58. Les plaintes qui font l'objet du présent cas figurent dans des communications des 14 juin et 1er août 1994 de la Confédération mondiale du travail (CMT), du Congrès des travailleurs argentins (CTA) et de l'Union des conducteurs de tramways et d'autocars (UTA), respectivement. Par la suite, ces organisations ont adressé des informations complémentaires à l'appui de leur plainte: la CMT: 24 avril 1995, le CTA: 5 août et 1er septembre 1994 et l'UTA: 2 août et novembre 1994. Dans une communication datée du 20 décembre 1994, la Fédération internationale des ouvriers du transport (FITT) s'est associée à la plainte présentée par l'UTA.
- 58. Les plaintes qui font l'objet du présent cas figurent dans des communications des 14 juin et 1er août 1994 de la Confédération mondiale du travail (CMT), du Congrès des travailleurs argentins (CTA) et de l'Union des conducteurs de tramways et d'autocars (UTA), respectivement. Par la suite, ces organisations ont adressé des informations complémentaires à l'appui de leur plainte: la CMT: 24 avril 1995, le CTA: 5 août et 1er septembre 1994 et l'UTA: 2 août et novembre 1994. Dans une communication datée du 20 décembre 1994, la Fédération internationale des ouvriers du transport (FITT) s'est associée à la plainte présentée par l'UTA.
- 59. Le gouvernement a fait part de ses observations dans des communications datées des 5 septembre 1994, 30 mai et 10 juillet 1995.
- 60. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 61. La Confédération mondiale du travail (CMT) allègue que le gouvernement s'est livré à une interprétation restrictive de la loi syndicale en vigueur et en violation de la convention no 87 en refusant d'enregistrer le Congrès des travailleurs argentins (CTA) (organisation de troisième degré regroupant notamment la Confédération du personnel de l'enseignement de la République argentine, l'Association judiciaire argentine, l'Association des agents de l'Etat, le Syndicat argentin des ouvriers des chantiers navals, etc.).
- 62. Le Congrès des travailleurs argentins (CTA) explique qu'il est une organisation syndicale de troisième degré qui regroupe des associations de deuxième et de premier degré, mais que le gouvernement a rejeté sa demande lorsqu'il a sollicité son enregistrement en mai 1993. Le CTA précise qu'en raison de la politique économique et sociale du gouvernement il a décidé (avec le Mouvement des travailleurs argentins, organisation de travailleurs qui n'a pas non plus été enregistrée) d'organiser le 2 août 1994 une grève, à laquelle se sont associées d'autres organisations jouissant du statut syndical. L'organisation plaignante indique que la grève et la pétition adressée au pouvoir exécutif avaient notamment pour objet d'obtenir l'élaboration d'un plan national pour l'emploi, le redressement du marché interne et des économies régionales, la stabilité et la protection de l'emploi, la liberté de conclure des conventions collectives, la gratuité de l'enseignement à tous les niveaux, un système national de santé public, etc. Le CTA ajoute que le ministère du Travail a publié une résolution dans laquelle il a déclaré la grève illégale et ordonne aux organisations de ne pas donner suite à leur projet sous peine de sanctions. Enfin, le CTA indique que, pour déclarer la grève illégale, le gouvernement a invoqué comme raison principale le fait que le statut syndical n'avait pas été reconnu à ces organisations. Le CTA insiste sur le fait que les organisations professionnelles jouissent du droit de grève et qu'il ne s'agit pas là d'un droit uniquement réservé à celles qui sont dotées du statut syndical.
- 63. L'Union des conducteurs de tramways et d'autocars (UTA) s'est également référée à la grève du 2 août 1994 en faisant observer qu'elle n'était pas inspirée par un esprit partisan et qu'elle n'avait pas non plus pour objet de troubler l'ordre public, mais qu'elle ne représentait que l'expression d'une protestation de plusieurs secteurs contre la politique économique et sociale du gouvernement. L'UTA a indiqué que le ministère du Travail avait déclaré la grève illégale et menacé de sanctions les organisations qui y participeraient. Dans les jours qui ont suivi la grève, des enquêtes ont été ouvertes contre les syndicats impliqués et notamment contre l'UTA. Selon cette dernière, les décisions de l'autorité administrative ont été contradictoires puisque, d'un côté, elle a autorisé le recours à la grève dans la mesure où les services minimums étaient assurés et, de l'autre, elle a déclaré la grève illégale et elle a sanctionné les organisations qui y participaient.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 64. Dans ses communications des 5 septembre 1994, 30 mai et 10 juillet 1995, le gouvernement déclare que le CTA est une organisation syndicale de troisième degré qui présente un certain nombre de particularités structurelles en ce qui concerne sa représentativité dans la mesure où il permet à certaines personnes de s'y affilier directement - par exemple à des retraités, à des chômeurs ou à des travailleurs indépendants - contrairement à ce qui est prévu par la loi no 23551 sur les organisations syndicales. Le gouvernement ajoute en effet que les organisations syndicales doivent choisir l'une des formes prévues par la loi, ainsi les confédérations ou associations de troisième degré sont celles qui regroupent des associations, unions ou syndicats de premier degré ainsi que des fédérations ou associations syndicales de deuxième degré. La mise en oeuvre de ce précepte juridique ne met pas en cause la liberté syndicale puisqu'il s'agit d'une règle élémentaire qui vise à faciliter la cohabitation harmonieuse au sein d'une organisation sociale. Le gouvernement précise que l'organisation plaignante doit adapter sa structure organique aux dispositions de la loi en vigueur avant d'obtenir son inscription légale. Le gouvernement joint à sa réponse le rapport du ministère du Travail qui énumère les motifs de rejet de la demande d'enregistrement; il objecte au fait que des individus puissent s'affilier directement à une organisation du troisième degré en faisant valoir, par exemple, qu'au sein du congrès d'une organisation syndicale "une certaine homogénéité doit exister entre les membres représentés en vue d'établir une véritable démocratie interne" et précise "qu'une confédération ne regroupe que des associations syndicales".
- 65. En ce qui concerne la déclaration d'illégalité de la grève, le gouvernement affirme que le droit de grève consacré par la Constitution nationale est l'abstention concertée et collective de la prestation de travail dans le but de faire pression sur les employeurs afin d'obtenir la satisfaction de certaines revendications de caractère syndical et non, comme dans le présent cas, pour faire pression sur les pouvoirs publics afin d'obtenir qu'ils prennent ou cessent de prendre certaines mesures qui relèvent de leur compétence. Il indique que la Constitution nationale, en rapprochant les dispositions relatives à la grève de celles qui concernent le droit de conclure des conventions collectives et le droit de recourir à la conciliation et à l'arbitrage, souligne que le droit de grève vise à défendre les intérêts des travailleurs; or pratiquement aucune des organisations syndicales qui se sont associées à la grève n'avait à ce moment-là de différend d'ordre professionnel avec les employeurs. Le gouvernement soutient que l'arrêt de travail considéré constituait une grève de caractère nettement politique puisqu'il ne s'agissait pas de défendre les intérêts particuliers ou spécifiques des travailleurs d'un secteur donné, mais purement et simplement de s'opposer à la politique sociale et gouvernementale que les organisations instigatrices de la grève déclaraient désapprouver, et qu'il n'est donc pas possible de l'assimiler à un exercice légitime du droit de grève. Le gouvernement admet que les organisations ayant participé à la grève générale ont fait l'objet d'une enquête, mais il précise qu'elles n'ont pas été sanctionnées.
- 66. Enfin, le gouvernement déclare que l'on ne saurait faire abstraction des vicissitudes économiques que l'Argentine connaît depuis de longues années et des répercussions que l'inflation passée a eues sur les Argentins, mais qu'en attribuer la responsabilité aux autorités nationales en place ou à la politique menée dans le domaine du travail et en matière sociale reviendrait à mal interpréter la situation. Il ajoute que le programme actuel du gouvernement a permis de résoudre le problème de l'inflation endémique et que l'Accord-cadre pour l'emploi, la productivité et la justice sociale conclu par le gouvernement et les organisations syndicales les plus représentatives le 25 juillet 1994 témoigne de la volonté actuelle des pouvoirs publics de satisfaire les revendications des travailleurs.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 67. Le comité constate que les allégations formulées dans le présent cas se réfèrent au refus d'enregistrement d'un syndicat, à la déclaration d'illégalité d'une grève et aux menaces de sanctions à l'encontre des organisations syndicales qui y ont participé.
- 68. En ce qui concerne l'allégation relative au refus de reconnaître le Congrès des travailleurs et de l'enregistrer, le comité prend note des explications fournies par le gouvernement selon lesquelles il a refusé d'enregistrer le CTA parce qu'il s'agit d'une association syndicale de troisième degré qui présente certaines particularités structurelles en ce qui concerne sa représentativité dans la mesure où il permet à des personnes de s'y affilier directement, contrairement aux dispositions de la loi no 23551 relative aux associations syndicales, dont l'article 11 prévoit que: "les associations syndicales peuvent prendre les formes suivantes: a) syndicats ou unions; b) fédérations, lorsqu'elles regroupent des associations de premier degré; c) confédérations, lorsqu'elles rassemblent les associations énumérées aux alinéas précédents".
- 69. Le comité constate à cet égard que le CTA satisfait à la condition définie par la loi pour constituer une organisation de troisième degré, à savoir rassembler des organisations de premier et de deuxième degré. Le comité observe également que, comme l'affirme le gouvernement, les statuts du CTA permettent aux travailleurs sans emploi ou indépendants ainsi qu'aux retraités de s'y affilier directement (article 4 des statuts; une copie desdits statuts est annexée à la réponse du gouvernement). C'est sur la base de cette disposition statutaire du CTA que son enregistrement a été refusé
- 70. A cet égard, le comité rappelle que, conformément à l'article 3 de la convention no 87, les organisations d'employeurs et de travailleurs doivent avoir le droit d'élaborer leurs statuts. Le comité estime donc que l'interdiction d'une affiliation directe de certaines personnes à des fédérations ou confédérations est contraire aux principes de la liberté syndicale. C'est aux organisations elles-mêmes qu'il appartient de déterminer comme elles l'entendent les règles relatives à leur affiliation. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le CTA soit enregistré.
- 71. En ce qui concerne l'allégation concernant la déclaration d'illégalité de la grève organisée par le CTA et d'autres organisations syndicales en vue de protester contre la politique économique et sociale du gouvernement, le comité prend note de l'interprétation du gouvernement selon laquelle l'arrêt de travail en question constituait une grève de caractère nettement politique puisqu'il ne s'agissait pas de défendre les intérêts particuliers ou spécifiques des travailleurs d'un secteur donné, mais purement et simplement d'exprimer son opposition à la politique sociale et gouvernementale, d'où l'impossibilité de la considérer comme un exercice légitime du droit de grève. A cet égard, le comité rappelle au gouvernement qu'à maintes reprises il a fait observer que "les organisations syndicales devraient avoir la possibilité de recourir à des grèves de protestation, notamment en vue d'exercer une critique à l'égard de la politique économique et sociale des gouvernements" (voir 238e rapport, cas no 1309 (Chili), paragr. 360, et 277e rapport, cas no 1549 (République dominicaine), paragr. 445) et que "le droit de grève ne devrait pas être restreint aux seuls différends de travail susceptibles de déboucher sur une convention collective particulière: les travailleurs et leurs organisations doivent pouvoir manifester, le cas échéant, dans un cadre plus large, leur mécontentement éventuel sur des questions économiques et sociales touchant aux intérêts de leurs membres". (Voir 292e rapport, cas no 1698 (Nouvelle-Zélande), paragr. 741.) Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de s'abstenir à l'avenir de déclaration d'illégalité de grèves qui ont pour objet de protester contre la politique économique et sociale du gouvernement.
- 72. En ce qui concerne l'allégation relative aux sanctions infligées aux organisations syndicales ayant participé à la grève (ouverture d'enquêtes), le comité prend bonne note de la réponse du gouvernement selon laquelle, si elles ont effectivement fait l'objet d'enquêtes, aucune sanction n'a été prise à l'encontre des organisations ayant participé à la grève générale du 2 août 1994.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 73. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires en vue d'enregistrer immédiatement le Congrès des travailleurs argentins (CTA).
- b) Le comité demande au gouvernement de s'abstenir à l'avenir de déclaration d'illégalité de grèves qui ont pour objet de protester contre la politique économique et sociale du gouvernement.