297. Dans une communication datée du 30 décembre 1994, le Congrès panindien des syndicats (AITUC) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de l'Inde. Il a soumis un complément d'informations dans une communication datée du 20 février 1995. La Centrale des syndicats indiens (CITU) a présenté des allégations relatives à ce cas dans une communication en date du 21 février 1995.
- 297. Dans une communication datée du 30 décembre 1994, le Congrès panindien des syndicats (AITUC) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de l'Inde. Il a soumis un complément d'informations dans une communication datée du 20 février 1995. La Centrale des syndicats indiens (CITU) a présenté des allégations relatives à ce cas dans une communication en date du 21 février 1995.
- 298. Le gouvernement a fait parvenir ses commentaires dans une communication en date du 12 décembre 1995.
- 299. L'Inde n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 300. Dans leurs communications datées respectivement du 30 décembre 1994 et du 20 février 1995, le Congrès panindien des syndicats (AITUC) et la Centrale des syndicats indiens (CITU) déclarent que le gouvernement a adopté de nouvelles règles d'accréditation des syndicats d'agents du gouvernement central - dans la circulaire du Département du personnel et de la formation no 2/10/88 - JCA (vol. IV) datée du 5 novembre 1993, adoptée en application des articles 309 et 148(5) de la Constitution de l'Inde. Tant l'AITUC que la CITU allèguent que les nouvelles règles d'accréditation (ci-après les "règles") modifieront et saperont gravement les droits et conditions de service d'au moins 1,5 million d'agents du gouvernement central, y compris des travailleurs dépendant des ministères des Postes et des Télécommunications, et qu'il s'agit de violations flagrantes des principes de la liberté syndicale.
- 301. Les organisations plaignantes allèguent plus précisément que les règles ont été édictées arbitrairement sans consulter les fédérations ou syndicats comme le prescrivent les dispositions du système de consultations paritaires (joint consultative machinery - JCM) et du mécanisme d'arbitrage obligatoire (compulsory arbitration scheme - CAS). Le système JCM prévoit des consultations paritaires pour les questions intéressant les agents. En fait, les dispositions réglementaires étaient en cours d'examen au JCM. Or, sans attendre le résultat de ses délibérations, le gouvernement a adopté unilatéralement de nouvelles dispositions réglementaires, ce qui constitue une transgression du système JCM.
- 302. En outre, nombre de ces nouvelles dispositions réglementaires enfreignent la liberté syndicale. Par exemple, aux termes de la disposition no 4, tout syndicat d'agents du gouvernement central reconnu légalement cessera de l'être un an et demi après la date d'adoption des nouvelles règles s'il ne répond pas aux conditions qu'elles fixent. Les organisations plaignantes prétendent que les conditions permettant de déterminer le caractère représentatif d'un syndicat prévues par les nouvelles règles sont hautement déraisonnables et injustes. Ces conditions, qui plus est, se prêtent à des abus de la part des autorités. Les organisations plaignantes font valoir, en outre, que l'accréditation est très importante pour les syndicats de services du gouvernement central dans la mesure où seuls des organismes reconnus sont autorisés à participer aux négociations et discussions collectives officielles. Par ailleurs, l'accréditation, une fois accordée, confère certains droits, privilèges et avantages aux syndicats et on ne saurait donc la supprimer arbitrairement sans leur donner la possibilité d'être entendus. De ce fait, l'accréditation déjà accordée aux syndicats doit être maintenue.
- 303. D'une façon analogue, la disposition no 5(c) stipule que la qualité de membre d'un syndicat de service est limitée à une catégorie précise d'agents publics ayant des intérêts en commun. Il résulte de cette disposition que les fédérations et les syndicats mixtes ne seront pas reconnus. Actuellement, la plupart des syndicats comprennent différentes catégories/cadres/groupes d'agents de divers départements. Selon les organisations plaignantes, la restriction contenue dans la disposition no 5(c) est imposée de mauvaise foi en vue de démanteler les syndicats existants et de réduire de la sorte leur pouvoir de négociation collective. Elles font valoir que certains des syndicats frappés par cette disposition avaient été constitués avant l'indépendance du pays et que, depuis lors, ils sont mixtes mais unis. Etant donné que la disposition no 5(c) viole le droit fondamental des agents de former des organisations de leur choix, elle doit être révoquée pour permettre aux syndicats et aux fédérations mixtes de poursuivre leurs activités.
- 304. Par ailleurs, la disposition no 5(d) stipule qu'un syndicat qui représente un minimum de 35 pour cent du total des agents d'une catégorie peut être reconnu. Toutefois, une restriction à cette règle prévoit que, lorsqu'un seul syndicat dispose de plus de 35 pour cent de membres d'une catégorie, un autre syndicat second en importance numérique et comptant moins de 35 pour cent de membres de cette même catégorie peut être reconnu à condition de regrouper au moins 15 pour cent d'agents de ladite catégorie. Outre sa nature discriminatoire, cette disposition amènera une prolifération de syndicats concurrents, à un point tel qu'il sera possible de constituer cinq syndicats pour une seule catégorie d'agents. Les organisations plaignantes soutiennent que cette disposition vise de toute évidence à faire éclater l'unité des travailleurs et à encourager les mécontents à former des syndicats minoritaires, réduisant ainsi le pouvoir de négociation collective des syndicats existants. Elles s'opposent fermement à cette disposition, dont le but recherché est l'institutionnalisation légale de la prolifération de syndicats.
- 305. Les organisations plaignantes déclarent en outre que la disposition no 5(e) interdit aux anciens agents et aux retraités de devenir membres ou d'occuper une fonction dans un syndicat; la disposition no 5(g) stipule que le dirigeant d'un syndicat de service ne peut être choisi que parmi les membres du syndicat. Elles précisent que le règlement précédent permettait aux agents retraités de devenir membres d'un syndicat, d'être membres du comité directeur et d'occuper une fonction syndicale. De plus, dans le système JCM, les retraités peuvent être à la fois membres et occuper une fonction au sein des conseils JCM. Les travailleurs qui dépendent des ministères des Postes et des Télécommunications ont le droit, en vertu de la loi sur les syndicats, d'élire même des personnes étrangères au service en tant que membres ou dirigeants syndicaux. Les organisations plaignantes soutiennent que, puisque l'autonomie d'un syndicat ne peut être garantie effectivement que si ses membres ont le droit d'élire librement les responsables de leur propre choix, les autorités doivent s'abstenir d'entraver ce droit.
- 306. En outre, les clauses (g), (h), (i) et (j) de la disposition no 6 enfreignent la liberté syndicale en frappant de restrictions les activités syndicales énumérées ci-après: la publication et la diffusion de nouvelles et d'informations, d'intérêt général ou particulier, à l'intention de membres représentent une activité syndicale légitime; tout contrôle des publications ou informations destinées aux membres équivaut à une censure et à une immixtion dans les affaires intérieures d'un syndicat; de même, le droit d'exprimer des opinions par voie de presse ou par d'autres moyens fait partie intégrante des activités syndicales, et aucune restriction ne saurait être imposée à ce droit. Les dispositions en question restreignent également le droit de correspondre avec des organes syndicaux internationaux.
- 307. Enfin, la disposition no 7 stipule que la vérification de l'affiliation, effectuée par le gouvernement aux fins de l'accréditation d'un syndicat de service, se fera grâce au système de prélèvement à la source des cotisations sur les fiches de paie, suivant une fréquence et un mode qui seront prescrits par circulaire gouvernementale. Les agents sont donc tenus de donner instruction au service comptable de verser leur cotisation au syndicat auquel ils adhèrent. La procédure mise en place pour ce système permettra de prélever le montant de la cotisation annuelle sur un seul mois. Les organisations plaignantes expliquent qu'actuellement la plupart des syndicats prévoient dans leur règlement des prélèvements de cotisations mensuels et qu'un seul prélèvement annuel sera difficile. Par ailleurs, les organisations plaignantes affirment que, par le biais de ce système de prélèvement des cotisations sur les salaires réalisé par des responsables de l'administration, il sera possible de faire pression sur les agents pour qu'ils adhèrent à tel ou tel syndicat favorable au gouvernement. Cela pourra se faire de différentes façons officieuses et les pressions seront difficiles à déceler. La vérification de l'affiliation devrait donc se faire suivant un scrutin secret et être exécutée par un organe indépendant et impartial.
- 308. Les organisations plaignantes concluent en déclarant que ce nouveau règlement sur l'accréditation vise à entraîner un changement unilatéral des conditions de service des agents, en s'ingérant gravement dans les droits des syndicats et en créant les conditions de la fragmentation des grands syndicats qui sont jusqu'à présent unis. Etant donné qu'il a pour but de porter atteinte aux principes de la liberté syndicale, il doit être révoqué immédiatement.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 309. Dans sa communication en date du 12 décembre 1995, le gouvernement explique en premier lieu que le règlement régissant les services publics centraux (accréditation des associations de service), 1993, a été élaboré en application de l'article 309 de la Constitution de l'Inde. Cette disposition constitutionnelle traite notamment des "personnes nommées dans la fonction publique et à des postes ayant trait aux affaires de l'Union ou de tout Etat"; il s'agit de personnes dont le statut diffère de celui des salariés de l'industrie. Le gouvernement fait remarquer que le règlement de 1993 s'applique à un grand nombre d'agents des pouvoirs publics, qui sont des fonctionnaires s'occupant de l'administration de l'Etat.
- 310. S'agissant de l'allégation selon laquelle le règlement régissant l'accréditation a été adopté arbitrairement sans consultation avec les syndicats, contrairement à ce que prévoient le système de consultations paritaires (JCM) et le mécanisme d'arbitrage obligatoire (CAS), le gouvernement déclare qu'il a été élaboré en consultation ou avec l'accord des membres du JCM. Par ailleurs, compte tenu de l'esprit du système JCM, la question même de l'élaboration du nouveau règlement a été examinée avec le Conseil national du JCM ainsi qu'avec un comité constitué à cet effet. Mais, malgré une série de réunions, les agents ont fait savoir au gouvernement qu'ils n'arrivaient pas à soumettre un projet de règlement commun. Néanmoins, le gouvernement a examiné à maintes reprises avec les représentants des syndicats existants les différents aspects du règlement, et il déploie actuellement tous les efforts possibles pour que sa mise en oeuvre se fasse sans heurts.
- 311. En outre, le gouvernement ajoute qu'il est incorrect d'alléguer que l'accréditation accordée aux syndicats existants sera révoquée après un laps de temps donné. Le nouveau règlement tente seulement de prescrire un certain nombre de restrictions et conditions raisonnables que les syndicats d'agents de l'Etat sont tenus de respecter avant d'être reconnus par le gouvernement. Tout comme un nouveau syndicat doit remplir certaines conditions prescrites par les règles pour être reconnu, les syndicats existants doivent également satisfaire à ces conditions pour continuer à l'être, ceci afin d'assurer une uniformité. Les syndicats ou fédérations existants sont encore reconnus de façon à permettre une transition sans heurts. Jusqu'à présent, aucun syndicat de service n'a cessé d'être reconnu.
- 312. De même, la disposition no 5(c) n'a pas été élaborée en vue de disloquer les syndicats et les fédérations. Le nouveau règlement s'efforce d'obtenir la constitution de syndicats d'agents du gouvernement de catégories distinctes, de façon que les syndicats soient homogènes et afin d'éviter des conflits d'intérêt entre deux éléments constitutifs d'un syndicat. Cette disposition, qui ne viole aucun principe de la liberté syndicale, vise seulement à permettre le bon fonctionnement des syndicats. Qui plus est, ce règlement n'interdit pas la formation de syndicats mixtes. En outre, le gouvernement indique que ce règlement prévoit l'accréditation des syndicats de base, et non des fédérations, puisque l'affiliation d'un agent gouvernemental ne concerne que ces syndicats de base et non les fédérations. La question de l'accréditation d'une fédération ne se pose donc que lorsque des syndicats de base reconnus souhaitent se fédérer. Des directives en matière d'accréditation des fédérations seront élaborées si nécessaire en temps opportun.
- 313. Le gouvernement évoque ensuite l'allégation selon laquelle la disposition no 5(d) est discriminatoire parce que, lorsqu'un seul syndicat regroupe un minimum de 35 pour cent du total des agents d'une catégorie, elle permet à un autre syndicat, qui compte entre 15 et moins de 35 pour cent d'adhérents de cette catégorie, d'être reconnu. Rejetant l'argument selon lequel la disposition contestée entraînerait une prolifération de syndicats concurrents pour chaque catégorie d'agents, le gouvernement indique en premier lieu que le minimum de 35 pour cent d'adhérents a été fixé seulement pour garantir que le syndicat reconnu soit à même de représenter les intérêts d'un grand nombre d'agents d'une catégorie donnée et pour limiter la rivalité intersyndicale. Il ne s'agit pas de briser l'unité des travailleurs. Dans le cadre de ce règlement, seuls deux syndicats comptant le plus d'adhérents sont reconnus. Le but visé par l'accréditation d'un autre syndicat, second en importance numérique (moins de 35 mais plus de 15 pour cent d'adhérents), est de permettre l'expression d'une opinion minoritaire.
- 314. Au sujet des clauses (e) et (g) de la disposition no 5 qui interdisent à d'anciens agents, ou à des agents retraités, de devenir membres ou responsables d'un syndicat, le gouvernement indique que l'affiliation syndicale est limitée aux agents en activité et ne s'adresse pas aux retraités. Dans le règlement antérieur, la disposition était identique. La raison en est que les syndicats de service sont formés en vue de protéger les intérêts d'agents gouvernementaux pour ce qui a trait aux conditions d'emploi, de protection sociale, etc. Il s'ensuit que les membres et les responsables des syndicats doivent être exclusivement des agents gouvernementaux, ne serait-ce que pour pouvoir négocier efficacement. Pour que les agents en service puissent exécuter correctement leurs fonctions au sein d'un syndicat, le gouvernement a mis en place différentes mesures, tels l'octroi d'un congé syndical, etc.
- 315. En ce qui concerne les différentes clauses de la disposition no 6 qui prévoient des restrictions ayant trait aux publications des syndicats et à leur droit de correspondre avec des organes internationaux, le gouvernement répond que les syndicats de service sont formés en vue de promouvoir les intérêts des agents gouvernementaux actifs pour des questions relevant des conditions d'emploi, de la protection sociale, etc. Les activités de ces syndicats doivent être conformes aux buts et objectifs pour lesquels ils ont été constitués. Ces dispositions sont destinées à garantir le fonctionnement des syndicats dans un cadre conforme aux règles (de conduite) régissant le service public central.
- 316. Enfin, le gouvernement indique que la décision de vérifier l'affiliation aux syndicats grâce à un système de prélèvement à la source des cotisations sur les salaires a été prise après d'amples délibérations. Ce système prévaut déjà dans le secteur bancaire. Il est incorrect d'alléguer que par le biais de ce système de vérification le gouvernement pourra influencer le choix des travailleurs vis-à-vis de tel ou tel syndicat. Le prélèvement à la source ne se fera qu'après réception d'une déclaration de chaque agent et vérification de son affiliation auprès du responsable du syndicat en question. Les craintes évoquées sont donc sans fondement. En outre, en ce qui concerne le prélèvement des cotisations, le gouvernement a déjà envoyé des instructions modifiant la périodicité des prélèvements qui d'annuels deviennent mensuels.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 317. Le comité note que les allégations dans ce cas concernent la promulgation unilatérale et arbitraire par le gouvernement d'un nouveau règlement régissant les services publics centraux (accréditation des syndicats de service, 1993), qui influe sur les conditions d'emploi d'au moins l 500 000 agents du gouvernement central. Il est également allégué que les conditions prescrites par ce règlement portant détermination du caractère représentatif d'un syndicat aux fins de la négociation collective sont déraisonnables et en violation de la liberté syndicale.
- 318. S'agissant de la consultation, le comité note l'assertion des organisations plaignantes selon laquelle les règles précitées ont été édictées sans que les syndicats aient été suffisamment consultés, contrairement à ce que prévoient les dispositions du système de consultations paritaires (JCM) et du mécanisme d'arbitrage obligatoire (CAS). Toutefois, le gouvernement déclare que ces nouvelles règles ont été élaborées en consultant le Conseil national du JCM et que, en outre, un comité a été constitué à cet effet mais que, après avoir tenu une série de réunions, les représentants des agents qui en étaient membres n'ont pu dégager une position commune à soumettre au gouvernement. Etant donné la différence d'appréciation des événements qui se sont produits avant que ne soient adoptées ces nouvelles règles, le comité ne peut que rappeler le principe selon lequel il essentiel que l'introduction d'un projet de loi affectant la négociation collective ou les conditions d'emploi soit précédée de consultations complètes et détaillées avec les organisations intéressées de travailleurs et d'employeurs. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 931.)
- 319. Pour ce qui est de l'allégation selon laquelle l'accréditation déjà accordée aux syndicats existants d'agents du gouvernement central sera révoquée un an et demi après la date de l'adoption des nouvelles règles si les syndicats visés n'observent pas leurs conditions, le gouvernement répond que les règles tentent seulement d'établir diverses restrictions et conditions raisonnables auxquelles les nouveaux syndicats, ainsi que ceux existant déjà, doivent souscrire pour être reconnus. Par ailleurs, aucune accréditation de syndicat de service n'a été révoquée à ce jour. De l'avis du comité, la question de savoir si la révocation de l'accréditation est conforme à la liberté syndicale dépend dans une grande mesure de la compatibilité des conditions prescrites dans les nouvelles règles avec les principes de la liberté syndicale. Le comité se prononcera sur cette question dans les paragraphes suivants.
- 320. Les organisations plaignantes allèguent que, en vertu de la disposition no 5(c) qui stipule que l'affiliation est limitée aux agents gouvernementaux d'une catégorie distincte ayant un intérêt commun, aucune fédération ni syndicat mixte ne sera reconnu, ce qui provoquera l'éclatement de la plupart des syndicats existants formés essentiellement par différentes catégories d'agents et réduira leur pouvoir de négociation collective. Le gouvernement, quant à lui, déclare que cette disposition vise à rendre les syndicats homogènes et à éviter les conflits d'intérêts. En outre, cette disposition n'interdit pas de former des syndicats mixtes ou des fédérations puisque les règles en question précisent seulement les conditions de l'accréditation des syndicats de premier degré et non pas de fédérations. Cependant, le gouvernement reconnaît que des directives régissant l'accréditation des fédérations pourront être publiées plus tard. A cet égard, le comité rappelle au gouvernement que les fédérations et les confédérations devraient pouvoir conclure des conventions collectives. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 783.) Le comité rappelle en outre au gouvernement que, s'agissant de restrictions limitant l'affiliation des agents et employés de la fonction publique à un syndicat réservé à cette seule catégorie de travailleurs, on peut admettre que les organisations de base des agents de la fonction publique puissent être limitées à cette catégorie de travailleurs, à condition, toutefois, qu'il ne soit pas prévu simultanément que ces organisations doivent se limiter aux agents d'un ministère, département ou service particulier et que les organisations de base d'agents de la fonction publique puissent s'affilier librement aux fédérations et confédérations de leur choix. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 285.) Donc, la restriction visant à limiter l'affiliation aux organisations de base à des agents ayant un intérêt commun peut être admise, pour autant qu'elle ne s'applique pas à l'affiliation aux organisations de niveau supérieur.
- 321. Pour ce qui est de l'allégation selon laquelle la disposition no 5(d) (qui permet à une seconde association comptant au moins 15 pour cent mais moins de 35 pour cent d'affiliés d'une même catégorie d'être reconnue) provoquera une prolifération de syndicats concurrents pour une même catégorie d'agents, le gouvernement indique qu'en vertu de cette disposition seuls deux syndicats comptant le plus grand nombre d'affiliés pourront être reconnus. Par ailleurs, la disposition no 5(d) n'a pas pour but de démanteler l'unité des travailleurs mais bien d'assurer l'existence d'une opinion minoritaire. Le comité a déclaré lors d'occasions précédentes que, si aucun syndicat ne regroupe plus de 50 pour cent des travailleurs, les droits de négociation collective devraient cependant être accordés aux syndicats de cette unité au moins au nom de leurs propres membres. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 833.) Dans ce cas concret, les droits de négociation collective sont accordés à un second syndicat d'une catégorie donnée d'agents alors que le premier syndicat dispose d'un minimum de 35 pour cent d'affiliés de la même catégorie. Puisque la disposition no 5(d) permet de conférer le droit de négocier à un autre syndicat à condition qu'il n'existe qu'un seul syndicat regroupant 35 pour cent au moins des agents, le comité est d'avis que cette disposition n'enfreint pas les principes de la liberté syndicale.
- 322. Au sujet des clauses (e) et (g) de la disposition no 5 qui interdisent aux agents retraités et aux anciens agents de devenir membres ou d'occuper une responsabilité dans un syndicat, le comité note l'argument du gouvernement selon lequel, puisque les syndicats de service sont constitués en vue de protéger les intérêts d'agents gouvernementaux en place pour ce qui a trait aux conditions d'emploi, à la protection sociale, etc., il s'ensuit que la qualité de membre ou de responsable doit être limitée aux seuls agents gouvernementaux en service, ne serait-ce que pour permettre des négociations effectives. A cet égard, le comité souligne avant tout que les agents à la retraite ou les anciens agents doivent avoir le droit de s'affilier à une organisation de leur propre choix et que, dans ce cas, ils doivent avoir le droit d'être membre de syndicats de service s'ils le souhaitent. Quoi qu'il en soit, il revient aux organisations mêmes de spécifier, dans leurs constitutions ou règlements, quels sont les droits des agents retraités ou des anciens agents. S'agissant du droit d'occuper une responsabilité syndicale, le comité attire l'attention du gouvernement sur le principe général selon lequel le droit des organisations de travailleurs d'élire librement leurs dirigeants constitue une condition indispensable pour qu'elles puissent effectivement agir en toute indépendance et promouvoir avec efficacité les intérêts de leurs membres. Pour que ce droit soit pleinement reconnu, il importe que les autorités publiques s'abstiennent de toute intervention de nature à en entraver l'exercice, que ce soit dans la détermination des conditions d'éligibilité des dirigeants ou dans le déroulement des élections elles-mêmes. Pour rendre conformes au principe de la liberté d'élection les dispositions qui limitent l'accès aux fonctions syndicales aux personnes travaillant effectivement dans la profession considérée, il est pour le moins nécessaire d'assouplir ces dispositions en acceptant la candidature de personnes qui ont travaillé à une époque antérieure pour la profession et en levant les conditions prévues quant à l'appartenance à la profession pour une proportion raisonnable des organisations. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 353 et 371.) Le comité prie donc le gouvernement de prendre des mesures visant à amender la disposition no 5(e) et (g) en conséquence.
- 323. En ce qui concerne les différentes clauses de la disposition no 6 qui, selon les allégations, imposent des restrictions aux activités syndicales, le comité note en effet que la disposition no 6(g) stipule que tout amendement à la constitution ou au règlement d'un syndicat "ne sera apporté qu'après avoir obtenu l'approbation du gouvernement". A cet égard, le comité a souligné que les amendements aux statuts syndicaux doivent faire l'objet d'un débat et être adoptés par les membres du syndicat eux-mêmes. En vue de garantir pleinement le droit des organisations de travailleurs d'élaborer leurs statuts et règlements en toute liberté, la législation nationale ne devrait fixer que des conditions de forme en ce qui concerne les statuts des syndicats, et les statuts et règlements ne devraient pas être soumis à l'accord préalable des pouvoirs publics pour entrer en vigueur. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 342 et 333.) Par conséquent, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures visant à amender la disposition no 6(g) de façon que les amendements aux statuts ou aux règlements d'un syndicat ne soient pas soumis à une approbation gouvernementale préalable.
- 324. De même, le comité observe qu'un syndicat "ne créera ni publiera de périodique, magazine ou bulletin sans une approbation préalable du gouvernement" (disposition no 6(h)); "cessera de publier tout périodique, magazine ou bulletin, si le gouvernement l'en instruit, en raison des préjudices portés par la publication aux intérêts du gouvernement central, à ceux du gouvernement de tout état ou à toute forme d'autorité gouvernementale ou aux bonnes relations entre les agents gouvernementaux et le gouvernement ou à toute autorité gouvernementale, ou aux bonnes relations entre le gouvernement de l'Inde et le gouvernement d'un Etat étranger" (disposition no 6(i)); et "n'enverra aucune communication ni correspondance à une autorité étrangère si ce n'est par l'entremise du gouvernement qui aura le droit de s'y opposer" (disposition no 6(j)). Le comité a souligné lors d'occasions précédentes que le droit d'exprimer des opinions sur tous les sujets d'intérêt général ou particulier concernant les syndicats et leurs membres par la voie de la presse ou autrement est l'un des éléments essentiels des droits syndicaux. De plus, la crainte des autorités de voir un journal syndical servir à des fins politiques étrangères aux activités syndicales ou, du moins, dépassant largement le cadre normal de celles-ci n'est pas une raison légitime pour refuser l'autorisation de paraître à un tel journal. Enfin, le principe d'après lequel les organisations nationales de travailleurs ont le droit de s'affilier à des organisations internationales entraîne pour ces organisations le droit de se tenir en contact et notamment d'échanger leurs publications d'ordre syndical. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 153, 154, 160, 161 et 634.) Le comité demande en conséquence au gouvernement de prendre des mesures visant à amender les clauses (h), (i) et (j) de la disposition no 6 conformément aux principes précités.
- 325. Enfin, le comité note que la disposition no 7 stipule que la vérification effectuée par le gouvernement de l'affiliation aux fins d'accréditation d'un syndicat de service "se fera par le système de prélèvement à la source des cotisations sur les salaires selon une périodicité et un mode que le gouvernement pourra fixer". Le comité estime, d'une manière générale, que des critères objectifs précis et préétablis pour déterminer la représentativité d'une organisation d'employeurs ou de travailleurs doivent exister dans la législation, et que cette appréciation ne saurait être laissée à la discrétion des gouvernements. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 315.) Le comité considère que cette volonté de s'assurer du caractère représentatif du syndicat ou de le vérifier se concrétise le mieux lorsqu'il existe de fortes garanties en matière de secret et d'impartialité. Par conséquent, la vérification du caractère représentatif d'un syndicat doit a priori être effectuée par un organe indépendant et impartial. Le comité demande donc au gouvernement de prendre des mesures en vue d'amender la disposition no 7 en conséquence.
- 326. Plus généralement, le comité observe que les nouvelles règles en matière d'accréditation régissent les questions relatives aux syndicats de service dans trop de détails. A cet égard, le comité attire l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel aucune législation syndicale ne doit porter atteinte aux droits des travailleurs définis dans les principes de la liberté syndicale. Des prescriptions législatives trop détaillées et trop strictes en la matière freinent en pratique la création et le développement des organisations syndicales. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 332.)
- 327. Pour revenir à la question initiale de savoir si la disposition no 4 (qui retire l'accréditation déjà accordée aux syndicats existants d'agents du gouvernement central si elles ne respectent pas les conditions figurant dans les nouvelles règles) est compatible ou non avec la liberté syndicale, le comité note que, même si certaines des conditions figurant dans les nouvelles règles sont conformes aux principes de la liberté syndicale, d'autres ne le sont pas, comme cela est expliqué dans les paragraphes précédents. Le comité est donc tenu de conclure que le retrait de l'accréditation aux syndicats d'agents du gouvernement central n'est pas conforme à la liberté syndicale dans la mesure où les conditions fixées par les nouvelles règles en matière de reconnaissance sont elles-mêmes incompatibles avec les principes de la liberté syndicale. Le comité prend dûment acte de la déclaration du gouvernement selon laquelle aucun syndicat de service existant n'a cessé d'être reconnu. Il prie le gouvernement d'adhérer strictement à cette pratique jusqu'à ce que les mesures appropriées aient été prises en vue d'amender les dispositions des nouvelles règles en matière de reconnaissance incompatibles avec les principes de la liberté syndicale.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 328. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité rappelle qu'il est essentiel que l'introduction d'un projet de loi influant sur la négociation collective ou sur les conditions d'emploi soit précédée de consultations complètes et détaillées avec les organisations intéressées de travailleurs et d'employeurs.
- b) Le comité rappelle au gouvernement que les fédérations et les confédérations devraient avoir le droit de conclure des conventions collectives. Il rappelle en outre que, s'agissant des restrictions limitant l'affiliation des agents et employés de la fonction publique à un syndicat réservé à cette seule catégorie de travailleurs, on peut admettre que les organisations de base des agents de la fonction publique puissent être limitées à cette catégorie de travailleurs, à condition, toutefois, qu'il ne soit pas prévu simultanément que ces organisations doivent se limiter aux agents d'un ministère, département ou service particulier, et que les organisations de base d'agents de la fonction publique puissent s'affilier librement aux fédérations et confédérations de leur choix.
- c) Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures en vue d'amender les dispositions nos 5(e) et (g), 6(g), (h), (i) et (j), et 7 du nouveau règlement régissant les services publics centraux (Accréditation des syndicats de service, 1993), conformément aux principes énoncés en détail dans ses conclusions. Il demande au gouvernement de le tenir informé de tout progrès fait à cet égard.
- d) Le comité demande au gouvernement d'adhérer strictement à la pratique de ne pas révoquer l'accréditation des syndicats de service existants tant que des mesures appropriées n'auront pas été prises en vue d'amender les dispositions du nouveau règlement qui sont incompatibles avec les principes de la liberté syndicale. Il demande au gouvernement de le tenir informé de toute évolution dans ce domaine.