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Rapport définitif - Rapport No. 286, Mars 1993

Cas no 1674 (Danemark) - Date de la plainte: 30-SEPT.-92 - Clos

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  1. 24. Dans une communication datée du 30 septembre 1992, le Syndicat danois des marins, le Syndicat danois des pêcheurs et le Syndicat danois des artistes ont présenté une plainte contre le gouvernement du Danemark pour violation de la liberté syndicale. Le gouvernement a envoyé ses observations sur ce cas dans une communication en date du 20 janvier 1993.
  2. 25. Le Danemark a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 26. Dans leur communication du 30 septembre 1992, les organisations plaignantes allèguent que le refus du ministre du Travail d'approuver la demande présentée par ces organisations et visant à étendre le domaine professionnel d'une caisse d'assurance chômage (le Fonds maritime d'assurance chômage) gérée conjointement par les organisations plaignantes à des secteurs professionnels couverts par quatre syndicats est contraire aux dispositions des conventions nos 87 et 98, pour les raisons exposées ci-après. Historiquement, les caisses d'assurance chômage ont été instituées par les syndicats et, bien qu'étant des entités juridiques entièrement distinctes, syndicats et caisses travaillent en étroite collaboration. Par exemple, les syndicats et les caisses de chômage ont souvent la même adresse officielle, tiennent ensemble leurs réunions générales, ont la même direction et le même personnel administratif. Dans bien des cas, les cotisations aux caisses de chômage et aux syndicats sont perçues en même temps et les conventions syndicales exigent souvent l'adhésion à la caisse de chômage. Si un conflit du travail éclate dans le secteur relevant de la compétence d'une caisse de chômage, celle-ci sera dégagée du droit (et de l'obligation) de verser des allocations de chômage. Les organisations plaignantes prétendent que cette étroite coopération entre syndicats et caisses est l'explication principale du taux élevé de syndicalisation (75 pour cent) de l'ensemble des salariés du pays. Pour toutes ces raisons, il est essentiel pour un syndicat danois de fonctionner en association avec une caisse de chômage.
  2. 27. Selon les organisations plaignantes, les syndicats n'ayant pas de caisses d'assurance chômage ont de grandes difficultés à opérer sur un pied d'égalité avec les syndicats qui en sont pourvus et qui s'occupent des mêmes groupes de travailleurs. Premièrement, un syndicat associé à une caisse de chômage est en mesure d'offrir un service supplémentaire et extrêmement utile. deuxièmement, il est difficile pour un syndicat non associé à une caisse de chômage de devoir recommander à ses adhérents de s'affilier à une caisse liée à un syndicat concurrent, alors que les travailleurs sont souvent harcelés en raison de leur choix d'un syndicat. C'est pourquoi, par exemple, le Syndicat danois des veilleurs, dont les effectifs sont tombés de 2.550 à 1.350 de la fin de 1988 à la fin de 1991, considère que cette chute est uniquement imputable au fait que ses adhérents ont été contraints de s'affilier à une caisse associée à une organisation concurrente.
  3. 28. En outre, les pouvoirs de négociation collective des syndicats dépendent étroitement de leur affiliation à une caisse de chômage; faute d'une telle affiliation, les syndicats ne seront pas en position assez forte pour négocier des conventions collectives. Enfin, les trois syndicats plaignants soutiennent que les caisses de chômage doivent compter 5.000 membres au moins. Or aucune des sept organisations (les organisations plaignantes et les quatre autres syndicats auxquels a été refusée une extension du Fonds maritime d'assurance chômage) ne comporte plus de 5.000 adhérents; aussi leur coopération dans le cadre de la caisse de chômage serait-elle opportune et nécessaire.
  4. 29. Devant toutes les difficultés auxquelles ont été en proie les syndicats qui n'étaient pas associés à une caisse de chômage, le Fonds maritime d'assurance chômage a demandé, le 7 juillet 1990, un élargissement du cadre professionnel de l'assurance chômage aux secteurs couverts par les quatre syndicats ci-après: le Syndicat danois des veilleurs, la Fédération des syndicats danois des serveurs, le Cartel des salariés et l'Association des techniciens. Cependant, la législation danoise habilite le ministre du Travail à refuser l'extension d'une caisse de chômage à d'autres branches d'activité si un fonds existe déjà pour les branches considérées, et le 27 mai 1991 le ministre du Travail a rejeté la demande du Fonds maritime d'assurance chômage. Les motifs invoqués à l'appui du refus étaient les suivants: 1) toutes les autres caisses d'assurance chômage en cause ont déclaré que l'autorisation ne devait pas être délivrée; 2) le groupe de travail de la Commission nationale du travail s'est prononcé dans le même sens; 3) toute autorisation d'élargir le cadre professionnel du fonds maritime aux branches d'activité couvertes par les quatre syndicats susmentionnés supposerait que de nombreux membres de diverses autres caisses d'assurance chômage pourraient adhérer au fonds maritime. C'est ainsi que toute autorisation d'admettre le Syndicat danois des veilleurs impliquerait que tous les salariés affectés aux services de sécurité, de contrôle et de surveillance pourraient s'affilier au fonds maritime comme à la caisse d'assurance chômage des salariés et travailleurs du secteur tertiaire; et 4) l'extension du fonds maritime n'est pas une conséquence directe d'un changement structurel préalable qui aurait été accepté par les syndicats touchés par le biais d'accords de trêve ou de répartition des compétences.
  5. 30. Les syndicats plaignants signalent que les divers motifs invoqués pour le refus leur inspirent les commentaires suivants. En ce qui concerne le premier point, ils affirment qu'aucune des caisses de chômage en cause, ou les syndicats qui leur sont associés, n'a intérêt à ce que se crée une caisse concurrente. Les quatre syndicats désireux de s'affilier au fonds maritime ont tous été créés par suite du mécontentement suscité par les syndicats existants et les caisses associées. Ce mécontentement résulte de la gestion et de la politique des syndicats établis, et en particulier du soutien qu'ils ont apporté à certains partis politiques. Pour ce qui est du deuxième point, ils prétendent que la Commission nationale du travail se compose de 14 membres, dont 12 sont désignés par les associations d'employeurs ou les organisations centrales de syndicats, certains d'entre eux étant dotés de caisses d'assurance chômage qui occupent une position compétitive. En réponse au troisième point, ils font valoir que nombreux sont les exemples qui prouvent que les salariés peuvent choisir entre plusieurs caisses de chômage. Il est aussi arrivé que tous les membres d'une caisse d'assurance chômage choisissent de s'affilier à une autre caisse. En ce qui concerne le dernier argument du gouvernement, les syndicats plaignants indiquent que, de par leur nature, les caisses d'assurance chômage ne sont pas fondées à conclure des accords de répartition des compétences. Ce droit est l'apanage des associations syndicales. En outre, les changements structurels occasionnés par la demande du fonds maritime ne sont pas acceptés par les anciennes organisations. En raison du refus opposé par le ministre à la demande du fonds, les organisations plaignantes estiment qu'elles sont en présence d'un monopole, ce qui rend impossible, dans la pratique, tout accord de répartition des compétences.
  6. 31. En bref, les syndicats plaignants concluent que la décision du ministre est contraire aux dispositions des conventions nos 87 et 98 dans la mesure où il est extrêmement important, pour un syndicat danois, d'être associé à une caisse d'assurance chômage; où la décision du ministre est révélatrice de la position de quasi-monopole occupée par les syndicats établis, de telle sorte que le ministre intervient indûment dans la concurrence que se font les organisations pour augmenter leurs effectifs; et où la décision revient à établir une discrimination entre les syndicats.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 32. Dans sa réponse du 20 janvier 1993, le gouvernement déclare que ce cas ne concerne pas les syndicats mais les questions d'assurance chômage. A l'appui de sa thèse, le gouvernement décrit le système danois d'assurance chômage et ses rapports avec les organisations syndicales.
  2. 33. Le gouvernement explique que la gestion du système danois d'assurance chômage repose sur des caisses de chômage qui sont des associations privées, tout en étant régies par l'Etat. Les caisses d'assurance chômage - qui doivent être liées à un secteur professionnel déterminé - sont 1'ordinaire constituées sous l'impulsion des syndicats, et les secteurs professionnels couverts par une caisse d'assurance chômage et par le syndicat intéressé seront souvent identiques, mais cette similitude n'est pas une condition à remplir pour obtenir la reconnaissance de l'Etat.
  3. 34. Le gouvernement soutient que la législation danoise établit une distinction très claire entre les activités des caisses d'assurance chômage et celles d'autres associations. En vertu de l'article 30 de la loi sur le service public de l'emploi et le système d'assurance chômage, les caisses d'assurance chômage reconnues par l'Etat désignent des associations dont le seul but est d'assurer à leurs membres une assistance financière en cas de chômage. L'article 32 dispose que le revenu et les avoirs d'une caisse ne pourront pas être mêlés aux avoirs d'autres associations et ne pourront leur être transférés au moyen de prêts ou de dons, ni servir à des fins non autorisées.
  4. 35. En outre, le ministre du Travail, sur demande, reconnaîtra les caisses de chômage mais pourra refuser son agrément s'il existe déjà une caisse de chômage pour la même activité. C'est pourquoi, selon le gouvernement, il n'est pas question d'autoriser certaines organisations professionnelles à administrer, voire à gérer une caisse de chômage, alors que ce droit est refusé à d'autres. Le gouvernement ajoute que les conditions à remplir pour obtenir la reconnaissance des caisses de chômage ne doivent pas être dissociées du fait que l'Etat finance une partie substantielle des dépenses du système d'assurance chômage.
  5. 36. Au moment de prendre une décision liée à la reconnaissance d'une caisse de chômage et à l'extension du domaine professionnel de cette caisse, le ministère du Travail s'efforce de garantir: 1) l'instauration de la protection la plus efficace pour tous les salariés; 2) le fonctionnement judicieux et administrativement rationnel et approprié du système d'assurance chômage; 3) le bon fonctionnement des différentes caisses de chômage compte tenu des responsabilités que la loi leur impose d'aider les sans-emploi à rester en contact avec le marché du travail.
  6. 37. Le gouvernement prétend qu'à la différence des règles applicables aux caisses de chômage régies par l'Etat, aucune règle ne gouverne la création de syndicats qui peuvent être librement constitués et qui ont toute latitude pour fixer leurs propres objectifs. Les syndicats peuvent donc créer des systèmes d'assurance, non subordonnés à la reconnaissance de l'Etat, qui accordent à leurs membres une assistance financière en cas de chômage, mais les dépenses de fonctionnement de ces systèmes ne seront pas remboursées par l'Etat. Selon le gouvernement, dans ce contexte on ne saurait admettre que des autorités publiques offrent à certains syndicats plutôt qu'à d'autres des privilèges ou une assistance financière.
  7. 38. De surcroît, tous les salariés (ou les travailleurs indépendants) employés dans le domaine professionnel couvert par une caisse ont les mêmes droits d'y adhérer. Il ne faut pas nécessairement être membre d'un syndicat déterminé pour pouvoir s'affilier à la caisse de chômage correspondante. De même, un syndicaliste a le droit de participer à une caisse de chômage qui ne serait pas associée à son syndicat. Par conséquent, le gouvernement danois convient que les autorités publiques ne doivent pas exercer une discrimination à l'égard des syndicats dans le but d'influer sur la libre affiliation des salariés au syndicat de leur choix, mais il ne considère pas que la législation pertinente exerce une quelconque discrimination à l'encontre de certains syndicats. A son avis, le refus de reconnaître une caisse de chômage désirant opérer dans des domaines professionnels qui sont déjà couverts ne prive en aucun cas les organisations intéressées de la possibilité de protéger les intérêts de leurs membres.
  8. 39. En résumé, le gouvernement conclut qu'étant donné que la législation établit une distinction très claire entre les syndicats et les caisses d'assurance chômage et interdit toute imbrication de leurs intérêts respectifs, ce cas ne concerne pas les syndicats mais l'assurance chômage. Vu que les conventions nos 87 et 98 ne s'appliquent pas aux questions relatives au système d'assurance chômage en vigueur dans un pays, le cas qui fait l'objet de la plainte n'entre pas dans le domaine de compétence du Comité de la liberté syndicale.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 40. Le comité note que ce cas concerne des allégations de discrimination exercée par le gouvernement à l'encontre de quatre syndicats par son refus d'approuver une extension du domaine professionnel du Fonds maritime d'assurance chômage aux activités couvertes par ces quatre syndicats, à savoir le Syndicat danois des veilleurs, la Fédération des syndicats danois des serveurs, le Cartel des salariés et l'Association des techniciens. Le gouvernement affirme que sa décision s'applique à une caisse d'assurance chômage et ne constitue donc en aucun cas une discrimination contre des syndicats étant donné que les caisses de chômage et les syndicats sont des entités juridiques distinctes.
  2. 41. Le comité note d'emblée qu'en vertu de la législation danoise les caisses d'assurance chômage reconnues par l'Etat sont réglementées d'une autre manière que d'autres associations telles que les syndicats. En effet, aux termes de la loi sur le service public de l'emploi et le système d'assurance chômage, les caisses de chômage ont pour seul but d'assurer à leurs membres une assistance financière en cas de chômage. De plus, cette loi dispose que les avoirs de ce genre de caisse ne peuvent être mêlés à ceux d'autres associations.
  3. 42. Cette distinction juridique étant admise, le comité relève, d'après les conclusions des plaignants, que le gouvernement ne conteste pas qu'il existe dans la pratique des rapports mutuels et étroits entre les caisses de chômage et les syndicats. Il arrive, fréquemment, que caisses et syndicats aient la même direction et le même personnel administratif et tiennent ensemble leurs assemblées générales. De plus, les conventions syndicales exigent souvent l'adhésion à la caisse de chômage associée, ce qui explique en grande partie le taux de syndicalisation élevé (75 pour cent) de l'ensemble des salariés du pays.
  4. 43. Tout en étant conscient de l'importance pratique pour un syndicat d'être associé à une caisse de chômage, le comité ne considère pas néanmoins que le refus opposé par le gouvernement dans ce cas d'étendre le domaine professionnel du Fonds maritime d'assurance chômage aux activités couvertes par le Syndicat danois des veilleurs, la Fédération des syndicats danois des serveurs, le Cartel des salariés et l'Association des techniciens constitue un acte de discrimination à l'encontre de ces quatre syndicats. De l'aveu même des organisations plaignantes, l'une des raisons principales pour lesquelles le gouvernement a refusé cette extension était qu'elle impliquerait l'affiliation au Fonds maritime d'assurance chômage de membres de diverses autres caisses. Afin d'éviter des adhésions multiples à des caisses différentes, le gouvernement s'est prévalu de l'article 31(2) de la loi sur le service public de l'emploi et le système d'assurance chômage qui l'habilite à refuser de reconnaître une caisse de chômage souhaitant opérer dans des domaines professionnels qui sont déjà couverts.
  5. 44. A cet égard, il est manifeste pour le comité que les conditions à remplir par une caisse de chômage pour obtenir la reconnaissance du gouvernement sont indissociables du fait que l'Etat finance une part substantielle des dépenses du système d'assurance chômage. Le comité note également que les syndicats peuvent constituer des caisses de chômage non subordonnées à la reconnaissance de l'Etat, qui accordent à leurs membres une assistance financière en cas de chômage, étant entendu que l'Etat ne remboursera pas les frais encourus.
  6. 45. Le comité prend note en particulier de la conclusion du gouvernement selon laquelle, au moment de se prononcer sur l'extension du domaine professionnel d'une quelconque caisse d'assurance chômage, le gouvernement s'efforce en tout premier lieu de garantir que tous les salariés bénéficient de la protection la plus efficace et que ce système d'assurance chômage est géré avec sérieux et administré de façon rationnelle. Il n'appartient pas au comité de déterminer si le refus d'extension du domaine professionnel du Fonds maritime d'assurance chômage aboutira effectivement à un fonctionnement plus rationnel et plus efficace du système d'assurance chômage au Danemark. Le comité est d'avis, néanmoins, compte tenu des considérations qui précèdent, que la décision du gouvernement n'a pas été prise dans le but d'influer sur l'affiliation des travailleurs au Syndicat danois des veilleurs, à la Fédération des syndicats danois des serveurs, au Cartel des salariés et à l'Association des techniciens, et ne peut, par conséquent, être considérée comme discriminatoire à l'égard des quatre syndicats considérés.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 46. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à décider que ce cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
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