ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 306, Mars 1997

Cas no 1854 (Inde) - Date de la plainte: 02-OCT. -95 - Clos

Afficher en : Anglais - Espagnol

462. Dans une communication du 2 octobre 1995, l'Union internationale des travailleurs de l'alimentation, de l'agriculture, de l'hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA), au nom de son affilié, le Hind Khet Mazdoor Panchayat, a déposé contre le gouvernement de l'Inde une plainte pour violation des droits syndicaux. Elle a transmis des informations complémentaires par une communication du 14 novembre 1995.

  1. 462. Dans une communication du 2 octobre 1995, l'Union internationale des travailleurs de l'alimentation, de l'agriculture, de l'hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA), au nom de son affilié, le Hind Khet Mazdoor Panchayat, a déposé contre le gouvernement de l'Inde une plainte pour violation des droits syndicaux. Elle a transmis des informations complémentaires par une communication du 14 novembre 1995.
  2. 463. Le gouvernement a transmis ses observations dans une communication datée du 30 janvier 1997.
  3. 464. L'Inde n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 465. Dans sa communication du 2 octobre 1995, l'UITA indique que sa plainte se réfère à l'assassinat, le 23 août 1995, de Mme Ahilya Devi, une syndicaliste.
  2. 466. Plus spécifiquement, l'UITA explique que Mme Ahilya Devi était membre d'un de ses syndicats affiliés, l'Hind Khet Mazdoor Panchayat, et s'occupait en particulier des droits des femmes et des paysans sans terres. A la fin de 1993, alors qu'elle travaillait à un programme de redistribution des terres, elle a été agressée par des hommes armés. Malgré de graves blessures, elle a survécu. Dans un premier temps, la police a refusé d'ouvrir une enquête sur le principal suspect, M. Narsingh Singh, dont on disait qu'il était protégé par la police et les politiciens locaux. L'UITA indique que, dès cette époque, elle avait protesté auprès du gouvernement fédéral ainsi qu'auprès du gouvernement de l'Etat du Bihar. Malheureusement, cela n'a pas suffi puisque Mme Ahilya Devi a été assassinée deux ans plus tard, le 23 août 1995, preuve que tant le gouvernement fédéral que le gouvernement de l'Etat du Bihar n'ont pas fait le nécessaire pour protéger pleinement et adéquatement le droit des militants syndicaux d'exercer leurs fonctions sans risque pour leur sécurité.
  3. 467. En outre, l'UITA affirme que la police locale n'a rien fait pour que Mme Devi, qui était grièvement blessée, reçoive rapidement des soins, qu'elle l'a laissée se vider de son sang pendant deux heures et demie au poste de police et qu'elle a refusé à plusieurs reprises de prendre sa déposition. Mme Devi a finalement succombé à ses blessures à l'hôpital. A la suite de protestations massives, le 17 septembre 1995, deux hommes ont été placés en garde à vue; ils seraient "immédiatement passés aux aveux", ce qui a mis un terme à l'enquête. L'UITA souligne que l'assassinat de Mme Devi était le troisième assassinat politique d'un défenseur des droits sociaux et politiques des populations rurales dans le même district de l'Etat du Bihar en deux ans. Selon l'UITA, cela signifie, au minimum, que les autorités locales n'ont jamais fait le nécessaire pour protéger efficacement les syndicalistes ruraux qui travaillent dans un climat de violence permanente.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 468. Dans sa communication en date du 30 janvier 1997, le gouvernement déclare que le meurtre de Mme Ahilya Devi a fait l'objet d'une enquête approfondie menée par les autorités de l'Etat du Bihar. Les enquêtes ont été menées par un officier de police très expérimenté dans le district de Kishangunj. Les enquêtes ont révélé les faits suivants.
  2. 469. Mme Devi vivait dans la région de Galgalia, district de Kishangunj, où elle entra en contact avec M. Narsingh Singh, contrebandier notoire de la région. Elle s'est installée dans la maison, propriété de M. Narsingh Singh. Mme Devi aurait commencé à s'impliquer dans des activités politiques, il y a environ trois ans, et est devenue, à cette époque, membre du Hind Khet Mazdoor Panchayat. Les relations entre Mme Devi et M. Narsingh Singh sont devenues conflictuelles il y a de cela deux ans et demi.
  3. 470. En décembre 1993, certaines personnes ont blessé Mme Devi au cours d'un différend foncier. Cet incident a été communiqué à la police. Dans sa première déclaration à cet égard, Mme Devi a dénoncé Satyanarayan Jha, Dev Narayan Rai, Dukhi Sahni, Shanti Devi, Kabri Devi et Narsingh Singh. Ces allégations ont fait l'objet d'enquêtes menées par la police. Cinq de ces six personnes ont été mises en accusation conformément aux dispositions pertinentes du Code pénal de l'Inde. Les accusations contre M. Narsingh Singh ont fait l'objet d'une enquête mais n'ont pas été prouvées. Les affaires concernant les personnes mises en accusation sont actuellement en instance devant le tribunal.
  4. 471. Le gouvernement souligne qu'aucun incident n'a été rapporté entre Mme Devi et M. Narsingh Singh entre ces événements et le 23 août 1995. Selon les membres de la famille de Mme Devi, elle s'est rendue, dans la matinée du 23 août 1995, dans un village situé dans l'Etat adjacent du Bengale-Occidental en raison de différends fonciers. Dans la soirée, sur son retour, elle a été attaquée par des personnes qui se seraient échappées. Mme Devi a été blessée dans l'attaque et a été transportée par une tierce personne à la résidence du sous-inspecteur responsable de la station de police. Mme Devi n'a pas répondu aux efforts de l'officier de police en vue de connaître les faits en cause. Il a dès lors demandé aux membres de sa famille de rester à proximité. Même avec l'aide des membres de sa famille, Mme Devi était incapable de fournir quelque information permettant d'éclaircir les faits. L'officier de police la transporta à l'hôpital Thakurganj, situé à 15 kilomètres, dans un autobus privé. Le conjoint de Mme Devi l'a accompagnée à l'hôpital où elle est décédée. Elle ne prononça aucune déclaration avant sa mort.
  5. 472. Sur la base de la déclaration du conjoint de Mme Devi, une information fut ouverte par la police. Dans cette affaire, le conjoint de la personne décédée fit référence à six personnes, soit Narsingh Singh, Shravan Giri, Bhrigunath Gupta, Ratan Ghosh et deux autres personnes non identifiées. Au cours de l'enquête préliminaire, des chefs d'accusation furent établis contre Shravan Giri mais aucune preuve ne permit d'étoffer les accusations contre les autres personnes. M. Giri a dès lors été arrêté par les forces policières de Galgalia à Ludhiana dans l'Etat du Punjab, à plus de 1 000 kilomètres de distance. Il avoua les faits et déclara que M. Tapan Kumar Chaki et M. Dinesh Mandal étaient également présents au moment de l'assassinat de Mme Devi. Il indiqua que des querelles en relation avec la contrebande étaient à l'origine de l'assassinat. M. Tapan Kumar Chaki a également été arrêté par la police et a avoué le crime. Des accusations formelles contre Shravan Giri et Tapan Kumar Chaki ont été déposées auprès du tribunal. M. Dinesh Mandal, également accusé, est toujours libre bien que des procédures de confiscation de ses propriétés aient été entreprises. En outre, les officiers en charge ont ordonné l'arrestation de M. Narsingh Singh, Bhrigunath, Gupta et Ratan Ghosh, qui avaient été nommément désignés dans la plainte du conjoint de Mme Devi.
  6. 473. Selon le gouvernement, il appert des faits ci-avant mentionnés que l'assassinat de Mme Devi n'a rien à voir avec ses activités politiques ou syndicales. Le meurtre, tel que relaté par l'un des accusés qui a avoué, serait le résultat des activités de contrebande de Mme Devi sur la frontière indo-népalaise. Le gouvernement conclut en indiquant qu'il s'agit d'un meurtre relié aux activités criminelles de la victime, qui a été traitée conformément aux lois nationales.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 474. Le comité constate que les allégations dans le présent cas se rapportent à l'assassinat de Mme Ahilya Devi, une syndicaliste s'occupant de l'organisation des travailleurs ruraux dans l'Etat du Bihar, qui serait intervenu le 23 août 1995 alors qu'une première tentative de meurtre avait été perpétrée en 1993. Selon l'organisation plaignante, elle aurait été assassinée en raison de ses activités syndicales et politiques. Bien qu'il reconnaisse que Mme Devi était devenue membre du Hind Khet Mazdoor Panchayat, syndicat affilié à l'organisation plaignante, le gouvernement déclare, à la suite des enquêtes menées, que Mme Devi a été assassinée en raison de ses activités de contrebande qui l'auraient opposée à d'autres personnes aussi impliquées.
  2. 475. Le comité observe que le gouvernement déclare que MM. Shravan Giri et Tapan Kumar Chaki ont été mis en accusation et arrêtés par la police à la suite du décès de Mme Devi. Ils auraient avoué leur participation au crime. Afin de connaître tous les éléments pertinents de ce cas, le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat des procédures entreprises contre ces deux personnes et de lui fournir, dans une langue de travail de l'OIT, les jugements qui seront rendus. En outre, le comité note que le gouvernement indique que M. Dinesh Mandal, aussi impliqué dans l'assassinat de Mme Devi, est encore en liberté bien que des procédures de confiscation de ses propriétés aient été entreprises. Le gouvernement ajoute que les officiers de police ont ordonné l'arrestation de MM. Narsingh Singh, Bhrigunath Gupta et Ratan Ghosh, qui ont été nommément désignés dans la plainte du conjoint de Mme Devi. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des développements concernant l'arrestation de ces quatre personnes.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 476. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:
    • Notant la mise en accusation de MM. Shravan Giri et Tapan Kumar Chaki, qui ont avoué leur participation au crime de Mme Ahilya Devi, une syndicaliste s'occupant de l'organisation des travailleurs ruraux de l'Etat du Bihar, le comité prie le gouvernement de le tenir informé des procédures entreprises contre ces deux personnes et de fournir une copie, dans une langue de travail de l'OIT, des jugements qui seront rendus à cet égard. Il prie également le gouvernement de le tenir informé des développements concernant l'arrestation de MM. Dinesh Mandal, Narsingh Singh, Bhrigunath Gupta et Ratan Ghosh, qui ont également été impliqués dans le meurtre de Mme Ahilya Devi.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer