ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Rapport intérimaire - Rapport No. 278, Juin 1991

Cas no 1512 (Guatemala) - Date de la plainte: 03-OCT. -89 - Clos

Afficher en : Anglais - Espagnol

  1. 382. Le comité a déjà examiné ce cas à deux reprises à ses sessions de mai et de novembre 1990 où il a présenté des rapports intérimaires au Conseil d'administration. (Voir 272e rapport, paragr. 527 à 561, et 275e rapport, paragr. 364 à 400, approuvés respectivement par le Conseil d'administration à ses réunions de mai-juin et de novembre 1990.) Depuis lors, le gouvernement a envoyé des commentaires, observations et informations sur ce cas dans une communication du 12 mars 1991.
  2. 383. Le Guatemala a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 384. Les allégations de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) restées en instance dans la présente affaire concernaient les menaces de mort, des enlèvements, disparitions forcées, tortures et morts violentes de syndicalistes ainsi que des actes de répression des autorités à l'encontre des mouvements de grève. Elles concernaient aussi le refus du gouvernement de reconnaître la personnalité juridique à des directions syndicales.
  2. 385. Lors de sa session de novembre 1990, le comité avait formulé les recommandations suivantes sur les allégations en instance:
    • a) Le comité prend bonne note de l'engagement du gouvernement du Guatemala de s'efforcer de respecter les droits de l'homme.
    • b) Le comité déplore cependant profondément qu'un conflit du travail dans le secteur de l'enseignement en 1989 qui, aux dires de la CISL plaignante dans cette affaire, aurait duré 180 jours se soit soldé par des violences, des arrestations et, selon les allégations, des morts violentes.
    • c) Rappelant l'importance qu'il attache au droit de grève comme moyen essentiel dont les travailleurs disposent pour promouvoir leurs intérêts économiques et sociaux, le comité demande donc au gouvernement de fournir des informations aussi complètes que possible sur l'issue du conflit du travail qui a éclaté dans le secteur de l'enseignement en 1989.
    • d) Le comité demande également au gouvernement de fournir des informations au sujet de la mort alléguée du dirigeant de la grève des enseignants, Carlos Humberto Rivera, qui aurait été arrêté le 9 septembre 1989 à son domicile par des individus roulant dans un véhicule semblable à celui utilisé par l'armée et qui aurait été retrouvé mort le lendemain avec trois autres cadavres de dirigeants étudiants comportant des marques de tortures.
    • e) Sur les autres aspects du cas concernant des allégations relatives à des assassinats de syndicalistes dans différents autres secteurs, le comité regrette vivement que le gouvernement ne formule aucun commentaire spécifique sur les allégations extrêmement graves de la CISL.
    • f) Le comité demande en conséquence à nouveau au gouvernement de diligenter des enquêtes judiciaires indépendantes au sujet des allégations d'assassinat le 2 juillet 1989 d'un membre du Syndicat des travailleurs de l'entreprise Embotelladora Central SA "STESCA" (Coca Cola), José Orlando Pantaléon, qui aurait été enlevé à 10 heures du matin et retrouvé le corps criblé de balles et défiguré par la torture à 4 heures de l'après-midi; de l'assasinat de neuf paysans de l'Alta Verapaz le 22 août 1989; de l'assassinat du militant syndical agricole indépendant, Estanislao Garcia y Garcia, le 17 septembre 1989; de l'assassinat du secrétaire général du Syndicat de l'Institut national de l'électricité, José Léon Segura de la Cruz, le 27 septembre 1989 à 5 heures dans le département de Chiquimula, victime des balles de deux inconnus alors qu'il quittait son domicile pour se rendre à son travail; de la mort de paysans à San Marcos et dans le département d'El Progreso, les 13 et 14 septembre 1989, ainsi que de celle de paysans du département de Quetzaltenango, et d'en communiquer le résultat.
    • g) Au sujet des allégations relatives à des menaces de mort qui auraient conduit certains syndicalistes à s'exiler plutôt que de risquer leur vie en restant au Guatemala, le comité note que selon le gouvernement les personnes qui se plaignent de telles menaces doivent apporter leur collaboration aux enquêtes de la police.
    • h) Cependant, compte tenu des risques de représailles encourus par les syndicalistes plaignants, le comité, estimant que le gouvernement se doit de garantir le droit à la vie de ses syndicalistes, demande à nouveau instamment au gouvernement de procéder à des enquêtes complètes sur les allégations relatives aux menaces de mort dénoncées par la CISL et de l'informer du résultat de ces enquêtes.
    • i) Enfin, le comité, rappelant l'importance qu'il attache au droit des travailleurs de constituer des syndicats sans autorisation préalable, demande au gouvernement de l'informer de l'issue du conflit du travail dans le port de Quetzal et de l'octroi de la personnalité juridique au syndicat des travailleurs de ce port.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 386. Au sujet de la non-reconnaissance de la personnalité juridique du Syndicat des travailleurs de l'entreprise portuaire de Quetzal, le gouvernement annonce dans sa communication du 12 mars 1991 qu'aux termes de l'accord gouvernemental no 879-90 du 7 septembre 1990 les statuts de ce syndicat ont été approuvés, lui conférant ainsi la personnalité juridique. Par la suite, le 31 octobre 1990, le syndicat a été inscrit sur le registre public des syndicats par la Direction générale du travail.
  2. 387. Au sujet du conflit du travail qui a éclaté dans le secteur de l'enseignement en 1989, le gouvernement indique que ce conflit a été surmonté et que, à sa demande, le congrès de la République a adopté, le 9 janvier 1991, le décret no 12/91 portant loi nouvelle relative à l'éducation nationale. Cette loi contient les principes de base de l'éducation au Guatemala et la structure organique du magistère d'enseignement pour qu'il puisse effectivement exercer ses fonctions, ainsi que les droits et les obligations de l'Etat, des enseignants, des élèves et des pères de famille.
  3. 388. Par ailleurs, sur un plan plus général, le gouvernement actuel se déclare préoccupé des accusations portées contre lui par les plaignants et il explique que, pour y répondre, il a décidé de mieux protéger les travailleurs du Guatemala et de faire de la liberté syndicale une réalité. Il a donc mis en place des mécanismes adéquats à cet effet. Il s'agit pour lui de la préservation des revendications des travailleurs. A cet égard, il a adopté le nouveau règlement d'application de la loi de compensation économique pour temps de service qui est une conquête sociale, obtenue au mois d'octobre 1990. Le règlement d'application a été promulgué le 18 janvier 1991 quelques jours après l'installation de la nouvelle équipe gouvernementale.
  4. 389. Le gouvernement déclare également qu'il a décidé d'orienter l'action de l'Etat pour qu'il veille à la mise en oeuvre des normes qui consacrent la liberté syndicale par les changements administratifs nécessaires qui doivent viser à permettre une plus grande célérité dans le processus d'autorisation et de reconnaissance de la personnalité juridique des syndicats; pour ce faire, il a circonscrit l'intervention des autorités publiques à veiller uniquement à ce que les exigences concrètes prévues par la loi soient remplies et au respect des droits fondamentaux du travail. Dans ce cadre, le gouvernement a décidé de procéder à l'octroi de la personnalité juridique au moyen d'accords ministériels et non plus d'accords gouvernementaux qui étaient utilisés traditionnellement en application des dispositions du Code du travail en vigueur, dispositions qui toutefois n'avaient pas de caractère limitatif. De même, des mesures ont été prises pour orienter les travailleurs et mieux les informer des nouvelles conditions légales existantes, et pour éviter des retards dans le traitement des dossiers et l'omission de leur part de formalités essentielles.
  5. 390. Le gouvernement déclare enfin s'engager à défendre le mouvement syndical en garantissant le respect et l'application des dispositions contenues dans les conventions internationales du travail nos 87 et 98, comme il ressort de la prise de position publique du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale devant la Cour constitutionnelle constituée en tribunal extraordinaire d'amparo, lors du recours en amparo introduit par le Syndicat des travailleurs du Comité national pro-aveugles et sourds-muets. Le ministère a soutenu devant la Cour constitutionnelle que les associations solidaristes sont une forme extraconstitutionnelle et donc contraires à la formation et à la pratique syndicales qui, si elles fonctionnaient, auraient pour effet de dévitaliser totalement les syndicats des fins et des objectifs que la Constitution et le Code du travail leur confèrent.
  6. 391. Pour conclure, le gouvernement indique qu'il étudie la possibilité de mettre en place une politique de sécurité en faveur des dirigeants syndicaux. Cette politique sera le fruit de la collaboration du ministère du Travail et des institutions nationales chargées de veiller à la sécurité publique, afin de protéger l'intégrité physique et la liberté d'action de ces dirigeants syndicaux, de telle sorte que ceux-ci pourront exercer sans entraves leurs activités syndicales.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 392. Le comité observe que le gouvernement fait état de mesures concrètes prises pour s'efforcer de restaurer la liberté syndicale en droit et en fait.
  2. 393. Cependant, au sujet des enlèvements, disparitions forcées, tortures et morts violentes de syndicalistes imputables à des groupes paramilitaires ou aux forces de l'ordre, le comité observe, avec un profond regret, qu'à part une déclaration d'ordre très général selon laquelle il étudie la possibilité de mettre en place une politique pour assurer la protection de l'intégrité physique et de la liberté d'action des dirigeants syndicaux afin qu'ils puissent exercer sans entraves leurs fonctions et activités, le gouvernement ne fournit aucune information concrète sur les mesures prises à cet égard et moins encore sur l'issue des enquêtes judiciaires indépendantes qu'il aurait dû engager concernant la mort et les tortures d'un grand nombre de dirigeants et de militants syndicaux nommément désignés par les plaignants qui représentaient les travailleurs de plusieurs secteurs de l'économie (enseignement, industrie du verre (Coca Cola), agriculture, électricité, notamment).
  3. 394. Le comité rappelle que les droits syndicaux ne peuvent s'exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces de toutes sortes à l'encontre des syndicalistes, et qu'il appartient aux gouvernements de respecter ce principe (op. cit., paragr. 70). En conséquence, un climat de violence tel que celui que reflètent l'assassinat, la disparition ou les mauvais traitements infligés à des dirigeants syndicaux, constitue un grave obstacle à l'exercice des droits syndicaux, et de tels actes exigent de sévères mesures de la part des autorités (op. cit., paragr. 76). Le comité rappelle à nouveau que les faits imputables à des particuliers engagent la responsabilité des Etats en raison de leur obligation de diligence pour prévenir les violations des droits de l'homme.
  4. 395. Le comité prie donc instamment le gouvernement d'engager des enquêtes judiciaires indépendantes pour éclaircir pleinement les faits, déterminer les responsabilités, sanctionner les coupables et prévenir la répétition de telles actions, et de fournir des informations sur l'issue de ces procédures.
  5. 396. Au sujet des lenteurs mises par les autorités dans l'octroi de la personnalité juridique au syndicat des travailleurs du port de Quetzal, le comité observe avec regret que, d'après les allégations des plaignants, le syndicat des travailleurs unis de l'entreprise portuaire avait engagé une négociation avec l'entreprise portuaire nationale Santo Tomás, dès le mois d'octobre 1988, et que les statuts de ce syndicat qui ont été transmis par l'inspection générale de la zone centrale à la Direction générale du travail n'ont été enregistrés que plus de deux ans après les premières démarches.
  6. 397. Le comité rappelle que, lorsque l'approbation des statuts des syndicats dépend du pouvoir discrétionnaire d'une autorité publique, cela n'est pas compatible avec le principe selon lequel les organisations de travailleurs devraient avoir le droit d'élaborer leurs statuts et leurs règlements en toute liberté. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 266.) Le comité veut croire que les mesures annoncées par le gouvernement pour accélérer la procédure d'enregistrement des syndicats permettront, à l'avenir, aux travailleurs de constituer leurs organisations sans autorisation préalable, et aux organisations de travailleurs d'élaborer leurs statuts et leurs règlements administratifs sans que les autorités publiques interviennent pour limiter ce droit.
  7. 398. Au sujet du conflit du travail qui avait duré 180 jours dans le secteur de l'enseignement, le comité note que, selon le gouvernement, ce conflit est résolu et qu'une loi nouvelle a été adoptée en la matière. Cet aspect du cas est examiné dans le présent rapport dans le cadre du cas no 1539.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 399. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité constate avec un profond regret que le gouvernement n'a pas donné suite à sa recommandation antérieure concernant les graves atteintes aux droits de l'homme mentionnées dans le présent cas et qu'il n'a fourni aucune information au sujet des allégations extrêmement graves de la confédération plaignante.
    • b) Le comité demande à nouveau instamment au gouvernement de diligenter des enquêtes judiciaires indépendantes au sujet des allégations d'assassinat, le 2 juillet 1989, du membre du syndicat des travailleurs de l'entreprise Embotelladora Central SA "STECSA" (Coca Cola), José Orlando Pantaléon, qui aurait été enlevé à 10 heures du matin alors qu'il sortait de chez lui et qui aurait été retrouvé à 4 heures de l'après-midi le corps criblé de cinq balles et défiguré par la torture; de l'assassinat de neuf paysans de l'Alta Verapaz le 22 août 1989; de la mort du dirigeant de la grève des enseignants Carlos Humberto Ribera, enlevé le 9 septembre 1989 par des individus roulant dans un véhicule semblable à celui utilisé par l'armée et retrouvé mort le lendemain; de l'assassinat du militant du Syndicat agricole indépendant, Estanislao Garcia y Garcia, le 17 septembre 1989; de l'assassinat du secrétaire général du Syndicat de l'Institut national de l'électricité, José Léon Segura de la Cruz, le 27 septembre 1989 à 5 heures dans le département de Chiquimula, qui aurait été victime des balles de deux inconnus tirées sur lui à plusieurs reprises alors qu'il quittait son domicile pour se rendre à son travail; de la mort de paysans à San Marcos dans le département d'El Progreso les 13 et 14 septembre 1989, ainsi que de celle des paysans du département de Quetzaltenango. Le comité demande une nouvelle fois au gouvernement de fournir des informations sur le résultat de ces enquêtes.
    • c) Au sujet des lenteurs mises par les autorités dans l'octroi de la personnalité juridique des syndicats, le comité invite instamment le gouvernement, à la suite des assurances qu'il a données concernant l'accélération de la procédure d'enregistrement des syndicats, à garantir aux travailleurs le droit de constituer leurs organisations sans autorisation préalable et aux organisations de travailleurs d'élaborer leurs statuts et leurs règlements administratifs sans que les autorités publiques interviennent pour limiter ce droit.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer