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- 381. Par une communication en date du 22 septembre 1986, la CISL a présenté une plainte en violation des droits syndicaux en Equateur. L'organisation plaignante a fourni des informations complémentaires à l'appui de sa plainte dans une communication du 18 novembre 1986.
- 382. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications des 2 et 17 octobre 1986 ainsi que du 8 janvier 1987.
- 383. L'Equateur a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 384. Dans sa plainte, la CISL explique que son organisation affiliée en Equateur, la Confédération équatorienne des organisations syndicales libres (CEOSL), a organisé, conjointement avec d'autres centrales syndicales nationales, un mouvement de grève pacifique de vingt-quatre heures le 17 septembre 1986, afin d'obtenir le doublement du salaire minimum vital et de condamner la politique économique et sociale du gouvernement. Au cours de cette journée, 15 syndicalistes furent arrêtés, dont M. Julio Chang Crespo, secrétaire général de la CEOSL et membre du comité exécutif de l'Organisation régionale interaméricaine des travailleurs (ORIT), organisation régionale de la CISL. La CISL déclare appuyer les revendications de son organisation affiliée pour les augmentations de salaires et l'abrogation des mesures gouvernementales en matière économique et sociale.
- 385. La CISL joint à sa communication du 18 novembre 1986 un rapport de son organisation affiliée, la CEOSL, sur les causes et le déroulement de la grève générale nationale déclenchée par le mouvement syndical équatorien. La CEOSL explique dans ce document que le gouvernement a mené une politique destinée à favoriser les exportateurs du secteur agricole, les banques et les grandes entreprises au détriment de la moyenne et petite industrie, ce qui a aggravé la situation économique et sociale de la majorité de la population. Cette politique s'est traduite notamment par l'augmentation des prix des produits de première nécessité, des services publics (transports, électricité, eau et téléphone) et des médicaments; par le gel des dépenses budgétaires pour l'éducation, et par l'accroissement du chômage et du sous-emploi.
- 386. Selon la CEOSL, le gouvernement viole systématiquement les conventions nos 87 et 98 et le droit de grève. Ainsi, il refuse l'inscription de directions syndicales démocratiquement et légalement élues et l'approbation des statuts de nouvelles organisations en posant des exigences administratives non prévues dans la loi. La CEOSL cite le cas de plusieurs syndicats qui se sont heurtés à de telles difficultés (Syndicat des chemins de fer équatoriens, comité d'entreprise des travailleurs de la société Cubiertas y Mzov SA, Fédération des travailleurs libres du secteur sucrier de l'Equateur, Syndicat des travailleurs de l'exploitation agricole Santa Elena).
- 387. Pour ce qui est de la négociation collective, la CEOSL déclare que, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, les contrats collectifs ne sont pas appliqués; des obstacles sont imposés à la négociation et les contrats négociés avec les entreprises ou les organismes publics sont remis en cause par le ministère des Finances. Dans beaucoup de cas, selon la CEOSL, la police réprime les travailleurs en grève bien que les mouvements aient été déclenchés en appliquant strictement la loi.
- 388. La CEOSL indique également que le pouvoir exécutif n'applique pas les décisions adoptées par le Congrès national. Ainsi, le gouvernement avait présenté un projet de loi d'augmentation de salaires de 2.000 sucres mensuels (équivalant à 13 dollars E.-U.) accompagné d'un programme d'impôts pour financer l'augmentation salariale. Le Congrès refusa ce projet considérant que l'augmentation était dérisoire. L'exécutif mit cependant ce projet en vigueur, refusant d'appliquer la décision du congrès d'augmenter les salaires de 6.000 sucres mensuels (équivalant à 41,37 dollars E.-U.).
- 389. Le Président de la République a également approuvé un décret exécutif qui limite, selon la CEOSL, le droit de grève de solidarité et qui est contraire à la loi équatorienne. Ce décret, dont la CEOSL fournit une copie, limite notamment la grève de solidarité à cinq jours, qui ne peut être déclenchée plus de deux fois dans l'année par les travailleurs d'une même entreprise. La CEOSL a présenté un recours contre ce décret devant le Tribunal des garanties constitutionnelles.
- 390. Dans ces circonstances, les centrales syndicales nationales ont déclenché une grève nationale le 17 septembre 1986, à laquelle ont participé de larges secteurs dans tout le pays. Ce mouvement a été durement réprimé par la police, qui, selon la CEOSL, a arrêté une centaine de travailleurs.
- 391. Le siège de la CEOSL fut également brutalement attaqué par la police et les syndicalistes qui se trouvaient à l'intérieur furent frappés.
B. Réponses du gouvernement
B. Réponses du gouvernement
- 392. Dans ses communications des 2 et 17 octobre 1986, le gouvernement indique que M. Julio Chang Crespo, dont fait mention la plainte de la CISL, a été arrêté le 17 septembre 1986 et condamné à deux jours de prison pour atteinte à l'ordre public et non pour avoir exercé le droit de grève, qui est reconnu légalement. L'intéressé a recouvré la liberté le 19 septembre et, deux jours après, a quitté le pays pour assister à une réunion syndicale qui se tenait à Buenos Aires.
- 393. Le gouvernement ajoute que les grèves liées à des conflits de travail sont protégées par l'ordre juridique équatorien mais, en revanche, les arrêts collectifs de travail et les grèves politiques sont expressément interdits par la loi no 105 adoptée par l'Assemblée nationale constituante en 1967. Aux termes de cette loi, un arrêt collectif se manifeste par la cessation collective d'activité; l'imposition de lock-out en dehors des cas permis par la loi; la paralysie des voies de communication et d'autres faits antisociaux similaires. Les auteurs et dirigeants de tels arrêts sont passibles d'une amende de 1.000 à 10.000 sucres et d'une peine de deux à cinq années de prison et ceux qui y participent, d'une amende de 200 à 1.000 sucres et d'une peine de trois mois à un an de prison. Dans ses communiqués publiés avant la grève, le gouvernement a informé la population que cette loi était toujours pleinement en vigueur.
- 394. Il ressort du texte du jugement prononcé par le 6e tribunal de police à l'encontre des personnes arrêtées le 17 septembre 1986 que les intéressés participaient à des manifestations, non autorisées par l'autorité de police, qui portaient atteinte à l'ordre public et entravaient la voie publique, et qu'ils lançaient des cris contre le gouvernement et les fonctionnaires publics. Conformément à l'article 606, alinéa 9, du Code pénal, ils ont été condamnés à deux jours de prison.
- 395. Le gouvernement joint également à sa communication des coupures de presse citant notamment des déclarations du ministre du Travail, selon lesquelles la grève du 17 septembre était de nature politique et tendait à déstabiliser le régime.
- 396. Dans sa communication du 8 janvier 1987, le gouvernement estime que les appréciations formulées par les plaignants sur la politique économique et sociale menée en Equateur ne sont que de simples déclarations subjectives de nature arbitraire, non fondées sur la réalité. Il est vrai que, comme beaucoup de pays en développement, l'Equateur traverse une crise, mais le gouvernement tente d'en sortir la nation indemne, avec le moindre coût social et politique. Les pouvoirs publics ont l'obligation de garantir la paix dans le pays et l'ordre interne.
- 397. Le gouvernement rejette énergiquement l'affirmation selon laquelle, en contrôlant les actes séditieux du 17 septembre, il aurait violé les conventions nos 87 et 98 de l'OIT. Il respecte largement les droits syndicaux et garantit leur exercice pour autant que celui-ci soit légitime et moral et ne viole pas les lois ou n'altère pas l'ordre public. La "grève générale" du 17 septembre, faussement qualifiée de "pacifique", n'était pas de nature sociale ni syndicale, mais séditieuse: des groupes d'émeutiers ont monté des obstacles dans les rues et sur les routes, ont provoqué des incendies, ont attaqué des membres de la force publique et des véhicules privés et officiels, ont causé des dommages aux propriétés et ont blessé des personnes. Le gouvernement a contrôlé la situation de façon prudente. Seules quelques personnes directement impliquées dans la provocation ou dans la réalisation d'actions violentes ont été arrêtées en flagrant délit. Ces fauteurs de trouble, incarcérés, ont recouvré la liberté immédiatement après que les désordres eurent pris fin et après avoir accompli une peine très réduite de deux jours de prison, correspondant aux sanctions prévues par le Code pénal en cas d'infraction. Toutes les démarches internationales n'ont donc eu d'autre objet que de prolonger un scandale méticuleusement organisé et d'exagérer l'importance d'incidents rapidement surmontés. Selon le gouvernement, un journal d'opposition a lui-même qualifié la grève générale d'action politique. Le gouvernement remarque d'ailleurs que les éléments destinés à faire "la preuve" de la "répression" exercée par le gouvernement sont des coupures de ce même journal d'opposition.
- 398. Le gouvernement cite certains articles de la Constitution nationale: l'article 78, qui détermine les attributions et devoirs du Président de la République, notamment le maintien de l'ordre intérieur, l'emploi de la force publique quand la sécurité et les services publics l'exigent, et la déclaration de l'état d'urgence national; l'article 128, qui dispose que la force publique est destinée à conserver la souveraineté nationale, la défense de l'intégrité et de l'indépendance de l'Etat et la garantie de son ordre juridique. Le gouvernement fournit également copie des dispositions du Code pénal concernant les délits contre la sécurité intérieure de l'Etat. Le gouvernement précise que les droits de la personne humaine et de la société sont protégés par la législation équatorienne, et particulièrement par le titre II de la Constitution, dont il fournit copie.
- 399. Le gouvernement ajoute que les finalités de l'Etat sont étroitement liées au problème de la souveraineté, considérée comme le droit de l'Etat à décider lui-même dans sa vie interne et d'agir dans la communauté internationale sans être assujetti aux autres Etats. La souveraineté est, selon lui, absolue, indivisible, inaliénable et imprescriptible. L'Etat peut accepter de partager des responsabilités de coopération internationale, mais jamais l'ingérence dans les affaires relevant de son autodétermination.
- 400. La réalisation de toute finalité de l'Etat, poursuit le gouvernement, suppose l'existence d'un pouvoir coercitif limité par des normes. Parmi les finalités nécessaires de l'Etat figure également la finalité juridique. Se référant à différents auteurs, le gouvernement déclare que l'Etat ne peut renoncer à son rôle de garant et d'exécuteur de l'ordre interne, de l'ordre juridique national sans renoncer à sa propre existence. Si les finalités juridiques de l'Etat prenaient fin, ses fins sociales et de "conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme" seraient également anéanties. Il n'est donc pas possible qu'un gouvernement responsable décline son devoir de garantir la suprématie du droit par l'emploi prudent des moyens coercitifs que ce même droit lui attribue.
- 401. Pour le gouvernement, les porte-parole de l'opposition veulent, en utilisant le terme de "répression", donner une image d'un gouvernement tyrannique contraire à la réalité.
- 402. Concernant les allégations proprement dites formulées dans le présent cas, le gouvernement remarque que les coupables des abus commis le 17 septembre 1986 ont été condamnés à une peine correspondant à une contravention de troisième classe et la plus bénigne possible. Il précise que les infractions ayant abouti à la mise en pièce de dizaines de casques de policiers, à la destruction de douzaines de pare-brise, à l'hospitalisation d'innombrables agents et officiers de la force publique, à la destruction de propriétés et d'automobiles de la police auraient pu être punies d'une autre manière: six mois à trois ans de prison (art. 131 du Code pénal: conspiration tendant à déposer le gouvernement, ou art. 132: incitation au non-respect des lois); un à cinq ans de prison (art. 135: promotion de la discorde entre citoyens en fournissant des armes ou en les incitant à s'armer les uns contre les autres); six mois à deux ans de prison et amende de 500 à 1.000 sucres (art. 148: diffusion par tout moyen ou envoi à l'extérieur de propagande ou de fausses nouvelles ou informations destinées à porter atteinte à l'ordre public ou qui affectent l'honneur national); trois mois à deux ans de prison et amende de 200 à 1.000 sucres (art. 151: introduction dans le pays d'argent ou de valeurs à des fins subversives ou d'atteinte à l'ordre public); un à trois mois de prison et amende de 100 à 300 sucres (art. 153: promotion, organisation ou direction de défilés ou de manifestations publiques dans les rues, places ou autres lieux ouverts, sans autorisation écrite de l'autorité compétente); huit à douze ans de réclusion (art. 158: destruction, détérioration, inutilisation, interruption ou paralysie de services publics ou d'installations industrielles en vue de produire une alerte collective); de douze à seize ans de réclusion (art. 158, alinéa 2: provocation de lésions à des personnes en conséquence des faits antérieurement mentionnés). Le gouvernement a donc préféré ignorer la possibilité d'ordonner l'ouverture de procès assortis des sanctions sévères prévues par le droit et permettre le jugement des actes de vandalisme, commis le 17 septembre 1986, comme de simples contraventions de police.
- 403. Le gouvernement formule ensuite des commentaires au sujet de l'allégation selon laquelle il ferait obstacle à l'approbation des statuts des nouvelles organisations. Dans le cas du Syndicat des chemins de fer équatoriens, le gouvernement explique qu'il s'agissait d'une réforme des statuts qui contrevenaient à la loi, conformément à l'article 442 du code du travail. Le refus fut notifié le 10 juillet 1986 au syndicat, qui présenta un nouveau projet, lequel fut accepté par le ministre du Travail et des Ressources humaines le 31 juillet 1986. Ce même jour, le statut amendé était inscrit au Département des organisations professionnelles et des statistiques de la Direction générale du travail. Ceci démontre une attention préférentielle aux demandes légitimes des organisations syndicales puisque la formalité d'inscription a été accomplie en une journée alors que le code du travail prévoit un délai de trente jours.
- 404. Le comité d'entreprise des travailleurs de la société Cubiertas y Mzov SA a présenté, pour sa part, un projet de statuts, une liste de direction provisoire et une copie de l'acte constitutif qui n'étaient pas certifiés par le secrétaire de l'organisation. Le 15 juillet 1986, les autorités ont remis la demande en indiquant le vice qui l'entachait. Jusqu'à maintenant, les intéressés n'ont pas poursuivi les démarches.
- 405. La Fédération des travailleurs libres du secteur sucrier de l'Equateur avait décidé de modifier ses statuts. Dans les amendements, des erreurs de forme et de fond avaient été commises. Les autorités ont retourné le projet afin que ces défauts soient corrigés. Ainsi, le directeur des services administratifs du ministère du Travail demandait, notamment, de ne pas confondre associations de retraités et associations de travailleurs; de décider quel organisme sera compétent pour modifier les statuts (congrès ou commission exécutive); de ne pas se donner des attributions correspondant à des organes étatiques; de ne pas violer l'article 443 du code du travail (qui interdit aux syndicats et aux associations professionnelles d'intervenir dans des actes de politique partisane ou religieuse) et donc d'éclairer des références à "l'idéologie" contenues dans les statuts; de satisfaire à l'article 443 du code du travail concernant la fixation des cotisations; de préciser que les objectifs prévus doivent être légaux. Jusqu'à maintenant, les intéressés n'ont pas insisté dans leur demande d'inscription des nouveaux statuts et on ne sait pas s'ils se sont efforcés de rendre leur projet conforme à la logique et à la loi.
- 406. Le projet de statut du Syndicat des travailleurs de l'exploitation agricole Santa Elena souffrait d'imperfections qui lui ont été signalées. Entre autres choses, il prétendait imposer des cotisations aux travailleurs non affiliés, ce qui est illégal. En outre, l'exigence contenue à l'article 439 du code du travail sur le nombre minimum de travailleurs requis pour constituer une association n'était pas satisfaite. Le projet a été retourné aux intéressés avec mention des points à corriger. Jusqu'à maintenant, ils n'ont pas répondu à cette demande. Le gouvernement fournit également des statistiques sur les organisations enregistrées de 1980 à 1985.
- 407. Au sujet du décret no 2205 du 11 septembre 1986, qui réglemente l'article 498 du code du travail, le gouvernement explique que le recours aux grèves de solidarité a été utilisé de plus en plus pour porter atteinte à la tranquillité du pays à des fins éminemment politiques et étrangères aux activités syndicales. De sérieux préjudices ont été ainsi causés à la production nationale et menacent sérieusement la stabilité des sources de travail déjà existantes. L'abus de ces mouvements peut conduire, selon le gouvernement, à une aggravation du chômage existant dans le pays.
- 408. Le gouvernement remarque que le décret n'a affecté en aucune manière le droit de grève des travailleurs directement impliqués dans des conflits du travail. N'est réglementé que l'appui à des grèves licites, c'est-à-dire l'appui à des conflits externes, par des suspensions de travail dans des entreprises qui ne sont pas concernées par le différend.
- 409. En outre, le décret reconnaît le droit de grève de solidarité. Il le soumet seulement à un certain ordonnancement rationnel et lui applique des règles identiques à celles en vigueur pour la grève principale. La grève de solidarité doit être qualifiée de licite ou d'illicite par les autorités. L'employeur peut licencier les grévistes si la grève est déclarée illicite. La grève est considérée comme illicite si les grévistes exercent des actions de violence. Elle ne peut être déclarée que par le comité d'entreprise ou par la moitié plus un des travailleurs de l'entreprise ou de la fabrique. La police doit prendre des mesures de sécurité et interdire l'entrée des lieux de travail aux agitateurs et aux briseurs de grève. Toutefois, les grévistes peuvent rester sur les lieux de travail. La reprise du travail par le moyen d'une main-d'oeuvre de remplacement est interdite. La déclaration de la grève de solidarité doit être notifiée aux autorités du travail qui connaissent le conflit principal. L'employeur a le droit d'intervenir comme partie dans les affaires inhérentes à la grève de solidarité ou qui en découlent. Les travailleurs dépendant d'un même employeur ne peuvent déclarer une grève de solidarité plus de deux fois par an, et chaque mouvement ne pourra durer plus de cinq jours consécutifs. Le droit à la grève de solidarité est reconnu lorsqu'il s'agit d'un appui à des grèves licites et déclarées dans la même province ou concernant le même secteur d'activité.
- 410. Le gouvernement précise enfin que les travailleurs ont présenté un recours contre ce décret devant le Tribunal des garanties constitutionnelles, et l'affaire est actuellement en instance.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 411. Les allégations présentées par les plaignants trouvent principalement leur origine dans la grève générale de vingt-quatre heures, déclenchée par les organisations syndicales équatoriennes le 17 septembre 1986, pour protester, selon eux, contre la politique économique et sociale du gouvernement. Au cours des manifestations organisées à l'occasion de la grève, plusieurs dirigeants syndicaux ont été arrêtés puis condamnés à deux jours de prison. Le gouvernement explique ces sanctions par les violences qui ont été commises au cours de ces manifestations non autorisées et insiste sur le caractère politique et séditieux de la grève. En outre, les plaignants font état des difficultés auxquelles se heurtent certaines organisations syndicales pour l'enregistrement de leurs statuts ou de modifications de statut ainsi que de l'adoption du décret no 2205 réglementant le recours aux grèves de solidarité.
- 412. Pour ce qui est de la grève générale, le comité doit rappeler qu'il considère que la grève est l'un des moyens d'action dont doivent pouvoir disposer les organisations de travailleurs. (Voir, par exemple, 243e rapport, cas no 1296 (Antigua-et-Barbuda), paragr. 276.) Toutefois, si le droit de grève est un des droits fondamentaux des travailleurs et de leurs organisations, c'est dans la mesure où il constitue un moyen de défense de leurs intérêts économiques et sociaux: l'interdiction des grèves visant à exercer une pression sur le gouvernement, lorsqu'elles sont dépourvues de caractère économique ou professionnel, ne porte pas atteinte à la liberté syndicale voir, par exemple, 127e rapport, cas no 660 (Mauritanie), paragr. 303], et les grèves purement politiques ne tombent pas dans le champ d'application des principes de la liberté syndicale. (Voir, par exemple, 153e rapport, cas nos 763, 786 et 801 (Uruguay), paragr. 177.) Le comité a précisé que, par intérêts économiques et sociaux, il ne fallait pas entendre seulement l'obtention de meilleures conditions de travail ou la satisfaction de revendications d'ordre professionnel, mais qu'il convenait d'englober également dans cette notion la recherche de solutions aux questions de politique économique et sociale qui intéressent directement les travailleurs. (Voir, par exemple, 214e rapport, cas no 1081 (Pérou), paragr. 261.)
- 413. Dans le cas d'espèce, le comité a recherché, sur la base des informations en sa possession, quelles étaient les revendications mises en avant par les organisations syndicales en organisant cette grève générale de vingt-quatre heures. Il a relevé que celles-ci comprenaient essentiellement une demande d'augmentation des salaires minima, du respect des conventions collectives en vigueur et d'un changement de politique économique (augmentation des prix, chômage), toutes questions qui ressortissent du domaine d'activité normal des organisations syndicales. Le comité estime en conséquence que la grève du 17 septembre 1986 était légitime et qu'elle n'aurait pas dû faire l'objet d'une interdiction.
- 414. Pour ce qui est des conséquences du mouvement, à savoir l'arrestation et la condamnation de syndicalistes, le comité note que, selon le gouvernement, les manifestations organisées à l'occasion de la grève ont donné lieu à des actes de violence tels que provocation d'incendies, attaques de membres des forces de l'ordre et de véhicules, etc. Le comité relève, par ailleurs, que les sentences prononcées ont été relativement clémentes puisque les intéressés ont été condamnés à une peine de deux jours de prison et qu'ils ont pu reprendre leurs activités syndicales immédiatement après leur libération.
- 415. Le comité doit toutefois relever, au vu de la réponse du gouvernement, que la législation équatorienne permet de sanctionner très sévèrement des mouvements de ce type, notamment par le décret no 105, aux termes duquel les organisateurs d'"un arrêt général du travail" sont passibles d'une peine de deux à cinq ans de prison et ceux qui y participent, de trois mois à un an. Le comité observe également que, dans le cas d'espèce, avant même le déclenchement de la grève générale de vingt-quatre heures, le gouvernement a déclaré publiquement que ce décret était toujours pleinement en vigueur, contrairement aux informations fournies en 1982 à la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, selon lesquelles il était tombé en désuétude. Le comité rappelle à cet égard que, depuis plusieurs années, la commission d'experts demande au gouvernement d'abroger ce décret, sans qu'une suite favorable ait été jusqu'à maintenant donnée à ces commentaires.
- 416. Au sujet du refus opposé par le ministère du Travail à des demandes d'approbation des statuts d'organisations en voie de création ou de modification des statuts d'organisations déjà existantes, le comité prend note des explications du gouvernement selon lesquelles les demandes en question présentaient des vices de forme ou les statuts n'étaient pas conformes à la loi en vigueur. Le comité note également que, dans un des quatre cas soumis par les plaignants, le syndicat a modifié son projet conformément à la demande du ministère du Travail, qui a aussitôt procédé à l'enregistrement, et que, dans les trois autres cas, les organisations concernées n'ont pas réagi au refus motivé du ministère du Travail. A cet égard, le comité observe, au vu de l'observation formulée en , que le refus du ministère du Travail peut faire l'objet d'un recours devant l'autorité judiciaire en vertu des articles 1, 2, 5 et 10 a) de la loi sur le tribunal du contentieux administratif et que ce tribunal est compétent pour examiner la situation quant au fond. Il n'apparaît pas, dans le cas présent, que les organisations concernées aient saisi la juridiction administrative du refus d'approbation. Dans ces conditions, le comité estime que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
- 417. Enfin, le comité a examiné le décret no 2205 qui réglemente l'article 498 du code du travail concernant le recours aux grèves de solidarité. Dans son étude d'ensemble de 1983, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a estimé qu'une interdiction générale des grèves de solidarité risquerait d'être abusive et que les travailleurs devraient pouvoir avoir recours à de tels mouvements pour autant que la grève initiale qu'ils soutiennent soit elle-même légale. (Voir Conférence internationale du Travail, 69e session, 1983, Liberté syndicale et négociation collective, paragr. 217.)
- 418. Dans le cas présent, le comité constate que le décret no 2205 n'interdit pas les grèves de solidarité mais ne fait que les réglementer en limitant les possibilités de recours à ce type de mouvement. De l'avis du comité, si certaines dispositions du décret peuvent se justifier par la nécessité de respecter certaines formes (notification de la grève aux autorités du travail) ou de maintenir la sécurité dans l'entreprise (interdiction d'entrer dans les lieux de travail aux agitateurs et aux briseurs de grève), d'autres, en revanche, telles que la limitation géographique ou sectorielle des grèves de solidarité - excluant ainsi des grèves générales de ce type - ou leur limitation dans le temps ou dans la fréquence, constituent un obstacle sérieux au déclenchement de tels mouvements.
- 419. Le comité note à cet égard que les organisations syndicales ont présenté un recours contre le décret no 2205 devant le Tribunal des garanties constitutionnelles, qui est actuellement en instance.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 420. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité rappelle que la grève est l'un des moyens d'action essentiels dont doivent pouvoir disposer les organisations de travailleurs. A cet effet, il demande au gouvernement d'abroger le décret no 105 qui punit les organisateurs d'"arrêts collectifs de travail généraux" et les personnes y participant de peines d'emprisonnement, et qu'il avait déclaré être en désuétude.
- b) Le comité estime que le décret no 2205 concernant les grèves de solidarité contient certaines restrictions qui constituent un sérieux obstacle au déclenchement de tels mouvements, et qui sont incompatibles avec les principes de la liberté syndicale.
- c) Il demande au gouvernement de le tenir informé du recours présenté devant le Tribunal des garanties constitutionnelles contre l'adoption du décret no 2205 concernant les grèves de solidarité.