ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Rapport définitif - Rapport No. 300, Novembre 1995

Cas no 1741 (Argentine) - Date de la plainte: 10-NOV. -93 - Clos

Afficher en : Anglais - Espagnol

39. La plainte figure dans des communications de la Confédération mondiale du travail (CMT) des 10 et 16 novembre 1993. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications des 11 et 13 mai 1994.

  1. 39. La plainte figure dans des communications de la Confédération mondiale du travail (CMT) des 10 et 16 novembre 1993. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications des 11 et 13 mai 1994.
  2. 40. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
  3. 41. A sa session de novembre 1994, le comité a ajourné l'examen de ce cas et demandé à l'organisation plaignante d'envoyer certains commentaires. (Voir 295e rapport, paragr. 6.) Par des communications des 1er novembre 1994 et 10 juillet 1995, le gouvernement a envoyé de nouvelles informations. Par une communication du 25 avril 1995, la CMT a envoyé ses commentaires.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 42. Dans ses communications des 10 et 16 novembre 1993, la CMT allègue des violations systématiques de la loi no 23551 sur les associations syndicales dans l'Institut d'émission monétaire (Casa de la Moneda). La CMT précise que l'institut a interdit la tenue d'élections qui devaient avoir lieu le 19 décembre 1991 pour désigner les membres du comité interne des délégués de l'Association des travailleurs de l'Etat (ATE) et qu'à présent il refuse de recevoir ce comité de délégués bien qu'il ait été élu en 1992 par 98 pour cent des affiliés de l'ATE.
  2. 43. Enfin, la CMT allègue que les travailleurs affiliés à l'ATE font l'objet de mises à pied et de licenciements arbitraires pour la moindre erreur et que l'effectif de personnel de surveillance a augmenté de manière disproportionnée à seule fin de contrôler les travailleurs. L'organisation plaignante a joint à sa plainte une demande d'informations de la Chambre des députés de la nation adressée au président de l'institut dans laquelle elle relève notamment, dans les motifs, qu'"il existe une situation véritablement intolérable pour les travailleurs qui accomplissent des tâches dans cet organisme: agissements arbitraires de la direction générale, persécutions syndicales, représailles contre le personnel et incompétence de ladite direction générale ..., d'où la nécessité de l'intervention de la Chambre devant cette atteinte aux droits fondamentaux (du travail et syndicaux, notamment) des salariés qui y travaillent et défendent ainsi la souveraineté nationale exprimée par la monnaie". "En effet, à l'Institut d'émission monétaire, l'absence de protection est absolue et totale et se traduit par l'impossibilité de circuler sans laissez-passer, ... la présence de caméras en nombre superflu pour surveiller les mouvements des travailleurs ... des pratiques déloyales contraires à l'éthique des relations professionnelles, etc." La CMT se réfère aussi à une série d'autres pratiques déloyales et de violations des droits du travail de caractère non syndical et qui, pour cette raison, ne sont pas reproduites ici.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 44. Dans sa communication du 11 mai 1994, le gouvernement indique, au sujet du refus des autorités de l'Institut d'émission monétaire de reconnaître le comité interne des délégués de l'Association des travailleurs de l'Etat (ATE) que, traditionnellement, c'est le syndicat majoritaire - l'Union du personnel civil de la nation (UPCN) qui élisait les délégués représentant la totalité du personnel. Ainsi, l'institut a négocié collectivement des augmentations de salaires avec l'UPCN qui ont été homologuées par le ministère du Travail. A cet égard, le gouvernement souligne que la loi no 23551 sur les associations syndicales consacre le principe de l'unité de la représentation syndicale et fixe un nombre de délégués proportionnel aux effectifs de personnel.
  2. 45. Le gouvernement ajoute que, le 6 décembre 1991, l'ATE a procédé à l'élection du comité interne de délégués de l'institut, alors que le comité interne était déjà en fonction et qu'il était composé de membres de l'UPCN dans la proportion fixée par la loi (en l'occurrence 10 délégués). Etant donné que la représentation syndicale des travailleurs dans cette société d'Etat était traditionnellement exercée par l'UPCN et que l'ATE s'est formée ultérieurement, cette dernière a dû demander à la Direction nationale des associations syndicales d'appliquer la procédure de représentativité pour déterminer laquelle des deux entités assumerait la représentation des droits des travailleurs. Cette formalité a donné lieu à l'ouverture du dossier no 907.737/1991 et la question n'a pas encore été résolue; tant qu'elle ne le sera pas, la situation devrait rester inchangée.
  3. 46. Par ailleurs, poursuit le gouvernement, l'institut a porté plainte auprès de l'autorité administrative pour que celle-ci prononce l'illégalité de la tenue des élections susmentionnées, en se fondant sur les faits déjà cités et sur le fait que l'UPCN comptait davantage d'affiliés que l'ATE. Parallèlement, donnant suite à une action engagée par l'ATE, le pouvoir judiciaire a jugé en deuxième instance qu'il n'y avait pas eu de pratique déloyale de la part de l'institut.
  4. 47. Le gouvernement conclut qu'il n'y a eu aucune violation de la liberté syndicale et qu'il s'agit d'un cas de détermination de la représentativité syndicale (puisque deux entités prétendent à cette représentativité). Une fois la question résolue, l'institut devra reconnaître l'organisation la plus représentative.
  5. 48. Enfin, dans sa communication du 13 mai 1994, le gouvernement déclare qu'étant donné la nature des travaux effectués à l'Institut d'émission monétaire il est nécessaire d'engager un service de sécurité afin d'empêcher que ne soient perpétrés des faits délictueux et que la série de caméras en place complète les mesures de sécurité. En outre, le gouvernement envoie ses observations au sujet des allégations relatives aux violations des droits du travail de caractère non syndical qui, pour cette raison, ne sont pas reproduites ici.

C. Commentaires du plaignant et nouvelles informations du gouvernement

C. Commentaires du plaignant et nouvelles informations du gouvernement
  • Commentaires du plaignant
    1. 49 Dans sa communication du 25 avril 1995, la CMT indique que le fait que l'Institut d'émission monétaire, organisme d'Etat, et le ministère du Travail ont reconnu une autre organisation syndicale comme étant la plus représentative ne constitue pas une base juridique pour refuser de reconnaître la représentativité de l'autre organisation dénommée Association des travailleurs de l'Etat, dotée de la personnalité juridique et syndicale au niveau national et qui compte un grand nombre de travailleurs affiliés au sein de l'institut.
  • Nouvelles informations du gouvernement
    1. 50 Dans sa communication du 1er novembre 1994, le gouvernement fait savoir que, lors de l'enquête administrative effectuée par le ministère du Travail au sujet de l'encadrement syndical, il a été établi que l'entité la plus représentative dans l'institut est l'Union du personnel civil de la nation (UPCN). (Le gouvernement joint à sa réponse une copie de la résolution ministérielle dans laquelle il est indiqué que le 26 mai 1994 l'UPCN comptait 78 affiliés, tandis que l'ATE en comptait 79, mais que le 30 mai de la même année 24 affiliés de l'ATE avaient démissionné et que, par conséquent, au moment où l'avis a été rendu l'ATE comptait 55 affiliés cotisants et l'UPCN 78.)
    2. 51 Le gouvernement joint à sa communication du 10 juillet 1995 une note du Directeur général de l'institut adressée au ministère du Travail antérieurement à la décision administrative qui réglait la question de l'encadrement syndical et qui faisait référence, entre autres choses, au conflit suscité par la convocation de l'ATE aux élections des délégués du personnel, alors que ces postes étaient déjà occupés par des membres de l'UPCN. Egalement, le Directeur général de l'institut déclare qu'il suspend l'inclusion de l'ATE au sein du comité de négociation pour ce qui est de la négociation de la convention collective jusqu'à ce que le ministère du Travail solutionne la question de l'encadrement syndical.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 52. Le comité observe que, dans le cas présent, l'organisation plaignante allègue le refus, de la part de l'Institut d'émission monétaire, de reconnaître le comité interne de délégués de l'ATE élu en 1992 par 98 pour cent de ses affiliés (en 1991, les élections pour la constitution de ce comité avaient été interdites) et le refus de la direction de recevoir le comité interne de délégués, ainsi que divers actes antisyndicaux contre les affiliés de cette organisation. Le comité note que, selon les déclarations du gouvernement, il existait déjà depuis 1991 un comité interne composé de membres d'une autre organisation syndicale, l'UPCN, qui représentait les travailleurs et que, conformément au principe légal de l'unité de représentation syndicale, l'ATE avait dû demander aux autorités, en 1991, l'application de la "procédure d'encadrement syndical" afin de déterminer laquelle des deux organisations devait assumer la représentation des droits des travailleurs.
  2. 53. Le comité prend note de l'information du gouvernement selon laquelle, dans le cadre de la procédure d'encadrement syndical destinée à déterminer laquelle des deux organisations syndicales présentes à l'institut est la plus représentative, le ministère du Travail a constaté que l'UPCN est l'entité la plus représentative ainsi qu'il est consigné dans une résolution ministérielle.
  3. 54. Le comité relève avec préoccupation que la procédure administrative concernant la représentativité syndicale a commencé en 1991 et n'a abouti qu'en 1994. En outre, le comité note aussi que le gouvernement n'a pas communiqué ses observations au sujet des allégations relatives aux sanctions (suspensions et licenciements arbitraires) imposées aux travailleurs affiliés à l'ATE ni au sujet du refus de la direction de l'institut de recevoir le comité de délégués de cette organisation. Dans ce contexte, eu égard à la diminution marquée du nombre d'affiliés de l'ATE pendant la période durant laquelle s'est déroulée la procédure administrative d'encadrement syndical (de 79 à 55 par suite de la démission de 24 travailleurs affiliés) et au climat de pression existant dans l'entreprise pendant cette période (la Chambre de députés de la nation a jugé nécessaire de faire une demande d'informations à l'institut), le comité estime qu'il existe des preuves persuasives qu'il y a eu des actes de discrimination antisyndicale contre les travailleurs affiliés à l'ATE.
  4. 55. A cet égard, le comité rappelle au gouvernement que,lorsqu'il a examiné des allégations concernant des questions de reconnaissance d'organisations les plus représentatives, il a indiqué qu'"il n'est pas nécessairement incompatible avec la convention no 87 de prévoir la délivrance d'un certificat au syndicat le plus représentatif dans une unité donnée pour le reconnaître comme agent exclusif de négociation au nom de cette unité, mais qu'il faut encore qu'un certain nombre de garanties soient assurées: ... a) l'octroi du certificat par un organisme indépendant; b) le choix de l'organisation représentative par un vote de majorité des travailleurs dans l'unité considérée; c) le droit pour une organisation qui n'obtient pas un nombre de voix suffisant de demander une nouvelle élection après un délai déterminé". (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 237.) Le comité signale également à l'attention du gouvernement que l'octroi de droits exclusifs à l'organisation la plus représentative ne devrait pas cependant signifier que l'existence d'autres syndicats auxquels certains travailleurs concernés souhaiteraient s'affilier soit interdite. Les organisations minoritaires devraient être autorisées à exercer leurs activités et à avoir au moins le droit de se faire les porte-parole de leurs membres et de les représenter." (Voir 259e rapport, cas no 1385 (Nouvelle-Zélande), paragr. 545.)
  5. 56. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour que le syndicat ATE de l'Institut d'émission monétaire puisse exercer librement ses activités (en particulier, qu'il puisse avoir accès à la direction), notamment qu'il puisse organiser des élections pour élire librement les membres de son organe directeur. Le comité demande également qu'après un délai raisonnable l'organisation syndicale qui s'estime lésée puisse demander l'ouverture d'une nouvelle procédure pour déterminer quelle est l'organisation la plus représentative, sous le contrôle d'un organe indépendant. Le comité souligne que les autorités devraient prendre les mesures nécessaires pour que la procédure en question aboutisse rapidement à une décision.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 57. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Rappelant au gouvernement que l'octroi de droits exclusifs à l'organisation la plus représentative ne devrait pas cependant signifier que l'existence d'autres syndicats auxquels certains travailleurs concernés souhaiteraient s'affilier soit interdite et que les organisations minoritaires devraient être autorisées à exercer leurs activités et à avoir au moins la possibilité de se faire les porte-parole de leurs membres et de les représenter, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour que le syndicat ATE de l'Institut d'émission monétaire puisse exercer librement ses activités, notamment organiser des élections pour élire librement les membres de son organe directeur.
    • b) Le comité demande qu'après un délai raisonnable l'organisation syndicale qui s'estime lésée puisse demander l'ouverture d'une nouvelle procédure pour déterminer quelle est l'organisation la plus représentative, sous le contrôle d'un organe indépendant. Les autorités devraient prendre les mesures nécessaires pour que la procédure en question aboutisse rapidement à une décision.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer