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- 91. Dans une communication en date du 20 mars 1991, la Fédération norvégienne des syndicats de travailleurs du pétrole (Oljearbeidernes Fellessammenslutning, OFS) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux en Norvège. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication datée du 1er octobre 1991.
- 92. La Norvège a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant
- 93. Dans sa communication du 20 mars 1991, l'OFS allègue que le gouvernement a violé les conventions nos 87 et 98 de l'OIT en recourant, en juin 1990, à la procédure d'arbitrage obligatoire pour mettre fin à une grève légale des travailleurs dans le secteur du pétrole dans la mer du Nord.
- 94. Un accord salarial, en vigueur jusqu'au 30 juin 1990, existait entre l'OFS et la Confédération norvégienne du commerce et de l'industrie - Association norvégienne de l'industrie pétrolière (NHO/OLF). Les négociations en vue d'un nouvel accord ont échoué et une grève impliquant quelque 4.000 adhérents de l'OFS a commencé le 30 juin à minuit. Le 2 juillet, le gouvernement a adopté un arrangement provisoire interdisant les grèves dans le secteur du pétrole de la mer du Nord et soumettant le différend à la procédure d'arbitrage obligatoire. Jusqu'à cette date, toutes les procédures s'étaient déroulées dans la stricte conformité avec la loi sur les différends du travail.
- 95. La législation norvégienne du travail prévoit que le recours à l'arbitrage obligatoire doit faire l'objet soit d'une loi spéciale adoptée par le Parlement soit d'un arrangement provisoire, si le Parlement ne siège pas. Dans chacun des cas, le gouvernement décide si le différend en question doit être tranché par la procédure d'arbitrage obligatoire; il n'existe pas de loi précisant les circonstances qui autorisent les autorités à recourir à l'arbitrage obligatoire pour trancher un différend du travail. Dans le cas présent, le gouvernement a justifié son intervention par les raisons suivantes: la perte de revenus et de recettes fiscales; l'atteinte à la réputation de la Norvège en tant que fournisseur fiable de gaz; les risques de dégradation des installations en cas d'arrêt prolongé; les risques de licenciement de salariés dans les activités connexes (entretien, approvisionnement, transport); les indices faisant craindre un conflit prolongé à cause de l'impasse dans laquelle se trouvaient les négociations.
- 96. L'OFS considère que les risques de pertes pour l'économie norvégienne sont la principale raison invoquée par le gouvernement; à cet égard, elle souligne que toute grève a pour objectif de provoquer des pertes financières. Quant au risque de dégradation des installations, c'est un problème qui peut être facilement résolu dès lors que le personnel indispensable à l'entretien est dispensé de faire grève, et dès lors qu'il effectue, si nécessaire, les travaux d'entretien supplémentaires après le règlement du différend. En ce qui concerne les allégations évoquant d'éventuels licenciements d'autres salariés par manque de travail, elles ne peuvent ni justifier l'interdiction des grèves ni rendre l'arbitrage obligatoire légal et légitime. Par ailleurs, l'OFS ne voit pas comment une grève de longue durée pourrait diminuer la crédibilité de la Norvège en tant que fournisseur fiable de gaz.
- 97. L'OFS souligne que le gouvernement norvégien a systématiquement recours à l'arbitrage obligatoire pour mettre fin à toutes les grèves dans les installations pétrolières de la mer du Nord. Il en découle que les partenaires sociaux ne sont pas vraiment libres de négocier. En outre, à cause de ce recours systématique à l'arbitrage, les employeurs ne montrent guère d'empressement à négocier. L'intervention du gouvernement de juin 1990 doit être rapprochée des autres cas, de décembre 1983 et de novembre 1986, où le gouvernement avait déjà imposé un arbitrage obligatoire dans ce secteur. L'OFS se réfère tout particulièrement aux cas nos 1255 et 1389 dans lesquels le Comité de la liberté syndicale, dans des circonstances similaires impliquant les mêmes parties, avait conclu que l'action du gouvernement était contraire aux principes de la liberté syndicale découlant des conventions nos 87 et 98. L'OFS affirme qu'en principe tout différend dans les installations pétrolières de la mer du Nord est interdit dans les faits à cause de ce recours à l'arbitrage obligatoire qui sape totalement la liberté des travailleurs de s'organiser et de négocier dans ce secteur.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 98. Dans sa communication du 1er octobre 1991, le gouvernement relève que le droit de grève n'est pas expressément visé dans les articles des conventions de l'OIT, mais qu'il est considéré comme faisant partie des principes de la liberté syndicale. Conformément aux normes de l'OIT telles qu'elles sont interprétées par les organes de l'OIT, les conséquences d'un différend du travail peuvent prendre un tel caractère de gravité que l'intervention du gouvernement ou des restrictions au droit de grève sont compatibles avec les principes de la liberté syndicale. Des limitations ou des interdictions des grèves sont ainsi acceptées lorsque la grève implique: a) des fonctionnaires agissant en tant qu'organe de la puissance publique; b) des services essentiels au sens strict du terme, à savoir des services dont l'interruption mettrait en danger la vie, la sécurité ou la santé des personnes dans tout ou partie de la population. Conformément à l'interprétation de l'OIT, les conséquences préjudiciables doivent en outre être évidentes et imminentes.
- 99. Selon le gouvernement, le conflit pétrolier de 1990 doit être considéré à la lumière de l'ensemble des accords conclus en 1990. En 1988-89, des lois portant réglementation temporaire des salaires et des dividendes étaient en vigueur. Pendant cette période, des signes d'amélioration se sont manifestés dans l'économie norvégienne. La dernière loi de réglementation a expiré le 31 mars 1990. Les organisations d'employeurs et de travailleurs se sont donc vu appelées à conclure, par la libre négociation collective, de nouveaux accords qui ne compromettent pas les acquis obtenus pendant la période de réglementation des salaires. Dans le secteur privé, des négociations générales commencèrent le 2 mars 1990. L'OFS s'est retirée de ces négociations le 12 mars, alors que d'autres centrales syndicales sont arrivées à un accord le 15 mars. En quittant les négociations centrales, l'OFS a perdu toute possibilité d'influer sur le cadre économique des accords futurs. Sur la base de l'accord sur le cadre économique général, des négociations ont été menées, syndicat par syndicat. Dans la mer du Nord, de nouveaux accords ont été conclus entre NHO/OLF, d'une part, et le syndicat norvégien des travailleurs du pétrole et de la pétrochimie (NOPEF) et l'Association norvégienne des agents de maîtrise (NALF), d'autre part. A l'heure actuelle, ces deux syndicats représentent environ la moitié des travailleurs syndiqués des installations pétrolières.
- 100. Le gouvernement admet que la plainte de l'OFS brosse, dans l'ensemble, un tableau correct de l'évolution du différend, mais il ajoute quelques observations supplémentaires. La convention collective a expiré le 30 juin 1990; l'OFS et la NHO/OLF ont engagé des négociations en vue d'un nouvel accord le 7 juin. L'OFS a rompu les négociations le jour même, soutenant que celles-ci devaient être menées sans tenir compte des résultats des négociations centrales, qui avaient également été acceptées par les parties en présence dans le secteur public. L'OLF, en tant qu'organisation patronale ne l'a pas accepté. Conformément aux règles établies par la loi sur les différends du travail, une médiation obligatoire, menée par le médiateur officiel, a commencé le 21 juin. L'OFS a demandé la clôture de la médiation le 26 juin. Le 30 juin, le médiateur a proposé une solution que les parties ne pouvaient accepter. Le jour même, le ministre de l'Administration locale a appelé les parties à tenter de se mettre d'accord, mais cette dernière tentative a aussi échoué.
- 101. Le Parlement (Storting) ne siégeait pas à cette époque. Le 2 juillet, le gouvernement a décidé par une ordonnance provisoire, conformément à l'article 17 de la Constitution, d'interdire toute nouvelle grève et de trancher le différend en le renvoyant au Conseil national des salaires. En dépit de l'ordonnance provisoire, un grand nombre de travailleurs ont continué à faire grève. Les employeurs ont alors porté le différend devant le tribunal du travail, arguant que la poursuite des grèves était illégale et contraire à la convention collective. L'OFS, pour sa part, a déclaré que l'ordonnance provisoire était incompatible avec les obligations de la Norvège au regard de la législation internationale et était donc sans valeur. Le tribunal du travail a rejeté la plainte de l'OFS, considérant que le gouvernement avait dûment respecté les obligations internationales de la Norvège; il a considéré que la poursuite de la grève était illégale et contraire à la convention collective. En outre, un des dirigeants de la grève s'est vu retirer le droit d'agir en tant que délégué syndical. L'OFS a dû accepter de payer aux employeurs une somme considérable en dédommagement des pertes subies.
- 102. Le gouvernement énumère les conséquences de la grève et présente son évaluation de la situation. Premièrement, la grève d'environ 3.900 adhérents de l'OFS a provoqué la fermeture de tous les champs pétrolifères de la plate-forme continentale de la Norvège et l'arrêt complet de toute la production norvégienne de gaz et de pétrole. Deuxièmement, la grève a entraîné des conséquences économiques car le secteur pétrolier joue un rôle crucial pour la société norvégienne en général, et c'est l'Etat plutôt que les compagnies pétrolières qui a le plus pâti des pertes de recettes. Il a été estimé que la grève de l'OFS avait entraîné une perte de production brute d'une valeur d'environ 1.500 millions de couronnes norvégiennes par semaine, l'Etat subissant une perte en impôts et redevances d'environ 800 millions de couronnes par semaine et une perte d'environ 300 millions de couronnes au titre des intérêts qu'il détient directement dans l'industrie pétrolière. L'Etat aurait donc subi une perte d'environ 1.100 millions de couronnes par semaine, soit les trois quarts de la perte totale. A l'évidence, la détérioration de la balance commerciale et la réduction des revenus de l'Etat, à une telle échelle, auraient eu des conséquences graves pour l'économie, même sur une courte période. Un différend du travail d'une certaine durée aurait eu des conséquences encore plus graves. Le gouvernement savait que les positions des parties étaient très éloignées et il avait donc toutes raisons de penser que le conflit serait long. Troisièmement, en 1990, les exportations de produits pétroliers ont contribué pour près d'un tiers à l'ensemble des ressources d'exportation de la Norvège et le revenu brut de l'Etat tiré du secteur pétrolier, y compris les impôts et les dividendes, a représenté près de la moitié de ses dépenses consacrées à l'achat de biens et de services. Le haut niveau de protection sociale en Norvège ayant, pour une large part, été rendu possible par les revenus pétroliers, un conflit de longue durée de cette ampleur risquait de saper les bases mêmes de l'Etat prévoyance. Quatrièmement, le gouvernement était préoccupé de voir les intérêts économiques à long terme de la Norvège compromis, dans la mesure où de fréquentes grèves dans le secteur pétrolier de la mer du Nord risquent de nuire à la réputation de la Norvège en tant que fournisseur fiable de gaz et d'affaiblir sa position dans les négociations internationales sur les fournitures de gaz.
- 103. Le gouvernement fait également référence à la difficile situation de l'emploi comme autre facteur ayant pesé sur sa position. De 1987 à 1990, le taux de chômage est passé de 2 pour cent à 6 pour cent. Toutes les couches de la société sont préoccupées par cette situation. Grâce à la réglementation des salaires et à des accords de modération salariale, les partenaires sociaux ont efficacement participé à la lutte contre l'inflation. Selon le gouvernement, il est important de poursuivre un effort d'ensemble pour renforcer l'économie du pays. Toutes les autres parties impliquées dans les accords de 1990 y ont contribué, et elles sont tombées d'accord sur des augmentations de salaire modérées. Ces résultats auraient été compromis par un accord plus favorable aux adhérents de l'OFS. Le gouvernement soutient en outre que les pertes économiques, qui auraient découlé de la grève pétrolière générale de l'an dernier, auraient été d'une telle ampleur que son intervention devrait être reconnue comme compatible avec les conventions garantissant la liberté syndicale.
- 104. Le gouvernement note que l'OFS conteste l'ampleur des conséquences de la grève telles que le gouvernement les présente dans l'ordonnance provisoire, niant qu'"une grève de longue durée puisse nuire à la réputation de la Norvège en tant que fournisseur fiable de gaz" et déclarant que cela n'est pas compatible avec la convention de l'OIT en ce qui concerne le recours à l'arbitrage obligatoire. Le gouvernement souligne que l'ordonnance provisoire décrit l'ensemble des conséquences qu'aurait eues la grève dans de nombreux domaines. Cela n'implique pas, cependant, que le gouvernement considère chaque facteur pris individuellement comme assez grave pour entraîner le recours à l'arbitrage obligatoire. Selon lui, il a pris en compte les conséquences économiques décrites ci-dessus ainsi que, au bout d'un certain temps, des incidences sur les conditions de sécurité à bord des installations, et les licenciements prévisibles d'autres salariés dans le secteur pétrolier (une grève dans le secteur pétrolier entraîne une aggravation des risques en matière de sécurité, du fait que le travail général d'entretien est suspendu et que la corrosion et d'autres détériorations peuvent se produire si le système est hors servce pendant une longue période). A propos de l'allégation de l'OFS selon laquelle le travail d'entretien aurait pu être fait par des salariés exemptés de grève, le gouvernement déclare que c'est aux employeurs plutôt qu'aux autorités qu'incombe la responsabilité d'organiser les programmes d'entretien. Les autorités ne sont pas en situation de décider des exemptions de cette sorte.
- 105. Observant que l'OFS souligne que l'objectif d'une grève est d'ordinaire de provoquer des pertes économiques, le gouvernement répond que si c'est un tiers qui subit les pertes les plus importantes, la pression sur l'employeur est faible. Alors que les tiers ne subissent généralement que quelques inconvénients à cause d'une grève, la situation était totalement différente pendant la grève de 1990 dans l'industrie pétrolière, puisque c'est un tiers qui en était la première victime. Les employeurs n'ont subi que de légères pertes par rapport à celles que l'Etat et la société en général ont subi. Les travailleurs avaient peu de difficultés à financer la grève du fait de l'application des règles relatives aux équipes de sécurité, suivant lesquelles pendant une grève un certain nombre de travailleurs doivent rester de service en tant qu'équipe de sécurité et touchent un salaire complet. Les contributions de ces travailleurs permettaient de constituer un fonds de solidarité pour les travailleurs qui étaient en grève.
- 106. Le gouvernement réfute les allégations de l'OFS selon lesquelles il négligerait systématiquement la liberté syndicale et le droit de mener des négociations salariales paritaires, de même que l'affirmation suivant laquelle "l'usage systématique de l'arbitrage obligatoire en mer du Nord prouve que les partenaires sociaux dans cette région du Nord ne disposent pas de la liberté de négocier". Le gouvernement souligne que chaque conflit est examiné individuellement. Les cas précédents d'arbitrage obligatoire étaient essentiellement motivés par la situation économique générale, la dépendance du pays à l'égard des revenus pétroliers au cours de la dernière décennie et le fait que les conflits en question consistaient en grèves totales conduisant à un arrêt complet de toute la production de gaz et de pétrole. Il y a eu d'autres conflits dans le secteur pétrolier, d'étendue plus limitée et aux conséquences moins graves, dans lesquels les autorités ne sont pas intervenues. Selon le gouvernement, la déclaration de l'OFS, aux termes de laquelle les partenaires sociaux de la mer du Nord sont privés de la liberté de négocier, est peu fondée; c'est l'étendue du conflit et les conséquences qui en découlent qui sont déterminantes. Le gouvernement relève que l'OFS se déclare préoccupée par le fait que la Norvège n'a aucune législation permanente codifiant les conditions d'intervention dans une grève. Pour le gouvernement, toutefois, la question de l'intervention dans un conflit est suffisamment grave pour que chaque cas doive être soumis à l'autorité législative la plus haute du pays, le Parlement (Storting). Il ne souhaite pas qu'une législation permanente délègue au gouvernement le pouvoir de décision dans ce domaine car cela faciliterait le recours à la procédure obligatoire devant le Conseil des salaires. En outre, il serait très difficile d'établir par voie législative des critères fixes qui soient à la fois précis et suffisamment souples. De tels critères peuvent en outre avoir un effet négatif, les organisations d'employeurs et de travailleurs comptant sur l'intervention des autorités, ce qui empêcherait que de réelles négociations aient lieu entre les deux partenaires.
- 107. Le plaignant prétendant que ce conflit devrait être examiné en relation avec les plaintes précédentes formulées contre le gouvernement de la Norvège (nos 1255 et 1389), le gouvernement considère qu'une telle procédure ne serait pas pertinente. Il a noté avec intérêt que les remarques du BIT à propos du recours à l'arbitrage obligatoire en mer du Nord reposaient sur des cas précis, et il estime qu'elles ne devraient pas être considérées comme une appréciation portée sur le système norvégien de négociation collective.
- 108. Enfin, le gouvernement expose les relations entre les normes de l'OIT et la pratique norvégienne en matière de relations professionnelles. Le principe de base est que les organisations d'employeurs et de travailleurs sont responsables des accords salariaux et de la paix sociale. Cependant, il existe en Norvège une large majorité pour considérer qu'en dernier recours il appartient au gouvernement d'empêcher que des conflits du travail causent de sérieux dommages à la société. Dans le très petit nombre de cas où des propositions de recours à l'arbitrage obligatoire ont été soumises au Storting, celui-ci a adopté la proposition de loi à une large majorité. En général, le système de négociation fonctionne bien, les conflits du travail sont rares et les sentences arbitrales du Conseil national des salaires sont respectées. Trois organisations seulement ont présenté des plaintes à l'OIT. Aucune n'est affiliée à la Confédération générale des syndicats norvégiens (LO) qui est la plus représentative des organisations de travailleurs. Le droit de se syndiquer est garanti par la diversité des organisations et il existe de multiples accords collectifs. La loi de 1927 sur les différends du travail confère à toutes les organisations de travailleurs des droits égaux, sans considération d'effectifs. Le gouvernement estime que le système norvégien présente de grands avantages. Le droit de négociation collective ne connaissant pas de limitation, la coopération et les négociations se situent à tous les niveaux et la plupart des groupes peuvent influer sur leurs conditions de travail. Dans le domaine du travail, la coopération s'exerce sur un large éventail de questions. Il existe plusieurs procédures de coopération qui peuvent se chevaucher dans une certaine mesure; en plus de la négociation collective, il existe un système de cogestion largement étendu qui confère aux salariés une influence considérable dans les entreprises; il existe aussi une large coopération institutionnelle entre les syndicats et les autorités (recouvrant tout l'éventail des questions qui ressortissent à la législation en général, à la législation du travail en particulier, à la politique des revenus, etc.)
- 109. Le gouvernement insiste avec force sur le respect par la Norvège de ses obligations internationales. Il déclare que les principes juridiques fondamentaux relatifs à la négociation collective sont en pleine conformité avec les conventions pertinentes de l'OIT. Cependant, les plaintes déposées auprès de l'OIT ont montré que certains cas donnent lieu à un désaccord quant à l'interprétation donnée par l'OIT des conventions nos 87, 98 et 154. L'interprétation de l'OIT n'attache que peu d'importance aux graves conséquences économiques d'une grève pour la société ou pour des tiers. Or les autorités de la Norvège ne sauraient négliger de telles conséquences lorsqu'il s'agit de grèves de grande ampleur dans l'industrie pétrolière. Les conséquences d'une grève générale et de longue durée dans l'industrie pétrolière, comme celle de 1990, sont si graves que l'industrie pétrolière doit être considérée comme un service essentiel pour la société norvégienne. Le gouvernement est préoccupé par le point de vue différent adopté par l'OIT dans les cas nos 1099, 1255 et 1389. Dans ces conditions, le gouvernement a récemment commencé à examiner les modifications possibles du système existant pour résoudre les différends du travail. Le but est de mettre au point une méthode qui puisse répondre à la fois aux préoccupations de l'OIT et aux préoccupations du pays. La grève étant un moyen de pression sur la partie adverse, un pays qui reconnaît le droit de grève doit en supporter les conséquences. Les limites quant à l'ampleur de ces conséquences pour la société et le public, telles qu'elles ont été définies par les organes de l'OIT, ont fait l'objet de commentaires. Le gouvernement soutient qu'il existe des situations où les pertes économiques pour la société ou pour des tiers sont telles qu'une intervention touchant le droit de grève serait pleinement conforme aux conventions. Toutefois, certains aspects relatifs aux conséquences d'une grève pour un pays industriel moderne appellent une réflexion plus précise. Comme il a été expliqué ci-dessus, il serait presque impossible, pour le gouvernement de la Norvège quel qu'il soit, de ne pas tenir compte des pertes économiques que causerait au pays et à la société une grève générale et de longue durée dans l'activité pétrolière. Un autre aspect important est le large accord des partenaires sociaux en faveur du système et de la pratique ayant cours en Norvège, y compris le recours à l'arbitrage obligatoire dans les conflits de cette sorte. Des situations équivalentes se produisent également dans d'autres pays industriels à économie mixte, surtout s'ils sont, comme la Norvège, fortement dépendants d'une industrie particulière. Le gouvernement estime qu'il est temps pour l'OIT de vouer son attention à ces problèmes, et il est prêt à participer à un dialogue sur cette question avec d'autres pays Membres ainsi qu'avec l'OIT.
- 110. En conclusion, le gouvernement insiste à nouveau sur son attachement au respect, par la Norvège, des conventions qu'elle a ratifiées. En outre, il est unanimement reconnu qu'en dernier recours le gouvernement a la responsabilité d'empêcher que les grèves ne causent de graves préjudices à la société et aux tiers. Dans le conflit pétrolier de 1990, le gouvernement devait prendre en considération les pertes économiques considérables qu'une grève générale dans le pétrole aurait causées au pays dans une situation économique difficile et avec un taux de chômage de plus en plus élevé. La grève aurait également sapé l'effort d'ensemble des autres organisations et de la communauté tout entière pour essayer de maîtriser ces développements négatifs. Le gouvernement veut croire que les informations qu'il a fournies montreront que l'ordonnance provisoire imposant un arbitrage obligatoire aux parties dans le conflit pétrolier de 1990 était conforme aux conventions nos 87 et 98.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 111. Le comité note que ce cas se rapporte à l'intervention du gouvernement dans la négociation collective par l'imposition d'un arbitrage obligatoire résultant d'une mesure législative mettant fin à une grève légale des travailleurs du pétrole en mer du Nord.
- 112. Le comité rappelle qu'il a été saisi dans le passé de plusieurs cas impliquant le recours à l'arbitrage obligatoire en Norvège: cas no 1099 (217e rapport, paragraphes 449-470, approuvé par le Conseil d'administration à sa 220e session, mai-juin 1982); no 1255 (234e rapport, paragraphes 171-192, approuvé par le Conseil d'administration à sa 226e session, mai-juin 1984); no 1389 (251e rapport, paragraphes 191-214, approuvé par le Conseil d'administration à sa 236e session, mai 1987); et no 1448 (262e rapport, paragraphes 93-123, approuvé par le Conseil d'administration à sa 242e session, février-mars 1989).
- 113. L'intervention législative en cause dans la présente plainte n'est donc pas un cas isolé. Le comité note que la situation se déroule selon un modèle familier:
- - en 1980, une grève commença le 3 juillet; le gouvernement imposa l'arbitrage obligatoire par ordonnance provisoire le 18 juillet 1980;
- - en 1981, une grève commença le 24 août et fut interrompue par une décision gouvernementale du 25 août;
- - en 1982, un arrêt de travail qui avait commencé le 13 octobre fut interrompu le 18 octobre par un projet de loi du gouvernement;
- - en 1986, la grève commencée le 6 avril fut interrompue le 5 mai par le gouvernement;
- - dans le cas présent, la grève commencée le 30 juin a été interrompue le 2 juillet à nouveau par une intervention gouvernementale, 36 heures après le début de l'arrêt du travail.
- 114. Le conflit, objet du présent cas, s'est déroulé dans le secteur pétrolier de la mer du Nord. Le gouvernement a fait valoir principalement pour justifier son intervention que la grève entraînait, d'une part, des pertes importantes pour l'économie norvégienne et, d'autre part, des risques, au bout d'un certain temps, pour la sécurité à bord des installations. Le comité ne peut ignorer les arguments ainsi avancés par le gouvernement mais il lui est impossible de déterminer si les dangers entraînés par cet arrêt de travail étaient de nature à satisfaire les critères qu'il a établis pour déterminer les cas dans lesquels une grève pourrait être interdite, à savoir l'existence d'une menace évidente et imminente pour la vie, la sécurité ou la santé dans tout ou partie de la population. De l'avis du comité, il serait souhaitable que, dans des cas comme celui-là, les parties concernées, le cas échéant avec le concours du gouvernement, s'entendent sur les services minima qui seraient strictement nécessaires pour ne pas compromettre la vie, la sécurité ou la santé dans tout ou partie de la population.
- 115. Compte tenu de ces considérations, le comité doit donc exprimer des doutes sur l'impérieuse nécessité qu'il y aurait eu dans le conflit en question de recourir à l'arbitrage obligatoire.
- 116. D'une manière plus générale, le comité relève que plusieurs plaintes ont été déposées dans les années récentes au sujet d'affaires du même type. Il n'apparaît donc pas que le système actuel de règlements des conflits dans le secteur pétrolier rencontre un accord unanime dans le pays. En outre, le recours à l'arbitrage obligatoire pose dans ce cas des problèmes en ce qui concerne l'application des principes de la liberté syndicale. Le comité estime à cet égard que, pour éviter des conflits préjudiciables à toutes les parties, celles-ci devraient s'efforcer de privilégier la négociation collective comme moyen de régler les conditions de travail.
- 117. Le comité note avec intérêt que le gouvernement a commencé d'examiner les modifications possibles du système existant pour résoudre les différends du travail. Il exprime l'espoir qu'au cours de cet examen les conclusions adoptées par le comité dans le présent cas ainsi que dans les cas précédents relatifs à la Norvège seront dûment prises en considération. Il rappelle également à l'attention du gouvernement que les services consultatifs du Bureau international du Travail sont à sa disposition, s'il l'estime souhaitable.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 118. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité exprime des doutes sur l'impérieuse nécessité qu'il y aurait eu dans le conflit, objet du présent cas, de recourir à l'arbitrage obligatoire et encourage les parties concernées, le cas échéant avec le concours du gouvernement, à s'entendre sur les services minima qui seraient strictement nécessaires pour ne pas compromettre la vie, la sécurité ou la santé de tout ou partie de la population au cours d'un conflit du travail dans le secteur pétrolier.
- b) Le comité lance un appel à toutes les parties pour privilégier la négociation collective comme moyen de régler les conditions de travail.
- c) Notant avec intérêt que le gouvernement a commencé d'examiner les modifications possibles du système existant, le comité exprime l'espoir que les conclusions adoptées dans le présent cas ainsi que dans les cas précédents relatifs à la Norvège seront dûment pris en considération. Il rappelle à l'attention du gouvernement que les services consultatifs du Bureau international du Travail sont à sa disposition, s'il l'estime souhaitable.