ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Afficher en : Anglais - Espagnol

  1. 152. La plainte du Syndicat unifié des travailleurs de Montserrat (MAWU) figure dans une communication en date du 18 juillet 1984; les plaignants ont fourni des informations complémentaires dans une communication du 17 août 1984. Le gouvernement a soumis ses observations dans une lettre datée du 4 janvier 1985.
  2. 153. Le Royaume-Uni a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et a déclaré qu'elles étaient applicables sans modification à Montserrat.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 154. Dans sa communication du 18 juillet 1984, le MAWU affirme que, le 25 juin 1984, au cours d'une grève du personnel des services de fourniture d'eau et d'électricité, motivée par les augmentations de salaires à inclure dans une nouvelle convention collective, le gouverneur a déclaré l'état d'urgence, puis a convoqué, le 29 juin 1984, une session spéciale d'urgence du Conseil législatif pour adopter une législation antigrève. Les plaignants ont fourni une copie du projet de texte, qui est intitulé "Ordonnance sur les services essentiels", et dont les dispositions pertinentes sont reproduites ci-après:
    • Article 2
    • 1. Toute personne occupée dans un service essentiel qui, délibérément, rompt ou résilie son contrat de service, en sachant ou en ayant toute raison de croire que cette décision, considérée isolément ou conjointement avec la décision d'autres personnes, aura pour conséquence probable de priver le public, en tout ou en grande partie, des prestations de ce service, sera coupable d'un délit et, si sa culpabilité est établie, sera passible d'une amende ne dépassant pas 500 dollars ou d'une peine d'emprisonnement ne dépassant pas trois mois ou des deux peines conjuguées, et ce avec la réserve suivante: lorsqu'une rupture collective de travail dans un service essentiel est envisagée, que ce soit à la suite d'un différend du travail ou pour d'autres raisons, et qu'un préavis écrit de leur participation envisagée à une telle rupture est donné, soit individuellement par des personnes occupées dans ce service, soit en leur nom par un syndicat enregistré dont ces personnes sont membres, aucune de ces personnes ne pourra être incriminée en vertu du présent paragraphe à moins qu'elle ne rompe ou résilie son contrat de service avant l'expiration d'une période de 28 jours suivant la remise du préavis, ou qu'elle ne respecte pas strictement les termes effectifs du préavis.
    • ....
    • 3. Quiconque incitera, ou, de quelque manière que ce soit, encouragera, persuadera ou influencera une personne occupée dans un service essentiel à rompre ou à résilier son contrat de service ... s'il y a rupture ou résiliation du contrat:
      • a) sans préavis ainsi qu'il est prévu dans les stipulations du paragraphe 1 du présent article; ou
      • b) dans le cas où un tel préavis a été donné et continue de courir, sauf si ce préavis a expiré dans les 28 jours suivant son dépôt, cette personne sera coupable d'infraction et, si sa culpabilité est établie, sera passible d'une amende ne dépassant pas 1.000 dollars ou d'une peine d'emprisonnement ne dépassant pas dix mois ou des deux peines conjuguées.
      Sous l'article 2 (7) "Services essentiels" figurent la circulation aérienne (y compris la météorologie, les télécommunications, la sécurité, les services d'incendie et de secours des aéroports), l'électricité, les services du feu, la santé et l'hygiène, les télécommunications, les eaux et les ports. En vertu de l'article 2 (8), le gouverneur en conseil peut modifier cette liste de services essentiels.
  2. 155. De plus, les plaignants prétendent que l'intention du gouvernement était de nuire aux'syndicats généraux en restreignant par voie de législation les catégories de travailleurs pouvant être représentées par un seul syndicat.
  3. 156. Enfin, le MAWU affirme que les propositions du gouvernement soumises à l'organe législatif prévoyaient les dispositions suivantes: briser la grève en cours en forçant les travailleurs à reprendre le travail sous peine de licenciement sans indemnité; les travailleurs en grève devaient être invités à signer un document déclarant qu'ils ne respecteraient pas leur propre vote en faveur d'une grève du zèle, sous peine de licenciement sans indemnité; le feu serait ouvert sans sommation sur toute personne surprise à endommager des conduites d'adduction d'eau; les travailleurs devaient être contraints de reprendre le travail sous le contrôle de la police et des forces de défense; l'état d'urgence resterait en vigueur jusqu'à ce que les fournitures d'électricité et d'eau soient normalement rétablies.
  4. 157. Dans sa communication du 17 août 1984,- le MAWU prétend que, le 25 juin 1984, le Conseil exécutif a invoqué l'article 16 de l'ordonnance de 1972 sur les services des eaux pour enjoindre à tout le personnel de ce service de reprendre son travail normal dès le jour suivant. L'article 16 est ainsi conçu: Dans l'exercice de ses pouvoirs et dans l'accomplissement des fonctions qui lui incombent en vertu de la présente ordonnance, le service se conformera à toutes les directives générales ou spéciales qui lui ont été données par le gouverneur en conseil. Le syndicat affirme que le projet de loi sur les services essentiels a été accepté en première lecture et qu'il pourrait être adopté sous peu malgré les protestations énergiques de tous les travailleurs et du Conseil des églises locales.
  5. 158. Dans une documentation jointe à ses lettres, le MAWU met en doute les raisons invoquées par le gouvernement lors du dépôt du projet de loi: il admet qu'il y ait eu une pénurie d'eau, que certaines canalisations - installées avant 1920 - aient cédé en raison d'une surpression dans le système d'adduction d'eau et que des traces de vandalisme ont été constatées. Il nie toutefois qu'il y ait eu une crise nationale ou des actes de violence pouvant justifier une telle action. Dans la documentation fournie, il est même suggéré que d'autres personnes ayant une parfaite connaissance du système d'adduction d'eau pourraient être responsables des dommages causés à ces installations. Le service des eaux et le service de l'électricité ont finalement négocié des accords avec leur personnel et le MAWU a donné l'ordre, le 29 juin 1984, de cesser la grève; selon la documentation fournie, les travailleurs ont continué à faire la grève du zèle pendant quelques jours après la conclusion d'un accord définitif.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 159. Dans sa communication du 4 janvier 1985, le gouvernement déclare que les allégations sont sans fondement car son intention était de faire adopter une législation prévoyant des garanties propres à assurer la protection de la collectivité en cas de différend du travail dans les services essentiels tels que ceux de l'électricité et des eaux. Il signale que le projet de loi sur les services essentiels ne met pas la grève hors-la-loi et qu'il n'avait pas été déposé devant l'Assemblée législative avant le 18 juillet 1984, date à laquelle l'action de grève avait déjà cessé. Il précise que le projet de texte doit encore passer en deuxième et en troisième lecture.
  2. 160. D'après le gouvernement, sa proposition tendant à envisager la question de la limitation des catégories de travailleurs représentées par un syndicat unique avait été présentée lors d'une session d'urgence de l'Assemblée législative, le 28 juin 1984; cette proposition était liée au problème du syndicat unique qui utilise sa position en tant que représentant des travailleurs dans plus d'un service d'utilité publique pour exercer une pression sur le gouvernement en entreprenant des actions de solidarité. Le gouvernement indique que rien n'a été fait pour donner suite à cette proposition.
  3. 161. En ce qui concerne les autres points soulevés par le MAWU, le gouvernement indique que, le 25 juin 1984, le gouverneur a déclaré l'état d'urgence en raison de la détérioration du système d'adduction d'eau dans certaines zones, à la suite de quoi un hôpital ne recevait plus d'eau, ce qui avait provoqué la vive préoccupation du médecin-chef. Un autre facteur ayant influé sur la déclaration du gouverneur était le fait que, dès que des réparations avaient été effectuées sur le système d'adduction d'eau par le service des eaux et par des volontaires, les canalisations étaient à nouveau brisées ou endommagées pendant la nuit.
  4. 162. Selon le gouvernement, les travailleurs du service des eaux avaient été informés de l'état d'urgence: ils devaient reprendre le travail le 26 juin 1984, faute de quoi le gouverneur recruterait d'autres travailleurs pour effectuer les travaux essentiels au rétablissement du ravitaillement en eau. Cette mesure s'imposait devant les risques rapidement croissants pour la santé publique. Le gouvernement déclare qu'à aucun moment les travailleurs n'ont été obligés de reprendre le travail et que, en tout état de cause, les travailleurs du service des eaux ont repris le travail de leur propre initiative, le 26 juin 1984. En ce qui concerne les travailleurs de l'électricité, le syndicat avait accepté une reprise du travail le 29 juin 1984 mais avait déclaré que les travailleurs observeraient une grève du zèle. La direction du service des eaux a alors décidé qu'une reprise conditionnelle du travail était inacceptable et, en définitive, les travailleurs ont repris normalement leurs activités.
  5. 163. En ce qui concerne le rôle de la police et des forces de défense durant l'état d'urgence et la durée de celui-ci, le gouvernement déclare que la police est responsable de la protection du système d'approvisionnement en eau et en électricité pendant toute la durée de l'état d'urgence. Pour assumer cette responsabilité, des policiers armés patrouillaient le long du système d'adduction d'eau durant la nuit et gardaient également la centrale électrique. Bien que ces hommes fussent armés, leurs armes ne devaient leur servir que pour se défendre. Les volontaires de la force territoriale de défense n'avaient pas été mobilisés durant l'état d'urgence bien qu'ils fussent en alerte avec un préavis de trois heures. Toutefois, neuf volontaires civils qui avaient aidé à réparer les canalisations d'eau pendant deux jours appartenaient également à la force de défense. Ces hommes portaient des vêtements civils et n'étaient pas armés, mais on aurait pu supposer qu'ils participaient à ces travaux en leur qualité de membres de la force de défense; une telle supposition aurait été erronée. Le gouvernement déclare que le gouverneur a jugé nécessaire de prolonger l'état d'urgence pendant trois jours après le retour au travail de manière a être sûr que les services étaient assurés normalement. L'état d'urgence a été finalement levé le 3 juillet 1984.
  6. 164. En conclusion, le gouvernement estime que, étant donné que les allégations concernent des incidents qui se sont produits au cours de l'état d'urgence et qu'à aucun moment au cours du différend les travailleurs se sont vu dénier le droit de grève ou de se faire représenter par le MAWU, les conventions de l'OIT n'ont pas été enfreintes.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 165. Le présent cas concerne le dépôt d'un projet de loi sur les services essentiels au cours d'une grève, survenue en juin 1984, des travailleurs des services des eaux et de l'électricité, ainsi que des allégations sur des propositions tendant à limiter les effectifs syndicaux et sur l'obligation pour les travailleurs en grève de reprendre le travail sous peine d'être licenciés sans indemnité.
  2. 166. Le comité note que la proposition du gouvernement d'envisager de limiter les actions de solidarité en restreignant les effectifs syndicaux n'a pas eu de suite et il estime par conséquent qu'il n'y a pas lieu d'examiner cet aspect du cas.
  3. 167. Le comité rappelle que le recours à la grève est un des moyens légitimes dont doivent pouvoir disposer les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts économiques et sociaux. Cependant, en ce qui concerne le projet de loi sur les services essentiels mentionné dans la plainte, et qui, ainsi que le comité l'a noté, a été soumis à l'Assemblée législative le 18 juillet 1984, le comité observe tout d'abord que le projet n'interdit pas la grève mais impose un délai d'attente de 28 jours. Cette disposition en elle-même n'est pas contraire aux principes de la liberté syndicale dans la mesure où une telle procédure n'est pas assez lourde pour empêcher en pratique une action légale de grève. [Voir Liberté syndicale et négociation collective, Etude d'ensemble de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, 1983, BIT, rapport III, partie 4B, paragr. 219.]
  4. 168. En ce qui concerne la nature des services auxquels le projet de texte s'applique, le comité souhaite faire ressortir qu'il a, dans le passé, estimé que le recours à la grève peut être limité - voire interdit - dans les services essentiels au sens strict du terme, par exemple dans les services de contrôle du trafic aérien [voir 211e rapport, cas no 1074 (Etats-Unis), paragr. 365], de santé et d'hygiène [voir 299e rapport, cas no 910 (Grèce), paragr. 117] et d'approvisionnement en eau [voir 234e rapport, cas no 1079 (République dominicaine), paragr. 299], c'est-à-dire dans des services dont l'interruption mettrait en danger la vie, la sécurité personnelle ou la santé de la personne dans l'ensemble ou dans une partie de la population. Les restrictions dans ces services devraient être compensées par des procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées impartiales et rapides aux diverses étapes desquelles les parties intéressées devraient pouvoir participer.
  5. 169. Dans le passé, le comité a émis l'opinion que des services tels que les services portuaires (cas no 589, paragr. 90, Inde, 118e rapport), les télécommunications (cas no 1131, paragr. 779, Haute-Volta, 218e rapport) n'étaient pas essentiels au sens strict du terme et que, par conséquent, les restrictions touchant la grève ne devaient pas s'y appliquer. Etant donné que le projet de texte sur les services essentiels dont il est question dans le présent cas énumère les services susmentionnés comme étant des services essentiels et donne pouvoir au gouverneur en conseil de modifier la liste de ces services, le comité souhaite demander au gouvernement d'envisager la possibilité de supprimer le pouvoir discrétionnaire du gouverneur en conseil, de modifier la liste et de supprimer dans ce projet de texte les services qui ne sont pas strictement essentiels, compte tenu de la définition ci-dessus. Le comité renvoie cet aspect du cas a la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
  6. 170. En ce qui concerne le rôle de la police et des forces de défense pendant le différend du travail, le comité note les explications du gouvernement selon lesquelles seuls des hommes de la police ont été requis pendant les neuf jours qu'a duré l'état d'urgence pour protéger les installations de fourniture d'eau et d'électricité. A cet égard, le comité note également que les plaignants ont reconnu qu'il y avait eu des traces de vandalisme mais ont mis en doute la responsabilité des grévistes à cet égard. Dans le passé, le comité a recommandé de ne pas retenir d'allégations concernant l'intervention des forces de sécurité lorsque les faits montrent qu'une telle intervention se limitait au maintien de l'ordre public et ne restreignait pas l'exercice légitime du droit de grève. [Voir 197e rapport, cas no 915 (Espagne), paragr. 473.] Dans le présent cas, le comité note que les informations fournies par les plaignants sont insuffisantes pour prouver que le rôle de la police dans le présent différend est sorti du cadre du maintien de l'ordre et de la protection des installations.
  7. 171. Enfin, et d'une façon générale, en ce qui concerne la déclaration de l'état d'urgence au cours de la grève, le comité a souligné que les mesures spéciales de restriction du libre exercice des droits syndicaux devraient se limiter dans le temps et dans leur portée à la période immédiate de l'état d'urgence [voir 214e rapport, cas nos 997, 999 et 1029 (Turquie), paragr. 571.] Dans le cas présent, le comité note que les travailleurs du service des eaux ont cessé de faire grève le 26 juin 1984 conformément aux dispositions particulières de l'ordonnance sur les services des eaux, et que les travailleurs de l'électricité ont repris normalement le travail le 29 juin 1984, l'état d'urgence ayant été levé le 3 juillet. Etant donné que les mesures d'urgence se sont limitées à la durée du différend et compte tenu de la nature des services sur lesquels portait le différend, le comité estime que les allégations de violation des droits syndicaux n'ont pas été prouvées.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 172. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • a) Le comité estime que les allégations concernant une proposition tendant à limiter des actions de grève de solidarité et les circonstances entourant la déclaration de l'état d'urgence durant la grève de juin 1984 des travailleurs de l'eau et de l'électricité n'appellent pas un examen plus approfondi.
    • b) Le comité rappelle que le recours à la grève est un des moyens légitimes dont doivent pouvoir disposer les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts économiques et sociaux.
    • c) En ce qui concerne le dépôt d'un projet de loi sur les services essentiels, le comité invite le gouvernement à envisager de supprimer le pouvoir discrétionnaire du gouverneur en conseil et de modifier la liste des services essentiels figurant dans ce projet de façon à garantir que les restrictions au recours à la grève ne s'appliquent qu'aux services qui sont essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire à ceux dont l'interruption risquerait de mettre en danger la vie, la santé ou la sécurité des personnes dans tout ou partie de la population.
    • d) Le comité renvoie l'aspect ci-dessus du présent cas à la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer