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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 299, Juin 1995

Cas no 1813 (Pérou) - Date de la plainte: 17-NOV. -94 - Clos

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  1. 383. La plainte faisant l'objet du présent cas figure dans une communication de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) en date du 17 novembre 1994. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication datée du 5 avril 1995.
  2. 384. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de la confédération plaignante

A. Allégations de la confédération plaignante
  1. 385. Dans sa communication en date du 17 novembre 1994, la CISL allègue que le 11 novembre 1994 un groupe de travailleurs du Syndicat des travailleurs des travaux publics s'est rendu à une entrevue avec la présidente de la Société de développement de Callao (CORDECALLAO) pour exiger l'application des droits des travailleurs, qui avaient été privés du paiement de leurs salaires et de leurs prestations sociales prévu par la loi. La CISL ajoute que la direction de la société a refusé de recevoir la délégation des travailleurs et que les forces de sécurité de la CORDECALLAO, obéissant aux ordres donnés de l'intérieur des installations, ont attaqué cette délégation. A la suite de cette agression, les syndicalistes Alipio Chauca de la Cruz et Juan Marcos Donayre Cisneros ont été assassinés, 11 travailleurs ont été grièvement blessés, et six d'entre eux ont été arrêtés illégalement.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 386. Dans sa communication en date du 5 avril 1995, le gouvernement déclare que, d'après le rapport du ministère de l'Intérieur en date du 27 octobre 1994, le Syndicat des travailleurs des travaux publics de la province de Callao a adressé une lettre à la présidente de la direction de la Société de développement de Callao (CORDECALLAO) dans laquelle il sollicitait une entrevue pour régler diverses affaires liées aux travaux financés par la CORDECALLAO; ce document précisait que, lors de la dernière assemblée générale, "... ils s'étaient mis d'accord pour réitérer la présente demande de dialogue, faute de quoi le comité exécutif du syndicat serait habilité à convoquer les membres à une visite aux installations de la CORDECALLAO"; ce fait a été porté à la connaissance de la direction générale de ladite société le 4 novembre 1994. En réponse à la demande, le secrétaire général de la CORDECALLAO a envoyé une lettre, en date du 10 novembre 1994, les convoquant à une réunion de coordination le vendredi 11 novembre 1994 au bureau de la direction générale de la CORDECALLAO.
  2. 387. Le gouvernement ajoute que, le jour de la réunion, les travailleurs de Callao ont été informés par le personnel de sécurité de l'entreprise que les responsables qui devaient participer à la réunion n'étaient pas dans leurs bureaux respectifs. Cette information a été mal interprétée par les travailleurs qui ont pensé que l'on n'allait pas leur répondre; la masse des travailleurs se trouvant à l'extérieur des locaux, poussée par des "agitateurs", a commencé à protester en tentant d'investir les locaux par la force et en provoquant des dégâts matériels. Dans ces circonstances, le personnel de sécurité s'est vu dans l'obligation de faire usage de ses armes à feu en tirant d'abord en l'air, puis sur la foule. Deux travailleurs ont trouvé la mort, sept ont été blessés et quelques autres ont été arrêtés. La police nationale a immédiatement pris connaissance de ces faits et s'est rendue dans les installations de la CORDECALLAO, réussissant à rétablir l'ordre après avoir établi le dialogue avec les dirigeants du syndicat.
  3. 388. Le gouvernement fait savoir que, s'agissant de la mort de Juan Marcos Donayre Cisneros et de celle de Alipio Chauca de la Cruz, celles-ci ont eu lieu à la suite des troubles causés par les travailleurs, et qu'elles ont été provoquées par des projectiles d'armes à feu dont disposait le personnel de sécurité privé appartenant à la Société Real S.A. qui prête ses services à la CORDECALLAO. En ce qui concerne ce point particulier, le gouvernement signale que, suite à la saisine du Procureur de la province de Callao, le sixième juge pénal de Callao instruit une enquête contre les trois vigiles privés auteurs présumés des meurtres et des blessures dont ont été victimes les travailleurs.
  4. 389. Le gouvernement indique également qu'en ce qui concerne les arrestations des travailleurs Félix Castillo Pérez, Eli Pando Malpartida, Antonio Yupanqui Oré, José Palacios Huamanchuco, Felipe Gutiérrez Cárdenas et Julio Camacho Díaz, celles-ci ont eu lieu en raison de l'existence d'accusations concrètes d'atteinte à la paix et à l'ordre public, délit prévu et puni par l'article 315 du Code pénal en vigueur (délit contre l'ordre public), et ces travailleurs ont été mis à la disposition de la Division de la sécurité de l'Etat pour procéder aux enquêtes correspondantes. En aucune façon, ce fait ne peut être assimilé à une restriction apportée à l'exercice des droits syndicaux. Dans le cas présent, les travailleurs n'ont pas respecté la légalité puisqu'ils ont transgressé l'ordre public, d'autant plus que, selon la teneur même de la lettre envoyée par le syndicat, il apparaît qu'ils étaient disposés à provoquer des désordres. Concrètement, la teneur de la lettre était la suivante: A plusieurs reprises, le syndicat a demandé que lui soit accordée une entrevue officielle pour examiner les divers problèmes qui se présentent dans les travaux financés par la CORDECALLAO, ainsi que pour trouver un mécanisme adéquat pour que, dans les travaux qu'elle entreprend, la CORDECALLAO accorde la priorité ou une plus large participation aux chômeurs de la construction de Callao. En outre, le syndicat a suggéré d'accorder la priorité aux travaux de développement dans les zones les plus touchées de la province de Callao. Lors de la dernière assemblée générale, les membres du syndicat se sont mis d'accord pour réitérer la présente demande de dialogue et ont estimé qu'à défaut le comité exécutif de notre syndicat serait habilité à convoquer les membres à une visite aux installations de CORDECALLAO afin d'expliquer la réalité des travaux.
  5. 390. En outre, en ce qui concerne les travailleurs blessés: César Aldunate Nolberto, Samuel Mendoza Cachari, Faustino Gonzales Fabrián, Segundo Aguilar Anaya, Segundo Castro Davi, Joel Ortega Osorio et Rafael Contreras Jorge, ceux-ci ont été pris en charge par des professionnels de la santé.
  6. 391. Le gouvernement fait remarquer que la CORDECALLAO n'a aucun lien contractuel de travail avec un quelconque travailleur de la construction et qu'elle n'a aucune compétence légale pour obliger les entreprises sous-traitantes à pourvoir les emplois avec des travailleurs affiliés à un syndicat particulier.
  7. 392. Le gouvernement déclare qu'il serait souhaitable de demander aux organisations syndicales d'épuiser les voies de recours internes nationales pour obtenir la sauvegarde de leurs droits. Enfin, le gouvernement déplore l'attitude du Syndicat des travailleurs des travaux publics de Callao et fait savoir que les travailleurs de la CORDECALLAO ainsi que certains directeurs des collèges voisins des lieux des troubles se sont unis à cette proposition.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 393. Le comité note que les allégations se réfèrent à la mort de deux syndicalistes, aux blessures graves de 11 travailleurs et à l'arrestation de six travailleurs qui se rendaient à une entrevue avec des représentants de la direction de la Société pour le développement de Callao (CORDECALLAO) qui ne se sont pas présentés.
  2. 394. En rapport avec ces actes de violence, le comité note que le gouvernement déclare que: i) la lettre du syndicat demandant l'entrevue avec les dirigeants de la CORDECALLAO signalait qu'on n'avait pas donné suite à des demandes d'entrevues antérieures et qu'elle était rédigée en termes menaçants; ii) le jour de l'entrevue, en interprétant mal les informations données par des gardes de la sécurité de la CORDECALLAO selon lesquelles les personnes avec qui la réunion allait se dérouler n'étaient pas dans leur bureau, les travailleurs, poussés par des agitateurs, ont tenté d'investir les locaux par la force, provoquant des dégâts matériels; iii) le personnel de sécurité s'est vu dans l'obligation de faire usage de ses armes à feu, causant la mort de deux travailleurs et en blessant sept; iv) la police a rétabli l'ordre public en entretenant un dialogue avec les dirigeants du syndicat; v) des enquêtes judiciaires ont été ouvertes, et trois gardes de la CORDECALLAO, coupables présumés des meurtres et des blessures dont ont été victimes les travailleurs, ont été inculpés; vi) six travailleurs, accusés d'atteinte à la paix et à l'ordre public (délit contre l'ordre public), ont été arrêtés.
  3. 395. A cet égard, tout en déplorant les morts des syndicalistes Alipio Chauca de la Cruz et Juan Marcos Donayre Cisneros ainsi que les graves blessures dont ont été victimes plusieurs travailleurs (11 selon l'organisation plaignante et 7 selon le gouvernement), le comité note que l'organisation plaignante et le gouvernement fournissent des versions différentes des violences qui ont eu lieu. En tout état de cause, le comité déplore les actions des gardes de la sécurité de la CORDECALLAO, qui ont entraîné la mort de deux syndicalistes et de graves blessures à plusieurs travailleurs. Observant qu'une enquête judiciaire est actuellement en cours, le comité insiste sur le fait que celle-ci doit éclaircir les faits, établir les responsabilités et sanctionner les coupables. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de l'enquête judiciaire en cours.
  4. 396. En ce qui concerne l'arrestation de six travailleurs à la suite des troubles, le comité note que, selon le gouvernement, MM. Félix Castillo Pérez, Eli Pando Malpartida, Antonio Yupanqui Oré, José Palacios Huamanchuco, Felipe Gutiérrez Cárdenas et Julio Camacho Díaz ont été arrêtés pour délit d'atteinte à la paix et à l'ordre public (art. 315 du Code pénal). Etant donné la divergence entre les versions de l'organisation plaignante (selon les allégations, les travailleurs auraient été arrêtés illégalement) et du gouvernement (selon sa version, ils auraient commis des délits), le comité espère que la procédure judiciaire sera rapidement conclue et que les travailleurs encore détenus seront libérés immédiatement dans le cas où ils seraient détenus pour avoir exercé des activités syndicales légitimes.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 397. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Regrettant profondément la mort des syndicalistes Alipio Chauca de la Cruz et Juan Marcos Donayre Cisneros et les graves blessures dont ont été victimes plusieurs travailleurs, le comité insiste sur le fait que l'enquête judiciaire en cours doit éclaircir les faits, établir les responsabilités et sanctionner les coupables. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l'issue de cette enquête judiciaire.
    • b) Le comité espère que la procédure judiciaire sera rapidement conclue et que les travailleurs détenus (MM. Félix Castillo Pérez, Eli Pando Malpartida, Antonio Yupanqui Oré, José Palacios Huamanchuco, Felipe Gutiérrez Cárdenas et Julio Camacho Díaz) seront relâchés immédiatement dans le cas où ils seraient détenus pour avoir exercé des activités syndicales légitimes.
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