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- 128. Le comité a déjà examiné trois fois cette plainte quant au fond et il a présenté à chaque occasion des conclusions intérimaires au Conseil d'administration, les plus récentes ayant été approuvées en mai-juin 1990. (Voir 272e rapport, paragr. 294 à 311.)
- 129. Le gouvernement a formulé de nouveaux commentaires sur ce cas dans une communication en date du 18 décembre 1990, laquelle a été enregistrée par le comité à sa session de février 1991, après que le comité eut prié le gouvernement de communiquer ses observations sur les aspects du cas toujours en suspens, et que celui-ci eut déclaré qu'il les enverrait rapidement. (Voir 277e rapport, paragr. 5, approuvé par le Conseil d'administration à sa 249e session, février-mars 1991.)
- 130. Les Philippines ont ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 141) sur les organisations de travailleurs ruraux, 1975.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas
- 131. Dans le présent cas, le plaignant formule de graves allégations sur la répression militaire et paramilitaire exercée contre le syndicat affilié local (la Fédération nationale des travailleurs de l'industrie sucrière - Alimentation et commerce général, NFSW-FGT) qui cherchait à protéger les droits des travailleurs sucriers de la province de Negros.
- 132. A la suite des divers examens du cas, deux principales séries d'allégations restent en suspens: tout d'abord, une série d'allégations portant sur des faits concrets concernant des dirigeants et des militants syndicaux (tels que les meurtres survenus en 1986, 1987 et 1988 de MM. Emalay, Pastidio, Villacuatro, Cayao et Tampinco; la poursuite de l'enquête judiciaire sur le meurtre de M. Aldarico Antojado en 1986 et de M. Oscar Bantayan en 1988, et sur l'arrestation abusive de Mme Prima Balaud, veuve du responsable syndical Tito Balaud); puis une enquête générale sur le rôle et les pouvoirs des divers organismes de maintien de la paix qui - selon l'organisation plaignante - ont fait preuve d'un zèle particulier contre les syndicalistes et leurs organisations sous prétexte de menées subversives.
- 133. Les réponses du gouvernement ont fait état d'enquêtes de police sur les divers incidents, de procédures judiciaires en cours et d'enquêtes administratives sur les allégations, dont la plupart soit ont été abandonnées faute de preuves, soit n'ont pratiquement pas progressé devant les différents tribunaux saisis. Par exemple, des suspects ont été arrêtés au début de 1988 en rapport avec le meurtre de M. Antojado et l'arrestation abusive de Mme Balaud, mais les procédures pénales n'ont toujours pas donné lieu à des jugements. En outre, les réponses antérieures du gouvernement évoquaient ses efforts pour maintenir la paix et l'ordre en général dans le pays, mais ne mentionnaient, pour ainsi dire, aucune mesure particulière de protection des dirigeants syndicaux ou des travailleurs syndiqués contre les violences et le harcèlement décrits dans la plainte de l'UITA.
- 134. Au vu des conclusions intérimaires du comité, le Conseil d'administration a approuvé à sa session de mai-juin 1990 les recommandations suivantes (voir 272e rapport, paragr. 311):
- a) Etant donné que les recherches dans chacun des cas de meurtre de syndicalistes sur lesquels il avait demandé des informations n'ont pu aboutir, le comité ne peut que rappeler qu'un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer que dans le respect des droits fondamentaux de l'homme.
- b) Le comité prie le gouvernement de lui adresser copie des jugements qui seront rendus à la fin des poursuites pénales menées contre les personnes accusées des meurtres de MM. Antojado et Balaud, poursuites dont la conclusion, espère-t-il, ne saurait plus tarder.
- c) Il prie également le gouvernement de lui communiquer de plus amples renseignements sur les enquêtes visant le meurtre de M. Bantayan, et notamment s'il y a eu inculpation ou arrestation de suspects et si des poursuites pénales ont été engagées devant les tribunaux civils.
- d) Constatant que les conseils pour la paix et l'ordre ne semblent pas maîtriser les activités antisyndicales, le comité prie le gouvernement de lui communiquer de plus amples informations sur les rôles respectifs et les rapports mutuels des diverses organisations de surveillance à l'oeuvre aux Philippines (y compris le Sous-comité interinstitutions sur les groupes d'autodéfense de citoyens) qui pourraient aider aux recherches sur les violations alléguées des droits syndicaux.
B. Informations complémentaires du gouvernement
B. Informations complémentaires du gouvernement
- 135. Dans sa lettre du 18 décembre 1990, le gouvernement déclare qu'il communiquera au comité, dès qu'elles seront disponibles, toutes informations utiles sur les procédures pénales engagées contre les personnes soupçonnées d'avoir assassiné MM. Antojado et Balaud, et sur les activités de la Commission des droits de l'homme des Philippines et des divers comités interinstitutions oeuvrant pour la promotion de la reconnaissance des droits de l'homme dans le pays.
- 136. S'agissant des commentaires formulés par le comité au sujet des Unités géographiques des forces armées civiles (CAFGU) lors de l'examen précédent de ce cas (voir 272e rapport, paragr. 310), le gouvernement déclare qu'il n'existe aucune ambiguïté à leur sujet. L'Etat a créé ces unités en exerçant une prérogative inhérente à sa souveraineté, à savoir le devoir de protéger les citoyens contre la violence et de maintenir la paix et l'ordre dans le pays. Selon le gouvernement, le fait que l'insurrection monte dans le pays suffit à justifier, quel que soit le système juridique considéré, que l'Etat exerce ce pouvoir. Il y va de sa survie même, et le gouvernement estime qu'il ne peut pas mettre en danger la sécurité de la majorité de ses citoyens en supprimant ces unités.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 137. Tout d'abord, le comité note que les procédures pénales concernant le meurtre d'Aldarico Antojado en 1986 (tribunal régional de San Carlos City, Negros Occidental) et l'arrestation abusive, en 1987, de Mme Prima Balaud, veuve de Tito Balaud (un tribunal civil est à présent saisi) se poursuivent. Le comité regrette la lenteur avec laquelle la justice est rendue dans ces graves affaires.
- 138. Le comité rappelle qu'il a déjà rencontré pareille lenteur de la justice - qui risque de conduire à un déni de justice et d'aggraver la situation des droits de l'homme - à l'occasion de plusieurs plaintes formulées contre le gouvernement des Philippines portant sur le meurtre de militants et de dirigeants syndicaux. Il attire donc une fois de plus l'attention du gouvernement sur l'importance d'une justice rapide visant à éclaircir pleinement les faits, à déterminer les responsabilités et à sanctionner les coupables (voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 78), et lui demande de continuer à le tenir informé des suites de ces procédures, et notamment de lui adresser copie des jugements définitifs dès qu'ils seront rendus.
- 139. Ensuite, le comité note que la réponse du gouvernement n'apporte pas d'informations nouvelles sur les enquêtes concernant le meurtre d'Oscar Bantayan (qui a été décrit en détail dans le 268e rapport du comité, paragr. 465). En conséquence, il doit exprimer son profond regret que des allégations aussi graves et aussi précises n'aient donné lieu à aucune action concrète des autorités pendant un certain temps. Non seulement le fait que de tels crimes restent impunis ne témoigne pas en faveur des organes chargés de faire appliquer la loi dans le pays, mais, de plus, comme ils ont si souvent pour victimes des militants syndicaux, le comité estime que la confiance du mouvement syndical dans les institutions juridiques nationales risque de se trouver diminuée si rien d'autre n'est fait pour rechercher les suspects dans ces affaires.
- 140. Les regrets exprimés plus haut par le comité l'amènent à évoquer son troisième sujet de préoccupation dans le cas présent, à savoir le paradoxe suivant: malgré les nombreuses preuves de la multiplication des directives écrites, des comités interinstitutions et des organismes de haut niveau, visant tous à permettre au pays de surmonter le désordre actuel, le harcèlement et les violences contre les syndicats et leurs membres semblent augmenter en toute impunité. A ce sujet, le comité comprend la déclaration du gouvernement sur le rôle de l'Etat dans le respect de la loi et le maintien de l'ordre, mais rappelle qu'il a déjà exprimé des doutes (272e rapport, paragr. 310) sur l'utilité de créer tous ces organismes, hiérarchies et comités, alors que la police et l'armée régulières semblent incapables de remplir cette mission, quand elles ne comptent pas dans leurs rangs certaines personnes impliquées dans des crimes contre des syndicalistes.
- 141. Lorsqu'il a examiné ce cas pour la première fois en novembre 1988, le comité avait déjà pris note des nouvelles mesures décrites par le gouvernement pour améliorer le sort des travailleurs et protéger leurs droits. (Voir 259e rapport, paragr. 576 à 579.) Parmi ces mesures, et d'autres plus récentes, on peut citer: l'abrogation de certaines lois du travail répressives en vigueur sous le régime Marcos; l'adoption, le 30 octobre 1987, de directives visant à limiter les pouvoirs des groupes volontaires d'autodéfense civils (CVO); la création, en 1986, de la Commission des droits de l'homme des Philippines, qui a institué des mécanismes de protection des témoins, des cours d'éducation pour les militaires, etc.; l'adoption, le 11 mars 1988, de l'arrêté présidentiel no 309 réorganisant le Conseil national pour la paix et l'ordre, dont les dispositions réglementaires et les règles gouvernent aussi les pouvoirs des CVO.
- 142. Lorsqu'il a examiné ce cas pour la deuxième fois (268e rapport, paragr. 480), le comité a exprimé la conviction que, au vu de ces mesures, il existait à présent une structure pour mener une enquête rapide et complète sur toutes les plaintes pour violations des droits de l'homme à l'encontre de syndicalistes. Cependant, étant donné que ce nouveau système n'a pas permis de protéger les syndicalistes et qu'il existe une contradiction directe entre l'opinion du plaignant sur ces mesures et les explications qui en sont données par le gouvernement, le comité ne peut que réitérer son appel - lancé à l'occasion d'une plainte similaire encore en instance et formulée contre le gouvernement pour des violations des droits syndicaux à l'échelle nationale (cas no 1444, que le comité a examiné dernièrement à sa session de février 1991, 277e rapport, paragr. 303 à 334) - pour que soient immédiatement démantelées toutes les armées privées ou unités armées non régulières, les milices ou les CAFGU et leurs unités auxiliaires spéciales, ainsi que tous les organismes de ce genre.
- 143. Enfin, le comité attire de nouveau l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il a toujours attachée au respect de certaines libertés civiles, sans lesquelles les droits syndicaux ne peuvent s'exercer pleinement. Ces libertés civiles sont énumérées dans la résolution sur les droits syndicaux et leur relation aux libertés civiles adoptée par la Conférence internationale du Travail en 1970, et comprennent la sécurité de la personne, l'interdiction de toute arrestation et détention arbitraire, le droit à un procès équitable et le droit à la protection des biens syndicaux.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 144. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité regrette le retard dans l'administration de la justice à propos des procédures pénales en cours sur le meurtre d'Aldarico Antojado et l'arrestation de Prima Balaud, ainsi que l'absence de suivi concret pour tenter d'identifier des suspects dans le meurtre d'Oscar Bantayan; il prie le gouvernement de continuer à le tenir informé de l'état de ces procédures, et notamment de lui adresser copie des décisions définitives dès que les jugements seront rendus.
- b) Rappelant l'importance du respect des libertés civiles et la faillite du mécanisme actuel dans la défense des dirigeants et des militants syndicaux de l'île de Negros, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour dissoudre les Unités géographiques des forces armées civiles (CAFGU) ainsi que toutes autres forces ou milices paramilitaires et unités armées privées qui ne font pas officiellement partie des organismes réguliers chargés de faire appliquer la loi et opérant légitimement dans le pays.