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Rapport définitif - Rapport No. 291, Novembre 1993

Cas no 1680 (Norvège) - Date de la plainte: 12-NOV. -92 - Clos

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  1. 130. Par une communication datée du 12 novembre 1992, le Syndicat norvégien des mécaniciens de marine (Det Norske Maskinistforbund, DNMF) a présenté une plainte enu violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de la Norvège.
  2. 131. Le gouvernement a envoyé ses observations sur ce cas dans une communication datée du 7 mai 1993.
  3. 132. La Norvège a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 133. Dans sa plainte, le DNMF allègue que le gouvernement a violé les conventions nos 87 et 98 en recourant à la procédure d'arbitrage obligatoire pour régler le différend survenu entre le DNMF et l'Association nationale des armateurs (NHO) à l'occasion de la révision de l'accord salarial au printemps 1992.
  2. 134. Le DNMF déclare qu'il avait négocié au nom de ceux de ses membres qui sont employés par les compagnies de transbordeurs, les navires caboteurs, les compagnies de transbordeurs express et les remorqueurs. Or, après plusieurs réunions, les négociations ont été rompues et le différend a été soumis à la conciliation. Une grève, entamée le 27 avril 1992, a duré jusqu'au 29 avril. Le règlement du conflit proposé par l'arbitre national a été communiqué aux membres du DNMF en vue d'un scrutin. A l'expiration, le 22 mai, du délai imparti pour fournir une réponse, 90,9 pour cent des membres ayant participé au scrutin avaient rejeté le règlement proposé.
  3. 135. De ce fait, un nouvel appel à la grève a été lancé pour le 27 mai, les parties n'étant pas entre-temps parvenues à un accord. Cent quatre-vingts mécaniciens ont pris part à la grève. Au demeurant, le DNMF avait annoncé durant la procédure de conciliation préalable à la grève qu'à partir du 31 mai celle-ci serait élargie aux membres du syndicat embarqués à bord des navires caboteurs. Le 29 mai, la NHO a déclaré que 80 mécaniciens se verraient refuser l'accès à leur lieu de travail le 2 juin. Dans le contexte de cet avis de lock-out et après seulement deux jours de grève, le gouvernement norvégien a demandé au Storting (Parlement) d'approuver un projet de loi visant à soumettre à l'arbitrage obligatoire le différend opposant le DNMF et la NHO. La loi est entrée en vigueur le 2 juin.
  4. 136. Le DNMF cite ensuite certains passages de documents sur lesquels la loi se fonde, où les raisons suivantes sont données pour justifier le recours à l'arbitrage obligatoire:
    • Un facteur important, qui a été tout à fait déterminant, est qu'il semble que le conflit soit entré dans une impasse totale et que les chances de parvenir à un règlement, après la réunion dans les bureaux du ministre des Affaires municipales et les tentatives infructueuses de conciliation entreprises le 25 mai 1992, soient bien minces. La gêne considérable occasionnée aux habitants de la zone côtière qui pâtissent une fois de plus d'un conflit du travail a également été prise en considération.
    • Alors qu'une nouvelle grève a commencé et qu'il a été annoncé qu'elle serait élargie, avec en plus un lock-out de la part de l'Association nationale des armateurs à partir du 2 juin, la limite de ce que le gouvernement peut accepter comme inconvénients infligés à la population et aux collectivités de la zone côtière de la Norvège a été atteinte.
    • Le ministère de l'Administration locale et du Travail a examiné très attentivement s'il était possible, dans le cadre des conventions, de prendre la décision de recourir à l'arbitrage obligatoire dans ces conflits. Il est parvenu à la conclusion que, compte tenu du type de collectivités qui, le long de la côte norvégienne, n'ont pas d'autre moyen de transport pour les passagers et les marchandises, la situation est si particulière qu'elle doit entrer dans les cas prévus dans les conventions pour lesquels il convient de régler les conflits au moyen de l'arbitrage obligatoire.
  5. 137. Le DNMF soutient que les raisons données à l'appui du recours à l'arbitrage obligatoire sont tout à fait exagérées. Il indique qu'il avait tenu compte, eu égard justement à la population, du fait qu'il devrait y avoir un autre moyen de communication. Le DNMF estime aussi que c'est essentiellement l'avis de lock-out donné par la NHO qui a motivé la décision de recourir à l'arbitrage obligatoire, et que le gouvernement a fait le jeu des armateurs dans ce conflit. Le DNMF ajoute qu'il n'est pas membre de la LO (la Confédération générale des syndicats de Norvège), ce qui l'amène à penser que la décision de recourir à l'arbitrage obligatoire est aussi motivée par des raisons d'ordre politique.
  6. 138. Au surplus, le DNMF souligne que la décision de recourir à l'arbitrage obligatoire ne faisait pas l'unanimité dans la recommandation formulée dans la perspective du projet de loi par le Comité permanent de l'administration locale et de l'environnement. La minorité du comité, constituée par les représentants du Parti progressiste et de la gauche socialiste, a voté contre le recours à l'arbitrage obligatoire dans ce conflit. Le DNMF déclare que la minorité appuie son point de vue, à savoir que l'arbitrage obligatoire n'était pas justifié dans ce différend, et il joint à sa plainte une copie des déclarations de la minorité à cet égard. Les membres des formations minoritaires au sein du comité avancent les mêmes arguments que l'organisation plaignante quant aux raisons pour lesquelles l'arbitrage obligatoire n'était pas justifié dans ce conflit, tout en ajoutant une autre raison, à savoir que le gouvernement n'était pas intervenu dans d'autres conflits récents, notamment à l'usine de ramassage des ordures de Drammen, où le conflit avait été à l'origine d'une pollution considérable à la suite du rejet non contrôlé d'eaux usées.
  7. 139. Le DNMF cite des cas antérieurs concernant des plaintes présentées par d'autres organisations contre le gouvernement norvégien à propos du recours à l'arbitrage obligatoire. Il mentionne en particulier les cas nos 1255, 1389 et 1576 (plaintes présentées par la Fédération syndicale norvégienne des travailleurs du pétrole), le cas no 1099 (plainte présentée par la Société norvégienne des ingénieurs) et le cas no 1448 (plainte présentée par le Syndicat des enseignants de Norvège), en indiquant que le Comité de la liberté syndicale avait conclu que le recours par le gouvernement à l'arbitrage obligatoire était incompatible avec les principes de la liberté syndicale consacrés par les conventions nos 87 et 98. Les plaintes susmentionnées, ainsi que la présente plainte, montrent que le recours à l'arbitrage obligatoire par le gouvernement ne peut être considéré comme un cas isolé, mais qu'il s'inscrit dans le cadre d'une infraction continuelle aux conventions pertinentes.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 140. Dans sa communication du 7 mai 1993, le gouvernement relève que le droit de grève n'est pas expressément visé par les articles des conventions de l'OIT, mais qu'il est considéré comme faisant partie des principes de la liberté syndicale. Conformément aux normes de l'OIT telles qu'elles sont interprétées par les organes de l'OIT, les conséquences d'un conflit du travail peuvent prendre un tel caractère de gravité que l'intervention du gouvernement ou des restrictions au droit de grève seront compatibles avec les principes de la liberté syndicale. Des limitations ou des interdictions des grèves sont ainsi acceptées lorsque la grève implique: a) des fonctionnaires agissant en tant qu'organe de la puissance publique; b) des services essentiels au sens strict du terme, à savoir des services dont l'interruption mettrait en danger, dans tout ou partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé des personnes. Conformément à l'interprétation de l'OIT, les conséquences préjudiciables doivent en outre être évidentes et imminentes.
  2. 141. Le gouvernement indique que, dans l'ensemble, la plainte du DNMF donne une description exacte de l'évolution du conflit, mais il formule des observations complémentaires. Dans le domaine des transports maritimes nationaux, la NHO a conclu des conventions collectives avec les trois organisations de travailleurs ci-après: le DNMF, le Syndicat des seconds de Norvège et le Syndicat des gens de mer de Norvège. Lors des négociations qui se sont déroulées en 1992 pour la révision des accords salariaux, les employeurs se sont entendus avec les gens de mer, mais les deux autres accords ont été soumis à la médiation. La procédure de médiation a pris fin le 27 avril sans avoir donné de résultat positif, et le même jour 600 mécaniciens de marine et 1.400 seconds se sont mis en grève. Cela est revenu à une grève générale dans le secteur des transbordeurs, car tous les seconds et 600 mécaniciens de marine sur 700 ont fait grève.
  3. 142. En conséquence, le médiateur de l'Etat a entrepris une nouvelle tentative de médiation le 29 avril. Les seconds ont accepté une proposition de règlement et mis fin à leur grève. Lors du scrutin organisé ensuite, la proposition a été acceptée par les seconds comme par les employeurs. Les mécaniciens de marine ont eux aussi accepté une proposition de règlement et mis fin à leur grève. Toutefois, lors du scrutin organisé par la suite, les membres du syndicat ont rejeté la proposition à une large majorité. Le 22 mai, le DNMF a déclaré que 180 mécaniciens de marine entameraient une nouvelle grève à partir du 27 mai. Une nouvelle tentative de médiation, entreprise le même jour, a échoué et l'ordre de grève a été mis à exécution. Lors de la précédente tentative de médiation, les mécaniciens de marine avaient déclaré que la grève annoncée serait élargie le 31 mai, les membres du syndicat embarqués à bord des navires caboteurs devant alors se joindre au mouvement. De plus, la NHO a annoncé le 29 mai qu'elle procéderait à compter du 2 juin à un lock-out à l'encontre de 80 mécaniciens. En conséquence, le gouvernement a soumis un projet de loi au Storting en proposant que le conflit soit résolu par le Conseil national des salaires. La loi a été adoptée à une large majorité et est entrée en vigueur le 12 juin 1992.
  4. 143. Le gouvernement décrit ensuite les conséquences de la grève et donne son évaluation de la situation. Il explique tout d'abord que, pour comprendre ces conséquences, il est indispensable de connaître la géographie de la Norvège. La côte est extrêmement longue; de nombreuses collectivités résident sur des îles, et le seul lien avec le continent est par bateau ou par transbordeur. Par ailleurs, de larges portions des districts de la côte sont caractérisées par des monts escarpés entrecoupés de longs fjords. Des lieux situés à une longue distance par la route sont tributaires des transbordeurs, et dans de nombreux cas il n'existe pas d'autre moyen de communication.
  5. 144. La grève entamée le 27 mai par 180 mécaniciens a entraîné la suspension de nombreuses liaisons par transbordeur et par transbordeur express, qui a touché plusieurs comtés. En outre, l'escalade annoncée du conflit aurait sérieusement perturbé les services de transport et les communications dans de vastes secteurs. A titre d'exemple, la partie septentrionale du comté de Rogaland et les parties méridionales des comtés de Sogn et de Fjordane auraient été isolées. De même, dans le nord du Hordaland tous les services de transport auraient cessé, et dans les comtés de More et de Romsdal, de grands axes routiers auraient été bloqués. Cela aurait eu de graves répercussions sur d'importantes activités industrielles touchant, par exemple, les livraisons des usines de traitement des produits de la pêche et de fabrication de meubles, ainsi que les approvisionnements en produits d'affouragement et en lait. Comme les activités industrielles se déroulent déjà dans des conditions difficiles dans ces régions, une grève prolongée des transbordeurs aurait été préjudiciable à ces secteurs.
  6. 145. Le conflit aurait donc fortement perturbé les districts côtiers de la Norvège, auxquels il aurait porté un grave préjudice. Le gouvernement a également tenu compte du fait qu'un mois plus tôt ces régions avaient été éprouvées par une grève générale de deux jours des transbordeurs qui avait entraîné de sérieuses difficultés pour la population et les collectivités installées le long de la côte norvégienne. Il y avait également des raisons de croire que le conflit se serait prolongé. Plusieurs tentatives de négociation et de médiation avaient été entreprises. Les employeurs avaient conclu de nouveaux accords avec les deux autres syndicats présents dans les compagnies de transbordeurs. La situation semblait donc être entrée dans une impasse.
  7. 146. Le gouvernement souligne qu'une autre circonstance était que la grève touchait en premier et avant tout les tiers. D'ordinaire, bien que les tiers doivent supporter quelques inconvénients à l'occasion d'une grève, le but d'une action de revendication est d'exercer une pression sur l'autre partie. Toutefois, si ce sont les tiers qui subissent les plus grandes pertes à cause d'une grève, la pression exercée sur l'employeur est faible. Dans le présent conflit, les pertes subies par les employeurs étaient minces comparées à celles des collectivités résidant le long de la côte. Etant donné qu'un système de transport et de communication est essentiel dans une société moderne, surtout s'il n'existe pas d'autre moyen de transport, comme c'est le cas dans une bonne partie de la Norvège, le gouvernement soutient qu'il devrait être admis que son intervention dans le conflit des transbordeurs, dans la perspective d'une grève prolongée, était compatible avec les conventions sur la liberté syndicale.
  8. 147. Passant à l'allégation du DNMF selon laquelle le recours par le gouvernement à l'arbitrage obligatoire ne peut être considéré comme un cas isolé mais s'inscrit dans le cadre d'une infraction continuelle aux conventions pertinentes, le gouvernement souligne que chaque conflit est examiné individuellement et que l'évaluation du gouvernement se fonde sur les conséquences du conflit. Comme c'est l'étendue du conflit qui est déterminante, le gouvernement est d'avis que l'allégation du DNMF n'est guère fondée. Il a également noté avec intérêt que les observations antérieures des organes de l'OIT à propos du recours à l'arbitrage obligatoire reposaient sur des cas précis, et qu'elles ne devraient pas être considérées comme une appréciation portée sur le système norvégien de négociation collective.
  9. 148. Le gouvernement réfute également les allégations du DNMF selon lesquelles les raisons données dans le projet de loi à l'appui du recours à l'arbitrage obligatoire sont tout à fait exagérées, c'est essentiellement l'avis de lock-out qui a motivé cette décision, et cette dernière était aussi motivée par des raisons d'ordre politique. Il affirme avoir soumis son projet de loi après la réalisation d'une évaluation minutieuse de la situation globale s'appuyant sur les effets de la grève suivie et l'annonce d'une escalade avec, d'un côté, un élargissement des mouvements de grève et, de l'autre, le lock-out des employeurs. Dans ce contexte, il est clair que le fait que les travailleurs soient ou non membres de la LO était sans importance. Le gouvernement s'est uniquement préoccupé des effets de l'action directe.
  10. 149. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle, lors de l'examen du projet de loi par le Storting, la recommandation faite au Storting par le Comité permanent de l'administration locale et de l'environnement ne faisait pas l'unanimité, le gouvernement répond que, sur les 17 membres du comité, 4 ont voté contre le projet de loi, deux de ces quatre représentants ayant rejeté par la suite des projets de loi proposant le recours à l'arbitrage obligatoire. Ainsi, la loi a été adoptée à une large majorité, ce qui, de l'avis du gouvernement, reflète l'assentiment général dont sa pratique du recours à l'arbitrage obligatoire fait l'objet en Norvège.
  11. 150. Le gouvernement décrit ensuite la relation entre les normes de l'OIT et la pratique norvégienne en matière de relations professionnelles. Le principe de base est que les organisations d'employeurs et de travailleurs sont responsables des accords salariaux et de la paix sociale. Cependant, il existe en Norvège une large majorité pour considérer qu'en dernier recours il appartient au gouvernement d'empêcher que des conflits du travail ne causent de sérieux dommages à la société. Dans le petit nombre de cas où des propositions de recours à l'arbitrage obligatoire ont été soumises au Storting, celui-ci a adopté la proposition de loi à une large majorité. En général, le système de négociation fonctionne bien. Les conflits du travail sont rares car, dans la plupart des cas, les parties parviennent à un accord. Les sentences arbitrales du Conseil national des salaires sont respectées. Quatre organisations seulement (dont aucune ne fait partie de la LO) ont présenté des plaintes à l'OIT. De l'avis du gouvernement, le système norvégien présente de grands avantages. Le droit de négociation collective ne connaissant pas de restrictions, la coopération et les négociations se situent à tous les niveaux, et la plupart des groupes peuvent influer sur leurs conditions de travail. Le droit d'organisation est exercé par le truchement de groupements très divers, et la loi de 1927 sur les conflits du travail octroie des droits égaux à toutes les organisations de travailleurs, quelle que soit leur taille. Il existe également une multiplicité de conventions collectives. Dans le domaine du travail, la coopération s'exerce sur un large éventail de questions. Il existe plusieurs procédures de coopération qui peuvent se chevaucher dans une certaine mesure. Outre la négociation collective, il existe un système de cogestion largement étendu qui confère aux salariés une influence considérable dans les entreprises. Il existe aussi une large coopération institutionnelle entre les syndicats et les autorités, recouvrant tout l'éventail des questions qui ressortissent à la législation en général, à la législation du travail en particulier, à la politique des revenus, et ainsi de suite.
  12. 151. Le gouvernement insiste avec force sur le respect par la Norvège de ses obligations internationales. Il déclare que les principes juridiques fondamentaux relatifs à la négociation collective sont en pleine conformité avec les conventions pertinentes de l'OIT. Il reste que des plaintes déposées auprès de l'OIT ont montré que certains cas n'ont pas été en accord avec l'interprétation donnée par l'OIT des conventions nos 87, 98 et 154. Le gouvernement est préoccupé parce que l'OIT a adopté un point de vue différent dans son interprétation des conventions en question. Dans ce contexte, le gouvernement a commencé à examiner les autres options possibles. Le but est de mettre au point une méthode de règlement des conflits du travail qui puisse répondre à la fois aux préoccupations de l'OIT et à celles du pays. Toutefois, il est essentiel d'avancer prudemment dans ce domaine, en raison notamment de la position de force des organisations de travailleurs et d'employeurs en Norvège. Toute modification doit recevoir leur appui sans réserve.
  13. 152. La grève étant un moyen d'exercer de la pression sur la partie adverse, un pays qui reconnaît le droit de grève doit en supporter les conséquences. Les limites quant à l'ampleur de ces conséquences pour la société et le public, telles qu'elles ont été définies par les organes de l'OIT, ont fait l'objet de commentaires. D'après le gouvernement, certains aspects relatifs aux conséquences d'une grève pour un pays industriel moderne, comme le dilemne des conséquences pour les tiers, appellent une réflexion plus précise. Le gouvernement soutient qu'il existe des cas où les conséquences pour les tiers sont telles qu'une intervention touchant le droit de grève serait pleinement conforme aux conventions. Un autre aspect important est le large accord des partenaires sociaux en faveur du système et de la pratique ayant cours en Norvège, y compris le recours à l'arbitrage obligatoire dans les conflits de ce type.
  14. 153. Le gouvernement conclut en soulignant que la Norvège respecte les conventions qu'elle a ratifiées. Toutefois, il existe un large accord sur le fait qu'en dernier recours le gouvernement a la responsabilité d'empêcher que les grèves ne causent un grave préjudice à la société et aux tiers. L'évaluation des intérêts à laquelle le gouvernement est appelé à procéder à cet égard est très délicate. Le gouvernement est persuadé que les informations fournies par lui démontrent que la loi imposant un arbitrage obligatoire aux parties dans le conflit ayant impliqué, en 1992, les mécaniciens de marine était conforme aux conventions nos 87 et 98.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 154. Le comité note que ce cas a trait à des restrictions de la négociation collective moyennant l'imposition par le gouvernement de l'arbitrage obligatoire en vue de mettre fin à une grève légale des mécaniciens de marine en mai 1992. Le gouvernement déclare que le recours à l'arbitrage obligatoire était justifié, compte tenu des sérieuses difficultés et des graves préjudices qu'aurait entraînés, pour les industries locales et pour la population située le long de la côte norvégienne, une grève prolongée des transbordeurs, et que son intervention était en conformité avec les conventions protégeant la liberté syndicale.
  2. 155. Le comité constate que la version des faits ayant abouti à l'imposition de l'arbitrage obligatoire présentée par l'organisation plaignante et celle présentée par le gouvernement ne sont pas contradictoires. Elles diffèrent cependant en ce qui concerne l'interprétation de la nécessité de cette intervention gouvernementale. Le gouvernement avance plusieurs arguments pour justifier son intervention: en raison des caractéristiques géographiques particulières du pays, la seule liaison avec le continent pour de nombreuses collectivités installées sur les îles situées le long de la côte est par bateau ou par transbordeur; la grève entamée le 27 mai 1992 par 180 mécaniciens de marine avait abouti à la suspension de nombreuses liaisons par transbordeur touchant plusieurs comtés, et une escalade du conflit aurait entraîné l'isolement de secteurs étendus dans ces comtés; ces régions avaient déjà été éprouvées un mois plus tôt par une grève générale de deux jours des transbordeurs qui avait entraîné de sérieuses difficultés pour les collectivités installées le long de la côte norvégienne; il y avait des raisons de penser que le conflit se serait prolongé; enfin, un système de transport et de communication est essentiel dans une société moderne, surtout s'il n'existe pas d'autre moyen de transport.
  3. 156. Il apparaît au comité, d'après les arguments avancés par le gouvernement, que ce dernier justifie sa restriction du droit de grève des mécaniciens de marine en avançant l'idée que le service des transbordeurs est un service essentiel en Norvège. Le comité tient cependant à rappeler que les services essentiels sont ceux dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne, et que les services de transport ne sont pas en eux-mêmes des services essentiels au sens strict du terme. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 400-410.) Cependant, il est conscient des difficultés et des inconvénients que pourrait entraîner pour la population installée dans les îles le long de la côte une interruption des services de transbordeurs. Le comité est d'avis que dans une telle situation les parties en cause, au besoin avec la participation du gouvernement, auraient dû s'entendre sur un service minimum à maintenir.
  4. 157. Toutefois, compte tenu des considérations ci-dessus, le comité regrette que le gouvernement n'ait pas privilégié la négociation collective pour réglementer les conditions d'emploi des mécaniciens de marine en cause, et qu'au lieu de cela il ait cru nécessaire d'avoir recours à l'arbitrage obligatoire dans le conflit en question.
  5. 158. De manière plus générale, le comité fait observer qu'il a examiné dans le passé de nombreux cas impliquant le recours à l'arbitrage obligatoire en Norvège: cas no 1099 (217e rapport, paragr. 449-470, approuvé par le Conseil d'administration à sa 220e session, mai-juin 1982); no 1255 (234e rapport, paragr. 171-192, approuvé par le Conseil d'administration à sa 226e session, mai-juin 1984); no 1389 (251e rapport, paragr. 191-214, approuvé par le Conseil d'administration à sa 236e session, mai 1987); no 1448 (262e rapport, paragr. 93-123, approuvé par le Conseil d'administration à sa 242e session, février-mars 1989); et no 1576 (279e rapport, paragr. 91-118, approuvé par le Conseil d'administration à sa 251e session, nov. 1991). Le comité considère par conséquent que l'intervention législative en cause dans la présente plainte n'est pas un cas isolé. Compte tenu du fait que le gouvernement a eu recours à l'arbitrage obligatoire à plusieurs reprises ces dernières années, le comité prie instamment le gouvernement de s'abstenir à l'avenir de recourir à de telles mesures dans des services qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme.
  6. 159. Le comité note avec intérêt la déclaration du gouvernement selon laquelle il a commencé à examiner les modifications possibles du système existant pour résoudre les conflits du travail, et il espère que les conclusions adoptées par le comité dans le présent cas ainsi que dans les cas précédents concernant la Norvège seront dûment prises en considération. Notant que le gouvernement avait exprimé il y a deux ans son intention de procéder à cet examen (voir cas no 1576, 279e rapport, paragr. 117), le comité rappelle de nouveau à l'attention du gouvernement que les services consultatifs du Bureau international du Travail sont à sa disposition s'il souhaite y faire appel.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 160. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas privilégié la négociation collective pour réglementer les conditions d'emploi des mécaniciens de marine en cause et, qu'au lieu de cela, il ait cru nécessaire d'avoir recours à l'arbitrage obligatoire dans le conflit en question.
    • b) Notant que le gouvernement a eu recours à l'arbitrage obligatoire à plusieurs reprises ces dernières années, le comité prie instamment le gouvernement de s'abstenir à l'avenir de recourir à de telles mesures dans des services qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme.
    • c) Le comité note que le gouvernement a commencé à examiner les modifications possibles du système existant pour résoudre les conflits du travail, et il espère que les conclusions adoptées dans le présent cas ainsi que dans les cas précédents concernant la Norvège seront dûment prises en considération. Notant que le gouvernement avait exprimé il y a deux ans son intention de procéder à cet examen, le comité rappelle à l'attention du gouvernement que les services consultatifs du Bureau international du Travail sont à sa disposition s'il souhaite y faire appel.
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