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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 284, Novembre 1992

Cas no 1616 (Canada) - Date de la plainte: 20-DÉC. -91 - Clos

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  1. 595. Dans une communication datée du 20 décembre 1991, le Congrès du travail du Canada (CTC) a présenté au nom de l'Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement du Canada. L'Internationale des services publics (ISP) et la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) ont appuyé la plainte dans des communications datées respectivement du 23 décembre 1991 et du 9 janvier 1992.
  2. 596. Le gouvernement du Canada a transmis sa réponse le 2 juin 1992.
  3. 597. Le Canada a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Il n'a ratifié ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ni la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, ni la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 598. Dans sa communication du 20 décembre 1991, l'organisation plaignante allègue que le gouvernement du Canada a violé les conventions nos 87, 98, 151 et 154 en promulguant, le 2 octobre 1991, le projet de loi C-29 devenu la loi sur la rémunération du secteur public (ci-après appelée "la Loi"), dont les principales dispositions, en particulier celles qui sont citées et invoquées par le plaignant et le gouvernement, sont jointes en annexe au présent document pour faciliter leur consultation.
  2. 599. Les conventions collectives entre l'AFPC et le Conseil du Trésor, visant 155.000 employés du gouvernement fédéral répartis dans 35 unités de négociation, sont venues à expiration entre février et décembre 1991. La négociation collective pour ces employés est régie par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP). Des rencontres ont eu lieu en février et mars 1991 mais, le 26 février 1991, quelques heures à peine après le début des négociations directes, le gouvernement a déposé un budget qui définissait explicitement les paramètres financiers qui régiraient les négociations futures avec l'AFPC et d'autres groupes d'employés du gouvernement canadien. En dépit de ce budget, l'AFPC était déterminée à poursuivre les négociations. Le gouvernement a pour sa part fait valoir que les négociations futures seraient possibles à condition que l'AFPC accepte les dispositions énoncées dans le budget. En pratique, cela mettait fin au processus de négociation et entraînait le dépôt, le 2 octobre 1991, du projet de loi no C-29. Le budget et la loi avaient explicitement pour objet de mettre fin à la négociation collective dans le secteur public fédéral au Canada et d'établir des conditions d'emploi par décret.
  3. 600. Dans son budget de février 1991, tout en admettant que les hausses de traitements accordées dans le secteur fédéral depuis 1984 avaient été moins élevées que dans le secteur privé, de même que dans les secteurs provincial et municipal, le gouvernement a demandé aux salariés du secteur public de reconnaître les difficultés dans lesquelles la récession plongeait tous les Canadiens et d'assumer leur part du fardeau des restrictions financières. Le gouvernement s'est alors dit opposé à des hausses de traitements supérieures à 3 pour cent pour chacune des trois années suivantes. C'était méconnaître le fait que les traitements des fonctionnaires fédéraux ont connu en termes réels une baisse importante durant les six dernières années. Par ailleurs, l'augmentation ne serait accordée que si elle était compensée par une réduction de 2.000 années-personne pour chaque tranche d'augmentation salariale de 1 pour cent.
  4. 601. Tout en réitérant son intention de continuer à négocier avec ses employés, le gouvernement a déclaré ce qui suit: "Le gouvernement juge important de maintenir des relations de travail efficaces avec les syndicats de la fonction publique, malgré les restrictions que la situation impose; il veillera à ce que les arbitres et les conciliateurs soient bien au courant des répercussions sur l'emploi de règlements excessifs par des tierces parties. Si cela se révèle nécessaire, toutefois, le gouvernement n'hésitera pas à recourir à des mesures législatives pour éviter des règlements excessifs, négociés ou accordés par des tierces parties. Il n'hésitera pas non plus à recourir à des moyens législatifs pour prévenir des arrêts de travail qui nuiraient à la prestation des services au public." (Budget, p. 83.) En réalité, le gouvernement a dit à ses employés qu'ils devaient accepter des accords salariaux de 3 pour cent en 1991, 1992 et 1993, sans quoi des restrictions salariales seraient imposées par la loi.
  5. 602. En avril 1991, 62 pour cent des membres de l'AFPC ont voté en faveur d'une grève si leurs négociateurs ne parvenaient pas à conclure une convention collective sans consentir aux conditions préalables posées par le gouvernement. Les négociations ont été rompues à toutes les tables de négociations entre la fin mai et la mi-juin, et l'AFPC a demandé la mise sur pied de bureaux de conciliation, comme le prévoit la LRTFP. Ces bureaux ont remis leurs rapports, et les diverses unités de négociation obtinrent alors la possibilité de faire légalement grève au début du mois de septembre. Pendant toute cette période, l'AFPC a indiqué publiquement et en privé qu'elle était disposée à reprendre les négociations pour tenter de conclure des conventions collectives; elle a continué à soutenir cette position à la suite de la publication des rapports des bureaux de conciliation. Ses ouvertures, cependant, n'ont été ni acceptées ni payées de retour par l'employeur dont la position est demeurée inchangée. En fait, le 19 juin 1991, le président du Conseil du Trésor a fait une déclaration à la Chambre des communes; il réitérait l'engagement du gouvernement face à son programme de contraintes budgétaires et modifiait le programme de restrictions salariales proposé (3 pour cent chacune des trois années suivantes), offrant dorénavant 0 et 3 pour cent sur deux ans.
  6. 603. Les divers bureaux de conciliation (constitués d'un représentant de l'employeur, d'un représentant des employés et d'un président neutre) ont examiné les questions en litige et formulé des recommandations aux parties en vue de faciliter la négociation de conventions collectives. Ils ont soit émis un rapport dit "SANS OBJET", ce qui sous-entendait qu'ils n'étaient pas en mesure de présenter des recommandations, soit conclu que le programme de restrictions salariales du gouvernement et l'attitude de ce dernier sur le plan de la négociation étaient très insatisfaisants. En somme, les rapports des bureaux de conciliation ont appuyé les positions de l'AFPC et ont rejeté complètement celle du gouvernement.
  7. 604. Sur la question du salaire égal pour des fonctions équivalentes, point d'une importance capitale pour les membres des unités de négociation à prédominance féminine, un bureau de conciliation a déterminé que l'écart salarial se situait entre 10 et 15 pour cent et recommandé aux parties de négocier sérieusement les réajustements paritaires durant cette ronde de négociations. Le gouvernement s'y est opposé soutenant qu'il existait un financement distinct pour le règlement des plaintes en matière d'équité salariale, ces dernières devant être réglées par la Commission des droits de la personne (CCDP) et non au cours des négociations. Cependant, le gouvernement a parallèlement engagé des procédures judiciaires pour empêcher la CCDP d'examiner cette question.
  8. 605. Après la publication des rapports des bureaux de conciliation à la fin août, l'AFPC a fait savoir publiquement et en privé qu'elle était disposée à reprendre les négociations et à négocier de bonne foi. Pendant ce temps, l'AFPC et d'autres agents négociateurs ont demandé à maintes reprises qu'un médiateur soit nommé. Le gouvernement a constamment rejeté ces demandes, bien qu'il ait disposé de 18 jours complets, depuis la publication du premier rapport du bureau de conciliation jusqu'au début de la grève, pour reconsidérer sa position et reprendre les négociations de bonne foi. L'AFPC a donc été laissée dans la position peu enviable d'accepter l'ultimatum du gouvernement ou de déclencher la grève. Là encore, le gouvernement a manifesté son mépris du processus de la libre négociation collective. Immédiatement avant la grève, il a réitéré sa menace, soit que toute grève serait contrée par l'adoption rapide d'une loi de retour au travail. Malgré l'ultimatum, les menaces et l'intimidation, l'AFPC a déclenché la grève le 9 septembre 1991.
  9. 606. Le lendemain, l'AFPC a déposé une plainte de négociation de mauvaise foi contre le gouvernement devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP). Cette dernière a conclu que le gouvernement avait négocié de mauvaise foi: "L'obligation qu'impose la loi sur les relations de travail dans la fonction publique de négocier de bonne foi et de faire tout effort raisonnable pour conclure une convention collective est au fond la même pour l'employeur dans la présente affaire, à peu de choses près, que pour tous les autres employeurs des autres secteurs de compétence au Canada. L'insistance sur l'acceptation de conditions avant de négocier des conditions de travail à la table des négociations va à l'encontre de l'exigence de faire tout effort raisonnable pour conclure une convention collective. En conséquence, la commission déclare que l'employeur a agi à l'encontre de l'article 51 de la loi et lui ordonne de respecter ledit article." Le gouvernement n'a pas tenu compte de cette décision et a déposé le 16 septembre le projet de loi C-29.
  10. 607. Le 17 septembre 1991, le gouvernement a consenti à suspendre le débat parlementaire sur le projet de loi C-29 et à reprendre les négociations sans conditions préalables, et l'AFPC a accepté de suspendre sa grève. Peu après, l'employeur a déposé de nouvelles offres qui modifiaient légèrement son programme de restrictions en accordant aux employés les moins bien rémunérés une prime de 500 dollars à la signature, mais qui ne serait pas intégrée aux taux de rémunération. Ce programme de restrictions révisé devint la nouvelle condition préalable de l'employeur. Les négociations ainsi rompues, la grève a repris le 27 septembre. La loi est entrée en vigueur le 2 octobre et les membres de l'AFPC ont été contraints de reprendre le travail le lendemain.
  11. 608. Le gouvernement est coutumier des lois imposant le retour au travail: 25 lois de ce genre de 1950 à 1991, dont quatre en 1991. Il a fini par considérer les lois de retour au travail comme partie intégrante du processus de négociation collective. Par conséquent, au lieu d'encourager les parties à un différend à résoudre les questions en litige, le gouvernement a indiqué par ses actes qu'il est disposé à recourir systématiquement à la loi pour mettre fin aux conflits, ce qui rend sans doute les employeurs du secteur public fédéral de moins en moins disposés à négocier. Ainsi, au moment même où l'AFPC et le gouvernement canadien étaient sur le point d'échanger les renvendications et offres contractuelles et d'établir le calendrier des négociations, le gouvernement préparait un budget qui fixait des conditions préalables à la négociation et précisait que, si les unités de négociation n'acceptaient pas ces conditions préalables, une loi serait adoptée pour imposer les conventions collectives et mettre fin à toute grève légale.
  12. 609. La LRTFP prévoit deux modes de règlement des différends (la conciliation, qui peut aboutir à l'exercice du droit de grève; l'arbitrage devant un tiers indépendant). Un petit groupe d'employés du Conseil de recherches médicales du Canada, également représenté par l'AFPC, a choisi ce deuxième mécanisme en faisant appel à un conseil d'arbitrage de la CRTFP; celui-ci a rendu, le 28 août, une décision exécutoire leur accordant des augmentations salariales supérieures au programme de restrictions salariales du gouvernement. Ces augmentations ont été diminuées depuis l'adoption de la loi, ce qui constitue une violation supplémentaire des conventions de l'OIT.
  13. 610. La loi prolonge les conventions collectives de 24 mois. Pendant cette prolongation, les taux de rémunération vont être gelés jusqu'à la date à laquelle la convention collective serait venue à expiration en l'absence du projet de loi C-29 et augmentés de 3 pour cent un an après cette date. En outre, la loi stipule que les conventions collectives prolongées demeureront "en vigueur sans modification pendant la période de prorogation". Ainsi, le gouvernement a prolongé toutes les dispositions normatives des conventions. En outre, l'article 13 de la loi vise à perpétuer les restrictions salariales puisqu'il empiète sur le processus de négociation normal qui devrait reprendre à l'expiration des périodes de prolongation.
  14. 611. Pour s'assurer que les agents négociateurs se conforment à la loi, l'article 14 leur interdit de déclarer, recommander, tolérer ou consentir à une grève; il interdit aussi à tout salarié de participer à une grève. La violation de cet article entraîne les amendes maximales suivantes: 1.000 dollars par jour pour un salarié; 50.000 dollars par jour pour les dirigeants et représentants des agents négociateurs; 100.000 dollars par jour pour les agents négociateurs. Lorsque la loi a été adoptée, 80.000 membres de l'AFPC étaient en grève; si les amendes maximales avaient été imposées, il en aurait coûté 81,5 millions de dollars par jour pour le syndicat et ses membres. Enfin, le gouvernement s'est donné le pouvoir de retenir le montant des amendes sur les cotisations syndicales prélevées à la source. Outre qu'elles sont indignes d'une société libre et démocratique, de telles dispositions sont contraires aux principes de la liberté syndicale.
  15. 612. En résumé, le gouvernement a fait preuve d'une intransigeance absolue en posant des conditions préalables à toute négociation. Comme l'a conclu la CRTFP, organisme indépendant, le gouvernement a négocié de mauvaise foi. Enfin, n'ayant pu persuader l'AFPC et une commission d'arbitrage indépendante d'accepter le programme de restrictions salariales, le gouvernement a adopté une loi qui passe outre au mécanisme législatif établi pour le règlement des conflits de travail dans le secteur public fédéral. La loi prolonge les conventions collectives, impose un gel salarial d'un an et une augmentation salariale maximale de 3 pour cent pour un an, gèle d'autres conditions d'emploi négociées, empêche les agents négociateurs de recouvrer le manque à gagner au cours des rondes de négociations subséquentes, et elle impose des amendes sévères aux agents négociateurs, aux dirigeants et aux membres personnellement, s'ils ne respectent pas la loi.
  16. 613. L'AFPC joint à sa plainte une longue liste d'éditoriaux de journaux, partout au Canada, indiquant selon elle que, si le principe des restrictions financières était généralement appuyé, l'attitude du gouvernement envers la négociation collective était en revanche largement condamnée. Cependant, et ce qui est plus important, le gouvernement a affaibli la position économique des travailleurs et a refusé de reconnaître leurs droits inhérents à la liberté syndicale.
  17. 614. Dans sa communication du 20 décembre 1991, le CTC a indiqué que des plaintes similaires étaient présentées contre cinq provinces et rappelé que les relations de travail se détériorent rapidement dans les fonctions publiques au Canada, car les différents gouvernements sont prompts à adopter des lois qui suppriment ou restreignent gravement la négociation collective dans ce secteur. Plus de 500.000 travailleurs canadiens sont ainsi privés de leurs droits fondamentaux par la législation fédérale ou provinciale ou voient ces droits gravement restreints. Selon le CTC, il conviendrait que le Comité de la liberté syndicale, pour se faire une idée exacte de l'étendue de cette détérioration, envoie une mission indépendante au Canada au cours des prochains mois. Il invite donc le comité à envisager sérieusement l'envoi d'une telle mission qui lui serait nécessaire pour pouvoir apprécier pleinement les préoccupations que suscitent les relations professionnelles dans la fonction publique au Canada.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 615. Dans sa communication du 2 juin 1992, le gouvernement conteste les allégations de l'AFPC et fait valoir que ni le budget de 1991 ni la loi sur la rémunération du secteur public n'ont mis fin à la négociation dans ce secteur. Le budget avait pour objet d'instaurer des mesures de restriction économique propres à aplanir les difficultés financières causées par un lourd déficit et une dette nationale accablante. Ces circonstances ont obligé le gouvernement, entre autres choses, à restreindre temporairement les augmentations salariales de ses employés. La loi visait à remplir les objectifs du budget en réduisant les frais de fonctionnement du gouvernement et en ouvrant la voie vers la fixation de taux de salaire permettant de réduire l'inflation. Par ailleurs, les limites temporaires imposées par la loi à l'égard du droit de grève dans le secteur public fédéral ne constituent pas une violation des principes de la liberté syndicale.
  2. 616. Le gouvernement était dans une situation financière très difficile. Par exemple, le déficit du gouvernement fédéral se maintient autour de 30 milliards de dollars canadiens depuis plusieurs années; le ratio dette nette/produit intérieur brut s'établit à plus de 60 pour cent et devrait culminer à 62,6 pour cent dans l'exercice financier 1992-93; les paiements d'intérêts sur la dette publique se sont chiffrés à 41,5 milliards de dollars pour l'exercice financier 1991-92, ce qui représente le tiers des recettes totales; de plus, le gouvernement ne pouvait accroître davantage les impôts sans affaiblir gravement la compétitivité de l'économie. Ces difficultés financières l'ont donc obligé à réduire les dépenses sur une grande échelle.
  3. 617. Les restrictions visant les augmentations salariales des fonctionnaires fédéraux ne constituent qu'un des nombreux éléments du Plan de contrôle des dépenses, instauré par le ministre des Finances dans le budget de 1990 et prolongé dans les budgets de 1991 et 1992. Ce plan touchait de nombreux programmes du gouvernement fédéral et entraînait une réduction des paiements de transfert aux provinces canadiennes, abaissant de ce fait les dépenses du gouvernement dans tout le pays; le gouvernement a également intensifié les efforts pour réduire ses frais de fonctionnement. Le plan touchait en particulier les budgets de fonctionnement, qui comprennent les traitements et représentent 20 pour cent des dépenses de programmes du gouvernement. Cependant, le fardeau de la réduction des frais de fonctionnement a été réparti équitablement au sein du gouvernement. Les employés syndiqués de la fonction publique ne sont pas les seuls touchés par les restrictions. Par exemple, les budgets d'immobilisation et de fonctionnement, traitements exclus, des ministères ont été gelés pour 1991-92 et, dans le budget de 1992, ils ont été réduits de 3 pour cent par rapport aux niveaux prévus (150 millions de dollars par année) pour les exercices financiers 1992-93 à 1996-97; le nombre de cadres de direction au sein du gouvernement a été réduit de 10 pour cent; les augmentations salariales des personnes appartenant à la catégorie des gestionnaires de la fonction publique, des membres des Forces canadiennes et de la Gendarmerie royale du Canada et des députés ont également été limitées à 0 et 3 pour cent sur deux ans; le traitement de tous les ministres a été gelé pour un an.
  4. 618. Dans le budget de 1991, le gouvernement fédéral, de concert avec la Banque du Canada, a annoncé des objectifs de réduction de l'inflation, lesquels constituent une composante primordiale de sa politique économique. Ces objectifs prévoient des hausses sur douze mois de l'indice des prix à la consommation ("IPC") de 3 pour cent à la fin de 1992, de 2,5 pour cent à la mi-1994 et de 2 pour cent à la fin de 1995. En sa qualité d'employeur de premier plan, le gouvernement doit prêcher par l'exemple en s'assurant que les règlements salariaux dans le secteur public se conforment à ces objectifs. L'uniformité des règlements salariaux, instituée par suite de l'adoption de la loi sur la rémunération du secteur public, a influé sur les anticipations inflationnistes et semblerait avoir précipité une orientation en baisse des règlements salariaux dans le secteur privé. Depuis l'établissement des objectifs de réduction de l'inflation, un progrès sensible vers la réduction de l'inflation a été fait. En février 1992, la hausse sur douze mois de l'IPC était de 1,7 pour cent: le gouvernement est manifestement en bonne voie d'atteindre ses objectifs. Compte tenu de ces facteurs, le programme de restrictions salariales instauré par la loi sur la rémunération du secteur public - un gel salarial en 1991 et une augmentation de 3 pour cent en 1992 - n'oblige pas à de trop lourds sacrifices. De plus, il soutient assez avantageusement la comparaison avec l'ensemble des règlements salariaux au Canada, qui sont tombés à 2,5 pour cent dans le quatrième trimestre de 1991 et à 2,4 pour cent en février 1992.
  5. 619. En ce qui concerne les allégations relatives à la violation de la libre négociation collective, il est vrai que la loi impose des restrictions en ce qui concerne la rémunération. Cependant, les organes de contrôle du BIT ont reconnu que, dans certaines circonstances, la négociation des conditions de rémunération peut être soumise à certaines restrictions (Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 641; cas no 1147, 222e rapport, paragr. 117). En l'espèce, la loi respecte ces conditions: elle représente une mesure d'exception prise pour faire face aux difficultés financières décrites ci-dessus; les restrictions fixées ne vont pas au-delà de ce qui est rendu nécessaire par l'économie; et, à certaines exceptions près, la loi ne touche les conventions collectives que pour une période limitée. Comme la loi permet les négociations sur toute une gamme de sujets hors de la définition donnée à la "rémunération", elle renferme également des garanties pour certaines clauses des conventions collectives qui visent à protéger le niveau de vie des travailleurs.
  6. 620. Contrairement aux allégations de l'AFPC, la loi n'a pas mis fin à la négociation collective par rapport à toutes les clauses salariales ou aux clauses non pécuniaires. Ainsi, l'article 8 de la loi dispose que les conditions d'emploi non reliées à la rémunération peuvent être modifiées par entente écrite entre les parties. Au nombre des avantages accordés par les conventions collectives qui ne sont pas touchés par la définition de la "rémunération" se trouvent les avantages issus d'une recommandation du Conseil national mixte, qui est un organisme comprenant des représentants du gouvernement en sa qualité d'employeur et des représentants des syndicats de la fonction publique. Parmi les avantages accordés comme suite aux recommandations du Conseil national mixte se trouvent les compensations prévues dans le cas d'un réaménagement des effectifs, les primes de poste isolé et de poste à l'étranger, et les frais de voyage et de déplacement; ce sont tous des avantages de nature "salariale". Comme il permet des modifications aux conditions d'emploi qui ne sont pas reliées à la "rémunération", l'article 8 permet également aux fonctionnaires de négocier dans le domaine des clauses de nature "non pécuniaire". En décembre 1991, le gouvernement a envoyé des lettres à tous les syndicats de la fonction publique, offrant précisément de négocier dans les domaines normatifs.
  7. 621. Le fait que la loi ne met pas fin à la négociation collective dans la fonction publique fédérale est également démontré par les diverses ententes que le gouvernement du Canada a ratifiées avec les syndicats de la fonction publique à l'issue des négociations qui ont eu lieu depuis l'entrée en vigueur de la loi. Ainsi, à l'automne 1991, le gouvernement et les syndicats de la fonction publique ont négocié une nouvelle directive sur le réaménagement des effectifs, qui est entrée en vigueur le 15 décembre 1991; le 20 décembre 1991, date à laquelle la plainte de l'AFPC a été déposée auprès du BIT, le Conseil du Trésor et l'AFPC ont conclu une entente pour modifier le régime d'assurance soins dentaires; le 10 mars 1992, le Conseil du Trésor et l'AFPC ont conclu une entente en vue de modifier la convention-cadre de l'AFPC en vue de se conformer à une ordonnance du Tribunal des droits de la personne.
  8. 622. Le bon fonctionnement de la négociation collective, même après l'entrée en vigueur de la loi, est confirmé par des sources syndicales. Ainsi, on peut lire dans le numéro de l'hiver 1991-92 du bulletin trimestriel de l'AFPC: "L'AFPC a négocié avec succès une sécurité d'emploi pratiquement à toute épreuve pour ses membres qui sont des employés nommés pour une période déterminée au gouvernement fédéral. (...) Dans les jours qui ont suivi l'adoption de la loi qui mettait fin à la grève, où la sécurité d'emploi était un enjeu clé, les négociateurs du Conseil du Trésor ont commencé à céder. Qu'en est-il résulté? La garantie d'une offre d'emploi raisonnable lorsque les travailleuses et travailleurs nommés pour une période indéterminée sont inscrits sur la liste des employés excédentaires; la protection salariale tant que les travailleurs et les travailleuses demeurent à la fonction publique fédérale; et, restrictions sur la capacité du gouvernement de sous-traiter le travail." L'AFPC, avec raison, s'attribue le mérite d'avoir réalisé des gains substantiels en matière de sécurité d'emploi et de protection salariale, et ce dans le cadre d'une négociation collective qui s'est déroulée après l'entrée en vigueur de la loi. Enfin, diverses consultations continuent à se dérouler entre le gouvernement et les syndicats de la fonction publique, tant dans le cadre du Conseil national mixte qu'à l'extérieur.
  9. 623. Enfin, la loi n'a pas porté atteinte aux clauses de quelque convention collective que ce soit, ratifiée par le gouvernement et un syndicat de la fonction publique, avant le dépôt du budget de 1991. Dans trois cas seulement, des sentences arbitrales intervenues entre le 26 février 1991 (date du dépôt du budget) et le 3 octobre 1991 (date de l'entrée en vigueur de la loi) ont été modifiées en vertu de la loi de façon à ce qu'elles soient conformes à la politique législative du gouvernement. Cela est conforme aux principes établis à cet égard par le comité (Recueil, paragr. 640). Le gouvernement n'a donc pas enfreint les conventions nos 98, 151 et 154 de l'OIT, et les restrictions imposées à la négociation collective dans le secteur public fédéral sont conformes aux normes établies par le BIT.
  10. 624. Contrairement aux allégations de l'AFPC, aucune disposition de la loi ne porte atteinte à la liberté des travailleurs de former des syndicats et d'y adhérer. Ainsi, depuis l'entrée en vigueur de la loi, un nouvel agent négociateur a demandé son accréditation pour négocier au nom d'un groupe actuellement représenté par l'AFPC, et deux autres autres groupes d'employés ont entamé au début de 1991 des négociations avec le Conseil du Trésor en vue de la conclusion d'une première convention collective.
  11. 625. S'agissant des restrictions au droit de grève, le gouvernement rappelle que le comité a estimé par le passé que le droit de grève peut être restreint ou supprimé dans la fonction publique ou les services essentiels au sens strict du terme, à condition que certaines garanties adéquates soient fournies aux travailleurs pour compenser cette limitation de leur liberté d'action (cas no 1147, 222e rapport, paragr. 116). Or la loi fournit de telles garanties. Premièrement, l'article 8 autorise une négociation collective limitée, comme il a déjà été expliqué. Deuxièmement, l'article 22 permet d'exempter tout groupe de salariés de l'effet de la loi; il permet donc la négociation collective de toutes les modalités d'emploi, sous réserve des restrictions financières énoncées dans la loi. Troisièmement, toutes les dispositions de la loi sur les relations de travail dans la fonction publique qui ne vont pas à l'encontre de la loi demeurent en vigueur, y compris les dispositions qui permettent la nomination d'un médiateur pour aider les parties à régler tous les conflits qui peuvent surgir au cours de la période de restriction. Quatrièmement, le paragraphe 7(2) de la loi permet toute modification des dispositions nécessaires pour mettre en oeuvre une norme de classification nouvelle ou révisée.
  12. 626. La loi constitue une mesure exceptionnelle pour surmonter des difficultés économiques très graves. Les restrictions ne sont instaurées que dans la mesure imposée par l'économie. La loi touche les salariés pendant une période précise, sauf certaines exceptions limitées, et garantit le retour aux pratiques normales au terme de cette période. Le gouvernement n'a pas, en conséquence, transgressé l'article 3 de la convention no 87. Autrement dit, les limitations établies par la loi concernant le droit de faire la grève dans le secteur public fédéral du Canada sont conformes aux normes établies par le BIT. Par ailleurs, la loi ne contrevient pas à la Charte canadienne des droits et libertés dont l'article 2 dispose que toute personne a droit à la liberté d'association.
  13. 627. En ce qui concerne les allégations de l'AFPC relatives à sa conduite avant et pendant la grève, le gouvernement soutient que la CRTFP n'a jamais statué qu'il avait négocié de mauvaise foi; elle a simplement constaté qu'il n'avait pas fait tout effort raisonnable pour négocier, soit une des trois exigences distinctes prévues par l'article 51 de la LRTFP (se rencontrer et entamer des négociations; négocier de bonne foi; faire tout effort raisonnable pour conclure une convention). Lors de la suspension de la grève et du dépôt du projet de loi, le gouvernement a fait des offres améliorées, y compris le paiement d'une somme de 500 dollars pour les employés les moins rémunérés (offre d'ailleurs incluse ultérieurement dans la loi). Le gouvernement restait cependant ferme sur le principe du 0 et 3 pour cent sur une période de deux ans. Par ailleurs, contrairement à ce qu'allègue l'AFPC, le gouvernement n'a pas "saisi toutes les occasions de pénaliser les travailleurs individuels qui se trouvaient en violation technique de la LRTFP. Toute mesure disciplinaire prise à l'endroit de fonctionnaires qui ne se sont pas présentés au travail durant la grève l'a été en conformité avec cette loi. Les fonctionnaires soumis à des mesures disciplinaires bénéficient de la protection que leur confèrent la loi et leurs conventions collectives respectives, y compris du droit de faire arbitrer leurs griefs par une tierce partie indépendante." Le gouvernement, pour sa part, s'est plié aux dispositions de la LRTFP durant la grève.
  14. 628. S'agissant des allégations de l'AFPC sur la parité salariale, le gouvernement souligne que la loi ne suspend pas la parité salariale dans la fonction publique. Des rajustements paritaires de plus de 80 millions de dollars vont continuer d'être versés aux employés; ces rajustements font actuellement l'objet d'un litige dont est saisi le Tribunal des droits de la personne, qui statuera sur le droit à ces paiements; le paragraphe 7(1) de la loi qui, de fait, impose le gel de la plupart des dispositions relatives à la rémunération est assujetti à la loi canadienne sur les droits de la personne, autorisant donc le paiement des rajustements paritaires actuels ou des rajustements qui pourront être imposés par le Tribunal des droits de la personne.
  15. 629. Quant aux allégations sur le caractère perpétuel des restrictions imposées par la loi, l'article 13 a uniquement pour but d'éviter les rattrapages au terme de la période de deux ans. Enfin, les sanctions prévues par la loi sont proportionnées aux infractions commises, comme l'accepte le comité (Recueil, ibid., paragr. 441). De plus, les amendes ne peuvent être imposées aux termes de la loi que par suite d'une condamnation prononcée par un tribunal compétent, conformément à la procédure judiciaire applicable; comme les articles 15 à 17 ne prévoient que des amendes maximales, ce sont les tribunaux qui détermineraient, dans chaque cas, le montant de l'amende qui serait proportionné au délit commis.
  16. 630. Le gouvernement affirme en conclusion que la loi était nécessaire en raison de circonstances particulières et qu'elle n'est nullement contraire aux engagements du Canada envers les conventions de l'OIT, même si elle impose certaines restrictions financières.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 631. Le comité note que ce cas concerne certaines restrictions à la négociation collective pour les salariés de la fonction publique fédérale canadienne, imposées aux termes d'une loi qui mettait fin à une grève légale de ces fonctionnaires et limitait à 0 et 3 pour cent respectivement les hausses salariales consenties pour les deux années suivantes. Le gouvernement soutient essentiellement que cette intervention était rendue nécessaire en raison de la situation économique difficile et que les mesures prises sont compatibles avec les principes établis par l'OIT.
  2. 632. Avant d'examiner la plainte quant au fond, le comité souhaite brièvement expliquer le contexte général dans lequel elle a été reçue. En octobre et décembre 1991, le Congrès du travail du Canada (CTC) a présenté six plaintes en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement fédéral du Canada et ceux de cinq provinces canadiennes (Canada, cas no 1616; Colombie Britannique, cas no 1603; Manitoba, cas no 1604; Nouveau-Brunswick, cas no 1605; Nouvelle-Ecosse, cas no 1606; Terre-Neuve, cas no 1607). Par la suite, une nouvelle plainte a été présentée contre la Nouvelle-Ecosse, mais par une autre organisation plaignante (cas no 1624). Toutes ces plaintes ont pour caractéristique commune d'avoir trait à des reports ou des gels de salaires dans la fonction publique et à des restrictions du droit des fonctionnaires de négocier collectivement dans ces diverses juridictions, mesures parfois accompagnées d'une interdiction du droit de grève.
  3. 633. S'agissant du présent cas, le comité a exposé en détail les observations et arguments élaborés présentés par les deux parties. Il a notamment étudié attentivement les explications et la documentation fournies par le gouvernement sur la situation économique et budgétaire difficile du pays. Il ne fait pas de doute que le gouvernement était convaincu qu'il fallait remédier à la situation par l'application d'une législation restreignant les hausses de salaires. Les plaignants sont quant à eux persuadés que la méthode utilisée par le gouvernement n'était pas la meilleure pour régler les problèmes économiques du pays. Comme cela a été mentionné dans un cas précédent concernant diverses législations provinciales restrictives au Canada (cas nos 1172, 1234, 1247 et 1260; 241e rapport, paragr. 113), il n'appartient pas au comité de se prononcer sur le bien-fondé des arguments économiques qui sous-tendent le point de vue du gouvernement ou les mesures qu'il a prises; voir aussi les remarques générales figurant dans le rapport de la mission d'étude et d'information concernant ces cas (ibid., paragr. 9 à 13 de l'annexe).
  4. 634. Les preuves apportées dans le présent cas démontrent à l'évidence que le budget de février 1991 et la loi qui concrétisait la politique du gouvernement ont éliminé toute réelle négociation salariale pour les employés de la fonction publique du Canada. L'unité de négociation du Conseil de recherches médicales qui, ayant choisi la voie de l'arbitrage, avait obtenu des hausses supérieures aux plafonds fixés par la loi a vu ces augmentations réduites. Les unités de négociation qui ont opté pour le mécanisme de conciliation/grève ont dû reprendre le travail aux termes de la loi qui leur imposait un gel des salaires puis une hausse de 3 pour cent et interdisait la grève sous la menace de lourdes sanctions pécuniaires. La CRTFP, organisme neutre, a conclu que le gouvernement, en sa qualité d'employeur, "avait insisté pour que l'agent négociateur accepte comme condition préalable de négociation la politique de restriction de rémunération visant la fonction publique, annoncée dans le budget du 26 février" (décision du 16 septembre 1991, p. 8); elle a statué que "l'insistance sur l'acceptation de conditions avant de négocier des conditions de travail à la table des négociations va à l'encontre de l'exigence de faire tout effort raisonnable pour conclure une convention collective" (ibid., p. 11).
  5. 635. S'agissant des mesures de stabilisation économique limitant les droits de négociation collective, le comité a reconnu que lorsque, pour des raisons impérieuses relevant de l'intérêt économique national et dans le cadre de sa politique de stabilisation, un gouvernement considère que le taux des salaires ne peut pas être fixé librement par voie de négociations collectives, une telle restriction devrait être appliquée comme une mesure d'exception, limitée à l'indispensable, elle ne devrait pas excéder une période raisonnable et elle devrait être accompagnée de garanties appropriées en vue de protéger le niveau de vie des travailleurs (Recueil, op. cit., paragr. 641). La commission d'experts a adopté la même approche à cet égard (Etude d'ensemble de 1983, Liberté syndicale et négociation collective, paragr. 315).
  6. 636. Le comité note en l'espèce que la loi impose un gel des salaires des fonctionnaires fédéraux pour un an, puis une augmentation de 3 pour cent l'année suivante. Il observe également qu'elle prévoit le paiement d'une somme forfaitaire pour les employés les moins rémunérés et, aux termes de l'article 7(1), maintient les dispositions relatives à l'égalité salariale entre hommes et femmes prévues par la loi canadienne sur les droits de la personne. Le comité relève enfin que la loi a une durée limitée et qu'elle permet une négociation - certes limitée - sur les clauses normatives, dont certaines ont cependant une incidence monétaire; le comité note par exemple que l'AFPC a réalisé, par voie de négociation, des avancées en matière de sécurité d'emploi et de sous-traitance. Vu l'ensemble des circonstances, le comité estime que la négociation collective dans le secteur public fédéral fait l'objet de restrictions sérieuses pour une période de deux ans, les augmentations salariales étant imposées unilatéralement par le gouvernement. Toutefois, certaines dispositions sont prises pour protéger le niveau de vie des travailleurs, notamment ceux ayant les revenus les plus modestes.
  7. 637. Le comité observe toutefois que le gouvernement a eu recours, à de nombreuses reprises, à ce type de loi, en particulier au cours des dernières années. Cette plainte présente notamment certaines ressemblances avec le cas no 1147 (222e rapport, paragr. 97-121) où le gouvernement du Canada avait limité à 6 et 5 pour cent les augmentations salariales de ses fonctionnaires pour une période de 24 mois. Depuis 1989, le comité a eu l'occasion d'examiner deux plaintes de cette nature contre le gouvernement fédéral (cas no 1438, 265e rapport, secteur ferroviaire; cas no 1451, 268e rapport, postiers), et l'organisation plaignante allègue qu'il y a eu 25 lois de ce genre de 1950 à 1991, dont quatre en 1991, ce que ne réfute pas le gouvernement. Le comité se doit de signaler que le recours répété à de telles restrictions législatives de la négociation collective ne peut, à long terme, qu'avoir un effet néfaste et déstabilisant sur le climat des relations professionnelles si le législateur intervient fréquemment pour suspendre ou mettre fin à l'exercice des droits reconnus aux syndicats et à leurs membres. De plus, cela peut saper la foi des salariés en la valeur de l'appartenance à un syndicat, les membres ou les adhérents potentiels étant ainsi incités à considérer qu'il est inutile d'adhérer à une organisation dont le but principal est de représenter ses membres dans les négociations collectives, si les résultats de ces dernières sont souvent annulés par voie législative.
  8. 638. Par ailleurs, le comité ne peut que souligner la sévérité des sanctions maximales prévues dans la loi pour les syndiqués, dirigeants syndicaux et organisations syndicales qui braveraient l'interdiction de la grève, d'autant plus que celle-ci est définie de façon extrêmement large et que, aux termes de l'article 20, les amendes peuvent être déduites des cotisations syndicales prélevées à la source par le gouvernement/employeur. Le comité rappelle à cet égard que le fait d'imposer des sanctions aux fonctionnaires publics en raison de leur participation à une grève n'est pas de nature à favoriser des relations professionnelles harmonieuses.
  9. 639. Le comité regrette que, pour régler les conditions de travail de ses fonctionnaires, le gouvernement n'ait pas privilégié la négociation collective, de préférence à la loi de 1991 sur la rémunération dans le secteur public qu'il a cru devoir adopter. Le gouvernement aurait pu faire en sorte que tous les objectifs devant être reconnus comme étant dans l'intérêt général du pays soient largement discutés par toutes les parties, conformément aux principes posés par la recommandation (no 113) sur la consultation aux échelons industriel et national, 1960. Une large consultation de cet ordre est particulièrement nécessaire lorsque le gouvernement est aussi l'employeur et peut recourir à la législation pour modifier l'équilibre de la négociation avec les syndicats.
  10. 640. Le comité veut croire que le gouvernement s'abstiendra à l'avenir de prendre de telles mesures. Il exprime le ferme espoir qu'à l'expiration de la loi les salariés concernés pourront de nouveau bénéficier du régime de libre négociation collective établi par la loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Le comité relève à cet égard l'article 13 de la loi qui vise à prévenir les rattrapages à l'expiration de la loi. Tout en comprenant le raisonnement sous-jacent à l'article 13 de la loi, le comité rappelle que, pour gagner et conserver la confiance des parties, tout système d'arbitrage devrait être complètement indépendant et que les arbitres ne devraient pas être liés par des critères législatifs préétablis. Le comité invite le gouvernement à le tenir informé de l'évolution des relations professionnelles dans le secteur public fédéral.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 641. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité regrette que, pour régler les conditions de travail de ses fonctionnaires, le gouvernement n'ait pas privilégié la négociation collective de préférence à la loi de 1991 sur la rémunération du secteur public qu'il a cru devoir adopter.
    • b) Observant toutefois que le gouvernement fédéral a imposé unilatéralement de sérieuses restrictions à la négociation collective dans la fonction publique et interdit la grève sous peine de lourdes sanctions pécuniaires, et notant en outre qu'il a eu recours à ce type de loi à de nombreuses reprises, notamment durant les dernières années, le comité veut croire que le gouvernement s'abstiendra à l'avenir de prendre de telles mesures.
    • c) Le comité invite le gouvernement à rétablir, dès l'expiration de la loi, le régime normal de libre négociation collective établi par la loi sur les relations de travail dans la fonction publique, et notamment un mécanisme d'arbitrage réellement indépendant où les arbitres ne sont pas liés par des critères législatifs préétablis. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'évolution des relations professionnelles dans le secteur public fédéral.

ANNEXE

ANNEXE
  1. EXTRAITS DE LA LOI SUR LA REMUNERATION DU
  2. SECTEUR PUBLIC
  3. Définitions et interprétation
  4. 2. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.
  5. ...
  6. - régime de rémunération. Ensemble de dispositions, quel que
  7. soit leur mode
  8. d'établissement, régissant la détermination et la gestion des
  9. rémunérations;
  10. ...
  11. - rémunération. Toute forme de salaire, de gratification ou
  12. d'avantage assuré,
  13. directement ou indirectement, par l'employeur ou en son nom à
  14. un salarié ou à
  15. son profit, à l'exception de ceux assurés en conformité avec:
  16. ...
  17. c) soit l'éventuel versement, à compter de la date d'entrée en
  18. vigueur de la
  19. présente loi, à un salarié dont le taux de salaire ne dépasse
  20. pas 27.500
  21. dollars ou à son profit d'un montant forfaitaire égal:
  22. i) dans le cas du salarié dont le taux de salaire ne dépasse pas
  23. 27.000
  24. dollars, à 500 dollars;
  25. ii) dans le cas du salarié dont le taux de salaire, tout en
  26. dépassant 27.000
  27. dollars, ne dépasse pas 27.500 dollars, à la fraction de 500
  28. dollars qui
  29. correspond à l'excédent de son taux de salaire sur 27.000
  30. dollars.
  31. 3. (1) La présente loi s'applique aux salariés employés:
  32. a) dans les ministères et administrations mentionnés à l'annexe
  33. I;
  34. b) dans les conseils, commissions, sociétés et autres
  35. organismes mentionnés à
  36. l'annexe II;
  37. c) par le Sénat, la Chambre des communes et la Bibliothèque
  38. du Parlement.
  39. (2) La présente loi s'applique également:
  40. a) au personnel des ministres, des sénateurs et des députés;
  41. b) aux administrateurs des sociétés mentionnées à l'annexe II;
  42. c) aux militaires et officiers des Forces canadiennes;
  43. d) aux membres et officiers de la Gendarmerie royale du
  44. Canada.
  45. ...
  46. 5. (1) Sous réserve de l'article 11, le régime de rémunération
  47. en vigueur le
  48. 26 février 1991 pour des salariés visés par la présente loi,
  49. notamment tout
  50. régime de rémunération prorogé en vertu de l'article 6, est
  51. prorogé de deux
  52. ans à compter de la date prévue, en l'absence du présent
  53. article, pour son
  54. expiration.
  55. ...
  56. 7. (1) Par dérogation à toute autre loi fédérale, à l'exception de
  57. la loi
  58. canadienne sur les droits de la personne, mais sous réserve
  59. des autres
  60. dispositions de la présente loi, les dispositions d'un régime de
  61. rémunération
  62. prorogé en vertu des articles 5 ou 6 ou d'une convention
  63. collective ou
  64. décision arbitrale qui comporte un pareil régime demeurent en
  65. vigueur sans
  66. modification pendant la période de prorogation.
  67. (2) Le Conseil du Trésor peut modifier les dispositions d'un
  68. régime de
  69. rémunération prorogé en vertu des articles 5 ou 6 ou visé par
  70. l'article 11 ou
  71. d'une convention collective ou décision arbitrale qui comporte
  72. un pareil
  73. régime si la modification a trait, de l'avis du Conseil du Trésor,
  74. à une
  75. reconversion ou reclassification nécessaire à la mise en
  76. vigueur d'une norme
  77. de classification nouvelle ou révisée.
  78. ...
  79. 9. (1) Par dérogation à toute autre loi fédérale mais sous
  80. réserve de
  81. l'article 11, le régime de rémunération de salariés visés par la
  82. présente loi
  83. est réputé comporter une disposition prévoyant que les taux de
  84. salaire en
  85. vigueur à la date où, en l'absence de l'article 5, il aurait expiré
  86. ne peuvent
  87. être augmentés pendant l'année qui suit cette date.
  88. (2) Les taux de salaire en vigueur conformément au
  89. paragraphe (1) sont, pour
  90. l'année qui suit celle visée à ce paragraphe, augmentés de 3
  91. pour cent.
  92. ...
  93. 13. Indépendamment de sa date d'établissement, est nulle la
  94. disposition du
  95. régime de rémunération de salariés visés par la présente loi qui
  96. a pour effet
  97. de porter les taux de salaire au niveau qu'ils auraient atteint en
  98. l'absence
  99. de celle-ci.
  100. 14. (1) Pendant la durée du régime de rémunération prorogé
  101. en vertu des
  102. articles 5 ou 6 ou visé à l'article 11, il est interdit, à compter de
  103. l'entrée
  104. en vigueur de la présente loi:
  105. a) à tout agent négociateur de déclarer, d'autoriser ou
  106. d'ordonner une grève
  107. de salariés visés par ce régime ou de tolérer la continuation
  108. d'une telle
  109. grève ou d'y consentir;
  110. b) à tout dirigeant ou représentant d'un agent négociateur de
  111. recommander ou
  112. d'obtenir une déclaration, une autorisation ou un ordre de
  113. grève de ces
  114. salariés ou de tolérer la continuation d'une telle grève ou d'y
  115. consentir;
  116. c) à tout salarié visé par ce régime de participer à une grève.
  117. ...
  118. 15. L'agent négociateur qui contrevient à l'article 14 commet
  119. une infraction
  120. punissable par procédure sommaire et encourt une amende
  121. maximale de 100.000
  122. dollars pour chacun des jours au cours desquels se commet
  123. ou se continue
  124. l'infraction.
  125. 16. Le dirigeant ou représentant d'un agent négociateur qui
  126. contrevient à
  127. l'article 14 commet une infraction punissable par procédure
  128. sommaire et
  129. encourt une amende maximale de 50.000 dollars pour chacun
  130. des jours au cours
  131. desquels se commet ou se continue l'infraction.
  132. 17. Le salarié qui contrevient à l'article 14 commet une
  133. infraction punissable
  134. par procédure sommaire et encourt une amende maximale de
  135. 1.000 dollars pour
  136. chacun des jours au cours desquels se commet ou se
  137. continue l'infraction.
  138. ...
  139. 20. (1) L'amende imposée à un agent négociateur ou à un de
  140. ses dirigeants ou
  141. représentants en vertu des articles 15 ou 16 constitue une
  142. créance de Sa
  143. Majesté du chef du Canada que celle-ci peut recouvrer, sans
  144. qu'il soit par
  145. ailleurs porté atteinte aux autres moyens d'exécution à sa
  146. disposition, par
  147. déduction de tout ou partie de son montant des cotisations
  148. syndicales que
  149. l'employeur des employés représentés par l'agent négociateur
  150. est ou peut être
  151. tenu, aux termes de toute convention collective conclue, ou
  152. pouvant être
  153. conclue, entre lui-même et l'agent négociateur, de déduire du
  154. salaire des
  155. employés et de remettre à ce dernier.
  156. ...
  157. 22. Le gouverneur en conseil peut par décret, sur
  158. recommandation du Conseil du
  159. Trésor, mettre fin à l'application de la présente loi à l'égard de
  160. salariés ou
  161. groupes de salariés visés par celle-ci.
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