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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 287, Juin 1993

Cas no 1590 (Lesotho) - Date de la plainte: 05-SEPT.-90 - Clos

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  1. 200. Le comité a examiné ce cas soumis par la Fédération internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (FITBB) à sa session de mai 1992 et présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. Il a reçu par la suite une communication de la FITBB en date du 7 septembre 1992 et une communication du gouvernement en date du 12 février 1993.
  2. 201. Le Lesotho a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 202. Le présent cas concerne des allégations relatives à des mesures antisyndicales qui auraient été prises, en violation des conventions nos 87 et 98, par le gouvernement et par une société française de travaux publics, SPIE-BATIGNOLLES, à la suite d'une grève déclenchée par le Syndicat des travailleurs de la construction et assimilés du Lesotho (CAWULE) en juin 1990. Au départ, les plaignants ont soulevé les points suivants: 1) emprisonnement de trois dirigeants syndicaux, M. Sello Ts'Ukulu, secrétaire général du CAWULE, arrêté le 20 juillet 1990, et MM. Lebohang Belebisi et Tsehla Motsamai, dirigeants du Syndicat des travailleurs des briqueteries, de la construction et du bois du Lesotho (LBCWWU), arrêtés le 30 août 1990; 2) attaque menée par la police le 20 juillet 1990, au cours de laquelle sept responsables syndicaux du chantier du barrage hydroélectrique de Bokong Ha Katse ont été atteints par des coups de feu; 3) retrait du passeport de M. Ts'Ukulu, ce qui l'a empêché d'assister à une réunion syndicale internationale; 4) poursuites judiciaires fréquemment intentées contre des responsables syndicaux dans le but de les harceler à la suite des grèves; 5) licenciement de 334 travailleurs et refus de les réintégrer après la grève; 6) intervention de la police lors des manifestations de la Fête du travail, le 1er mai 1991; 7) assassinat, le 30 août 1991, de M. Ngaka Sula, délégué syndical du CAWULE et veilleur de nuit, et interrogatoire brutal d'un responsable régional du CAWULE en rapport avec ce meurtre; et 8) au niveau législatif, absence de dispositions protégeant les travailleurs du Lesotho qui participent à des grèves légitimes, comme l'a noté l'arrêt de la cour d'appel déboutant le CAWULE de son action contre la société pour licenciement injustifié.
  2. 203. A sa session de mai 1992, le comité a formulé les recommandations suivantes (voir 283e rapport du comité, paragr. 355):
    • a) Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas répondu à l'allégation selon laquelle le secrétaire général du CAWULE aurait été arrêté le 20 juillet 1990 et se serait vu retirer son passeport. Rappelant que l'arrestation de dirigeants syndicaux pour des activités liées à l'exercice de leurs droits syndicaux est contraire aux principes de la liberté syndicale et que les gouvernements devraient s'abstenir de toute mesure, telle que la confiscation des documents nécessaires aux déplacements, qui empêcherait les représentants d'organisations de travailleurs d'exercer leur mandat en toute liberté et indépendance, le comité prie le gouvernement d'indiquer si le secrétaire général du CAWULE est libre de s'acquitter de ses fonctions syndicales, notamment en se rendant à l'étranger si cela est nécessaire, et si son passeport lui a été restitué.
    • b) Au sujet de l'arrestation, le 30 août 1990, de deux dirigeants du Syndicat des travailleurs des briqueteries, de la construction et du bois du Lesotho (LBCWWU), comme l'organisation plaignante n'a pas indiqué si ce syndicat lui était également affilié, le comité l'invite à préciser ce point.
    • c) En ce qui concerne l'allégation selon laquelle la police aurait lancé une attaque au cours de laquelle sept dirigeants syndicaux auraient été atteints par des coups de feu sur le chantier de construction d'un barrage, le 20 juillet 1990, le comité regrette, là encore, que le gouvernement n'ait pas fourni de renseignements précis et le prie d'indiquer s'il a ordonné une enquête judiciaire pour éclaircir pleinement les faits, déterminer les responsabilités, sanctionner les coupables et prévenir la répétition de tels actes et, dans l'affirmative, de lui en communiquer les résultats.
    • d) Le comité note qu'une procédure pénale est en cours devant les tribunaux pour le meurtre, par un policier, de M. Ngaka Sula, délégué syndical du CAWULE, le 30 août 1991, et demande au gouvernement de lui fournir une copie du jugement concernant ce meurtre dès qu'il sera prononcé et, dans l'intervalle, de le tenir informé de l'évolution de la procédure.
    • e) Au sujet du congédiement de travailleurs - 334 au total -, qui avaient pris part à la grève lancée par le CAWULE, le comité rappelle l'importance du droit de grève et invite le gouvernement à intervenir auprès de l'employeur dans le cas présent afin qu'il envisage sérieusement la possibilité de réintégrer les personnes frappées par cette sanction et de le tenir informé de l'évolution de la situation.
    • f) Le comité demande au gouvernement de préciser la portée des dispositions de la loi de 1964 qui permettraient de protéger les travailleurs contre des licenciements pour fait de grève et d'indiquer, en particulier, si elles permettent une protection contre les licenciements qui interviendrait en vertu de la common law.
    • g) le comité rappelle au gouvernement que les services techniques du BIT sont à sa disposition pour toute assistance qu'il voudrait recevoir en matière de législation du travail.
    • h) Au sujet de l'allégation selon laquelle la police se serait immiscée dans une manifestation que le syndicat avait organisée avec l'aval des autorités pour célébrer la Fête du travail, le 1er mai 1991, le comité regrette que le gouvernement n'ait pas répondu sur ce point. Il veut croire que tous les biens qui avaient été confisqués au CAWULE ce jour-là lui ont été restitués, et qu'à l'avenir les autorités éviteront de telles interventions.

B. Réponse du plaignant

B. Réponse du plaignant
  1. 204. Dans une communication du 7 septembre 1992, la FITBB déclare que le Syndicat des travailleurs des briqueteries, de la construction et du bois du Lesotho (LBCWWU) ne lui est pas affilié; si elle a mentionné des faits relatifs à cette organisation, c'est pour illustrer le climat général d'intimidation des syndicalistes qui régnait à l'époque où se sont produits les autres incidents.

C. Réponse du gouvernement

C. Réponse du gouvernement
  1. 205. Dans une communication du 12 février 1993, le gouvernement a répondu en détail aux recommandations du comité. Au sujet du meurtre de M. Ngaka Sula, délégué syndical et veilleur de nuit, le gouvernement déclare que le ministère public procède actuellement à un examen préliminaire visant à déterminer les accusations à porter contre le policier incriminé. Le cas a été soumis au magistrat du district de Thaba-Tseka où a eu lieu le meurtre. Après un ajournement dû à des raisons non précisées, l'examen du cas devait reprendre le 17 février 1993.
  2. 206. Au sujet de l'arrestation et de l'emprisonnement de dirigeants syndicaux, dont M. Sello Ts'Ukulu, le gouvernement déclare que ces personnes ont été arrêtées le 20 juillet 1990 en vertu de la loi de 1984 sur la sécurité intérieure. Sur la base de discours qu'ils ont prononcés au chantier de construction de Katse, ils ont été accusés de s'être livrés à des manoeuvres d'intimidation et d'avoir incité les travailleurs à se livrer à des actes de violence publics. Le gouvernement indique que l'on a entendu M. Ts'Ukulu inciter les travailleurs à recourir à la violence contre la police en déclarant notamment que les grévistes devraient "lutter jusqu'au dernier" pour faire aboutir la grève et en prononçant d'autres déclarations laissant entendre que la police serait tenue responsable de toute effusion de sang. Le gouvernement note que ces faits se sont produits malgré l'ordonnance du 5 juillet 1990 de la Haute Cour interdisant aux grévistes de pénétrer dans le campement du chantier de Katse, d'entraver la reprise des travaux de construction et de menacer d'attaquer les non-grévistes qui voulaient continuer à travailler. Le gouvernement déclare que la police a été autorisée à prendre les mesures nécessaires pour faire appliquer l'ordonnance de la Haute Cour et que M. Ts'Ukulu a délibérément incité les travailleurs à recourir à la violence contre la police.
  3. 207. Le gouvernement ajoute que les accusations portées contre tous les dirigeants syndicaux ont été rejetées par la Cour, qui a acquitté les prévenus. Il n'existe pas de copie de cette décision car la Cour n'a pas les moyens de transcrire les arrêts dont il n'a pas été fait appel.
  4. 208. Au sujet de l'allégation selon laquelle le passeport de M. Ts'Ukulu a été confisqué, le gouvernement répond que l'enquête diligentée par ses soins n'a pu confirmer ce fait et que M. Ts'Ukulu n'a ni signalé cette confiscation ni porté plainte à ce sujet (sauf auprès de l'OIT). Le gouvernement déclare que, si M. Ts'Ukulu avait porté plainte, il aurait pris des mesures immédiates pour permettre à l'intéressé de voyager. Il déclare également que M. Ts'Ukulu a voyagé récemment en dehors du pays pour raisons syndicales et qu'il ne peut aucunement l'avoir fait sans qu'on lui ait délivré un passeport. Il ajoute que M. Ts'Ukulu est libre d'exercer ses fonctions syndicales en tout lieu, au Lesotho ou ailleurs, y compris outre-mer.
  5. 209. Au sujet des allégations selon lesquelles sept dirigeants syndicaux auraient été atteints par des coups de feu le 20 juillet 1990, le gouvernement déclare qu'un incident s'est bien produit au chantier de construction de Katse à la date en question, mais qu'il s'agissait d'une personne qui refusait de se laisser arrêter et qui a été blessée par balle à la cuisse, et non de sept personnes. Le gouvernement indique que l'intéressé s'appelle Thaban Mosae et que la police, munie de mandats d'arrêt, était venue appréhender plusieurs personnes qui étaient peut-être des dirigeants syndicaux. Il ajoute que les policiers ont tiré des coups de feu pour éloigner des personnes armées de bâtons qui s'approchaient dans l'intention apparente de les attaquer. Aucune enquête n'a été menée au sujet de la blessure par balle susmentionnée, précise-t-il, parce que "les circonstances de l'incident semblent assez claires".
  6. 210. Au sujet de l'allégation concernant l'intervention de la police lors de la Fête du travail en mai 1991, le gouvernement confirme qu'un certain nombre de membres du CAWULE ont bien été arrêtés le 1er mai 1991 au matin pour avoir organisé une manifestation interdite sur le chemin du terrain de Pitso. Les personnes arrêtées ont été relâchées après une heure environ et autorisées alors à rejoindre le rassemblement. Le gouvernement fait remarquer que les biens confisqués aux membres du syndicat servent de pièces à conviction dans le dossier judiciaire, ouvert sous la cote Doct No RCI/5/9/91, et qu'elles ne peuvent être restituées avant la fin du procès. Il ajoute "ne pas être en mesure de dire si l'ordre public était menacé par cette manifestation et, dans l'affirmative, dans quelle mesure". Il souligne que la loi de 1984 sur la sécurité intérieure dispose, en ce qui concerne les réunions et les cortèges, qu'il est interdit de les organiser sans avoir obtenu une autorisation préalable.
  7. 211. Au sujet du licenciement de 334 grévistes, le gouvernement déclare que la question a été jugée et que "chercher à faire rejuger une affaire qui a été tranchée par le tribunal d'un Etat souverain constitue une offense et un abus des procédures de l'OIT". Le gouvernement ajoute qu'il entend bien défendre le droit fondamental des travailleurs de recourir à la grève, mais que ceux qui exercent ce droit doivent admettre le droit qu'a l'employeur de remplacer les grévistes. Selon lui, trois raisons s'opposent à la réintégration des travailleurs: 1) leur licenciement a été confirmé par la cour d'appel; 2) ils sont libres de négocier eux-mêmes leur réintégration; 3) la société qui les employait a achevé son contrat et a quitté le Lesotho.
  8. 212. Au sujet de la demande du comité tendant à lui faire préciser la portée des dispositions de la loi de 1964 sur les syndicats et les conflits du travail, le gouvernement déclare que l'interprétation de cette loi est de la compétence exclusive des tribunaux. Il ajoute toutefois qu'aucune grève n'a été déclenchée par les travailleurs conformément aux dispositions fondamentales de cette loi. C'est la grève du CAWULE qui s'en rapprochait le plus, mais le syndicat et ses membres "ont perdu patience" et l'ont déclenchée une semaine avant l'expiration du préavis légal. Le gouvernement ajoute également que la partie XI de la loi relative aux pratiques déloyales de travail n'a été interprétée que dans des cas limités de discrimination antisyndicale. Les tribunaux n'ont pas eu encore à décider si le licenciement collectif de travailleurs ayant répondu à un appel à la grève lancé par leur syndicat, non plus que le réembauchage sélectif de certains d'entre eux, constituait un acte de discrimination.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 213. Le comité prend note de la réponse détaillée du gouvernement à ses recommandations et se voit obligé de faire une remarque de procédure avant d'aborder le cas quant au fond. Le gouvernement a qualifié d'"offensant" l'examen par le comité de ses décisions judiciaires relatives au licenciement de travailleurs et a estimé que cet examen constituait "un abus des procédures de l'OIT", laissant entendre qu'il y avait là une violation de sa souveraineté. Le comité doit souligner que l'action de l'Organisation dans le domaine des conditions du travail et de la promotion de la liberté syndicale ne saurait être considérée comme une intervention dans les affaires intérieures d'un Etat souverain, puisqu'elle rentre dans le cadre du mandat que l'OIT a reçu de ses Membres qui se sont engagés à coopérer en vue d'atteindre les objectifs qui lui ont été assignés. Quand les lois nationales, y compris celles qui sont interprétées par les tribunaux supérieurs, contreviennent aux principes de la liberté syndicale, le comité s'est toujours considéré habilité à examiner ces lois, à proposer des orientations et à offrir l'assistance technique du BIT pour les rendre conformes au principe de la liberté syndicale affirmé dans la Constitution de l'OIT ou aux conventions applicables. Il ne s'agit pas, comme le laisse entendre le gouvernement, de "rejuger" des affaires déjà jugées. Ce dont se préoccupe le comité ce n'est pas de savoir si le gouvernement a agi de manière conforme à sa législation et à sa pratique nationales, mais seulement de déterminer si, et dans l'affirmative selon quelles modalités, cette législation est conforme aux normes internationales, et en particulier aux conventions de l'OIT. Les travaux du comité ne doivent en aucune façon être considérés comme une violation de la souveraineté nationale. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 53.)
  2. 214. Au sujet des allégations concernant le meurtre par un policier de M. Ngaka Sula, délégué syndical du CAWULE, le 30 août 1991, le comité note, d'après la réponse du gouvernement, que le ministère public du district de Thaba Tseka procède actuellement à un examen préliminaire visant à déterminer les accusations à porter contre le policier incriminé. Le comité note que plus de dix-neuf mois se sont maintenant écoulés depuis ce meurtre allégué et exprime l'espoir que le gouvernement fera diligence pour que l'accusé soit jugé et puni s'il s'avère qu'il est coupable. Il demande à nouveau au gouvernement de lui fournir une copie du jugement concernant ce meurtre dès qu'il sera prononcé et, dans l'intervalle, de le tenir informé de l'évolution de la procédure.
  3. 215. Le comité note que le gouvernement indique que l'arrestation et l'emprisonnement de syndicalistes lors d'une manifestation qui s'est tenue le 20 juillet 1990 n'étaient pas arbitraires et que les intéressés ont été inculpés et jugés pour avoir enfreint certaines dispositions de la loi de 1984 sur la sécurité intérieure. Le comité note toutefois que, selon le gouvernement, le tribunal les a tous acquittés. Il souligne donc que, si des personnes menant des activités syndicales ou exerçant des fonctions syndicales ne peuvent prétendre à l'immunité vis-à-vis de la législation pénale ordinaire, les activités syndicales ne devraient pas en elles-mêmes servir de prétexte aux pouvoirs publics pour arrêter ou détenir arbitrairement des syndicalistes. (Voir Recueil, paragr. 90.) Notant que ces syndicalistes ont été finalement acquittés, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour donner aux autorités compétentes les instructions propres afin d'éliminer les risques que comportent pour la liberté syndicale les arrestations motivées par des activités syndicales.
  4. 216. Le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle rien n'indique que le passeport de M. Ts'Ukulu lui ait été retiré et que, en tout état de cause, l'intéressé est libre d'exercer ses fonctions syndicales, y compris outre-mer.
  5. 217. Au sujet de l'arrestation de deux dirigeants du Syndicat des travailleurs des briqueteries, de la construction et du bois du Lesotho (LBCWWU), le comité prend note de la réponse du plaignant selon laquelle ce syndicat ne lui est pas affilié. Selon la procédure de l'OIT, cet élément de la plainte est donc jugé irrecevable. (Voir Recueil, paragr. 34.)
  6. 218. Au sujet de l'allégation selon laquelle la police aurait lancé une attaque au cours de laquelle des dirigeants syndicaux auraient été atteints par des coups de feu sur le chantier de construction du barrage, le comité note que, selon les observations du gouvernement, une seule personne a été blessée, et non sept, et que l'intéressé, M. Thaban Mosae, a été blessé à la cuisse alors qu'il s'opposait à son arrestation, de même que d'autres personnes se trouvant avec lui. Le comité, notant la contradiction qui existe entre les versions des plaignants et du gouvernement, exprime néanmoins sa préoccupation devant la gravité des allégations selon lesquelles la police aurait ouvert le feu. Il demande à nouveau au gouvernement de mener une enquête officielle et de le tenir informé des résultats de cette enquête.
  7. 219. Au sujet du licenciement de 334 grévistes par la société de travaux publics SPIE-BATIGNOLLES, le comité note que, selon le gouvernement, les tribunaux n'ont pas encore eu à se prononcer sur la question de savoir si les licenciements collectifs de grévistes peuvent constituer des actes de discrimination antisyndicale. Le gouvernement note d'ailleurs que la cour d'appel, lorsqu'elle s'est prononcée contre la réintégration des grévistes, n'a pas fondé sa décision sur la loi de 1964 sur les syndicats et les différends du travail, dont la partie XI dispose que la discrimination antisyndicale constitue une pratique déloyale de travail.
  8. 220. Constatant que, selon le gouvernement, aucune grève n'a été déclenchée conformément à la loi de 1964 sur les syndicats et les différends du travail, le comité note avec intérêt que les actions en justice qui seront intentées dans l'avenir au sujet du licenciement de grévistes seront jugées selon les dispositions de l'ordonnance de 1992 portant Code du travail ("le Code") qui annule et remplace la loi de 1964 sur les syndicats et les différends du travail ainsi que la loi de 1967 sur l'emploi. Le comité note particulièrement les dispositions suivantes du nouveau Code:
  9. - Partie V - Article 66 - Licenciement
  10. ...
  11. 3) ne constituent pas un motif valable de licenciement -
  12. a) l'appartenance à un syndicat ou la participation à des activités syndicales, soit en dehors des heures de travail, soit pendant les heures de travail avec l'accord de l'employeur;
  13. ...
  14. e) l'absence du travail conformément aux dispositions du Code ou avec l'autorisation de l'employeur
  15. - Partie XV - Article 196 - Discrimination à l'encontre des syndicalistes et des dirigeants syndicaux
  16. ...
  17. 2) Quiconque cherche par un moyen quelconque - intimidation, menaces, licenciement, imposition d'une sanction, augmentation ou proposition d'augmentation salariale, etc. - à inciter un travailleur à renoncer à devenir ou à demeurer membre, responsable ou administrateur d'un syndicat commet une pratique de travail déloyale.
  18. Le comité tient à rappeler que le recours à des mesures extrêmement graves, comme le licenciement de travailleurs du fait de leur participation à une grève et le refus de les réembaucher, implique de graves risques d'abus et constitue une violation de la liberté syndicale. (Voir Recueil, paragr. 444.) Le comité veut croire que le nouveau Code interdira ce type de licenciements. Il renvoie cet aspect du cas à la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations pour examen au titre des conventions nos 87 et 98.
  19. 221. Au sujet de la déclaration du gouvernement selon laquelle il est impossible de réintégrer l'un quelconque des travailleurs, le comité note que l'entreprise de travaux publics a quitté le Lesotho. Il attire néanmoins l'attention du gouvernement sur l'importance d'accorder aux travailleurs licenciés pour avoir participé à une grève une compensation financière.
  20. 222. Au sujet de l'allégation concernant l'intervention de la police lors des célébrations de la Fête du travail en mai 1991, le comité prend note des explications du gouvernement selon lesquelles l'organisation d'un cortège ou d'une manifestation sans autorisation préalable est interdite et qu'une information judiciaire a été ouverte contre les manifestants sous la cote Doct No RCI/5/9/91. Le comité note que près de deux ans se sont écoulés depuis cet incident et il veut croire que les drapeaux du CAWULE et tous autres biens syndicaux confisqués pour les besoins de l'instance judiciaire seront restitués au syndicat dans les meilleurs délais. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de toutes mesures prises à cet égard et de toute décision de justice éventuellement rendue.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 223. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Quand les lois nationales, y compris celles qui sont interprétées par les tribunaux supérieurs, enfreignent les principes de la liberté syndicale, le comité s'est toujours considéré habilité à critiquer ces lois, à proposer des orientations et à offrir l'assistance technique du BIT pour les rendre conformes au principe de la liberté syndicale affirmé par la Constitution de l'OIT ou aux conventions applicables. Le présent examen par le comité de la législation du Lesotho ne doit donc être nullement considéré comme une violation de la souveraineté nationale.
    • b) Le comité note que plus de dix-neuf mois se sont maintenant écoulés depuis le meurtre de M. Ngaka Sula, délégué syndical et veilleur de nuit, et l'interrogatoire brutal d'un organisateur régional du CAWULE à l'occasion de ce meurtre allégué. Il exprime donc l'espoir que le gouvernement fera diligence pour juger l'accusé et punir le coupable. Il demande de nouveau au gouvernement de lui fournir une copie du jugement concernant ce meurtre allégué dès qu'il sera prononcé et, dans l'intervalle, de le tenir informé de l'évolution de la procédure.
    • c) Notant que les syndicalistes (dont M. Ts'Ukulu) qui ont été arrêtés et emprisonnés lors de la grève du 20 juillet 1990 ont été finalement acquittés, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour donner aux autorités compétentes les instructions propres afin d'éliminer les risques que comportent pour la liberté syndicale les arrestations motivées par des activités syndicales.
    • d) Le comité note la déclaration du gouvernement affirmant que rien n'indique que le passeport de M. Ts'Ukulu lui ait été retiré et que, en tout état de cause, l'intéressé est libre d'exercer ses fonctions syndicales, y compris outre-mer.
    • e) Au sujet de l'allégation selon laquelle la police aurait lancé une attaque au cours de laquelle des dirigeants syndicaux auraient été atteints par des coups de feu sur le chantier de construction du barrage hydroélectrique de Bokong Ha Katse le 20 juillet 1990, le comité note les contradictions qui existent entre la version du gouvernement et celle du plaignant. Il condamne les actions consistant à tirer contre les grévistes et insiste à nouveau sur la nécessité de mener une enquête. Il demande au gouvernement de le tenir informé des résultats de cette enquête.
    • f) Au sujet de la position de la législation du Lesotho sur les licenciements pour faits de grève, le comité note avec intérêt que les cas soumis à la justice dans l'avenir seront jugés selon les dispositions de l'ordonnance de 1992 portant Code du travail. Il souligne que le licenciement de syndicalistes du fait de leur participation à une grève constitue une violation de la liberté syndicale. Il renvoie cet aspect du cas à la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations pour examen au titre des conventions nos 87 et 98.
    • g) Au sujet de la déclaration du gouvernement selon laquelle il est impossible de réintégrer l'un quelconque des travailleurs, le comité note que l'entreprise de travaux publics a quitté le Lesotho. Il demande néanmoins au gouvernement de prendre des mesures pour que soit accordée une compensation financière aux travailleurs licenciés pour avoir participé à une grève.
    • h) Au sujet de l'allégation concernant l'intervention de la police lors des célébrations de la Fête du travail en mai 1991, le comité note que près de deux ans se sont écoulés depuis cet incident et il veut croire que les drapeaux du CAWULE et tous autres biens syndicaux confisqués pour les besoins de l'instance judiciaire seront restitués au syndicat dans les meilleurs délais. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de toutes mesures prises à cet égard et de toute décision de justice éventuellement rendue à l'encontre des manifestants.
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