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- 280. La Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) a, dans une communication datée du 14 septembre 1985, présenté une plainte pour violation des droits syndicaux de la part d'un syndicat affilié, le Syndicat national des travailleurs et des employés de l'Institut équatorien des télécommunications (IETEL). Le gouvernement a transmis ses observations dans une communication du 11 décembre 1985.
- 281. L'Equateur a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 282. La CLAT joint, à sa communication du 14 septembre 1985, une série de documents représentatifs de la situation de son syndicat à l'IETEL. Il s'agit tout d'abord d'une requête présentée le 12 avril 1985 par le Tribunal administratif qui prie instamment le ministre du Travail de lui fournir les dossiers concernant le refus d'enregistrement qu'il a opposé à ce syndicat nouvellement formé. On trouve ensuite une copie des documents présentés à ce tribunal et témoignant que, le 21 décembre 1984, le nouveau syndicat remettait au ministère tous les documents d'enregistrement requis aux termes de l'article 429 du Code du travail. Le droit d'enregistrement a été refusé le 26 décembre, puis à deux autres reprises, parce que, d'une part, c'est en se fondant sur le Code civil et non pas sur le Code du travail que le ministère avait approuvé antérieurement les associations de travailleurs de l'IETEL et parce que, d'autre part, l'entreprise en question était, en tant qu'institution de l'Etat, régie par la législation de l'administration publique.
- 283. L'organisation plaignante souligne que, conformément à l'article 441 du Code du travail, un refus d'enregistrement, et son corollaire qu'est le déni de la personnalité juridique, ne peut être recevable que si les statuts du syndicat comportent des dispositions contraires à la Constitution et à la législation. Selon l'organisation plaignante, tel n'était pas le cas pour les statuts du syndicat de l'IETEL.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 284. Dans sa lettre du 11 décembre 1985, le gouvernement explique que, lorsque le ministère a reçu la demande d'enregistrement du syndicat, le 21 décembre 1984, il a effectué l'examen administratif d'usage des statuts et en a conclu que l'association n'était pas de caractère professionnel et que, par conséquent, elle ne pouvait être assimilée à une organisation de travailleurs. Le fonctionnaire responsable en a informé le syndicat requérant et lui a renvoyé tous ses documents puisque les membres postulants n'étaient pas des "travailleurs" aux termes de la législation nationale du travail.
- 285. Le ministère a de nouveau examiné les documents, lorsque le syndicat requérant lui a présenté deux autres demandes d'enregistrement, comme le lui permettait la législation, les 4 janvier et 7 février 1985. Cependant, le ministère a maintenu sa position, étant donné que ni les circonstances ni l'argumentation juridique n'avaient subi de changement. Le gouvernement souligne qu'il existe des procédures de recours contre toute décision administrative négative, la juridiction compétente étant, en l'occurrence, le Tribunal administratif. L'affaire est en instance devant ce tribunal, et le gouvernement s'engage à envoyer une copie de la minute dès que le jugement aura été rendu.
- 286. Le gouvernement joint à sa réponse les copies des lettres signifiant le refus du ministère, d'où il ressort que les travailleurs et employés d'IETEL sont considérés, aux termes de la loi sur les télécommunications, comme des fonctionnaires tombant dans le champ d'application de la loi pertinente sur les services publics. Seuls les travailleurs manuels occupés à l'installation et à l'entretien des lignes sont couverts par le Code du travail. La loi sur la fonction publique et la carrière administrative, qui est la législation pertinente, interdit à tous employés administratifs de former des syndicats. La Cour suprême avait déjà décidé en 1982 que, comme IETEL était une institution assurant un service public, ses employés étaient régis par la loi sur la fonction publique et la carrière administrative.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 287. Le comité note que la présente affaire concerne le refus d'enregistrement qui a été opposé par le ministère du Travail à un syndicat national regroupant les travailleurs et les employés de l'Institut équatorien des télécommunications. Ce refus s'est fondé sur le fait que cette organisation regroupe des employés d'une institution créée par la loi pour exercer la puissance étatique et dont les relations avec ses employés sont régies par la loi sur le service civil et la carrière administrative. En effet, les fonctionnaires et employés de IETEL sont, aux termes de l'article 22 de la loi de base sur les télécommunications, des serviteurs publics, à l'exception des travailleurs manuels qui sont couverts par le Code du travail.
- 288. Or il apparaît que la loi sur le service civil et la carrière administrative interdit, en son article 60, aux serviteurs publics de former des syndicats. Ils ont seulement la possibilité de fonder des associations (art. 9 de la même loi) qui peuvent promouvoir et défendre les intérêts de leurs membres. Toutefois, ces associations ne jouissent ni du droit de grève ni du droit de négociation collective. Cette interdiction, pour l'ensemble des serviteurs publics, de créer des syndicats a d'ailleurs fait l'objet de commentaires de la part de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
- 289. Dans le cas d'espèce, le refus d'accorder l'enregistrement au Syndicat national des travailleurs et des employés de IETEL entraîne donc l'impossibilité pour ces travailleurs de négocier collectivement leurs conditions de travail. Il s'agit donc, pour le comité, de déterminer dans quelle mesure s'applique aux travailleurs intéressés le principe énoncé à l'article 4 de la convention no 98 selon lequel des mesures appropriées aux conditions nationales doivent être prises pour encourager et promouvoir les procédures de négociation volontaire des conventions collectives. L'article 6 de cette convention permet l'exclusion des "fonctionnaires publics". A cet égard, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a estimé que, si l'on peut admettre que le concept de fonctionnaire public puisse varier dans une certaine mesure selon les différents systèmes juridiques, l'exclusion du champ d'application de la convention des personnes employées par l'Etat ou dans le secteur public, mais n'agissant pas en tant qu'organes de la fonction publique, est contraire au sens de la convention: la commission a considéré aussi que ce sens apparaît de façon plus claire encore dans le texte anglais de l'article 6 de la convention, lequel autorise seulement l'exclusion des fonctionnaires "engaged in the administration of the State" (c'est-à-dire commis à l'administration de l'Etat). La commission ne peut en effet envisager que des catégories importantes de travailleurs qui sont employés par l'Etat puissent être exclues du bénéfice de la convention du seul fait qu'elles sont formellement assimilées à certaines catégories de fonctionnaires publics dont les activités sont propres à l'administration de l'Etat. S'il en était ainsi, la convention pourrait être privée d'une partie importante de sa portée. Il convient donc d'établir une distinction entre, d'une part, les fonctionnaires dont les activités sont propres à l'administration de l'Etat - fonctionnaires des ministères et autres organismes gouvernementaux comparables - et les fonctionnaires agissant en tant qu'auxiliaires des précédents et, d'autre part, les autres personnes employées par le gouvernement, par les entreprises publiques ou par des institutions publiques autonomes. Seule la première catégorie de ces travailleurs peut être exclue du champ d'application de la convention. (Voir, à cet égard, Liberté syndicale et négociation collective, rapport III, partie 4 B, Conférence internationale du Travail, 69e session, Genève, 1983, paragr. 255.)
- 290. Suivant les critères ainsi définis par la commission d'experts, le comité estime que le personnel de l'Institut équatorien des télécommunications ne devrait pas être exclu en raison de ses fonctions du droit à la négociation collective. Il devrait donc, de l'avis du comité, jouir du droit de constituer des syndicats pouvant promouvoir et défendre les intérêts de leurs membres, notamment par la voie de la négociation collective.
- 291. Le comité observe que le Syndicat national des travailleurs et des employés de IETEL a présenté un recours devant la juridiction administrative contre la décision de refus d'enregistrement du ministère du Travail. Le comité exprime l'espoir que la décision du Tribunal administratif prendra en considération les normes internationales ratifiées par l'Equateur. Il prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de l'action judiciaire entreprise par le syndicat.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 292. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
- a) Le comité observe que le refus d'enregistrement opposé au Syndicat national des travailleurs et des employés de IETEL entraîne l'impossibilité pour ces travailleurs de négocier collectivement leurs conditions de travail.
- b) Se fondant sur les articles 4 et 6 de la convention no 98, le comité estime que le personnel de IETEL ne devrait pas être exclu du droit à la négociation collective et qu'il devrait donc jouir du droit de constituer des syndicats pouvant promouvoir et défendre les intérêts de leurs membres, notamment par la voie de la négociation collective.
- c) Le comité exprime l'espoir qu'en statuant sur le recours présenté par le syndicat, le tribunal administratif prendra en considération les normes internationales ratifiées par l'Equateur. Il prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de cette action judiciaire.