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- 1. Le Comité de la liberté syndicale, institué par le Conseil d'administration à sa 117e session (novembre 1951), s'est réuni au Bureau international du Travail à Genève les 20, 21 et 25 mai 1993, sous la présidence de M. Jean-Jacques Oechslin, ancien Président du Conseil d'administration.
- 2. Le comité est saisi, d'une part, d'une plainte en violation de la liberté syndicate en Côte d'Ivoire, présentée par la Confédération mondiale du travail (CMT) et, d'autre part, d'une plainte relative à l'observation par la Côte d'Ivoire de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, présentée, en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT, par plusieurs délégués travailleurs à la 79e session (1992) de la Conférence internationale du Travail.
- 3. Le Conseil d'administration avait, à sa 254e session (novembre 1992), adopté les conclusions intérimaires formulées par le comité dans son 285e rapport et prié le gouvernement de communiquer des informations détaillées sur tous les points mentionnés dans ses recommandations.
- 4. Le gouvernement a transmis de nouvelles observations et le comité soumet à l'approbation du Conseil d'administration un nouveau rapport sur cette affaire, en recommandant au Conseil de l'examiner à sa 256e session.
- 5. Le comité a déjà examiné ce cas à deux reprises (voir 279e et 285e rapports du comité, paragr. 717 à 739 et 4 à 61, approuvés par le Conseil d'administration à ses 251e et 254e sessions (novembre 1991 et novembre 1992)) à l'occasion desquelles il a formulé des conclusions intérimaires.
- 6. Dans une communication du 19 février 1993, la Confédération mondiale du travail (CMT) a présenté de nouvelles allégations. Le gouvernement a adressé de nouvelles observations dans une communication datée du 22 février 1993.
- 7. La Côte d'Ivoire a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas
- 8. Les questions demeurées en instance à la session de novembre 1992 du comité étaient les suivantes:
- - les raisons précises de l'arrestation et de la détention des personnes mentionnées ci-après: M. Marcel Ette, le professeur Francis Wodie, le maître Emile Boga, le docteur Richard Kodjo, le docteur Assoua Adou, les 29 militants syndicaux de la centrale syndicale "Dignité", arrêtés le 2 avril 1990, et MM. Ourega Ballie Ambroise et Gahuidis Gbogro;
- - les raisons précises du transfert à l'intérieur du pays de trois enseignants, MM. Aké, Gouali et Zouzoua, et de la suspension avec perte de salaire de M. Aké (en raison de leur appartenance à la centrale syndicale "Dignité" d'après les allégations);
- - le grand nombre de licenciements de dirigeants syndicaux et syndicalistes (en raison de leurs activités syndicales d'après les allégations);
- - les actes allégués d'ingérence et de menace de la part des autorités à l'encontre de "Dignité" et en particulier de ses syndicats de base;
- - le recouvrement des cotisations syndicales;
- - le contenu de la circulaire du ministère des Affaires étrangères visant à contrôler la gestion financière des syndicats;
- - les mesures prises par le gouvernement pour assurer pleinement la protection des droits garantis par les conventions de l'OIT sur la liberté syndicale qu'il a ratifiées.
- 9. A sa session de novembre 1992, le Conseil d'administration avait approuvé les recommandations suivantes (voir 285e rapport du comité, paragr. 61):
- a) Le comité note avec intérêt que "Dignité" est actuellement officiellement reconnue par les autorités ivoiriennes en tant que centrale syndicale. Il rappelle toutefois que tout retard provoqué par les autorités dans l'enregistrement d'un syndicat constitue une violation de l'article 2 de la convention no 87 selon lequel tous les travailleurs, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer les organisations de leur choix, ainsi que de s'affilier à ces organisations.
- b) Le comité demande à nouveau au gouvernement de lui indiquer les raisons précises de l'arrestation et de la détention des personnes mentionnées ci-après: M. Marcel Ette, le professeur Francis Wodie, le maître Emile Boga, le docteur Richard Kodjo, le docteur Assoua Adou, les 29 militants syndicaux de la centrale syndicale "Dignité", arrêtés le 2 avril 1990, et MM. Ourega Ballie Ambroise et Gahuidis Gbogro.
- c) Le comité invite à nouveau le gouvernement à indiquer les raisons précises du transfert à l'intérieur du pays des trois enseignants mentionnés dans la plainte. Il lui demande en particulier de prendre les mesures nécessaires afin d'éclaircir les raisons pour lesquelles M. Aké a été suspendu avec perte de salaire et de rétablir sa situation antérieure s'il s'avère qu'il a été sanctionné en raison de son appartenance à "Dignité".
- d) En ce qui concerne les allégations concernant un grand nombre de licenciements de dirigeants syndicaux et d'autres syndicalistes en raison de leurs activités syndicales, le comité demande au gouvernement de mener une enquête en vue d'établir les véritables motifs des mesures prises à l'encontre des personnes citées par la confédération plaignante et, dans le cas ou l'enquête démontre que ces motifs ont été de nature antisyndicale, de prendre les mesures nécessaires afin de réintégrer dans leurs postes les personnes concernées.
- e) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin d'établir si la centrale syndicale "Dignité" et en particulier, au niveau local, ses syndicats de base font réellement l'objet d'actes d'ingérence et de menace de la part des autorités et, si tel est le cas, de prendre les mesures nécessaires afin de mettre un terme à ces actes et de prévenir leur répétition.
- f) Pour ce qui est des élections des délégués du personnel, le comité estime que le gouvernement devrait s'assurer que toutes les organisations syndicales reconnues, y compris "Dignité", puissent présenter des candidats aux élections des délégués du personnel dans toutes les entreprises où un syndicat de base existe, et ceci à partir du premier tour de scrutin. En ce qui concerne le recouvrement des cotisations syndicales, le comité est d'avis que le gouvernement et les partenaires sociaux devraient examiner quelles conséquences il convient de tirer de la nouvelle situation de pluralisme syndical dans le pays afin que les différents syndicats soient traités sur un pied d'égalité. En ce qui concerne les allégations relatives à l'ingérence des employeurs dans les activités syndicales, le comité rappelle les termes de l'article 2 de la convention no 98, selon lesquels les organisations de travailleurs et d'employeurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes d'ingérence des unes à l'égard des autres.
- g) En ce qui concerne la circulaire du ministère des Affaires étrangères, visant à contrôler la gestion financière des syndicats, le comité demande au gouvernement de clarifier le contenu de la circulaire en question afin de garantir aux syndicats le droit d'organiser librement leur gestion, conformément à l'article 3 de la convention no 87.
- h) Le comité, observant que la situation de la centrale syndicale "Dignité" et de ses syndicats de base pose des problèmes en relation avec plusieurs principes fondamentaux en matière de liberté syndicale, demande au gouvernement de prendre dans les meilleurs délais des mesures concrètes pour assurer pleinement la protection des droits garantis par les conventions sur la liberté syndicale qu'il a ratifiées.
- i) Le comité prie instamment le gouvernement de l'informer de façon détaillée sur tous les points mentionnés ci-dessus.
- j) Le comité se propose d'examiner la question concernant la constitution d'une commission d'enquête lors de son prochain examen du cas, à la lumière des observations qui lui seront parvenues.
B. Nouvelles allégations de l'organisation plaignante
B. Nouvelles allégations de l'organisation plaignante
- 10. Dans sa communication du 19 février 1993, la Confédération mondiale du travail (CMT) indique que, lors des élections sociales tenues en Côte d'Ivoire au début de l'année, la centrale syndicale "Dignité" a remporté des victoires éclatantes dans la grande majorité des entreprises, mais que le gouvernement essaie toutefois, par des pratiques de corruption, d'imposer des élections à liste unique de l'Union générale des travailleurs de Côte d'Ivoire (UGTCI) et ceci en vue des élections dans les très grandes entreprises, et notamment dans le Port autonome d'Abidjan. Selon la CMT, il en est de même dans une série d'autres grandes entreprises, notamment Nestlé, Sotra et Bassam, et elle en conclut qu'il s'agit à nouveau d'une violation de la liberté syndicale.
C. Nouvelle réponse du gouvernement
C. Nouvelle réponse du gouvernement
- 11. Dans sa réponse du 22 février 1993, le gouvernement réitère les observations qu'il avait déjà communiquées antérieurement et que le comité avait déjà examinées (voir 279e rapport, paragr. 726 à 732, et 285e rapport, paragr. 30 à 45) et qui concernent le cadre juridique national applicable aux syndicats, le licenciement de dirigeants et membres de la centrale syndicale "Dignité", la reconnaissance de cette centrale, le transfert à l'intérieur du pays des enseignants MM. Gouali, Zouzoua et Aké et la suspension avec perte de salaire de ce dernier, et le recouvrement des cotisations syndicales.
- 12. En ce qui concerne les arrestations de MM. Marcel Ette, secrétaire général du Syndicat de la recherche et de l'enseignement supérieur (SYNARES), Francis Wodie, Emile Boga, Richard Kodjo, secrétaire général du Syndicat national des cadres supérieurs de la santé (SYNACASSCI), Assoua Adou ainsi que de 29 militants de "Dignité", intervenues au cours des mois de mars et avril 1990, le gouvernement déclare qu'il faut placer ces faits dans le contexte de la crise sociale qui a secoué le pays à cette période.
- 13. Le gouvernement explique que, afin de faire face à la crise économique persistante, il avait préconisé un plan de stabilisation et de relance économique prévoyant la réduction de 15 à 40 pour cent des traitements des agents de l'Etat et une contribution de 11 pour cent prélevée sur les salaires du secteur privé. Ces mesures ont suscité de nombreux mouvements syndicaux de mécontentement dont le point de départ a été une grève des étudiants dans une cité universitaire d'Abidjan. Face à l'ampleur des agitations scolaires et universitaires, et dans le but de garantir la sécurité des personnes et de prévenir le désordre, le gouvernement a décidé de suspendre les réunions sur le campus universitaire et d'interdire les manifestations sur la voie publique. Toujours selon le gouvernement, au moment où les établissements scolaires et universitaires concernés qui avaient été fermés devaient rouvrir leurs portes (en date du 2 avril 1990), le SYNARES a décidé d'organiser, le 26 mars 1990, une grève générale et une marche de protestation et de soutien aux étudiants, avec l'appui de "Dignité" et d'autres organisations autonomes, et le SYNACASSCI a déclenché, le 27 mars 1990, la grève des médecins pour soutenir les enseignants et les chercheurs.
- 14. Le gouvernement indique que les agitations que l'on croyait fondées sur des motifs syndicaux ont dégénéré en un véritable mouvement politique contre le plan d'austérité et ont gagné plusieurs villes de l'intérieur du pays. Il déclare que, par leurs actions, les syndicats ont violé les articles 3 et 188 du Code du travail qui leur interdisent, respectivement, d'exercer des activités politiques et de déclencher une grève sans suivre la procédure légale.
- 15. Le gouvernement indique que, devant une telle crise sociale et politique, il a pris des mesures urgentes pour calmer la tension et garantir la sécurité de la population. Ainsi, 126 personnes, dont celles citées dans les allégations, ont été interpellées, envoyées au camp militaire d'Akouédou et relâchées quelques jours après. Il indique qu'il n'a fait que prendre les mesures qui s'imposaient, tout en restant dans le respect de la convention no 87.
- 16. En ce qui concerne la circulaire du ministère des Affaires étrangères du 18 mai 1992 (dont le gouvernement fournit une copie), adressée à toutes les missions diplomatiques accréditées en Côte d'Ivoire et qui stipule que tout dossier de financement de projet soumis à elles par les différends groupements et associations ivoiriens, y compris les syndicats et les partis politiques, doit faire l'objet d'une approbation préalable du projet par les autorités administratives locales, le gouvernement déclare qu'il s'agit d'un simple rappel des procédures en vigueur en matière de requêtes de financement adressées aux missions diplomatiques accréditées en Côte d'Ivoire. Ces procédures, en vigueur depuis des années et valables pour toute requête de financement en provenance des groupements, des associations, des syndicats ou partis politiques, ont été mises en place avec l'accord des missions diplomatiques et visent à assurer une coordination nationale des actions de financement des ambassades des pays amis dans le cadre de la coopération.
- 17. Il déclare également que ce souci de coordonner les actions de financement en provenance de l'aide extérieure vise en réalité une gestion plus rationnelle de ces ressources en faveur des opérateurs socio-économiques du pays. A travers cette circulaire de rappel des procédures en vigueur, l'Etat ne cherche donc pas à limiter la liberté de gestion des syndicats, mais plutôt à renforcer leur crédibilité vis-à-vis des donateurs. D'ailleurs, ajoute le gouvernement, le droit à la liberté de gestion financière des syndicats est prévu aux articles 17 et 18 du Code du travail.
- 18. De manière générale, le gouvernement indique que plus de 150 syndicats professionnels (42 dans le secteur public et 108 dans le secteur privé) sont reconnus, et que plusieurs autres syndicats sont en voie de création en suivant les mêmes procédures légales demandées à "Dignité".
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité
- 19. Le comité doit tout d'abord regretter que le gouvernement se borne à répéter pour l'essentiel les informations et observations qu'il avait fournies précédemment. Cependant, il note avec intérêt que, d'après le gouvernement, plus de 150 syndicats professionnels (42 dans le secteur public et 108 dans le secteur privé) ont été reconnus, et que plusieurs autres syndicats sont en voie de création en suivant les mêmes procédures légales demandées à "Dignité". Le comité prie le gouvernement d'indiquer si, au niveau local, les syndicats de base qui viennent de se constituer ont effectivement été reconnus par les autorités et s'ils peuvent effectivement exercer leurs activités sans entrave.
- 20. S'agissant des arrestations de MM. Marcel Ette, Francis Wodie, Emile Boga, Richard Kodjo, Assoua Adou et de 29 militants de "Dignité", intervenues au cours des mois de mars et avril 1990, le comité note que le gouvernement indique que ces personnes ont été arrêtées lors des agitations qui trouvent leur origine dans le mécontentement des syndicats devant un plan d'austérité préconisé par le gouvernement, et qui ont pris la forme d'actions et de manifestations syndicales de nature purement politique et menées en violation de la loi. Dans le but de calmer la tension et garantir la sécurité de la population, 126 personnes, dont celles mentionnées dans les allégations, ont été interpellées, détenues dans un camp militaire et relâchées quelques jours après.
- 21. Dans ces conditions, le comité rappelle que, outre qu'elle serait incompatible avec les principes de la liberté syndicale, une interdiction générale de toute activité politique par les syndicats manquerait du réalisme nécessaire à son application pratique; en effet, les organisations syndicales peuvent vouloir exprimer publiquement, par exemple, leur opinion sur la politique économique et sociale du gouvernement. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 356.) Soulignant également que l'arrestation de dirigeants syndicaux et de syndicalistes (même si c'est pour une courte durée) dans l'exercice d'activités syndicales légitimes constitue une violation des principes de la liberté syndicale (voir Recueil, op. cit., paragr. 88), le comité demande au gouvernement de ne pas avoir recours à des mesures d'arrestation à l'encontre de syndicalistes pour des activités liées à la défense des intérêts des travailleurs.
- 22. Pour ce qui est des mesures prises à l'encontre des enseignants MM. Aké, Gouali et Zouzoua, le comité regrette que le gouvernement ne fasse que réitérer sa réponse antérieure selon laquelle ces personnes n'ont pas été suspendues et affectées à l'intérieur du pays pour une raison d'appartenance à un syndicat, mais plutôt pour un motif disciplinaire (absence de leurs postes de travail) conformément à la loi no 64-488 du 21 décembre 1964 portant Statut général de la fonction publique. Regrettant que le gouvernement n'ait pas fourni de nouveaux éléments, le comité se voit obligé de rappeler que nul ne devrait faire l'objet de discrimination dans l'emploi en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales. Il demande à nouveau au gouvernement de fournir davantage d'informations sur toute mesure prise pour lever les sanctions qui auraient frappé des syndicalistes pour avoir exercé des activités syndicales légitimes.
- 23. S'agissant des allégations concernant un grand nombre de licenciements de dirigeants syndicaux et d'autres syndicalistes nommément désignés par l'organisation plaignante (voir 285e rapport du comité, paragr. 50), le comité regrette également que le gouvernement n'apporte pas de nouvelle réponse. Il rappelle l'importance qu'il attache à l'application de l'article 1 de la convention no 98, selon lequel les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi. Le comité ne peut que réitérer au gouvernement sa demande antérieure de diligenter une enquête afin d'établir les motifs pour lesquels ces syndicalistes ont été licenciés et de prendre des mesures efficaces afin d'obtenir la réintégration dans leurs postes de travail de tous les militants et dirigeants syndicaux qui auraient été licenciés en raison de leurs activités syndicales en relation avec la centrale "Dignité", et demande au gouvernement de le tenir informé de tout progrès à cet égard. En effet, le comité rappelle que le gouvernement devrait accorder une attention prioritaire au renforcement des procédures et mécanismes visant à assurer une meilleure protection des droits syndicaux à toutes les organisations professionnelles et de tous les adhérents de celles-ci. L'existence de normes législatives interdisant les actes de discrimination antisyndicale ou les actes d'ingérence de la part des autorités, ou encore de la part des organisations de travailleurs et d'employeurs les unes vis-à-vis des autres, est insuffisante si celles-ci ne s'accompagnent pas de procédures efficaces qui assurent leur application dans la pratique.
- 24. En ce qui concerne le recouvrement des cotisations syndicales à propos duquel les organisations plaignantes avaient allégué que plusieurs employeurs prélèvent à la source, sur les salaires, la cotisation syndicale en faveur de l'UGTCI, malgré les lettres des travailleurs informant la direction et les chefs du personnel qu'ils se sont désaffiliés de ce syndicat, le comité note que le gouvernement n'a pas fourni de nouvelle réponse. Le comité ne peut que rappeler que, conformément aux principes de la liberté syndicale, les conventions collectives devraient pouvoir prévoir un système de prélèvement des cotisations syndicales, sans ingérence de la part des autorités. Il demande au gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour assurer que les cotisations syndicales soient reversées aux organisations syndicales choisies par les travailleurs.
- 25. En ce qui concerne la circulaire du ministère des Affaires étrangères du 18 mai 1992, le comité note que, d'après le gouvernement, il ne s'agit que d'un simple rappel des procédures en vigueur en matière de requête de financement adressées aux missions diplomatiques accréditées en Côte d'Ivoire, procédures qui visent à assurer une coordination nationale des actions de financement des ambassades des pays amis dans le cadre de la coopération et à réaliser une gestion plus rationnelle de ces ressources en faveur des opérateurs socio-économiques du pays. Il note également que le gouvernement déclare qu'à travers cette circulaire de rappel des procédures en vigueur, l'Etat ne cherche donc pas à limiter la liberté de gestion des syndicats, mais plutôt à renforcer leur crédibilité vis-à-vis des donateurs, et que le droit des syndicats à la liberté de gestion financière est prévu aux articles 17 et 18 du Code du travail.
- 26. Tout en prenant note de ces informations, le comité rappelle qu'il a indiqué à maintes reprises qu'une législation interdisant l'acceptation par un syndicat national d'une aide pécuniaire venant d'une organisation internationale de travailleurs à laquelle il est affilié mettrait en cause les principes relatifs au droit de s'affilier à des organisations internationales. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 527.) Dans le cas d'espèce, le comité observe que la circulaire n'interdit pas spécifiquement de recevoir des fonds des organisations syndicales internationales, mais qu'elle impose aux organisations, y compris aux syndicats, l'obtention d'une autorisation préalable pour bénéficier d'une assistance financière internationale. Il prie le gouvernement de bien vouloir modifier cette circulaire afin de ne pas maintenir dans la liste en question les syndicats parmi les organisations qui doivent obtenir une autorisation préalable pour bénéficier d'une assistance en matière d'activités syndicales.
- 27. Pour ce qui est des nouvelles allégations selon lesquelles, lors des élections sociales tenues en Côte d'Ivoire au début de l'année, la centrale syndicale "Dignité" a remporté des victoires éclatantes dans la grande majorité des entreprises, mais que le gouvernement essaie toutefois, par des pratiques de corruption, d'imposer des élections à liste unique de l'Union générale des travailleurs de Côte d'Ivoire (UGTCI) et ceci en vue des élections dans les très grandes entreprises et notamment dans le Port autonome d'Abidjan et les entreprises Nestlé, Sotra et Bassam, le comité note que le gouvernement n'a pas encore répondu à ces allégations. Il rappelle au gouvernement que la liberté syndicale implique pour les travailleurs et les employeurs d'élire leurs représentants en pleine liberté, sans intervention des autorités. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 293.) Il rappelle également que des attitudes en faveur ou, au contraire, de discrimination à l'égard d'une ou de plusieurs organisations syndicales constituent un moyen d'influencer les travailleurs dans leur affiliation syndicale. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 252 et 254.) De l'avis du comité, une telle discrimination met en cause le droit des travailleurs d'appartenir au syndicat de leur choix. Il demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin d'assurer que toutes les organisations syndicales reconnues, et en particulier "Dignité", puissent présenter librement leurs candidats aux élections des délégués du personnel dans toutes les entreprises où un syndicat de base existe, et ceci à partir du premier tour du scrutin.
- 28. Le comité prie instamment le gouvernement de fournir dans les plus brefs délais des réponses détaillées sur les différents aspects de cette plainte auxquels il n'a pas encore répondu. A la lumière des informations de fait et de droit dont il disposera, le comité examinera à nouveau la question de l'opportunité de donner suite à la plainte présentée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT par la création d'une commission d'enquête.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 29. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie le gouvernement d'indiquer si, au niveau local, les syndicats de base qui viennent de se constituer ont effectivement été reconnus par les autorités et s'ils peuvent effectivement exercer leurs activités sans entrave.
- b) Soulignant que l'arrestation de dirigeants syndicaux et de syndicalistes (même si c'est pour une courte durée) dans l'exercice d'activités syndicales légitimes constitue une violation des principes de la liberté syndicale, le comité demande au gouvernement de ne pas avoir recours à des mesures d'arrestation à l'encontre de syndicalistes pour des activités liées à la défense des intérêts des travailleurs.
- c) Le comité rappelle que nul ne devrait faire l'objet de discrimination dans l'emploi en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales. Il demande à nouveau au gouvernement de fournir davantage d'informations sur toute mesure prise pour lever les sanctions qui auraient frappé des syndicalistes pour avoir exercé des activités syndicales légitimes.
- d) S'agissant des allégations concernant un grand nombre de licenciements de dirigeants syndicaux et d'autres syndicalistes nommément désignés par l'organisation plaignante, le comité ne peut que réitérer au gouvernement sa demande antérieure de diligenter une enquête afin d'établir les motifs pour lesquels ces syndicalistes ont été licenciés et de prendre des mesures efficaces afin d'obtenir la réintégration dans leurs postes de travail de tous les militants et dirigeants syndicaux qui auraient été licenciés en raison de leurs activités syndicales en relation avec la centrale "Dignité", et il demande au gouvernement de le tenir informé de tout progrès à cet égard.
- e) Rappelant que l'existence de normes législatives interdisant les actes de discrimination antisyndicale ou les actes d'ingérence de la part des autorités, ou encore de la part des organisations de travailleurs et d'employeurs les unes vis-à-vis des autres, est insuffisante si celles-ci ne s'accompagnent pas de procédures efficaces qui assurent leur application dans la pratique, le comité demande au gouvernement d'accorder une attention prioritaire au renforcement des procédures et mécanismes visant à assurer une meilleure protection des droits syndicaux à toutes les organisations professionnelles et de tous les adhérents de celles-ci.
- f) En ce qui concerne le recouvrement des cotisations syndicales, le comité souligne que, conformément aux principes de la liberté syndicale, les conventions collectives devraient pouvoir prévoir un système de prélèvement des cotisations syndicales sans ingérence de la part des autorités. Il demande au gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour assurer que les cotisations syndicales soient reversées aux organisations syndicales choisies par les travailleurs.
- g) En ce qui concerne la circulaire du ministère des Affaires étrangères du 18 mai 1992, le comité, rappelant d'une manière générale qu'une législation interdisant l'acceptation par un syndicat national d'une aide pécuniaire venant d'une organisation internationale de travailleurs à laquelle il est affilié mettrait en cause les principes relatifs au droit de s'affilier à des organisations internationales, prie le gouvernement de bien vouloir modifier cette circulaire afin de ne pas maintenir dans la liste en question les syndicats parmi les organisations qui doivent obtenir une autorisation préalable pour bénéficier d'une assistance en matière d'activités syndicales.
- h) En ce qui concerne les allégations portant sur l'ingérence dans les élections sociales, le comité rappelle que des attitudes de discrimination à l'égard d'une ou de plusieurs organisations syndicales constituent un moyen d'influencer les travailleurs dans leur affiliation syndicale qui met en cause leur droit d'appartenir au syndicat de leur choix. Il demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin d'assurer que toutes les organisations syndicales reconnues, et en particulier "Dignité", puissent présenter librement leurs candidats aux élections des délégués du personnel dans toutes les entreprises où un syndicat de base existe, et ceci à partir du premier tour du scrutin.
- i) Le comité prie instamment le gouvernement de fournir, dans les plus brefs délais, des réponses détaillées sur les différents aspects de cette plainte auxquels il n'a pas encore répondu. A la lumière des informations de fait et de droit dont il disposera, le comité examinera à nouveau la question de l'opportunité de donner suite à la plainte présentée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT par la création d'une commission d'enquête.