Afficher en : Anglais - Espagnol
- 146. Dans sa communication du 12 mai 1993, le Congrès du travail du Canada (CTC) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement du Canada (Manitoba) au nom du Syndicat national de la fonction publique provinciale (SNFPP) et du Syndicat de la fonction publique du Manitoba (MGEU). L'Internationale des services publics (ISP) a appuyé cette plainte dans une communication datée du 18 mai 1993.
- 147. Dans une communication du 30 novembre 1993, le gouvernement fédéral a adressé les observations et les informations communiquées par le gouvernement du Manitoba le 28 octobre 1993.
- 148. Le Canada a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Il n'a ratifié ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ni la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, ni la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes
- 149. Les organisations plaignantes allèguent que la loi sur la réduction de la semaine de travail et la gestion des salaires dans le secteur public ("projet de loi no 22"), présentée le 5 avril 1993, viole la convention no 87. Cette loi autorise le gouvernement du Manitoba à imposer unilatéralement une réduction de la semaine de travail aux 100.000 agents publics du Manitoba, en instituant un programme de mise à pied de dix jours. Elle annule certaines dispositions des conventions collectives pour permettre au gouvernement d'appliquer son plan de mise à pied à l'ensemble des travailleurs du secteur public du Manitoba. Cette loi va réduire les dépenses de personnel du secteur public de quelque 300 millions de dollars, ce qui correspond approximativement à une réduction de 4 pour cent du salaire pour chaque agent du secteur public.
- 150. Les organisations plaignantes soulignent que, dans le cas d'une plainte présentée récemment contre le gouvernement au sujet d'une loi relative aux agents de la fonction publique (projet de loi no 70, loi sur la gestion des salaires du secteur public) qui bloquait les salaires des fonctionnaires du Manitoba pendant un an en reconduisant d'un an la durée de validité de ses conventions collectives, le Comité de la liberté syndicale avait regretté, dans ses recommandations, que le gouvernement n'eût pas privilégié la négociation collective pour déterminer les conditions d'emploi de ses agents; voulant croire que le gouvernement s'abstiendrait de prendre de telles mesures à l'avenir il avait souligné qu'il importait de mener de véritables consultations préalablement à l'adoption d'une loi visant à modifier les structures de négociation dans lesquelles le gouvernement intervenait, directement ou indirectement, en tant qu'employeur. (Voir 284e rapport, cas no 1604, paragr. 325.)
- 151. Puisque le gouvernement va sans doute faire valoir que le projet de loi no 22 a été adopté pour faire face aux difficultés économiques et budgétaires exceptionnelles que connaît la province, comme il l'a fait pour le projet de loi no 70, les plaignants déclarent que le gouvernement n'a fourni au syndicat provincial aucun dossier à l'appui de ses arguments économiques.
- 152. Le projet de loi no 22, qui constitue la deuxième intervention législative dans les relations professionnelles du secteur public de la province du Manitoba au cours des deux dernières années, a pour objectif de réduire de quelque 4 pour cent le salaire versé aux agents publics en instituant une mise à pied obligatoire pouvant aller jusqu'à quinze jours au maximum pour tous les agents du gouvernement provincial, des corporations de la Couronne, des services de santé, des municipalités, des commissions scolaires, des universités et centres d'enseignement supérieur. Cette loi réduit également la rémunération versée aux juges provinciaux, aux médecins publics, aux membres de l'Assemblée législative et aux membres des commissions et comités gouvernementaux.
- 153. Cette loi, qui viendra à expiration le 31 décembre 1995, comporte trois parties: réduction de la semaine de travail et réduction des salaires de la majorité des agents du secteur public; réduction de la rémunération des médecins; réduction de la rémunération des députés à l'Assemblée législative. La première partie de la loi autorise les employeurs, après consultation avec l'agent de négociation, à instituer un programme de mise à pied de quinze jours au maximum. En l'absence d'accord avec l'agent de négociation, l'employeur a le droit de décider unilatéralement d'instituer et de mettre en oeuvre ce programme de mise à pied. Les jours pendant lesquels les agents sont mis à pied sont considérés aux termes de la loi comme un "congé sans solde". La deuxième partie prévoit que la rémunération totale des médecins sera réduite de 2 pour cent. La troisième et dernière partie réduit de 3,8 pour cent la rémunération des députés à l'Assemblée législative.
- 154. Aux termes de son article 3, la loi l'emporte sur toutes les conventions collectives régissant les conditions de travail, les prestations et les salaires des agents du secteur public du Manitoba. Plus précisément en ce qui concerne les agents du gouvernement provincial, elle invalide les clauses contractuelles régissant la durée du travail, les pratiques salariales, les barèmes de salaire, la reconnaissance des syndicats et la sécurité syndicale, le champ de la négociation, les licenciements, les droits de supplantation ainsi que la procédure de réclamation et d'arbitrage. Elle aura également une incidence sur les futures prestations de retraite des travailleurs plus âgés étant donné que ces prestations sont fonction du salaire moyen des trois meilleures années de rémunération due à l'intéressé. Tous les articles de la loi l'emportent également sur toute décision ou sentence arbitrale, ne permettant donc pas à une tierce partie indépendante d'en interpréter les dispositions, y compris en ce qui concerne son mode d'application.
- 155. L'article 5, paragraphe 4, de la loi dispose que l'employeur doit entamer des consultations avec l'unité de négociation appropriée pour parvenir à un accord sur les détails du programme de mise à pied. Si, au bout de trente jours de consultation, l'employeur et le syndicat ne sont pas parvenus à un accord, l'article 5, paragraphe 5, autorise l'employeur à prendre des mesures unilatérales visant à instituer et à mettre en oeuvre le programme de mise à pied de quinze jours au maximum. Les plaignants se déclarent vivement préoccupés par cet article de la loi qui donne à l'employeur le droit de mettre en oeuvre des programmes de mise à pied de manière injuste et inégale. Un employeur, par exemple, aura le droit, dans le cadre de son programme de mise à pied, de mettre à pied les travailleurs avec lesquels il ne s'entend pas bien en milieu de semaine et ceux avec lesquels il s'entend bien les lundis ou vendredis, pour leur permettre d'avoir un long week-end. De toute évidence, cette loi donne aux employeurs la possibilité de traiter leurs salariés de manière très différente et inégale selon les rapports personnels qu'ils entretiennent avec eux. Dans ces cas précis, il n'y a aucun moyen de recours pour le syndicat ou les salariés qui auraient le sentiment que le programme de mise à pied est mis en oeuvre de manière inéquitable et partiale.
- 156. Aux termes de l'article 12 de la loi, les jours de mise à pied constituent des "jours de congé sans solde" et non pas "une mise à pied au sens de toute loi, de tout règlement, de toute convention collective (...), de toute décision ou sentence (...)". Cet article se traduirait par une perte de deux semaines de prestations de chômage pour les salariés qui sont mis à pied de façon définitive, ou pour plus de quinze jours au cours des cinquante-deux semaines à venir, puisque dans le régime d'assurance chômage du Canada les salariés doivent être mis à pied pour une période d'au moins deux semaines pour avoir droit aux prestations de chômage. La mise à pied au titre du programme gouvernemental ne comptera pas comme le délai de carence de deux semaines nécessaire pour obtenir les prestations de chômage.
- 157. Les plaignants prétendent en outre qu'il n'y a pas eu de consultation appropriée avant le dépôt du projet de loi no 22. Après avoir appris par la presse, en décembre 1992, que le gouvernement envisageait de réduire les salaires des agents de la fonction publique, le président du MGEU a demandé des éclaircissements au ministre chargé de la Fonction publique qui a démenti oralement cette intention. Comme le MGEU réclamait de nouvelles explications, le ministre s'est contenté d'évoquer le fait que le gouvernement "préférait" ne pas avoir à licencier ou à imposer des restrictions par voie législative. A la suite de cet échange de lettres, le Conseil paritaire de la fonction publique, constitué de trois représentants syndicaux et de trois ministres du gouvernement, s'est réuni le 11 janvier 1993. Incapable de donner aux syndicats du secteur public des assurances au sujet de l'intention du gouvernement d'instituer par voie législative un programme de restrictions dans le secteur public, le ministre de la Fonction publique a indiqué qu'il allait organiser une réunion avec le ministre des Finances pour obtenir des éclaircissements.
- 158. Le conseil paritaire s'est réuni une nouvelle fois, le 2 février 1993, en présence du ministre des Finances. Ce dernier a indiqué que le gouvernement envisageait une réduction volontaire, encore non définie, des salaires afin de réduire le plus possible le nombre des licenciements futurs; il a informé les syndicats que cette mesure pouvait s'inscrire dans le cadre de la convention collective actuelle ou encore que le gouvernement pourrait présenter une législation spéciale prévoyant des restrictions salariales. Les représentants du MGEU présents à la réunion ont indiqué qu'ils devaient consulter les membres du syndicat avant d'envisager de renégocier la convention collective actuelle. Le ministre des Finances a déclaré qu'il acceptait de laisser au syndicat le temps de consulter ses membres. Le président du MGEU a envoyé une lettre, datée du 5 février 1993, indiquant que son organisation répondrait avant la fin du mois.
- 159. Le MGEU a immédiatement organisé une série de cinq réunions syndicales à l'échelon de la province. Les deux premières ont eu lieu les 9 et 10 février, et la troisième était prévue pour le 12 février. Cependant, le 11 février à minuit, le président du MGEU a reçu un appel téléphonique du ministre de la Fonction publique lui indiquant que le gouvernement avait décidé unilatéralement de réduire la semaine de travail et que l'annonce en serait faite le lendemain, 12 février. Cet avis a été adressé par fax aux bureaux du MGEU le 12 février à 12 h 30, au moment même où se tenait une conférence de presse avec le ministre des Finances et le ministre de la Fonction publique qui annonçaient l'intention du gouvernement d'instituer un plan de mise à pied de dix jours. Après avoir consulté ses membres, le MGEU a informé le ministre de la Fonction publique, le 26 février 1993, qu'il n'acceptait pas de réviser la convention collective et qu'il n'acceptait pas non plus une réduction volontaire des salaires.
- 160. Les plaignants se réfèrent au principe posé par le comité à cet égard: "L'institution d'un groupe tripartite chargé d'examiner la question des salaires et les mesures anti-inflationnistes ... est en harmonie avec la teneur de la recommandation no 113 visant à promouvoir la consultation et la collaboration entre les autorités publiques et les organisations d'employeurs et de travailleurs afin de promouvoir une compréhension mutuelle et de bonnes relations entre celles-ci, en vue de développer l'économie en général ou dans certaines de ses branches, d'améliorer les conditions de travail et d'élever les niveaux de vie et, notamment, afin que les autorités sollicitent de façon appropriée les vues, les conseils et le concours desdites organisations dans des domaines tels que la préparation et la mise en oeuvre de la législation touchant à leurs intérêts." (Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration du BIT, 1985, troisième édition, paragr. 651.) Ils soutiennent que, en adoptant la ligne de conduite qui a abouti au projet de loi no 22, le gouvernement provincial a fait preuve d'un désintérêt et d'un mépris total pour le processus consultatif.
- 161. Les plaignants en concluent que ce projet de loi no 22 qui, de manière unilatérale, invalide de nombreuses clauses contractuelles contenues dans les conventions collectives des agents du secteur public et ne permet pas de recourir à une tierce partie indépendante pour l'arbitrage des différentes interprétations de la loi, est en violation flagrante avec les principes fondamentaux de la liberté syndicale, tels qu'ils figurent dans la convention no 87 de l'OIT. En outre, il est injustifié et inéquitable de faire assumer le lourd fardeau du déficit et de la dette de la province aux seuls agents publics de celle-ci. A tout le moins, les principes de loyauté voudraient que le gouvernement s'efforce de consulter les agents de négociation du secteur public et de négocier avec eux en toute bonne foi.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 162. Dans sa communication du 28 octobre 1993, le gouvernement du Manitoba affirme que le projet de loi no 22 ne viole en rien la convention no 87 et il dément certaines allégations du MGEU.
- 163. Sur le premier point, le gouvernement déclare que le projet de loi no 22 n'enfreint nullement les dispositions de fond de la convention no 87, puisqu'il ne restreint pas les droits des travailleurs de constituer des organisations de leur choix, d'élaborer leurs propres statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leurs programmes d'action. Il ne dissout ni ne suspend les organisations de travailleurs, il n'enfreint pas les droits des organisations de travailleurs de s'affilier à des fédérations ou à des confédérations, il ne porte pas atteinte à leur personnalité juridique et n'enfreint pas la législation nationale.
- 164. Au sujet du deuxième point, le gouvernement avance qu'un certain nombre de déclarations formulées par le MGEU sont inexactes, trompeuses ou incomplètes. Une fois que les données auront été rectifiées et éclaircies, il apparaîtra clairement que l'introduction du projet de loi no 22 était une démarche raisonnable, non incompatible avec les principes de l'OIT.
- 165. Le Canada, y compris le Manitoba, commence tout juste à sortir d'une récession économique grave et prolongée. Comme d'autres provinces ou territoires du Canada, le Manitoba rencontre de sérieuses difficultés budgétaires dues aux besoins croissants à satisfaire dans des domaines prioritaires comme la santé, l'éducation et les services à la famille, à une réduction des paiements de péréquation émanant du gouvernement fédéral et à la lourde dette contractée par les administrations antérieures. S'ajoutant à ces problèmes structurels, la récente récession est venue aggraver les difficultés. Tandis que les indicateurs économiques sont désormais à la hausse, la récession récente continue d'avoir des effets à retardement qui vont, pendant un certain temps encore, grever lourdement le budget de la province. Dans son discours budgétaire de 1993, le ministre des Finances a indiqué que tous les citoyens du Manitoba seraient affectés, dans une certaine mesure, par les mesures fiscales prises pour combler des déficits qui remontent à plusieurs décennies.
- 166. Pour atteindre ses objectifs prioritaires, au fil des ans, le gouvernement a contracté une dette importante: plus de 10 pour cent de ses dépenses sont affectés au seul remboursement des intérêts de la dette. Cette lourde dette a sensiblement amputé la capacité du gouvernement de satisfaire efficacement les besoins prioritaires, comme les services de santé et l'éducation. Pendant de nombreuses années, le gouvernement a dû faire face à des restrictions budgétaires dues à une baisse des recettes recouvrées par la province en raison de la récession et à une réduction des paiements de péréquation émanant du gouvernement fédéral d'un montant total de 130 millions de dollars. S'ajoute à cela une diminution de 167 millions de dollars des recettes attendues au titre du mécanisme de péréquation par suite d'une modification de la méthodologie du calcul de la population.
- 167. Il existe un important décalage entre l'amélioration des résultats économiques et l'amélioration des recettes provinciales. Les recettes pour 1993-94 ne devraient augmenter que de 0,2 pour cent par rapport aux chiffres estimatifs de 1992-93. Cette situation s'est traduite par un déficit pour 1992-93 supérieur de 230 millions de dollars à ce qui était prévu au budget. Si le gouvernement ne poursuit pas ses efforts pour maîtriser les dépenses, il lui faudra continuer de faire face à des déficits élevés et à une dette croissante. C'est pourquoi il a adopté toute une série de mesures pour ramener les dépenses au niveau des recettes, et réduire ses dépenses de 2 pour cent pour 1993-94.
- 168. La province a également adopté le projet de loi no 22 pour aider les employeurs du secteur public à respecter leurs obligations budgétaires sans avoir à procéder à des licenciements importants. Ces mesures vont dans le sens des efforts déployés par la province pour vivre selon ses moyens. Etant donné que 80 pour cent des coûts du programme correspondent à des dépenses de personnel, soit directement sous forme de salaires versés aux fonctionnaires, soit indirectement sous forme de salaires versés dans d'autres domaines du secteur public, ces mesures touchent inévitablement les agents publics.
- 169. Le projet de loi no 22 n'autorise pas le gouvernement, comme le prétend le MGEU, à "imposer unilatéralement la réduction de la semaine de travail à 100.000 agents publics du Manitoba en instituant un programme de mise à pied de dix jours". Il introduit un mécanisme novateur qui va permettre aux employeurs du secteur public, après consultation avec les représentants des travailleurs, de mettre en oeuvre des programmes de réduction de la semaine de travail leur permettant de respecter leurs obligations budgétaires sans avoir à licencier définitivement un grand nombre d'agents. En outre, les représentants des employeurs et des travailleurs peuvent s'entendre sur d'autres méthodes permettant de respecter leurs obligations budgétaires.
- 170. La législation n'invalide aucune clause des conventions collectives. Ainsi, les augmentations de salaire négociées seront accordées. Les membres du MGEU, par exemple, recevront une augmentation de salaire de 2,3 pour cent en septembre 1993.
- 171. Pour faire en sorte que les programmes de réduction de la semaine de travail soient appliqués de façon juste et équitable, la loi permet de modifier l'application de certaines dispositions exclusivement aux fins de la mise en oeuvre de la réduction de la semaine de travail. Sans cette aide législative, le programme aurait des conséquences disproportionnées sur ceux qui se trouvent en bas de l'échelle d'ancienneté et qui sont, pour la plupart, des femmes, des aborigènes, des membres des minorités visibles et des personnes handicapées. La loi permet de répartir équitablement ces conséquences entre tous les salariés, y compris les cadres et les salariés exclus. Les dispositions actuelles des conventions collectives restent pleinement en vigueur à toutes fins autres que la réduction de la semaine de travail.
- 172. La législation assimile ces jours non ouvrés à des journées de congé sans solde afin de préserver les avantages sociaux dans la mesure du possible. Au Manitoba, de nombreuses conventions collectives prévoient que ces avantages sont maintenus et continuent de s'accumuler en cas de congé sans solde de courte durée, tandis qu'ils sont immédiatement interrompus en cas de mise à pied. Ainsi, aux termes de l'accord-cadre sur les agents de l'Etat, les droits à des congés payés continuent de s'accumuler tant que l'absence ne dépasse pas 15 jours.
- 173. Pour ce qui est de l'établissement du calendrier des jours de congé sans solde et de leur mode de répartition entre les salariés, les employeurs restent tenus d'agir de façon équitable et raisonnable.
- 174. La loi n'affectera pas le droit des salariés aux prestations de chômage, de la manière décrite dans les conclusions du MGEU. Même si les jours de congé sans solde étaient considérés comme des jours de mise à pied, ils ne compteraient pas pour le délai de carence de l'assurance chômage puisqu'ils seront répartis sur l'ensemble de l'année. Les salariés qui sont mis à pied définitivement sont soumis en tout état de cause à un délai de carence de deux semaines de suite.
- 175. Pour ce qui est des allégations du MGEU relatives à l'absence de consultations appropriées, le gouvernement soutient qu'il a mené le type de large consultation évoqué dans l'énoncé du principe du comité cité par le plaignant. (Recueil, op. cit., paragr. 651.)
- 176. Depuis plusieurs années, les difficultés économiques et budgétaires auxquelles la province est confrontée sont exposées publiquement dans le discours de présentation du budget de la province et dans les documents d'information qui s'y rapportent, dans les déclarations publiques faites par le ministre des Finances et dans les analyses effectuées par des tierces parties faisant autorité. Le MGEU a lui aussi été informé de ces difficultés durant les négociations de conventions collectives menées avec l'Administration et avec les organismes financés par les deniers publics dont il représentait les agents. Fin 1992, il était devenu évident que la province continuait de se débattre dans des difficultés budgétaires et qu'il fallait prendre d'autres mesures de restriction. Répondant à une lettre du président du MGEU, le ministre chargé de la Fonction publique a indiqué que le gouvernement espérait que les parties sauraient s'entendre sur des mesures acceptables pour tous. Lors de la réunion du conseil paritaire syndicat/employeurs, le 11 janvier 1993, le ministre a déclaré aux représentants du MGEU que la province était prête à examiner les formules viables qu'ils pouvaient avoir à proposer. Il a réitéré cette offre, le 2 février 1993, lors d'une réunion avec le ministre des Finances au cours de laquelle il a exposé en détail les difficultés budgétaires que rencontrait la province. Il a également prévenu les représentants du MGEU qu'il souhaitait une réponse dans un délai de deux semaines, étant donné que l'exercice 1992-93 touchait bientôt à sa fin et qu'il allait falloir arrêter définitivement le budget pour 1993-94.
- 177. Dans sa lettre du 5 février 1993, le MGEU a ignoré cette demande et indiqué qu'il donnerait une réponse d'ici la fin du mois de février. Comme il fallait arrêter définitivement le budget, le gouvernement a décidé d'annoncer un projet de programme visant à réduire la semaine de travail. La veille de cette annonce, le ministre avait essayé de joindre le président du MGEU tôt le matin, mais comme ce dernier était en déplacement en zone rurale, il n'avait pu finalement le joindre que tard dans la soirée. Dans la lettre qu'il a adressée le 12 février 1993 au MGEU, le ministre indiquait très clairement que le gouvernement était "prêt à poursuivre les discussions et à examiner diverses formules possibles". Dans sa réponse du 26 février 1993, le MGEU a déclaré qu'il n'était pas prêt à poursuivre les discussions.
- 178. Dans sa lettre du 23 mars 1993, le ministre soulignait que, en annonçant le projet de programme de réduction de la semaine de travail, le gouvernement n'avait pas pris de décision définitive sur la manière de procéder. Comme le MGEU s'était refusé à examiner d'autres solutions viables et à discuter de l'application concrète d'un programme de réduction de la semaine de travail à ses membres, le ministre a déclaré en substance: "Comme nous l'avons indiqué précédemment, nous ne sommes pas partisans de procéder à d'autres licenciements substantiels pour atteindre les objectifs financiers voulus et nous ne souhaitons pas non plus recourir à une réduction des salaires par voie législative. C'est pourquoi, comme le MGEU n'a proposé aucune solution raisonnable, nous avons estimé que le mieux était de recourir à un programme de réduction de la semaine de travail qui s'appliquera indifféremment à tous les agents, quels que soient leur ancienneté ou leur grade. ... Il est extrêmement regrettable que le MGEU ait choisi de ne pas participer aux efforts visant à en réduire le plus possible les conséquences pour les agents. Il faudra que je consulte mes collègues du ministère sur la manière de procéder, compte tenu du fait que le MGEU a refusé d'entamer toute discussion à ce sujet. Notre décision sera dictée par notre souci de réduire le plus possible les conséquences pour les agents."
- 179. Après délibérations, il a été décidé que la meilleure façon de procéder était d'adopter une loi qui fasse en sorte que le programme ait des conséquences égales pour tous les agents d'un même organisme, indépendamment de leur ancienneté, une loi que tous les employeurs du secteur public pourraient appliquer s'ils le voulaient, qui exigerait des employeurs qu'ils consultent les représentants des travailleurs et qui aurait le moins d'incidence possible sur les conventions collectives. Le projet de loi no 22 a été rédigé sur la base de ces principes.
- 180. Au Manitoba, le fait que le gouvernement dépose un projet de loi devant l'Assemblée législative ne signifie nullement que le processus de consultation est terminé. Une commission de l'Assemblée législative se réunit pour examiner chaque texte, et les parties intéressées ont la possibilité de présenter leurs arguments à cette commission, de lui faire part de leurs préoccupations et de proposer des amendements au projet de loi. La commission renvoie ensuite le projet de loi devant l'Assemblée législative, avec tous les amendements qu'elle juge nécessaires. Le projet de loi est alors examiné et débattu en détail à l'Assemblée législative avant que le texte définitif soit adopté par cet organe démocratiquement élu. La commission a entendu plus de 150 exposés, dont les observations formulées par la plupart, sinon la totalité, des syndicats du Manitoba dont les salariés risquent d'être touchés par la loi en question.
- 181. Enfin, le projet de loi no 22 impose une période de consultation entre un employeur qui souhaite appliquer un programme de réduction de la semaine de travail en vertu de la loi et les représentants des salariés touchés par ce programme. En outre, il n'est pas interdit aux parties de s'entendre pour adopter d'autres mesures. Ainsi, les hôpitaux et le personnel infirmier du Manitoba sont parvenus à un accord sur une réduction des salaires. De même, un certain nombre d'employeurs publics du Manitoba ont conclu un accord avec les représentants des travailleurs au sujet de l'application de programmes de réduction de la semaine de travail.
- 182. Certes, le gouvernement du Manitoba peut comprendre que l'OIT soit désireuse de voir mener de véritables consultations, mais cette démarche est néanmoins irréalisable si l'une des parties, en l'occurrence le MGEU, n'est pas prête à entamer des discussions raisonnables. Le gouvernement estime que c'est le MGEU, et non pas le gouvernement, qui, par son attitude, a montré un désintérêt et un mépris total pour le processus de consultation.
- 183. Enfin, le gouvernement estime que le projet de loi no 22 est un remède raisonnable aux difficultés budgétaires exceptionnelles que connaît la province. Il ne restreint pas les droits des travailleurs à la négociation collective; les augmentations de salaire négociées et les régimes de prestations restent en vigueur, et les dispositions des conventions collectives sont toujours pleinement valables, mises à part certaines modifications nécessaires pour mettre en oeuvre un programme équitable de réduction de la semaine de travail. Ce programme s'inscrit dans un cadre législatif qui lui confère une durée de validité de deux ans au maximum et qui le subordonne à un processus obligatoire de consultation. Non seulement le gouvernement n'a pas violé la convention no 87 de l'OIT, mais il a agi en conformité avec les principes plus généraux de l'OIT.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 184. Le comité note que, dans le cas présent, les allégations concernent une intervention du gouvernement du Manitoba (Canada) dans le processus de négociation collective du secteur public qui a consisté à imposer à la plupart des agents publics provinciaux un congé sans solde de dix jours. Selon le plaignant, cette mesure équivaut à une réduction de salaire d'environ 4 pour cent pour les agents du secteur public.
- 185. L'article 4, paragraphe 2, de la loi sur la réduction de la semaine de travail et la gestion des salaires dans le secteur public ("la loi") dispose que les employeurs du secteur public peuvent exiger de leurs salariés qu'ils prennent jusqu'à 15 jours de congé sans solde sur une période de 12 mois. Un employeur qui se propose d'appliquer une telle réduction de la semaine de travail doit en donner avis au syndicat et au ministre chargé des relations professionnelles (art. 5, paragr. 1 et 2)). Aux termes de l'article 5, paragraphe 4), un syndicat qui reçoit un tel avis doit entreprendre des consultations avec l'employeur pour parvenir à un accord sur les modalités d'application de la réduction de la semaine de travail: le nombre de jours à prendre par chaque travailleur et le moment où ces jours doivent être pris; le mode et la fréquence des réductions salariales correspondantes; et toute autre question jugée utile par les parties. L'article 5, paragraphe 5, dispose que, si le syndicat et l'employeur ne sont pas parvenus à un accord dans les 30 jours suivant la signification de l'avis, l'employeur peut décider sur tous les points. Une fois déposé auprès du ministre, l'accord ou la décision de l'employeur lient les parties. La plainte ne concerne pas les dispositions semblables de la loi relatives aux médecins et aux députés à l'Assemblée législative.
- 186. Le comité fait observer que, bien que les mesures de mise à pied soient relativement courantes dans le secteur privé, c'est la première fois qu'il est appelé à examiner un programme de réduction obligatoire de la semaine de travail dans le secteur public. Bien qu'il admette que, comme le fait valoir le gouvernement, ces mesures ne violent pas la convention no 87, il note qu'elles soulèvent quelques problèmes au regard des principes de la liberté syndicale, dans la mesure où elles touchent au caractère volontaire de la négociation collective. La loi ne prévoit que des "consultations" au sujet de son application, et les fonctionnaires n'ont pas d'autre choix que d'accepter la décision de l'employeur s'il n'y a pas eu accord.
- 187. Pour justifier son action, le gouvernement invoque essentiellement les mêmes raisons budgétaires et économiques qu'il avait avancées dans le cas no 1604 (voir 284e rapport, paragr. 286-325), arguant qu'il n'avait d'autre choix, compte tenu de la gravité et de la durée de la récession que connaît actuellement la province. Le comité avait alors reconnu à cet égard que "si, pour des raisons impérieuses touchant à l'intérêt économique national et à sa politique de stabilisation, un gouvernement considère que le taux des salaires ne peut pas être fixé librement par voie de négociation collective, une telle restriction devrait être appliquée comme une mesure d'exception, limitée à l'indispensable, elle ne devrait pas excéder une période raisonnable et elle devrait être accompagnée de garanties appropriées en vue de protéger le niveau de vie du travailleur" (ibid., paragr. 321). Si les données de ce cas sont différentes, puisque les restrictions des dépenses publiques revêtent la forme d'une réduction obligatoire de la semaine de travail et non pas d'un gel des salaires, le comité considère que le raisonnement reste le même quant au fond.
- 188. Le comité déplore que, malgré ses appels antérieurs lancés au gouvernement de s'abstenir de prendre de telles mesures, celui-ci n'ait pas encore une fois privilégié la négociation collective pour introduire une modification dans les conditions d'emploi des fonctionnaires, et que l'autorité législative ait cru nécessaire d'adopter la loi sur la réduction de la semaine de travail et la gestion des salaires dans le secteur public, compte tenu du fait notamment que cette loi venait juste après la précédente intervention législative qui avait gelé les salaires dans le secteur public pendant un an. Le comité est d'avis que cette action va au-delà de ce qu'il a antérieurement considéré comme acceptable et il demande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la législation soit modifiée dans le sens indiqué par le comité.
- 189. Le comité note qu'une grande partie des arguments avancés aussi bien par le plaignant que par le gouvernement portent sur les consultations, sujet sur lequel il a formulé des commentaires dans le cas no 1604 (ibid., paragr. 324) et qui appelle quelques précisions.
- 190. Au dire de l'organisation plaignante, c'est par la presse que le MGEU a appris, en décembre 1993, que le gouvernement envisageait de réduire les salaires des fonctionnaires. Cette annonce a donné lieu à deux réunions, les 11 janvier et 2 février 1994, ainsi qu'à un échange de correspondance. Alors que le MGEU était en train de consulter ses membres, son président a été avisé, le 11 février 1993, c'est-à-dire la veille de l'annonce publique, de la décision du gouvernement d'imposer une réduction de la semaine de travail. Les plaignants en concluent que le gouvernement a fait preuve par là d'un mépris et d'un désintérêt total pour le processus consultatif.
- 191. Le gouvernement soutient un point de vue différent, arguant que le MGEU connaissait depuis longtemps déjà les difficultés économiques et budgétaires de la province car elles avaient été évoquées dans les discours sur le budget, dans des déclarations publiques et lors de précédentes négociations collectives. Lors des réunions du 11 janvier et du 2 février, les représentants du MGEU ont été informés de ce que le gouvernement était prêt à étudier les formules viables qu'ils pouvaient aussi proposer, mais ils n'en ont pas tenu compte. Comme il devait arrêter définitivement le budget, le gouvernement a décidé d'annoncer un projet de programme visant à réduire la semaine de travail, et il a indiqué dans sa lettre du 12 février qu'il était prêt à poursuivre les discussions sur les autres solutions possibles. Le gouvernement a estimé que la lettre que le MGEU lui a adressée le 26 février témoignait qu'il n'était pas prêt à agir dans ce sens. Le gouvernement ajoute que la commission législative a entendu plus de 150 exposés au sujet du projet de loi, dont des observations formulées par la plupart des syndicats du Manitoba dont les membres risquaient d'être touchés par la loi. Enfin, la loi impose une période de consultation avant la mise en application de la réduction de la semaine de travail. Le gouvernement conclut que c'est le MGEU, et non pas lui-même, qui a fait preuve d'un désintérêt et d'un mépris total pour le processus de consultation.
- 192. Le comité est frappé par le manque apparent de communication qui a marqué toute cette période et qui a touché à son comble lorsque le MGEU a adressé une lettre au gouvernement, le 26 février, l'informant que le syndicat n'était pas prêt à renégocier la convention collective et qu'il n'accepterait aucune réduction volontaire de salaires, et que, de son côté, le gouvernement a répondu, le 23 mars, qu'il irait de l'avant si le MGEU ne lui proposait aucune autre solution raisonnable. Le plaignant déclare que le projet de loi a été déposé sans qu'il y ait eu de consultation et sans même avoir été porté à la connaissance des syndicats du secteur public du Manitoba, alors que le gouvernement soutient qu'une consultation appropriée a eu lieu et que seul le MGEU est à blâmer pour avoir refusé d'entamer des discussions raisonnables.
- 193. Le comité considère qu'il n'y aurait guère d'intérêt a essayer de déterminer les responsabilités dans cette affaire. Il ne peut que constater, d'après les éléments dont il dispose, que le choix de la réduction de la semaine de travail (contrairement à la réduction des salaires ou a toute autre forme de réduction de la rémunération) a été mentionné pour la première fois le 11 février, au moment où le MGEU était en train de consulter ses membres sur l'opportunité de réviser la convention collective, et que le projet de loi no 22 a été déposé le 5 avril. En outre, il n'a pas été précisé si certaines des opinions exprimées par les syndicats du secteur public pendant les débats législatifs qui ont suivi le dépôt du projet de loi ont été prises en compte dans la rédaction du texte final; ces indications auraient permis au comité d'apprécier si la réduction de la semaine de travail n'était qu'un projet au moment où elle a été annoncée publiquement, comme le soutient le gouvernement, ou si c'était déjà un fait accompli, excluant toute discussion.
- 194. Le comité rappelle qu'il est particulièrement important de procéder à de véritables consultations, largement ouvertes aux parties intéressées, dans des situations telles que celles dont il est question ici, où l'une des parties en cause est également l'autorité législative. Pour conduire de telles consultations, il importe qu'elles soient menées de bonne foi et que les deux parties disposent de toutes les informations nécessaires pour pouvoir prendre leurs décisions en pleine connaissance de cause.
- 195. Le comité est également sensible à la préoccupation des plaignants selon laquelle la loi risque d'être appliquée de manière inéquitable puisqu'elle permet aux employeurs, en l'absence d'accord, de déterminer eux-mêmes les jours de congé sans solde obligatoires. Au cas où l'on viendrait à déplorer un cas flagrant de traitement discriminatoire, fondé sur des préférences personnelles ou autres, il serait impossible de recourir, par exemple, à la procédure d'arbitrage et de conciliation. Le comité suggère que la loi prévoie des garanties pour prévenir tout risque de traitement inéquitable.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 196. Vu les conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité déplore que, malgré les appels antérieurs qu'il avait lancés au gouvernement de s'abstenir de prendre de telles mesures, celui-ci n'ait pas encore une fois privilégié la négociation collective pour introduire une modification dans les conditions d'emploi des fonctionnaires et que l'autorité législative ait cru nécessaire d'adopter la loi sur la réduction de la semaine de travail et la gestion des salaires dans le secteur public, compte tenu notamment du fait que cette loi venait juste après la précédente intervention législative qui avait gelé les salaires dans le secteur public pendant un an. Le comité est d'avis que cette action va au-delà de ce qu'il a antérieurement considéré comme acceptable et il lui demande instamment de prendre les mesures nécessaires pour que la législation soit modifiée dans le sens indiqué par le comité.
- b) Le comité demande au gouvernement qu'à l'avenir il soit procédé dans de telles circonstances à des consultations de bonne foi et que les deux parties disposent de toutes les informations nécessaires pour pouvoir prendre leurs décisions en pleine connaissance de cause.
- c) Le comité suggère au gouvernement que la loi prévoie des garanties pour prévenir tout risque de traitement inéquitable.