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- 269. Le comité a déjà examiné ce cas à deux reprises 239e rapport (mai 1985), paragr. 259 à 275, et 243e rapport (fév. 1986), paragr. 419 à 446.), la première fois sans avoir reçu les informations et observations du gouvernement en dépit d'un appel pressant, la seconde après que la mission de contacts directs souhaitée par le gouvernement pour résoudre les problèmes syndicaux soulevés par les diverses plaintes contre le Honduras se soit rendue dans le pays et ait rédigé son rapport. Le problème resté en suspens après le dernier examen du cas est la situation des enseignants destitués à la suite de la grève de 1982, au sujet de laquelle le gouvernement avait envoyé des informations détaillées mais sur laquelle un compte rendu exact était attendu du comité directeur du Collège professionnel pour l'amélioration de l'enseignement au Honduras (COLPROSUMAH) non reconnu. A ce jour, le comité n'a reçu aucune information sur cet aspect du cas.
- 270. Des allégations supplémentaires ont été transmises au comité le 18 février 1986 par une lettre de la CMOPE, complétée par une communication du COLPROSUMAH et de nombreux articles de la presse hondurienne. La CMOPE a envoyé des informations complémentaires dans des communications du 6 mars, du 23 mai et du 4 novembre 1986.
- 271. Le gouvernement du Honduras a transmis ses observations dans des communications en date du 20 mars, du 2 mai et du 5 novembre 1986 et du 9 mars 1987.
- 272. Le Honduras a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Nouvelles allégations de l'organisation plaignante
A. Nouvelles allégations de l'organisation plaignante
- 273. Dans sa communication du 18 février 1986, la CMOPE allègue que le 11 février précédent quelque 300 membres du Syndicat authentique des enseignants COLPROSUMAH conduits par leur présidente, Mme Rosario Avila de Dominguez, ont récupéré sans violence la "Casa del maestro" (siège du COLPROSUMAH) à Tegucigalpa qui avait été prise par un groupe dissident d'enseignants soutenu par l'ancien gouvernement du Honduras. La CMOPE relate que, tôt le matin du 14 février à 2 h 30, la "Casa del maestro" a été occupée de nouveau par le groupe dissident illégitime d'enseignants, dirigé par M. Pablo Portillo, haut fonctionnaire du ministère de l'Education, et accompagné de corps paramilitaires. Il est précisé que 25 personnes capuchonnées et fortement armées ont assailli le siège avec violence, ce qui a causé plusieurs blessés parmi les membres du COLPROSUMAH authentique, dont l'un très gravement; les professeurs Luis Alonzo Cartagena, Adalid Ramos, Victor Cache Morales et Nicolas Romero Santos, employé du syndicat, ont été gravement blessés tandis que les professeurs Rául Mejía, Ramón Vallecillo et Margoth Mejéa ont été frappés sauvagement. Les faits ont été relatés par divers témoins et par la presse.
- 274. La CMOPE a transmis des informations complémentaires le 6 mars 1986, notamment la copie d'une lettre du Comité authentique central exécutif du COLPROSUMAH envoyée au chef des forces armées du Honduras pour dénoncer l'action du 14 février par des individus fortement armés, parmi lesquels se trouvaient des personnes liées aux corps de sécurité de l'Etat, et pour demander qu'une enquête exhaustive sur les faits soit effectuée.
- 275. Une autre communication de la CMOPE, datée du 23 mai 1986, fait une analyse de la situation syndicale des enseignants du Honduras. L'organisation plaignante déclare que le "groupe" COLPROSUMAH, reconnu par le gouvernement, ne représente pas les enseignants du pays et que, pourtant, rentré en possession des locaux de ce syndicat et de ses biens, il reçoit les cotisations syndicales en vertu d'une décision gouvernementale et contrôle les fonds des pensions des enseignants, c'est-à-dire toute la structure mise en place depuis des années au Honduras par les enseignants. La CMOPE allègue que c'est le groupe COLPROSUMAH non reconnu qui est le véritable représentant des enseignants du pays, ce qui est indiqué clairement par le fait que 300 délégués de 78 sections syndicales sur un total de 89 étaient représentés au dernier congrès (décembre 1985) et que, malgré cela, le comité exécutif démocratiquement élu n'a accès ni aux locaux ni aux biens du syndicat. En dernier lieu, l'organisation informe le comité que le litige a été soumis à un tribunal qui a tranché en faveur du petit groupe soutenu par le gouvernement.
- 276. La dernière communication de la CMOPE date du 4 novembre 1986 et relate que le gouvernement n'a toujours pas reconnu le Syndicat authentique COLPROSUMAH mais, en revanche, a reconnu un petit groupe de personnes qui le soutient et qui a été créé par l'ancien gouvernement de M. Suazo Cordoba, ce qui représente, selon l'organisation plaignante, une violation de l'article 2 de la convention no 87. La CMOPE informe le comité qu'une reconnaissance de fait du COLPROSUMAH authentique a eu lieu lorsque le ministre de l'Education a accordé, le 16 juillet 1986, un congé pour raisons syndicales à trois dirigeants syndicaux enseignants, décision prise en vertu de l'article 71 de la loi du COLPROSUMAH et annulée les 16 et 17 septembre 1986; des copies des lettres sont envoyées en annexe à la communication de la CMOPE. Cette dernière indique en outre que, le 29 septembre 1986, le Président de la République du Honduras a créé par une décision no 4764-EP-86 un groupe de travail pour les propositions de hausses des salaires en 1987, travaux auxquels a participé un représentant de l'authentique COLPROSUMAH, ce qui, de l'avis de l'organisation plaignante, est une reconnaissance implicite par le gouvernement du groupe d'enseignants majoritaire. Toutefois, la CMOPE signale que, pour la publication des conclusions du groupe, la signature de ce représentant a été remplacée par celle de M. Roberto López Tinoco, représentant du groupe minoritaire, appuyé par le gouvernement, bien qu'il n'ait participé ni aux négociations ni aux travaux du groupe. Par conséquent, les autres syndicats présents - COPRUM, COPEMH et PRICPHMA - ont protesté dans une déclaration conjointe du 8 octobre 1986 annexée à la lettre de la CMOPE.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 277. Dans sa lettre du 2 mai 1986, le gouvernement du Honduras déclare reconnaître que les faits évoqués par la CMOPE sont bien survenus mais que le gouvernement central y est resté étranger. Toutefois, il indique que le Congrès national a formé une commission d'enquête pour déterminer les faits et les causes à l'origine de la scission du mouvement des enseignants. Le gouvernement a assuré le comité que, dès que les résultats de cette commission seraient connus, il l'en informerait. Pour conclure, le gouvernement a exprimé sa volonté de ne pas s'ingérer dans les affaires des organisations sociales et de voir se régler le conflit interne du COLPROSUMAH par la tenue d'un congrès extraordinaire avec tous les affiliés.
- 278. Le 5 novembre 1986, le gouvernement a informé le comité que le ministère de l'Education a fait appel au bon sens des intéressés afin qu'ils résolvent leur différend de façon pacifique. Pour ce faire, il indique que la commission d'enquête précitée devrait permettre de trouver une solution, et le plébiscite qu'elle a proposé pourrait clarifier la situation et donner la possibilité à tous les gens de la profession enseignante d'exprimer leur opinion; cependant, les membres de la direction appelée authentique ont fait preuve d'intransigeance et n'ont pas accepté cette alternative. Le gouvernement ajoute que l'Institut national de prévision de l'enseignement (INPREMA) a suspendu la représentation du COLPROSUMAH par une résolution no 324 (III) du 18 février 1986; il a été interjeté appel de cette décision devant la première Cour d'appel qui, par un jugement du 23 avril 1986, a accepté sans réserve et à l'unanimité les professeurs Roberto López Tinoco et Idalia Portillo de Zelaya comme représentants à partir du certificat du 13 décembre 1984 et jusqu'au 13 décembre 1986; en même temps, la cour a annulé la résolution du 18 février. Le gouvernement déclare que le Président de la République a montré la meilleure volonté possible pour que le conflit soit résolu dans la mesure où les circonstances le permettent; il a nommé une commission du travail par un accord no 4764-EP-86 du 29 septembre 1986, afin d'étudier, d'analyser et de proposer des alternatives concernant le projet d'augmentation générale des traitements pour 1987 des enseignants rattachés au secrétariat de l'Education publique, commission à laquelle ont été intégrés les représentants légalement reconnus des collèges de l'enseignement, dont le COLPROSUMAH. Le gouvernement conclut en disant que cette commission a atteint son objectif par la signature, le 8 octobre, d'une convention passée entre le gouvernement et les représentants de l'enseignement.
- 279. Dans une dernière lettre du 9 mars 1987, le gouvernement fait part au comité des derniers développements de l'affaire, lesquels, selon lui, se sont déroulés dans un climat de liberté et de tranquillité sans interventionnisme de quelque nature que ce soit. En vertu du règlement interne du COLPROSUMAH, des élections se sont tenues le 21 février 1987 afin de procéder à la désignation pour deux ans des nouveaux dirigeants du collège. A cause de leurs dissensions, les deux factions, "l'authentique" et la "démocrate", ont élu leurs représentants respectifs unilatéralement. De ce fait, afin d'obtenir la reconnaissance officielle et la légitimité des comités élus, chacune des factions a comparu devant le Tribunal d'honneur du COLPROSUMAH, chargé de régler le conflit en accord avec le règlement interne qui le régit. Le gouvernement envoie en annexe à sa lettre un certificat daté du 25 février 1987 émanant du président et du secrétaire de l'intérieur du comité exécutif démocrate et fixant, lors du congrès ordinaire du 13 décembre 1986, les listes du comité central exécutif du COLPROSUMAH, du Tribunal d'honneur et du comité administratif.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 280. Lorsque le comité avait examiné ce cas à ses réunions de mai 1985 et de février 1986, deux questions avaient été soulevées. La première concernait l'ingérence alléguée du gouvernement dans les statuts d'une organisation et dans les élections de dirigeants syndicaux par l'adoption d'une loi de 1983 régissant le statut de l'organisation de personnel enseignant COLPROSUMAH. Le comité avait souligné avec fermeté qu'en ratifiant la convention no 87 le gouvernement s'était engagé à accorder aux organisations de travailleurs le droit d'élaborer leurs propres statuts et règlements administratifs et d'élire librement leurs représentants. Le comité avait demandé en conséquence au gouvernement de lui indiquer les mesures qu'il pensait adopter pour abroger les dispositions de la législation nationale qui sont incompatibles avec la convention et permettre à l'organisation en cause d'élaborer ses propres statuts, conformément à l'article 3 de la convention no 87. La seconde question concernait la non-réintégration dans leur emploi d'un certain nombre d'enseignants nommément désignés (31 au total) licenciés à la suite d'une grève en 1982. Le comité avait estimé que les licenciements pour fait de grève constituaient une grave discrimination en matière d'emploi pour exercice d'activités syndicales licites, laquelle était contraire à la convention no 98, ratifiée par le Honduras, et il avait insisté auprès du gouvernement pour que ce dernier indique les mesures qu'il pensait adopter pour obtenir la réintégration dans leur emploi des enseignants licenciés. Le comité avait différé l'examen de cette allégation en attendant du comité directeur non reconnu du COLPROSUMAH un compte rendu exact de la situation des enseignants destitués. Malgré sa demande, le comité n'a toujours pas reçu ces informations.
- 281. Au vu des nouvelles allégations, le comité relève que le conflit qui avait surgi entre les deux factions du COLPROSUMAH, le comité dit authentique et le comité dit démocrate, à la suite de la grève de 1982 qui a donné lieu à une scission, n'a pas encore été réglé.
- 282. Tout d'abord, le comité constate avec regret que ce conflit a dégénéré en violence lorsque le comité directeur reconnu par le gouvernement a voulu reprendre possession des locaux du COLPROSUMAH alors occupés par le comité directeur non reconnu. Le comité relève que, d'après l'organisation plaignante, l'assaut a été donné durant la nuit, à 2 h 30 du matin, ce qui paraît en soi au comité significatif de la part d'une faction qui se considère légitime et dans son bon droit pour récupérer des locaux qu'elle estime lui appartenir en toute légalité. Le comité note que l'allégation selon laquelle le commando armé aurait été dirigé par un haut fonctionnaire du ministère de l'Education n'a pas été contestée par le gouvernement et a au contraire donné lieu à l'établissement par le Congrès national d'une commision d'enquête devant examiner les faits ainsi que les causes de la scission de la représentation des enseignants. Cependant, le comité note que le plébiscite proposé par cette commission en vue de clarifier la situation et de donner la possibilité à tous les enseignants d'exprimer leur opinion a été refusé par le comité directeur non reconnu. Le comité estime regrettable que les parties durcissent leur position étant donné que la seule issue au conflit lui paraît être la voie de la négociation et du dialogue.
- 283. D'après les commentaires du gouvernement, contenus dans sa communication du 5 novembre, le comité relève que le comité directeur reconnu du COLPROSUMAH a été accepté par voie judiciaire comme comité légitime. Toutefois, le comité rappelle que la base législative du COLPROSUMAH est désormais la loi organique de 1983, décret no 170-83, contestée par le comité directeur non reconnu puisqu'elle a été adoptée par le Congrès national sans la participation du COLPROSUMAH mais à la demande du comité directeur reconnu par les autorités; par conséquent, le comité croit comprendre que toute décision, même judiciaire, adoptée en application de ce texte serait inacceptable pour la faction dite authentique du COLPROSUMAH.
- 284. Il semble au comité que le gouvernement manifeste la volonté de résoudre le conflit de façon acceptable pour les deux parties. Dans ce sens, le comité relève que le Président de la République a désigné, le 29 septembre 1986, une commission du travail destinée à discuter des augmentations pour l'année 1987, des traitements des enseignants, et aux travaux de laquelle, d'après l'organisation plaignante, le comité directeur non reconnu aurait participé, ce qui, selon elle, représente une reconnaissance de fait de ce groupe, dit authentique, par le gouvernement. Toutefois, d'après les plaignants, le document final adopté par la commission n'a pas été signé par tous les participants puisque seule apparaît la signature, comme représentant du COLPROSUMAH, du président du comité directeur reconnu, M. Roberto Lopez Tinoco, qui, lui, n'aurait pas participé aux travaux. Le comité note que le gouvernement n'a pas répondu à cette allégation.
- 285. En ce qui concerne le stade actuel de l'affaire, le comité relève que des élections ont eu lieu le 21 février 1987 au sujet desquelles il ne dispose pas d'informations de la part des plaignants, mais seulement du gouvernement. Le comité constate qu'à cause de leurs divergences les deux factions ont procédé à des élections séparées et qu'une procédure est en cours devant le Tribunal d'honneur du COLPROSUMAH afin de trancher la question de la légitimité de l'un ou de l'autre des comités directeurs nouvellement élus. Le comité est préoccupé par le fait que, comme le montre le certificat du COLPROSUMAH annexé à la lettre du gouvernement du 9 mars 1987, le Tribunal d'honneur est désigné en même temps et par les mêmes personnes que le comité directeur. En conséquence, le comité se demande si un litige relatif à de telles élections peut être équitablement tranché par un organe investi d'autorité au même titre que l'une des parties en cause.
- 286. Dans ces conditions, le comité considère que le conflit existant relève de la gestion interne d'une organisation professionnelle, pour lequel il ne lui appartient pas de se prononcer, sauf si le gouvernement est intervenu d'une manière qui pourrait affecter l'exercice des droits syndicaux et le fonctionnement normal d'une organisation. (Voir 217e rapport, cas no 1086 (Grèce), paragr. 93.)Or, comme le comité l'a déjà signalé lors des précédents examens du cas, il y a eu, à son avis, des ingérences gouvernementales dans cette affaire allant dans le sens de favoriser une faction au détriment de l'autre, en particulier par l'adoption de la loi organique du COLPROSUMAH, en 1983, sur laquelle est basée à l'heure actuelle la légitimité du comité directeur du COLPROSUMAH reconnu par le gouvernement. Le comité attire l'attention du gouvernement sur le principe général selon lequel la liberté syndicale implique le droit pour les travailleurs (et les employeurs) d'organiser leur gestion et leurs activités sans aucune intervention des autorités publiques. Le comité reconnaît que le gouvernement est prêt à jouer un rôle dans la résolution du conflit existant et estime qu'il pourrait le faire sans ingérence dans la gestion et les activités de l'organisation, en favorisant par exemple de façon active un processus de conciliation par des mécanismes appropriés acceptables par les parties et en promouvant aussi la tenue d'élections libres et complètes susceptibles de déterminer la représentativité de chacune des factions.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 287. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie instamment le gouvernement de respecter le principe de la non-ingérence des autorités publiques dans la gestion et les activités des syndicats, tel qu'énoncé ci-dessus.
- b) Il suggère au gouvernement de favoriser des procédures de conciliation impartiales et acceptables pour les deux parties afin de résoudre le conflit existant au sein du COLPROSUMAH et de le tenir informé de tout développement de la situation.
- c) En ce qui concerne les allégations d'actes de violence à l'encontre du comité directeur non reconnu du COLPROSUMAH, il demande au gouvernement de le tenir informé des résultats de l'enquête parlementaire en cours sur le déroulement des faits.