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Rapport définitif - Rapport No. 259, Novembre 1988

Cas no 1443 (Danemark) - Date de la plainte: 10-MARS -88 - Clos

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  1. 163. Dans une communication datée du 10 mars 1988, le Syndicat des travailleurs de l'informatique du Danemark (connu sous son sigle danois PROSA) a présenté des allégations en violation des droits syndicaux contre le gouvernement du Danemark et fourni des renseignements supplémentaires le 29 août 1988. Le gouvernement a fourni ses observations sur ce cas dans des communications datées du 14 juillet et du 11 octobre 1988.
  2. 164. Le Danemark a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 165. Dans sa communication du 10 mars 1988, PROSA allègue que l'adoption par le Parlement danois, le 20 août 1987, de la loi no 542 sur le renouvellement de certaines conventions collectives pour les travailleurs de l'informatique constitue une violation des conventions nos 87 et 98. Selon la loi, dont un exemplaire est fourni, les conventions collectives de PROSA avec la société d'Etat "Société informatique de 1959" et le ministère des Finances sont renouvelées jusqu'au 1er juin 1989 et 1er avril 1989, respectivement.
  2. 166. En outre, les conditions et modalités concernant la durée hebdomadaire moyenne de travail et l'ajustement des salaires sont renouvelées jusqu'au 1er avril 1991; l'accord avec la "Société informatique de 1959" portant sur le maintien des services informatiques essentiels en cas d'action directe est prolongé jusqu'au 1er juin 1989; le système initial d'indexation des salaires est annulé dans les conventions renouvelées; les questions relatives à la répartition des hausses salariales pendant la période de reconduction seront réglées par un comité créé par le ministère des Finances et, si le comité ne parvient pas à une solution, le ministre désignera un arbitre dont la décision aura un caractère obligatoire; toute action directe doit cesser pendant la période de mise en vigueur de la loi.
  3. 167. Le plaignant allègue que cette loi a été promulguée pour mettre fin à un conflit légal en cours entre le syndicat et les employeurs du secteur public: le préavis de grève avait été dûment notifié conformément aux dispositions légales, et le conseil de conciliation avait eu le temps de négocier; le conseil n'est pas parvenu à une solution acceptable pour les deux parties, et PROSA a décidé d'exercer ses droits et a entrepris une action directe appropriée. Le plaignant explique qu'il avait engagé des consultations avec ses homologues dans les secteurs public et privé au début de 1987 en vue de conclure de nouvelles conventions pour deux ans mais, malgré des concessions considérables, les négociations avec la "Société informatique de 1959" - à capitaux entièrement publics avec un conseil d'administration à majorité gouvernementale - ont rencontré des difficultés. PROSA explique que l'écart de salaires entre les travailleurs de l'informatique du secteur privé et ceux du secteur public s'était considérablement creusé et qu'il essayait de négocier une réduction de cet écart avec l'employeur public.
  4. 168. Selon le plaignant, PROSA a été forcé de lancer une grève, le 17 avril 1987, dans sept institutions publiques différentes telles que les administrations universitaires et le Bureau national de statistique, grève qui a touché 125 travailleurs sur les 600 visés par la convention collective précédente avec le ministre des Finances. La grève à la "Société informatique de 1959" a commencé le 25 juin 1987 avec 130 des 900 travailleurs visés par la convention collective. PROSA souligne que les deux grèves n'ont pas affecté les services collectifs essentiels ni la sécurité des particuliers; elles se sont déroulées d'une manière strictement conforme à l'accord sur le maintien des services informatiques essentiels (copie jointe). Le 25 mai, la "Société informatique de 1959" a notifié le lock-out de 480 travailleurs non visés par le préavis de grève pour juin. Le lock-out a été reporté au 1er juillet 1987 parce que PROSA en a immédiatement contesté la validité. Le tribunal arbitral a prononcé une sentence le 29 juin 1987 constatant que le lock-out envisagé n'était légal que pour environ 400 travailleurs de l'informatique. PROSA allègue que le lock-out touchait certains services qui risquaient de susciter des désagréments considérables pour le public et, par conséquent, qu'il a contribué à aggraver la situation dans l'opinion publique.
  5. 169. Selon le plaignant, le gouvernement n'a jamais cherché à engager de véritables négociations. Par exemple, lorsqu'à la Commission parlementaire de l'emploi on a demandé au ministre du Travail si le gouvernement était prêt à accepter le règlement proposé par le Conseil de conciliation le ministre a refusé de répondre en faisant valoir le secret de la procédure de conciliation.
  6. 170. En outre, selon le plaignant, PROSA avait le droit d'étendre l'action directe à partir du 25 août 1987, aux travailleurs de l'informatique qui exerçaient des fonctions visées par l'Accord sur le maintien des services informatiques essentiels. Néanmoins, PROSA avait dès le 12 août 1987 fait savoir au gouvernement qu'il ne ferait pas usage de ses droits en vertu de l'accord et que l'action directe ne toucherait pas les services visés par l'accord. Ce fait a été reconnu par le ministre du Travail pendant l'heure réservée aux questions orales à la Commission parlementaire de l'emploi. Selon le plaignant, le gouvernement a néanmoins donné au Parlement l'impression que PROSA ferait valoir ses droits au titre de l'accord et s'en est servi pour pousser le Parlement à légiférer. Cela ressort clairement de la présentation du projet de loi - devenu la loi no 542 - par le ministre du Travail lorsqu'il a déclaré que: "depuis le 25 août il y a un risque important pour la société que les conflits du travail s'étendent à des domaines qui présentent une importance particulière pour la société tels que le Parlement, la défense et la police, mettant en danger, dans ce dernier cas, la prévention des crimes".
  7. 171. Le plaignant explique que son action directe visait uniquement l'enregistrement et la perception informatisés des droits de douane et impôts mais ne touchait pas le paiement des salaires, pensions, etc. Lorsque la question lui a été posée au Parlement, le ministre des Finances a reconnu notamment que "le conflit dans l'informatique n'aura pas de conséquences sur les paiements entre le gouvernement et les autorités municipales" et que "le gouvernement ne perdra pas ses droits de percevoir les droits de douane et la TVA".
  8. 172. C'est dans ce contexte, indique le plaignant, que le gouvernement a décidé de mettre fin aux grèves légales par des mesures contraires aux obligations découlant des instruments de l'OIT. L'intervention ne saurait être justifiée par la nécessité de maintenir des services d'une importance vitale pour la société puisque ces derniers n'ont jamais été affectés par les grèves. En intervenant dans le conflit du travail, le gouvernement a enlevé à PROSA toute possibilité d'améliorer les traitements par l'exercice des droits légaux du travail, alors que PROSA avait toujours accepté de tenir dûment compte de l'intérêt public et d'assurer les services d'urgence et autres services essentiels.
  9. 173. En outre, le plaignant allègue que la reconduction et la prolongation forcées des conventions collectives mentionnées ci-dessus constituent une ingérence dans le droit de négociation collective. PROSA n'a eu en effet aucune possibilité réelle d'exercer pleinement son droit de négocier.
  10. 174. Le plaignant souligne que ce n'est pas la première fois, loin de là, que le gouvernement intervient dans la négociation collective. Cette tendance est devenue maintenant une pratique établie qui, affirme le plaignant, signifie que le droit de libre négociation collective est pratiquement annulé pour d'importants secteurs de la main-d'oeuvre danoise. Il évoque les plaintes déposées en 1985 par la Fédération des syndicats danois (LO) et la Confédération des employés et des fonctionnaires du Danemark (FTF) contre le gouvernement du Danemark (cas no 1338) qui ont suscité des critiques de la conduite du gouvernement en ce qui concerne ses obligations internationales découlant des conventions de l'OIT qu'il a ratifiées. Le plaignant cite le 243e rapport du Comité de la liberté syndicale, approuvé par le Conseil d'administration en mars 1986 (paragr. 246): Le comité espère qu'à l'avenir de telles mesures d'intervention dans le domaine de la libre négociation collective ou de restriction du droit des travailleurs de défendre leurs intérêts économiques et sociaux par l'action directe ne seront pas adoptées.
  11. 175. Selon PROSA, cette désapprobation énergique de la conduite du gouvernement danois n'a apparemment pas eu d'effet sur sa décision d'intervenir dans le conflit des travailleurs de l'informatique, bien que les faits du cas soient similaires et que PROSA ait fait valoir au ministre du Travail que l'intervention serait contraire aux conventions nos 87 et 98 de l'OIT. Il réclame donc des contacts directs avec les partenaires sociaux et le gouvernement, ainsi que la possibilité d'être entendu par le comité.
  12. 176. Dans sa communication du 29 août 1988, PROSA - à qui le gouvernement a fait parvenir une copie de sa réponse - conteste les explications du gouvernement. Il exprime notamment son désaccord avec: 1) les explications données par le gouvernement au sujet de la loi, qui n'abordent ni la question de sa conformité ou de son incompatibilité avec les conventions nos 87 et 98 ni celle de la décision récemment rendue dans le cas no 1418 contre le gouvernement du Danemark (254e rapport, paragr. 200 à 227, fév. 1988) critiquant le renouvellement pour une période de quatre ans d'une convention collective applicable aux marins; 2) l'argument relatif aux graves répercussions des conflits du travail; 3) l'allégation voulant que le syndicat s'était borné à promettre de ne pas étendre son action directe (PROSA ajoute que la loi l'obligeait à donner un préavis de grève s'il avait voulu étendre le mouvement; or il ne l'a pas fait, de telle sorte que le gouvernement savait pertinemment que le mouvement ne s'étendrait pas); 4) l'argument du gouvernement voulant que ce dernier était tenu de traiter également toutes les conventions du secteur public, c'est-à-dire respecter le principe "d'égalité" en droit administratif danois.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 177. Dans sa communication du 14 juillet 1988, le gouvernement explique qu'en général au Danemark les négociations collectives ont lieu tous les deux ans car la majorité des conventions collectives est renouvelée le 1er mars ou le 1er avril des années impaires. Les partenaires sociaux ont délibérément voulu que les conventions collectives soient conclues plus ou moins au même moment dans tous les secteurs, en partie pour obtenir une évolution parallèle des négociations dans les divers domaines professionnels et en partie pour éviter le risque de conflits du travail liés au processus de négociation dans une branche ou dans une autre.
  2. 178. En ce qui concerne les circonstances du présent cas, le gouvernement indique que le renouvellement des conventions collectives du secteur privé, au printemps 1987, a eu lieu sans différends du travail importants et que, dans quelques grandes branches, les parties sont même parvenues à un accord sans avoir besoin de recourir au conciliateur public. Ce sont les partenaires sociaux eux-mêmes qui ont décidé en 1987 de conclure les conventions collectives pour une période de quatre ans, ce qui constitue une innovation. Il a été décidé aussi de réduire progressivement la durée hebdomadaire normale du travail de deux heures pendant cette période, et qu'il devrait être possible de négocier des hausses des taux de salaires en 1989.
  3. 179. S'agissant du secteur public, le gouvernement explique qu'au début de 1987 les conventions collectives ont été renouvelées - également pour quatre ans - pour la plupart des agents publics, à la suite de négociations entre les parties sans l'aide du conciliateur public, et qu'elles couvrent environ 220.000 fonctionnaires, environ 25.000 universitaires relevant de l'unité de négociation conjointe dénommée l'Organisation centrale des universitaires et approximativement 55.000 salariés relevant de l'unité de négociation conjointe dénommée CO-Stat. Le gouvernement reconnaît que dans quelques petites branches il n'a pas été possible de parvenir à un accord sur le renouvellement des conventions collectives par négociation directe mais que l'accord s'est fait après des négociations dans le cadre du service public de conciliation, dans certains cas par l'adoption d'un compromis élaboré par le conciliateur public. Il ajoute que dans ces branches la tendance générale a été le renouvellement des conventions collectives aux mêmes conditions que celles qui s'appliquent aux autres secteurs de la main-d'oeuvre.
  4. 180. Quant aux deux conventions en cause dans le présent cas, le gouvernement fournit les informations suivantes: les négociations pour le renouvellement de la convention collective entre le ministère des Finances et PROSA ont commencé dans le cadre du service public de conciliation le 30 mars 1987. L'action directe a été engagée dans ce secteur le 17 avril. Le conflit a touché environ 130 personnes sur un nombre total d'environ 600 (soit l'équivalent de 400 salariés à plein temps) visées par la convention collective. Huit réunions ont eu lieu, présidées par le conciliateur public, entre le 30 mars et le 12 juin, lorsque ce dernier a déclaré terminées sans résultat les négociations. Les négociations pour le renouvellement de la convention collective entre la "Société informatique de 1959" et PROSA ont commencé le 5 juin 1987 dans le cadre du service public de conciliation. Six réunions ont eu lieu, présidées par le conciliateur public, jusqu'au 22 juin, date à laquelle ce dernier a déclaré terminées sans résultat les négociations. Dans ce secteur, qui concerne environ 900 salariés à plein temps, une grève touchant environ 150 salariés a commencé le 25 juin 1987, et un lock-out touchant environ 400 salariés a débuté le 1er juillet 1987. Les conflits du travail dans ces deux secteurs ont continué jusqu'à ce que les deux conventions collectives aient été renouvelées par l'adoption de la loi no 542 le 20 août 1987.
  5. 181. Selon le gouvernement, aux termes de la loi susmentionnée, les deux conventions collectives ont été renouvelées à des conditions qui correspondent aux conditions convenues par d'autres parties, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé, par la négociation volontaire, à savoir renouvellement pour une période de quatre ans, avec possibilité de négocier des hausses de salaires en 1989 et réduction de la durée hebdomadaire normale du travail de deux heures par semaine au cours de cette période. La loi dispose aussi que les sommes fixées par la loi pour les augmentations de salaires seront réparties par un conseil paritaire créé dans chacune des deux branches. Les questions que le conseil n'a pu trancher à la majorité au 1er octobre 1987 seront réglées par un arbitre nommé par le conseil, et si ce dernier ne se met pas d'accord pour la nomination, l'arbitre sera nommé par le service public de conciliation.
  6. 182. Il explique que le gouvernement et le Parlement ont dû mettre fin à ces conflits du travail en adoptant une loi à cet effet, parce que leurs conséquences sur les impôts directs et indirects étaient si graves que leur incidence sur les finances de l'Etat était imprévisible; ils constituaient aussi une gêne pour le public. A long terme, on craignait qu'il soit impossible de rétablir entièrement certains systèmes de traitement électronique des données et que la mise en oeuvre d'une réforme fiscale planifiée soit compromise. Dans le secteur public, en particulier pour le service statistique national, une action directe prolongée se traduirait par d'importantes lacunes dans les données statistiques nécessaires aux décisions du gouvernement et du Parlement concernant, par exemple, la politique économique. En outre, souligne le gouvernement, PROSA avait simplement indiqué que, malgré la péremption de l'accord concernant le maintien des services informatiques essentiels, le syndicat n'engagerait pas d'action directe dans les services visés par ledit accord, mais il n'y avait pas d'accord ferme à ce sujet et, par conséquent, la loi n'empêchait nullement PROSA d'engager par la suite une action directe dans ces services.
  7. 183. En ce qui concerne les principes en cause dans le présent cas, le gouvernement déclare qu'il est vrai que les mêmes règles s'appliquent à la négociation collective dans le secteur public et dans le secteur privé. Il en va de même du droit d'engager une action directe s'il n'est pas possible de parvenir à un accord sur le renouvellement des conventions collectives. Cependant, l'impression donnée par le plaignant que le gouvernement intervient toujours - dès le début - dans les conflits du secteur public lorsqu'il n'y a pas d'accord sur le renouvellement des conventions n'est pas correcte. Par exemple, pendant les négociations pour le renouvellement des conventions collectives entre l'employeur public et le Syndicat national des gardiens et agents de sécurité, les grèves, pour lesquelles un préavis avait été dûment donné, ont commencé le 1er avril et se sont poursuivies jusqu'à la mi-août, lorsqu'elles ont pris fin sans intervention officielle. Dans le présent cas, les conflits se sont poursuivis pendant longtemps avant que le gouvernement et le Parlement jugent nécessaire d'y mettre fin par voie législative.
  8. 184. A cet égard, le gouvernement souligne que le droit d'un syndicat de mener une action collective pour appuyer ses revendications lors de négociations n'impose aucune obligation à l'employeur de satisfaire ces revendications. Le principe, tant dans le secteur privé que dans le secteur public, doit être que le droit d'une organisation de salariés de présenter des revendications, de s'y tenir et de mener une action directe pour les appuyer a pour pendant le droit de l'employeur de faire des offres lors de la négociation, de s'y tenir et de recourir au lock-out pour les appuyer. En ce qui concerne les employeurs publics, une autre règle s'applique: lorsque les employeurs publics ont conclu des accords volontaires avec des organisations de salariés représentant la majorité des salariés du secteur public, ils ne devraient pas accepter des revendications qui vont beaucoup plus loin que les accords conclus volontairement, en particulier lorsque ces revendications sont faites par des organisations qui représentent un groupe de salariés peu nombreux mais présentant une importance capitale. Le gouvernement fait observer que, dans le cas contraire, on pourrait faire valoir que s'ils satisfont ces revendications, les employeurs publics violent, non seulement le principe d'égalité du droit administratif, mais aussi leurs obligations à l'égard des organisations de salariés avec lesquelles ils ont déjà conclu de nouvelles conventions collectives et qui sont en droit de s'attendre à ce que l'Etat ne conclue pas, par la suite, des conventions collectives avec d'autres organisations de salariés qui mettent les membres de ces dernières dans une situation nettement meilleure.
  9. 185. S'agissant des allégations de PROSA relatives au système d'indexation des salaires (art. 7 de la loi no 542), le gouvernement indique que cette disposition est une conséquence de la loi no 297 du 4 juin 1986 sur la péremption de l'indexation automatique de la rémunération, etc., sur l'indice du coût de la vie. Le comité avait été informé de cette loi précédemment. Selon le gouvernement, la loi no 542 dispose (art. 1(2) et 2(2)) que les salariés visés par la loi bénéficient d'un ajustement spécial des salaires convenu en 1987 entre le ministre des Finances et l'Organisation centrale de fonctionnaires (qui, dans la pratique, couvre l'ensemble du secteur public), selon lequel des ajustements pourront avoir lieu, aux 1er avril 1987, 1988, 1989 et 1990, en fonction de l'évolution des salaires dans le secteur privé. A cet égard, il souligne que l'ajustement spécial des salaires du 1er avril 1988 s'est traduit par une hausse générale des salaires des agents publics correspondant à 1,86 pour cent de leur rémunération.
  10. 186. Enfin, en ce qui concerne la possibilité d'envoyer une mission de contacts directs pour examiner la situation, le gouvernement estime que cela n'est pas nécessaire car les documents écrits disponibles clarifient suffisamment la question.
  11. 187. Dans sa communication du 11 octobre 1988, le gouvernement répond aux critiques formulées par le plaignant au sujet de sa réponse initiale du 14 juillet 1988 (dont il avait envoyé copie à PROSA). Il souligne notamment qu'il s'est opposé à la décision du comité dans le cas no 1418, et qu'il n'a aucunement influencé les parties lorsque celles-ci ont convenu en 1987 (souvent avec l'aide du conciliateur public) de renouveler les conventions collectives pour quatre ans. S'agissant de l'élargissement potentiel des conflits, le gouvernement soutient que le syndicat aurait pu donner un préavis en ce sens, ce qui l'a obligé à intervenir. Quant aux observations du plaignant sur les questions soulevées au Parlement afin d'obtenir des éclaircissements sur les conséquences des conflits, le gouvernement souligne qu'elles ont été posées le 17 juillet et qu'une réponse y a été apportée le 24 juillet, tandis que le projet de loi faisant l'objet de la plainte n'a été déposé que le 18 août 1987. En ce qui concerne le principe de l'égalité de traitement, le gouvernement admet que les pouvoirs publics peuvent conclure des accords différents avec différents groupes. Il ajoute que le droit d'un syndicat de déclencher une action directe pour appuyer ses revendications lors de négociations collectives n'implique pas que l'employeur soit tenu d'accéder auxdites demandes. Si l'action directe prise au soutien de revendications touche un secteur vital, de telle sorte que la société est prise en otage, le gouvernement estime qu'une intervention législative s'impose parfois; en pareil cas, il serait tout naturel d'intervenir en prenant pour paramètres les résultats obtenus lors des négociations dans la plupart des autres secteurs du marché du travail. Le gouvernement souligne cependant que, dans les autres secteurs où le conciliateur public a proposé un règlement, ces propositions ont servi de base à la législation.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 188. Ce cas concerne des allégations selon lesquelles l'intervention unilatérale du gouvernement par des mesures législatives visant à mettre fin à deux grèves légales, la prolongation et le renouvellement de deux conventions collectives du secteur public et l'imposition de procédures obligatoires de règlement des conflits constituent une violation des obligations qu'a assumées le gouvernement du Danemark en ratifiant les conventions nos 87 et 98.
  2. 189. Le comité prend note des informations détaillées fournies par le plaignant et le gouvernement au sujet des circonstances de l'adoption, le 20 août 1987, de la loi no 542 et note que les faits du présent cas ne sont pas constestés. Il relève, d'après la traduction de la loi fournie par le plaignant, que l'accord PROSA/"Société informatique de 1959" est renouvelé (art. 1) jusqu'au 1er juin 1989, certaines dispositions concernant la durée du travail et les clauses d'ajustement étant prolongées jusqu'au 1er juin 1991; de même, l'accord PROSA/ministère des Finances est renouvelé (art. 2) jusqu'au 1er avril 1989, les dispositions similaires étant prolongées jusqu'au 1er avril 1991, notamment la réglementation spéciale convenue à l'égard des salaires; pour chacune des deux conventions, un comité sera constitué (art. 8) avec une représentation égale des parties pour déterminer la répartition de certaines hausses de salaires sur les périodes de renouvellement de deux ans et, s'il n'y a pas d'accord, le comité (non le ministre des Finances, comme l'allègue le plaignant) ou le conseil de conciliation désignera un arbitre; l'article 9 met fin aux arrêts de travail déclenchés au sujet des conventions.
  3. 190. Le comité note qu'il y a désaccord, toutefois, quant à la nécessité d'une action du gouvernement. Par exemple, le plaignant allègue que les grèves d'avril et de juin 1987 ne touchaient qu'une partie de la main-d'oeuvre des entreprises en cause et n'affectaient pas les services essentiels. Le gouvernement justifie son action par les conséquences imprévisibles sur les recettes fiscales de l'Etat, la gêne pour le public en général et les problèmes à long terme pour certains systèmes de traitement électronique des données et le rassemblement de données statistiques, ainsi que par le risque de voir les grèves s'étendre aux services essentiels qui, selon un accord officiel, ne doivent pas être touchés par l'action directe des travailleurs de l'informatique, par exemple les travaux de défense et la lutte contre la criminalité.
  4. 191. Un autre domaine de désaccord concerne la conduite des négociations: d'un côté, le plaignant décrit les difficultés de la négociation, malgré les tentatives du service de conciliation, en vue de trouver un règlement mutuellement acceptable, notamment le lock-out qui n'a fait qu'aggraver la situation. Le gouvernement souligne pour sa part le nombre de réunions tenues pour essayer de parvenir à un accord et le fait que dans la plupart des autres secteurs publics des accords ont été conclus, volontairement ou avec l'aide de la conciliation, en vue du renouvellement des conventions pour quatre ans, et qu'il avait l'obligation de ne pas céder à des réclamations plus favorables après avoir signé des conventions avec d'autres organisations d'agents publics.
  5. 192. S'agissant de l'interdiction de l'action directe, le comité souligne, comme il l'a fait par le passé, que le droit de grève peut être restreint ou même interdit dans la fonction publique (c'est-à-dire lorsque les fonctionnaires agissent en tant qu'agents de l'autorité publique) ou dans les services essentiels au sens strict du terme, à savoir les services dont l'interruption pourrait mettre en péril la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans la totalité de la population. (Voir, par exemple, 236e rapport, cas no 1140 (Colombie), paragr. 144.) Selon ce critère, le comité estime que les travailleurs de l'informatique qui ont interrompu les services de perception des impôts directs et indirects à partir du 17 avril et du 25 juin 1987, respectivement, jusqu'au 20 août (date à laquelle la loi en question a été promulguée), n'étaient ni fonctionnaires ni occupés dans des services essentiels. La décision unilatérale de mettre fin à leur grève était donc contraire aux principes de la liberté syndicale.
  6. 193. Le second aspect de cette plainte a trait à l'allégation selon laquelle la loi no 542 est un nouvel exemple de l'intervention du gouvernement dans la négociation collective volontaire. Le comité relève, comme le fait le plaignant, que ce n'est pas la première fois, ces dernières années, qu'il a été appelé à examiner l'intervention du gouvernement danois par voie législative dans les négociations collectives tant du secteur public que du secteur privé. Bien que les lois en cause dans le cas précédent (voir 243e rapport, cas no 1338, paragr. 209 à 247, approuvé par le Conseil d'administration en mars 1986, ainsi que les observations faites , ainsi que le 254e rapport, cas no 1418, paragr. 200-227, approuvé en février-mars 1988, également porté à l'attention de la commission d'experts) ne soient pas les mêmes que celle qui est contestée ici, la législation en cause dans le cas no 1138 contenait des dispositions très similaires. Le comité est donc tenu de renvoyer le gouvernement aux mêmes principes fondamentaux sur lesquels il avait fondé sa critique de l'intervention gouvernementale précédente. Ces principes sont qu'un aspect fondamental de la liberté syndicale est le droit des organisations de travailleurs de négocier librement, avec les employeurs et leurs organisations, des salaires et des conditions de travail, et que toute restriction à la libre fixation des taux de salaire devrait être appliquée comme mesure d'exception limitée à l'indispensable, sans excéder une période raisonnable; de telles restrictions devraient être accompagnées de garanties appropriées en vue de protéger le niveau de vie des travailleurs.
  7. 194. En outre, le comité rappelle que l'article 6 de la convention no 98 prévoit une exception à ce droit fondamental de négocier collectivement en ce qui concerne les "fonctionnaires publics", expression que les organes de contrôle de l'OIT ont interprétée à la lumière de la distinction à faire entre les fonctionnaires occupés à divers titres dans les ministères ou des organismes comparables de l'Etat et les autres personnes employées par l'administration publique, les entreprises publiques ou par des organisations publiques indépendantes. (Voir, par exemple, 236e rapport, cas no 1267 (Papouasie-Nouvelle-Guinée), paragr. 596.) Dans le présent cas, par conséquent, le comité estime que le Syndicat des travailleurs de l'informatique du Danemark (PROSA) avait légitimement exercé le droit de négocier au moyen de conventions collectives les conditions et modalités d'emploi des travailleurs de l'informatique employés dans les secteurs ici en cause, jusqu'à ce que la loi no 542 mette fin à toute possibilité de négociations pendant la durée des conventions reconduites.
  8. 195. Etant donné les faits du présent cas, il semble au comité que l'intervention du gouvernement est allée au-delà des critères énoncés dans les paragraphes précédents au sujet des restrictions acceptables à la libre fixation des conditions d'emploi. La méthode utilisée n'était pas exceptionnelle, d'autant que le renouvellement pour deux ans des conventions collectives imposé précédemment par le gouvernement au moyen d'une loi (entre avril 1985 et avril 1987) avait déjà été critiqué dans un précédent cas, tant par la commission d'experts que par le comité. Le comité note que rien n'indique dans les informations fournies que l'économie danoise dans son ensemble ou les secteurs administratifs desservis par les travailleurs de l'informatique se trouvaient dans une situation d'urgence justifiant une intervention dans la négociation collective volontaire. En fait, le gouvernement n'a avancé que des justifications financières et des arguments ayant trait à l'égalité de traitement.
  9. 196. Enfin, en ce qui concerne l'imposition de procédures obligatoires de règlement des différends, le comité note qu'il y a eu traditionnellement une "obligation de paix" pendant la durée des conventions collectives dans le système de relations professionnelles du Danemark. En outre, il relève que la loi no 542 crée un comité paritaire pour chacun des deux secteurs, afin de régler certaines questions ouvertes à discussion pendant les périodes de prolongation des deux conventions, de sorte que le plaignant a la possibilité de participer à l'application pratique des nouvelles conventions. Par ailleurs, la loi (art. 10) dispose que "les questions relatives à l'interprétation ou à la violation des conventions renouvelées seront réglées conformément aux règles établies des relations professionnelles pour le secteur" intéressé. Le comité considère que la loi prévoit donc une procédure de règlement des différends impartiale et suffisante pour garantir les intérêts des travailleurs, que la loi oblige à maintenir la paix sociale.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 197. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité considère que le renouvellement et l'extension des conventions collectives visant les travailleurs de l'informatique imposés par la loi qui a mis fin à leur grève dans certaines institutions publiques (telles que les administrations universitaires et le Bureau national de statistique) ont enfreint les principes de l'OIT concernant le droit de grève.
    • b) Le comité considère que cette intervention par voie législative a également enfreint le principe de la libre négociation collective en vue de réglementer les conditions et modalités d'emploi au moyen de conventions collectives, énoncé à l'article 4 de la convention no 98 ratifiée par le Danemark.
    • c) Le comité porte ce cas à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations dans le cadre des conventions nos 87 et 98.
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