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- 204. Le comité a examiné ce cas à sa session de novembre 1990 où il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration qui figure aux paragraphes 401 à 420 de son 275e rapport, approuvé par le Conseil d'administration à sa 248e session (novembre 1990). Le gouvernement n'ayant pas communiqué ses observations sur les faits qui lui sont reprochés, le comité, dans son 278e rapport (approuvé par le Conseil d'administration à sa 250e session (mai-juin 1991), a appelé l'attention du gouvernement sur le fait que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d'administration à sa 184e session (novembre 1971), il présenterait à sa prochaine session un rapport sur le fond de l'affaire, même si les observations attendues du gouvernement ne lui étaient pas parvenues.
- 205. Haïti a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas
- 206. Les allégations encore en instance depuis que le comité a examiné ce cas à sa session de novembre 1989 concernent les faits suivants: l'interpellation brutale, le 1er novembre 1989, de trois dirigeants syndicaux, à savoir MM. Jean-Auguste Mesyeux, de la Centrale autonome des travailleurs haïtiens (CATH), Evans Paul de la Kid, de la Confédération de l'unité démocratique (CUD), et Etienne Marineau, de l'Organisation populaire du 17 septembre; l'attaque, le 6 novembre 1989, du siège de la CATH par des individus en uniforme militaire qui ont détruit le mobilier; le saccage, le 15 janvier 1990, du local de la Confédération des travailleurs haïtiens (CTH); l'arrestation et la disparition, le 12 janvier 1990, du président de la Confédération syndicale des transports publics (CSTP), M. Nally Bauharnais, dont on est depuis sans nouvelles; la violation du domicile du secrétaire général adjoint de la Confédération nationale des enseignants d'Haïti (CNEH), M. André, L. Joseph, ainsi que la surveillance constante et les menaces de mort dont ce dirigeant syndical a fait l'objet et les menaces d'assassinat proférées à l'encontre d'autres dirigeants de cette organisation, à savoir Lourdes Edith Joseph, Evelyne Margron Bertoni, Guy Alexandre et Guy Lochard.
B. Conclusions du comité
B. Conclusions du comité
- 207. Le comité note avec un vif regret que, malgré le temps écoulé depuis le dépôt de la plainte et les demandes réitérées adressées au gouvernement pour qu'il fournisse ses commentaires et observations à propos de ce cas, le gouvernement n'a toujours pas répondu aux allégations des confédérations plaignantes.
- 208. Dans ces conditions, et conformément à la règle de procédure en la matière (voir paragr. 17 du 127e rapport du comité, approuvé par le Conseil d'administration à sa 184e session (novembre 1971)), le comité ne peut que présenter un rapport sur le fond de l'affaire, même en l'absence des informations attendues du gouvernement.
- 209. Le comité rappelle tout d'abord au gouvernement que le but de l'ensemble de la procédure instituée à l'OIT pour l'examen des allégations en violation de la liberté syndicale est d'assurer le respect des libertés syndicales, en droit comme en fait. Si cette procédure protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci doivent reconnaître à leur tour l'importance qu'il y a, pour leur propre réputation, à ce qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre. (Voir premier rapport du comité, paragr. 31.)
- 210. Le comité observe que les allégations dans le présent cas concernent: 1) l'arrestion et la détention de trois syndicalistes (MM. Mesyeux, Evans Paul de la Kid et Marineau) et les mauvais traitements qui leur ont été infligés; 2) l'attaque et le saccage des locaux de la CATH; 3) l'arrestation et la disparition d'un dirigeant syndical, M. Bauharnais; 4) le saccage des locaux de la CTH; 5) les manoeuvres d'intimidation et les menaces d'assassinat proférées à l'encontre de dirigeants de la CNEH.
- 211. Compte tenu des circonstances du présent cas, le comité estime opportun de rappeler qu'un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer que dans le respect des droits fondamentaux de l'homme. Comme il est souligné dans la résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, adoptée par la Conférence internationale du Travail en 1970, l'absence de libertés civiles enlève toute signification au concept de droits syndicaux, et les droits conférés aux organisations de travailleurs et d'employeurs doivent se fonder sur le respect des libertés civiles. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 68 et 72.)
- 212. En ce qui concerne les allégations non démenties par le gouvernement selon lesquelles trois dirigeants syndicaux, alors qu'ils s'apprêtaient à exercer des fonctions syndicales, ont été arrêtés et soumis à la torture et à de mauvais traitements, et sont depuis lors détenus sous accusation non fondée de conspiration contre le gouvernement, le comité rappelle que l'arrestation et la détention de dirigeants syndicaux et de syndicalistes dans l'exercice de leurs activités ou de leurs droits syndicaux constituent une violation des principes de la liberté syndicale, en ce qu'elles peuvent entraîner un climat de crainte et d'intimidation entravant le déroulement normal de ces activités.
- 213. Si les travailleurs et leurs syndicats doivent, aux termes de l'article 8 de la convention no 87, respecter la légalité comme les autres personnes et collectivités organisées, ce même article prévoit également que la législation nationale ne doit pas porter atteinte aux garanties prévues par la convention. Ils doivent aussi bénéficier comme toute autre personne d'une procédure judiciaire régulière, conforme aux principes contenus dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Cela signifie notamment qu'ils doivent avoir le droit: d'être informés, au moment de leur arrestation, des motifs de celle-ci; d'être avisés dans les plus brefs délais des accusations portées contre eux; de comparaître rapidement devant le juge compétent; de n'être placés en détention préventive que durant une brève période uniquement destinée à faciliter le déroulement d'une enquête judiciaire; de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de leur défense; de communiquer sans entrave avec le conseil de leur choix et d'être jugés promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante. Ces garanties d'une procédure judiciaire régulière ne doivent pas seulement être exprimées dans la législation; elles doivent aussi, et surtout, être appliquées dans la pratique.
- 214. Par ailleurs, le comité a indiqué à maintes reprises que les gouvernements devraient donner les instructions nécessaires pour faire en sorte qu'aucun détenu ne fasse l'objet de mauvais traitements et que toute personne privée de sa liberté soit traitée avec humanité et dans le respect de la dignité inhérente à la personne humaine. Lorsque, malgré ces instructions, ils ont démontré que des cas de mauvais traitements ont eu lieu, les gouvernements devraient diligenter des enquêtes pour identifier et punir les coupables, leur infliger des sanctions efficaces et suffisamment dissuasives pour prévenir la répétition de tels actes, et prendre les mesures nécessaires pour réparer les préjudices subis par les victimes. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 83-86.)
- 215. En ce qui concerne les actes d'intimidation et les menaces proférées à l'encontre des dirigeants de la CNEH, la violation du domicile de son secrétaire général adjoint et la surveillance exercée sur lui, les menaces anonymes d'assassinat contre les dirigeants de la CTH, l'attaque et le saccage des locaux de la CATH par des individus en uniforme militaire, ainsi que la mise à sac du siège de la CTH, le comité observe qu'il s'agit là d'actes graves, révélateurs d'un climat général de violence et d'intimidation peu propice à l'exercice normal des droits syndicaux, et qui appellent des mesures énergiques de la part du gouvernement. Dans ce genre de situation, l'institution d'une enquête judiciaire indépendante constitue une méthode appropriée pour éclaircir tous les faits, déterminer les responsabilités, sanctionner efficacement les coupables et prévenir la répétition de tels actes
- 216. Une enquête judiciaire de cette nature s'impose notamment lorsqu'il y a mort d'homme ou disparition, comme dans le cas de M. Bauharnais dont on est sans nouvelles depuis son arrestation le 12 janvier 1990.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 217. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité regrette vivement que le gouvernement n'ait pas fourni de commentaires et observations sur les graves allégations en instance dans le présent cas.
- b) Le comité déplore que le gouvernement n'ait pas pris les mesures nécessaires pour que les syndicats, leurs dirigeants et leurs membres puissent exercer leurs activités dans le respect des libertés civiles et des droits fondamentaux de l'homme.
- c) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé sur les accusations portées contre les personnes dont les noms ont été mentionnés par les plaignants, de libérer immédiatement celles contre lesquelles ne pèse aucune accusation et de faire en sorte que les autres soient jugées promptement par un tribunal impartial et indépendant en bénéficiant de toutes les garanties judiciaires voulues, et de lui communiquer rapidement le texte intégral des jugements.
- d) Le comité note avec une grave préoccupation que le gouvernement n'a pas encore fourni d'informations au sujet des actes d'intimidation et de violence dénoncés par les plaignants. Il demande instamment au gouvernement de diligenter des enquêtes judiciaires indépendantes pour déterminer les faits, sanctionner les coupables et prévenir la répétition de tels actes, et de le tenir informé des résultats des enquêtes concernant:
- - l'arrestation et la disparition, depuis le 12 janvier 1990, de M. Nally Bauharnais;
- - l'attaque et le saccage des locaux de la CATH et de la CTH;
- - les menaces d'assassinat et les mesures de surveillance et de harcèlement dont on fait l'objet les dirigeants de la CATH, de la CTH et de la CNEH.