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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 283, Juin 1992

Cas no 1610 (Philippines) - Date de la plainte: 06-DÉC. -91 - Clos

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  1. 212. La Confédération pour l'unité, la reconnaissance et le progrès des employés du gouvernement (COURAGE) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement des Philippines dans une communication en date du 6 décembre 1991.
  2. 213. Le gouvernement a envoyé ses observations sur les allégations dans une communication en date du 28 février 1992.
  3. 214. Les Philippines ont ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de la confédération plaignante

A. Allégations de la confédération plaignante
  1. 215. Dans sa communication en date du 6 décembre 1991, l'organisation plaignante allègue d'actes de discrimination antisyndicale à l'encontre des employés gouvernementaux des Philippines, l'interdiction pour ces travailleurs de recourir à la grève et de restrictions de leurs droits syndicaux.
  2. 216. L'organisation plaignante relate qu'elle a été constituée en 1986 par plusieurs organisations professionnelles regroupant des employés gouvernementaux, dans le but de faire face, de manière concertée, à la réorganisation de l'administration gouvernementale qui, sans protestation des travailleurs concernés, aurait abouti à un grand nombre de licenciements. L'action entreprise par la confédération a abouti à l'adoption de la loi no 6656 dont les dispositions garantissent la protection de la stabilité d'emploi des fonctionnaires et employés publics dans le processus de la réorganisation de l'administration gouvernementale. Selon l'organisation plaignante, ce premier résultat a convaincu les employés gouvernementaux de l'utilité de la constitution d'organisations professionnelles afin d'affronter les restrictions de leurs droits syndicaux, ainsi que de la grève comme un moyen d'obtenir de meilleures conditions d'emploi.
  3. 217. L'organisation plaignante déclare que la réponse du gouvernement au militantisme croissant des employés gouvernementaux et à leur revendication toujours plus forte du droit de recourir à la grève a été l'adoption de l'ordonnance exécutive no 180. Elle déclare que ce texte, signé par la présidente avant la réunion de l'assemblée et ayant force de loi, reconnaît le droit d'association des employés gouvernementaux mais limite leur champ d'action en interdisant le droit de grève. Cette ordonnance a été complétée par le mémorandum-circulaire no 6 de la Commission de la fonction publique qui interdit également aux employés gouvernementaux de recourir à la grève et limite encore plus leurs moyens d'action.
  4. 218. L'organisation plaignante indique que l'adoption de ces textes n'a pas empêché ses membres de recourir à des actions organisées pour exprimer les inquiétudes des travailleurs du secteur public. Ils se sont au contraire lancés avec une nouvelle vigueur dans la lutte pour la protection des droits fondamentaux et constitutionnels d'association, de négociation collective et de recours à des moyens d'action pacifiques.
  5. 219. Elle allègue que des poursuites administratives ont été intentées contre 122 employés gouvernementaux qui avaient revendiqué leurs droits économiques et démocratiques, et que ces procédures ont abouti à des sanctions telles que des suspensions et des licenciements. Plus particulièrement, les 4 et 14 septembre 1990, 113 employés du Comité national pour le développement des parcs nationaux ont été licenciés en raison de leur participation à une manifestation de protestation organisée le 30 juillet 1990 pour obtenir la mise en oeuvre de la loi sur l'uniformisation des salaires. Par une décision de la Commission de la fonction publique en date du 8 septembre 1990, a été ordonnée la réintégration dans leurs postes, sans perte de droits, des 46 salariés licenciés le 4 septembre 1990.
  6. 220. L'organisation plaignante fait également état de la suspension préventive pendant quatre-vingt-dix jours de neuf employés de la Commission nationale pour le logement, tous des dirigeants syndicaux, pour avoir organisé une semaine syndicale et pour avoir exercé des pressions sur la direction afin d'obtenir le paiement aux employés d'avantages dus. Elle indique que la direction a simultanément intenté une procédure civile contre les employés et que, une fois les procédures civiles et administratives intentées, les revendications des employés ont été satisfaites. Elle indique également qu'à la date de la plainte, le 6 décembre 1991, 76 des personnes concernées (les 67 salariés du Comité national pour le développement des parcs nationaux, licenciés le 14 septembre 1990, et les neuf employés de la Commission nationale pour le logement) étaient toujours licenciées ou suspendues.
  7. 221. Une autre allégation porte sur le refus de l'Autorité de la ville de Manille de reconnaître la SAKAMAY (Association des employés de la ville de Manille qui regroupe les balayeurs de rue et les éboueurs) comme le seul partenaire aux fins de la négociation collective, et ceci en violation d'une résolution adoptée le 14 mars 1991 par le Conseil des relations professionnelles du secteur public, organisme ayant pour mandat le règlement des conflits du travail dans le secteur gouvernemental. Selon cette résolution, la SAKAMAY "est l'unique et exclusif agent de négociation au sein de l'Autorité de la ville de Manille à laquelle doivent être accordés tous les privilèges et immunités d'une organisation accréditée". L'organisation plaignante indique également que la SAKAMAY a souvent fait état de corruption, de détournement de pouvoir, de pratiques de travail déloyales et d'actes antisyndicaux de la part de la direction de l'Autorité de la ville de Manille.
  8. 222. L'organisation plaignante déclare de façon plus générale que les droits d'association et de recours à la grève de tous les travailleurs sont garantis par la Constitution. Même si, comme l'indique la Commission de la fonction publique, le mémorandum-circulaire no 6 a pour but de fournir un cadre temporaire d'action en l'absence de législation qui met en oeuvre les dispositions de la Constitution, l'organisation plaignante est d'avis qu'il s'agit uniquement d'un moyen pour tromper les employés gouvernementaux en leur faisant croire que les lois nécessaires seront adoptées dans un proche avenir. Elle fait remarquer que la Constitution a été ratifiée depuis cinq ans et qu'aucune loi n'a été adoptée pour protéger les droits syndicaux constitutionnels. Elle demande par conséquent que des lois nécessaires pour mettre en oeuvre la Constitution soient instamment adoptées.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 223. Dans sa communication du 28 février 1992, le gouvernement répond aux allégations en citant textuellement les observations du président de la Commission de la fonction publique relatives à cette affaire:
    • La commission soulève tout d'abord des objections contre la plainte de la COURAGE et soutient fermement que, sous la direction actuelle, il n'existe pas de restrictions des droits syndicaux des employés gouvernementaux. Tout au contraire, par la résolution no 89.204, la Commission de la fonction publique, en tant que bureau central du personnel du gouvernement, reconnaît le droit d'organisation des employés gouvernementaux et vise la création, la croissance et le développement d'un syndicalisme responsable dans le secteur public. Dans ce but, elle entreprend actuellement un large programme d'éducation ouvrière afin d'informer les employés gouvernementaux de leurs droits d'organisation et d'affiliation syndicale et de convaincre les directions administratives du fait que les syndicats ne constituent pas un obstacle aux programmes de gestion mais tout au contraire des partenaires dans le progrès social et économique. De même, la commission encourage les syndicats et les directions à utiliser les services qu'elle offre, en particulier dans les domaines de l'examen des plaintes et de la négociation collective. A cette fin, le mémorandum-circulaire no 45 de 1989 prévoit l'établissement ou le rétablissement, dans toutes les agences gouvernementales, des mécanismes pour examiner des plaintes et pour assurer que tout grief d'employés gouvernementaux soit traité correctement. Les mémorandums-circulaires nos 47 et 55 contiennent également des directives relatives à l'assistance en matière de conciliation et à la procédure à suivre pour exercer judicieusement le droit de négociation collective dans le secteur public.
    • La commission n'est pas au courant de harcèlements d'employés grévistes de la part des autorités, comme l'allègue la COURAGE. Les procès-verbaux de la commission démontrent que, sur plus de 100 différends du travail, seulement quelques-uns n'ont pas été résolus par conciliation et sont actuellement en instance devant le Conseil des relations professionnelles du secteur public. La plupart des cas ont été réglés par les procédures de conciliation qui ont abouti à un compromis satisfaisant pour les deux parties. Ainsi sont rétablies et maintenues entre elles des relations de travail harmonieuses.
    • En deuxième lieu, la commission reconnaît pleinement la nécessité de mettre en oeuvre les dispositions de la Constitution prévoyant l'exercice du droit de grève dans le secteur public ainsi que le devoir de l'assemblée d'adopter des lois permettant une telle mise en oeuvre. Pendant les deux dernières années, la commission a présenté plusieurs fois à l'assemblée des projets visant à incorporer dans le nouveau Code de la fonction publique des dispositions garantissant, sous certaines conditions, le droit de grève aux employés gouvernementaux.
    • Enfin, comme l'assemblée actuelle ajournera prochainement ses sessions, il est peu probable que le nouveau Code de la fonction publique soit promulgué. Toutefois, il faut croire que, grâce aux efforts combinés de l'OIT, de la Commission de la fonction publique et du Département du travail et de l'emploi, le nouveau code sera adopté par la prochaine législature.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 224. Le comité observe que les allégations dans le présent cas portent essentiellement sur le déni du droit de grève des employés de l'Etat et sur des actes de discrimination antisyndicale pour participation à la grève et à d'autres actions syndicales de protestation.
  2. 225. En ce qui concerne l'interdiction pour les employés de l'Etat de recourir à la grève, le comité observe que le gouvernement admet que les mesures législatives pour mettre en oeuvre les dispositions de la Constitution, qui garantissent le droit de grève à tous les travailleurs, n'ont pas encore été prises. Le comité note en particulier que la Commission de la fonction publique s'efforce de mettre à la disposition des autorités et des salariés de la fonction publique des procédures et des mécanismes pour résoudre leurs conflits du travail, et qu'elle déclare reconnaître la nécessité de mettre en oeuvre les dispositions de la Constitution prévoyant l'exercice du droit de grève dans le secteur public ainsi que le devoir de l'assemblée d'adopter des lois permettant une telle mise en oeuvre. Le comité note également que, pendant les deux dernières années, la commission a présenté plusieurs fois à l'assemblée des projets visant à incorporer dans le nouveau Code de la fonction publique des dispositions garantissant, sous certaines conditions, le droit de grève aux employés gouvernementaux.
  3. 226. Tout en prenant note avec intérêt de ces intentions, le comité doit rappeler que, lors de sa session de mai 1991, il a déjà examiné une plainte portant sur l'interdiction des grèves et des actions de protestation dans le secteur public. Il regrette que le gouvernement n'ait pas donné suite à ses recommandations à ce sujet (voir 278e rapport, paragr. 173) et se voit obligé de signaler à nouveau que le droit de grève est un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, 3e édition, 1985, paragr. 363.) En ce qui concerne le déni du droit de grève des employés de l'Etat, le comité rappelle qu'il a admis que le droit de grève peut être restreint, voire interdit dans la fonction publique, les fonctionnaires publics étant ceux qui agissent en tant qu'organes de la puissance publique, ou les services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire les services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. (Voir op. cit., paragr. 394.) Le comité demande par conséquent instamment à nouveau au gouvernement de prendre les mesures législatives nécessaires pour mettre en oeuvre l'article XIII 3) de la Constitution qui confère à tous les travailleurs le droit de grève et d'en fixer des modalités d'exercice conformément aux principes de la liberté syndicale.
  4. 227. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles des poursuites administratives ont été intentées contre 122 employés gouvernementaux pour avoir revendiqué leurs droits économiques et démocratiques et que ces procédures ont abouti à des sanctions telles que des suspensions et des licenciements, le comité regrette que le gouvernement se borne à citer la Commission de la fonction publique qui déclare ne pas avoir eu connaissance de harcèlements d'employés de l'Etat grévistes de la part des autorités.
  5. 228. S'agissant des licenciements, les 4 et 14 septembre 1990, de 113 employés du Comité national pour le développement des parcs nationaux en raison de leur participation à une manifestation de protestation organisée le 30 juillet 1990 pour obtenir la mise en oeuvre de la loi sur l'uniformisation des salaires ainsi que de la suspension préventive pendant quatre-vingt-dix jours de neuf employés de la Commission nationale pour le logement, tous des dirigeants syndicaux, pour avoir organisé une semaine syndicale, le comité note que, selon l'organisation plaignante, 76 personnes sont toujours licenciées ou suspendues. Le comité note également qu'une décision de la Commission de la fonction publique en date du 8 septembre 1990 a ordonné la réintégration dans leurs postes, sans perte de droits, des 46 salariés licenciés le 4 septembre 1990 et que cette décision n'a toujours pas été mise en oeuvre.
  6. 229. Le comité estime que le recours à des mesures extrêmement graves comme le licenciement ou la suspension des travailleurs du fait de leur participation à une grève ou à d'autres actions de protestation ainsi que le refus de les réembaucher impliquent de graves risques d'abus et constituent une violation de la liberté syndicale. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 444.) Le comité demande par conséquent au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que les autorités compétentes revoient les décisions de licenciement et de suspension et réintègrent les salariés qui auraient été sanctionnés pour activités de nature syndicale. Il lui demande également de prendre les mesures nécessaires afin de mettre en oeuvre la décision de la Commission de la fonction publique du 8 septembre 1990 qui ordonne la réintégration des 46 salariés du Comité national pour le développement des parcs nationaux licenciés en date du 4 septembre 1990. Il prie le gouvernement de l'informer de toute mesure prise à cet égard.
  7. 230. S'agissant de l'allégation du refus de l'Autorité de la ville de Manille de reconnaître la SAKAMAY (Association des employés de la ville de Manille qui regroupe les balayeurs de rue et les éboueurs) comme le seul partenaire autorisé à négocier collectivement dans cette agence, et ceci en violation d'une résolution adoptée le 14 mars 1991 par le Conseil des relations professionnelles du secteur public, le comité regrette que le gouvernement ne fournit aucun commentaire sur cette allégation. Il demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de garantir à la SAKAMAY d'être reconnue, conformément à la résolution du Conseil des relations professionnelles du secteur public, comme partenaire aux fins de la négociation collective, et de le tenir informé de toute évolution à cet égard.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 231. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Au sujet du déni du droit de grève des employés de l'Etat, le comité rappelle que le droit de grève est un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux, et que ce droit ne peut être restreint, voire interdit, que dans la fonction publique, les fonctionnaires publics étant ceux qui agissent en tant qu'organes de la puissance publique ou dans les services essentiels, au sens strict du terme, c'est-à-dire les services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. Le comité demande instamment au gouvernement de prendre les mesures législatives nécessaires pour mettre en oeuvre les dipositions de la Constitution qui confèrent à tous les travailleurs le droit de grève, et d'en fixer les modalités d'exercice conformément aux principes de la liberté syndicale.
    • b) Le comité demande au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que les autorités compétentes revoient les décisions de licenciement et de suspension et réintègrent les salariés qui auraient été sanctionnés pour activités de nature syndicale. Il lui demande en particulier de prendre les mesures nécessaires afin de mettre en oeuvre la décision de la Commission de la fonction publique du 8 septembre 1990 qui ordonne la réintégration des 46 salariés du Comité national pour le développement des parcs nationaux licenciés en date du 4 septembre 1990.
    • c) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de garantir à la SAKAMAY d'être reconnue, conformément à la résolution du Conseil des relations professionnelles du secteur public, comme partenaire aux fins de la négociation collective.
    • d) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de toute mesure prise en relation avec les points mentionnés dans les alinéas a), b) et c).
    • e) Le comité soumet l'aspect législatif du cas à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
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