Afficher en : Anglais - Espagnol
- 375. La Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante (CMOPE) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement de l'Australie/Territoire du Nord dans des communications des 21 mars et 7 mai 1985. L'Association des cadres et employés de l'administration publique, l'Association des employés publics (ACEAP), le Conseil australien des syndicats (CAS) et l'association australienne des services publics (fonctionnaires de la 4e division) (AASP) ont envoyé des plaintes semblables dans des communications datées, respectivement, des 23 avril et 7 juin, et des 9 mai et 11 juin 1985. Le gouvernement a répondu dans une lettre du 26 août 1985.
- 376. L'Australie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et le convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949; elle n'a pas ratifié la convention (no 151) sur les relations du travail dans la fonction publique, 1978.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 377. Dans ces lettres des 21 mars et 7 mai 1985, la CMOPE allègue que le gouvernement de l'Australie/Territoire du Nord a pris des mesures de représailles - sous forme de suppression de la retenue des cotisations syndicales à la source - contre l'action directe légale menée par son affiliée, la Fédération des enseignants du Territoire du Nord (FETN). La CMOPE explique ainsi les raisons de cette action: le 15 août 1984, le gouvernement du Territoire du Nord a décidé, unilatéralement, de modifier les accords sur les logements des enseignants et autres fonctionnaires; une réunion a eu lieu le 24 août avec le gouvernement mais les ministres du Logement et des Finances ont annoncé que le gouvernement du Territoire du Nord ne reviendrait pas sur sa position. Le 28 août, la FTEN a, de concert avec huit autres syndicats de fonctionnaires, organisé une grève de vingt-quatre heures pour amener le gouvernement à entamer des négociations à ce sujet; étant donné qu'aucune négociation n'a eu lieu, la FTEN a recommandé à ses membres, le 27 septembre, de déclencher une série de grèves des activités extrascolaires, afin de ne pas géner le déroulement des cours pendant les heures de classe. Comme une excursion scolaire avait été annulée, la FTEN a été informée, le 11 octobre 1984, que la retenue des cotisations syndicales à la source serait supprimée si cette action ne prenait pas fin le lendemain. Le 12 octobre, la FTEN a appris que la suppression en question entrerait en vigueur à compter du prochain jour de paie, c'est-à-dire du 19 octobre; le 24 octobre, l'ordre de grève a été levé car une réunion de discussion a pu être organisée avec le gouvernement; le 1er février 1985, le FTEN a rencontré le ministre de l'Education du Territoire du Nord qui a refusé de discuter du rétablissement du système de retenue à la source.
- 378. Selon la CMOPE, la rapidité avec laquelle le gouvernement a agi n'a guère laissé le temps aux responsables syndicaux pour trouver d'autres méthodes de collecte de cotisations syndicales. Elle souligne par ailleurs que la FTEN a versé une somme en échange du service de la retenue à la source de plus de 9.000 dollars australiens par an. Elle considère que la suppression de ce système perturbe sérieusement le travail de son affiliée, si l'on considère notamment la situation géographique du Territoire du Nord où le syndicat dessert une population dispersée située dans des zones éloignées de la ville principale, Darwin. Etant donné que presque tous les membres de la FTEN ont recours au système de retenue des cotisations syndicales à la source pour payer leurs cotisations, la suppression de ce système n'a pas tardé à se faire sentir: les effectifs sont tombés de 1.860 à 56 personnes. La CMOPE explique que, par l'intermédiaire d'un autre organisme, la FTEN a pu récupérer les cotisations syndicales de quelque 1.300 membres mais qu'elle craint que la suppression du système ne lui nuise non seulement sur le plan financier, mais aussi sur celui de son fonctionnement et de ses programmes. Etant donné que l'employeur persiste dans son refus de débattre de cette question, il est à craindre que les relations entre le FTEN et le gouvernement ne s'enveniment.
- 379. Dans ses communications du 23 avril et du 7 juin 1985, l'ACEAP explique que ses membres ont également été touchés par la modification apportée unilatéralement par le gouvernement du Territoire du Nord aux accords sur les logements des fonctionnaires et que, de concert avec d'autres syndicats, ils ont participé à la grève générale de vingt-quatre heures organisée le 28 août puis, plus-tard, aux grèves partielles motivées par les heures supplémentaires, la correspondance ministérielle, etc. Le 20 septembre 1985 (après deux jours seulement de préavis), le gouvernement a supprimé la retenue des cotisations syndicales à la source pour les membres de l'ACEAP et de l'AASP mais pas pour les membres des autres syndicats. L'ordre de grève partielle a été levé le 24 septembre 1984, mais le gouvernement a persisté dans son refus de rétablir l'ancien système. L'ACEAP affirme que cette mesure l'a mise, ainsi que les autres syndicats intéressés, dans une situation financière d'autant plus délicate que ces syndicats couvrent certaines des régions les plus reculées de l'Australie où il est impossible de collecter les cotisations syndicales par d'autres moyens que par le système de retenue à la source. L'ACEAP souligne qu'elle compte désormais 1.341 membres dans le Territoire du Nord, chiffre qui témoigne d'une perte de 80 membres depuis la suppression de la retenue à la source.
- 380. Dans sa lettre du 9 mai 1985, le CAS appuie la plainte de la FTEN car il estime que le gouvernement du Territoire du Nord a exercé une mesure de représailles à la suite de l'action directe légale menée par les syndicats et qu'il s'agit d'une arme utilisée à la hâte. Etant donné les graves conséquences de la suppression du système de retenue à la source sur les capacités financières et organisationnelles des syndicats en question et le refus de l'employeur de discuter de son rétablissement, le CAS considère que cette action constitue une tentative gouvernementale d'affaiblissement d'une organisation de travailleurs légalement constituée.
- 381. Dans sa communication du 11 juin 1985, l'AASP appuie également la plainte de la FTEN.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 382. Dans sa lettre du 26 août 1985, le gouvernement explique que la décision des autorités du Territoire du Nord de supprimer, le 19 octobre 1984, le système de retenue des cotisations syndicales à la source doit être replacée dans le contexte de l'action directe continue menée par les membres de la FTEN, de l'ACEAP et de l'AASP, qui protestaient contre une décision budgétaire du gouvernement de modifier, à partir du 1er août 1984, les pratiques en matière de logement. Selon le gouvernement, l'action directe s'est poursuivie en dépit d'un certain nombre de réunions tenues en septembre avec le ministre des Finances et de la Fonction publique, à la suite desquelles le gouvernement du Territoire du Nord a annoncé qu'il modifiait sa décision afin de protéger les fonctionnaires à faibles revenus. Le système de retenue des cotisations à la source a été suspendu le 20 septembre et l'ACEAP et l'ASSP ont levé leur ordre de grève le 24 septembre. D'autre part, les membres de la FTEN ont poursuivi la grève de toutes les activités extrascolaires, à la suite de quoi le ministère de l'Education a décidé de supprimer le système de retenue des cotisations syndicales à la source à partir du 12 octobre (prenant effet le 19 octobre); l'action directe des enseignants n'a cessé que le 24 octobre.
- 383. Le gouvernement insiste sur le fait que le système de retenue à la source n'a été interrompu qu'après une période d'avertissement et qu'il ne s'adressait pas à toutes les organisations de travailleurs du Territoire du Nord impliquées à l'origine dans le conflit (mais seulement à la FTEN, à l'ACEAP et à l'ASSP). Il précise également qu'en août 1979, dans le cadre d'une autre affaire, l'ACEAP avait demandé à la Cour suprême d'Australie de se prononcer contre la suppression de la retenue à la source des cotisations syndicales pour raison de rupture de contrat; la Cour avait rejeté la demande car il ressortait des documents que ce système était le résultat d'un accord administratif.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 384. Le comité note que la présente affaire concerne la suppression du système de retenue à la source comme mesure de rétorsion contre une action directe menée par des syndicats des fonctionnaires. Il rappelle qu'il a, par le passé, examiné des allégations semblables portées contre le gouvernement australien (voir le 204e rapport, cas no 902, paragr. 135 à 147). Dans le cas en question, le comité avait estimé que la suppression du système de retenue à la source, qui pouvait entraîner des difficultés financières pour les organisations syndicales, n'était pas propice à l'instauration de relations professionnelles harmonieuses et aurait donc dû être évitée. Le comité considère que le même principe s'applique au présent cas.
- 385. Le comité note également le refus du gouvernement du Territoire du Nord de discuter, avec les syndicats concernés, d'un éventuel rétablissement du système de retenue à la source. Il exprime le souhait que les parties s'efforcent, sur la base d'un accord, de restaurer le système de retenue à la source dont bénéficiaient naguère les syndicats.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 386. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administation d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
- a) Le comité appelle l'attention du gouvernement - comme il l'a fait dans un cas analogue par le passé - sur le principe selon lequel la suppression de la possibilité de retenir les cotisations à la source, qui pourrait entraîner des difficultés financières pour les organisations syndicales, n'est pas propice à l'instauration de relations professionnelles harmonieuses.
- b) Le comité exprime le souhait que les parties s'efforcent, sur la base d'un accord, de rétablir le système de retenue à la source dont bénéficiaient naguère les syndicats.