectif et efficace, doit résulter de la volonté des deux parties; cela serait un motif valable pour dénoncer également une disposition permettant aux employeurs d'imposer l'arbitrage avant la grève ou pendant celle-ci.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 491. Dans sa communication du 8 mars 1998, le gouvernement déclare que l'article 65 de la Constitution politique de la République du Panama consacre le droit de grève et dispose à l'article 2, en tant que réserve légale, que "la loi réglementera son exercice ...". En vertu de cette disposition, le Code du travail réserve un titre au droit de grève, qui comprend les articles 475 à 519, en plus de quelques références qui figurent dans d'autres dispositions, parmi lesquelles se trouvent celles qui ont trait au cahier de revendications, à la procédure de conciliation, à l'arbitrage, etc. Toutes ces dispositions ont été examinées dans le cadre de la discussion et de l'élaboration du projet de loi qui est devenu la loi 44 du 12 août 1995; ladite loi établit des normes pour réglementer et moderniser les relations de travail et contient certaines dispositions réformant le Code du travail, notamment des normes relatives aux différends collectifs du travail, sujet auquel se réfère la plainte.
  2. 492. Le gouvernement ajoute que cette loi résulte d'un consensus, d'une concertation tripartite, à laquelle ont participé activement, en jouant un rôle central de premier ordre, les secteurs des entreprises et des travailleurs. Dans le cadre de ce processus, qui a été mené à bien avec des échanges de vues approfondis, les normes auxquelles se réfère la plainte n'ont pas été modifiées, bien qu'en certaines occasions elles aient été mentionnées. En raison de la situation exposée ci-dessus, il est difficile pour le gouvernement, qui respecte la conciliation, la concertation, de connaître de la matière à laquelle se réfère la plainte, qui au surplus est extrêmement délicate car elle a trait au droit de grève, un principe fondamental des relations de travail consacré et protégé par diverses conventions de l'OIT.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 493. Dans la présente plainte, les organisations plaignantes allèguent que certaines dispositions du Code du travail relatives aux différends collectifs et à la grève sont en contradiction avec les conventions nos 87 et 98. Le comité prend note des déclarations du gouvernement, et en particulier du fait que les dispositions auxquelles s'opposent les plaignants résultent d'un consensus et d'une concertation tripartite à laquelle les secteurs des entreprises et des travailleurs ont participé activement et en y jouant un rôle central de premier ordre. Toutefois, le comité observe que les dispositions législatives auxquelles le gouvernement se réfère sont en vigueur depuis 1971 et n'ont pas été modifiées par la loi no 44.
  2. 494. A cet égard, le comité rappelle que son mandat "consiste à déterminer si, concrètement, telle ou telle législation ou pratique est conforme aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective énoncés dans les conventions portant sur ces sujets". (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 6.) Par ailleurs, "quand les lois nationales, y compris celles qui sont interprétées par les tribunaux supérieurs, contreviennent aux principes de la liberté syndicale, le comité s'est toujours considéré comme habilité à examiner ces lois, à proposer des orientations et à offrir l'assistance technique du BIT pour les rendre conformes aux principes de la liberté syndicale affirmés dans la Constitution de l'OIT ou aux conventions applicables. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 8.) Le comité estime que ces principes s'appliquent également aux cas dans lesquels les législations en question ont été l'objet de consultations ou de négociations avec les partenaires sociaux avant d'être adoptées. C'est pourquoi, le comité examinera ci-après, point par point, les dispositions législatives auxquelles s'opposent les plaignants. Toutefois, le comité souhaite attirer l'attention d'une manière générale sur le fait que la loi critiquée par les plaignants n'est pas assez claire à certains égard et qu'elle réglemente de manière trop détaillée les relations professionnelles donnant lieu ainsi à des ingérences importantes.
  3. Fermeture immédiate de l'entreprise, de l'établissement ou du commerce touché en cas de déclaration de grève, garantie par les autorités de police
  4. 495. Le comité constate que les articles 493 et 497 prévoient ce qui suit:
  5. Article 493. La grève légale produit les effets suivants:
  6. 1. La fermeture immédiate de l'entreprise, de l'établissement ou du commerce touché. Lorsque la grève a commencé, l'inspection ou la direction régionale ou générale du travail donnera des ordres immédiats aux autorités de police pour qu'elles garantissent la fermeture et protègent dûment les personnes et les biens. (...)
  7. Article 497. Lorsque, conformément aux dispositions de l'article 477, la grève est déclarée par un syndicat professionnel ou industriel, celle-ci n'entraînera que la fermeture des entreprises, établissements ou commerces dans lesquels les grévistes réunissent les conditions visées par l'article 476, 2) ...
  8. 496. Le comité constate que, selon les dispositions législatives et dans le cas de grèves légales, lorsque les grévistes représentent la majorité des travailleurs de l'entreprise, du commerce ou de l'établissement, la fermeture de ceux-ci est garantie par la police et doit intervenir immédiatement. A cet égard, le comité prend note des déclarations des plaignants dans lesquelles ils relèvent que cette disposition légale porte préjudice aux travailleurs qui ne sont pas en grève, empêche que les travaux d'entretien des installations de l'entreprise puissent s'effectuer et paralyse toute activité administrative et financière des employeurs -- qui se voient privés de leurs bureaux et installations puisqu'ils ne peuvent pas y entrer -- et met en péril la survie des entreprises. Dans des cas antérieurs relatifs à l'exercice du droit de grève, le comité a critiqué les "entraves à la liberté du travail par contrainte exercée par les non-grévistes" (voir Recueil, op. cit., paragr. 586) et a estimé que le maintien des services minima qui est nécessaire, dans le cas de n'importe quelle grève, à la sécurité des personnes et des installations ainsi qu'à la prévention des accidents (service minimum de sécurité) constitue des restrictions normales et admissibles. (Voir service minimum de sécurité, Recueil, op. cit., paragr. 554 et 555.)
  9. 497. Dans ces conditions, le comité conclut que la fermeture de l'entreprise, de l'établissement ou du commerce dans les cas de grève prévus par les articles 493 1) et 497 porte atteinte à la liberté de travail des non-grévistes et ne tient pas compte des nécessités fondamentales de l'entreprise (entretien des installations, prévention des accidents et droits des chefs d'entreprise et du personnel de direction à se rendre dans les installations de l'entreprise et d'y exercer leurs activités). Dans ces conditions, le comité prie le gouvernement de prendre sans tarder des mesures pour abroger les articles 493 1) et 497 du Code du travail.
  10. Versement des salaires aux grévistes dans certains cas
  11. 498. Le comité constate que l'article 510 du Code du travail stipule ce qui suit:
  12. Article 510. Sera déclarée imputable à l'employeur la grève légale déclarée pour l'un quelconque des motifs suivants qui auront été constatés par les travailleurs:
  13. 1. Les motifs spécifiés à l'article 480 3) ou 4).
  14. 2. Lorsque l'employeur n'a pas répondu au cahier de revendications ou a abandonné la procédure de conciliation.
  15. (Les articles 514 et 515 stipulent que, lorsque la grève est déclarée imputable à l'employeur, tout travailleur qui y a participé, ou qui a été touché par celle-ci, aura droit au versement des salaires.)
  16. 499. Les autres articles pertinents du Code du travail pour la question examinée sont les suivants:
  17. Article 480. La grève devra avoir l'un ou l'autre des objectifs suivants:
  18. 1. Obtenir de l'employeur de meilleures conditions de travail.
  19. 2. Obtenir l'établissement d'une convention collective de travail.
  20. 3. Exiger l'exécution de la convention collective de travail, de l'arrangement direct ou de la sentence d'arbitrage, dans les entreprises, commerces ou établissements où ils auraient été violés et, si elle est précisée, la réparation de l'inobservation.
  21. 4. Obtenir l'exécution de dispositions légales violées d'une manière générale et réitérée dans tout ou partie de l'entreprise, du commerce ou de l'établissement et, s'il y a lieu, la réparation de l'inobservation.
  22. Article 511. La grève sera également déclarée imputable à l'employeur lorsque celui-ci a violé les obligations que lui imposent pendant celle-ci les articles 493 1) (cet article reproduit plus haut se réfère à l'obligation de fermer l'entreprise en cas de grève légale) (...)
  23. 500. Le comité constate que l'organisation plaignante s'oppose à ce que le Code du travail oblige l'employeur à verser les salaires quand la grève a pour but de: 1) exiger l'exécution de la convention collective de travail, de l'arrangement direct ou de la sentence d'arbitrage (art. 510 1)); 2) obtenir l'exécution de dispositions légales violées d'une manière générale et réitérée dans l'entreprise (art. 510, 1)) du Code; 3) lorsque l'employeur n'a pas répondu au cahier de revendications ou a abandonné la procédure de conciliation (art. 510 2) du Code), et 4) lorsque l'employeur a violé l'obligation de fermer l'entreprise en cas de grève légale (art. 511 du Code). Le comité observe en outre que, dans le cadre de ces questions, les organisations plaignantes signalent qu'avec les dispositions légales en vigueur les autorités administratives du travail ne sont pas habilitées à refuser un cahier de revendications faisant valoir des violations imaginaires ou non fondées des normes de travail; dans ces conditions, le comité croit comprendre que, selon les plaignants, dans les circonstances mentionnées ci-dessus, la procédure de conciliation sera engagée, la grève pourra être déclarée par la suite et l'employeur devra verser les salaires pour les jours de grève.
  24. 501. Avant d'examiner les allégations relatives au paiement du salaire des grévistes par l'employeur, le comité doit obtenir les informations et clarifications sur les points suivants: 1) la manière dont les articles 510 et 511 du Code du travail sont mis en oeuvre dans la pratique; et 2) l'existence de procédures et d'organes compétents en cas de violations des dispositions de la loi ou des conventions collectives en cas de conflits dans l'interprétation de leurs dispositions ou dans le cas où l'employeur omet de coopérer dans le processus de négociation collective. Le comité prie le gouvernement d'envoyer les informations pertinentes à cet égard.
  25. Vides juridiques pour certaines questions
  26. 502. Le comité constate que les organisations plaignantes relèvent l'existence de vides juridiques en ce qui concerne certaines questions de relations collectives du travail (détermination des différends juridiques qui admettent l'exercice du droit de grève, possibilité pour les employeurs de présenter un cahier de revendications et possibilité d'engager une procédure de conciliation). A cet égard, considérant qu'un système de relations professionnelles stables doit tenir compte des droits et obligations tant des organisations de travailleurs que des employeurs et de leurs organisations, le comité prie le gouvernement de consulter, sans tarder, les partenaires sociaux et de prendre des mesures en vue de prendre des dispositions réglementaires relatives aux questions susmentionnées dans le cadre du Code du travail.
  27. Limitations du nombre de conseillers juridiques des parties dans la procédure de conciliation
  28. 503. Le comité observe que l'article 427 3) du Code du travail stipule ce qui suit:
  29. Article 427. Le cahier de revendications sera établi en triple exemplaire et contiendra les dénonciations suivantes:
  30. (...)
  31. 3. Le nom, le numéro de la carte d'identité et le domicile des représentants désignés pour la conciliation, dont le nombre sera de deux au moins et de cinq au plus et, s'ils le jugent nécessaire, ceux d'un conseiller syndical et d'un conseiller juridique; les représentants seront désignés et dotés de pouvoirs suffisants pour négocier et approuver tout règlement ou, selon le cas, une convention collective.
  32. (...)
  33. 504. Le comité constate que les organisations plaignantes signalent que les dispositions ci-dessus s'appliquent également par analogie aux délégués et conseillers des employeurs. A cet égard, le comité est d'avis que des prescriptions trop strictes en ce qui concerne des questions telles que la représentation des parties dans le processus de négociation collective peuvent amoindrir son efficacité, et il estime plus précisément qu'il s'agit d'une question devant être déterminée par les parties elles-mêmes. Aussi, le comité demande-t-il au gouvernement de prendre sans tarder, et en consultation avec les partenaires sociaux, des mesures pour amender dans le sens indiqué l'article 427 3) du Code du travail.
  34. Soumission des différends à l'arbitrage obligatoire
  35. 505. Le comité constate que l'article 452 du Code du travail prévoit ce qui suit:
  36. Article 452. Lorsque les procédures de conciliation sont terminées, le différend collectif sera soumis en tout ou en partie à l'arbitrage dans l'un quelconque des cas suivants:
  37. 1. Lorsque les deux parties décident de se soumettre à l'arbitrage;
  38. 2. Lorsque les travailleurs, avant la grève ou pendant celle-ci, sollicitent l'arbitrage auprès de la direction régionale ou générale du travail.
  39. (...)
  40. 506. Le comité constate que le paragraphe 2 de l'article 452 permet que les travailleurs soumettent unilatéralement les différends collectifs à l'arbitrage et que l'article 470 stipule que "la sentence d'arbitrage aura un caractère normatif et aura for de loi entre les parties". A cet égard, le comité attire l'attention du gouvernement sur le fait que "l'arbitrage obligatoire pour mettre fin à un différend collectif du travail est acceptable soit s'il intervient à la demande des deux parties au différend, soit dans les cas où la grève peut être limitée, voire interdite, à savoir dans les cas de différend dans la fonction publique à l'égard des fonctionnaires exerçant des fonctions d'autorité au nom de l'Etat ou dans les services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire les services dont l'interruption risquerait de mettre en danger, dans tout au partie de la population, la vie ou la sécurité de la personne". (Voir Recueil, op. cit., paragr. 515.) Par conséquent, comme l'arbitrage obligatoire à la demande d'une seule des parties constitue une violation des principes de la liberté syndicale et de la négociation collective, le comité prie le gouvernement de prendre sans tarder des mesures pour modifier le paragraphe 2 de l'article 452 du Code du travail.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 507. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a. Observant que la législation critiquée par les plaignants n'est pas assez claire à certains égards, qu'elle réglemente de manière trop détaillée les relations professionnelles donnant lieu à des ingérences importantes et qu'elle contient des dispositions contraires aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective, le comité demande au gouvernement de prendre sans tarder, en consultation avec les partenaires sociaux, les mesures nécessaires pour:
    • i. abroger les articles 493 1) et 497 du Code du travail, qui imposent la fermeture immédiate de l'entreprise, de l'établissement ou du commerce en cas de déclaration de grève;
    • ii. modifier l'article 452 2), qui permet l'imposition de l'arbitrage à la demande d'une seule des parties au différend collectif;
    • iii. amender l'article 427 3) du Code du travail, qui restreint la représentation des parties (délégués et conseillers) au processus de négociation collective, de manière que cette question soit déterminée par les parties à la négociation collective;
    • iv. dans le cadre du Code du travail, les questions relatives à la détermination des différends juridiques qui admettent l'exercice du droit de grève, la possibilité pour les employeurs de présenter un cahier de revendications et la possibilité pour les employeurs d'engager une procédure de conciliation.
    • b. Avant d'examiner les allégations relatives au paiement du salaire des grévistes par les employeurs, le comité a besoin d'obtenir les informations et clarifications sur les points suivants: i) la manière dont les articles 510 et 511 du Code du travail sont mis en oeuvre dans la pratique; et ii) l'existence de procédures et organes compétents en cas de violation des dispositions de la loi ou des conventions collectives, en cas de conflit dans l'interprétation de leurs dispositions ou dans le cas où l'employeur omet de coopérer dans le processus de négociation collective. Le comité prie le gouvernement d'envoyer les informations pertinentes à cet égard.
    • c. Le comité rappelle au gouvernement que l'assistance technique du BIT est à sa disposition, s'il le désire, de telle sorte que les dispositions critiquées dans le présent cas soient modifiées en vue de les rendre conformes aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective.
    • d. Le comité soumet le présent cas à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
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