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- 524. La plainte figure dans une communication de la Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante (CMOPE) du 22 mars 1984. La CMOPE a envoyé des renseignements complémentaires dans une communication du 28 mars 1984. Le gouvernement a répondu par une communication du 17 mai 1984.
- 525. Le Salvador n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 526. Selon l'organisation plaignante, au cours de la matinée du 16 mars 1984, la police nationale salvadorienne a fait une perquisition dans les locaux de l'organisation du personnel enseignant d'El Salvador "ANDES 21 juin". L'organisation plaignante exprime sa préoccupation de ce que la police a confisqué des listes où figurent le nom et l'adresse de tous les membres de l'organisation locale en cause. Elle ajoute, à propos du contexte dans lequel s'inscrit cette mesure, que, depuis 1979, plus de 300 enseignants ont été assassinés par des escadrons de la mort d'extrême-droite et des groupes paramilitaires, essentiellement en raison de leur affiliation à l'ANDES. C'est pourquoi cette perquisition et la confiscation des listes d'adresses ne peuvent s'interpréter que comme une mesure d'intimidation contre l'ANDES, d'autant plus qu'un haut fonctionnaire de l'état et des membres de l'extrême-droite ont formulé des menaces contre l'organisation et ses membres.
- 527. L'organisation plaignante signale qu'elle craint, non seulement que les renseignements sur les enseignants syndiqués ne servent de base à de nouvelles actions de la police, mais encore qu'ils ne soient communiqués à des groupes de droite prétendument indépendants responsables de divers assassinats et agressions, car il s'est produit une série de faits qui montrent clairement que les forces de sécurité n'ont pas su, ou voulu, protéger l'organisation et garantir son libre fonctionnement.
- 528. La CMOPE allègue aussi que les services postaux font l'objet d'ingérences dont le but manifeste est de faire obstacle aux communications et à la coopération entre l'ANDES et elle-même, la CMOPE, à laquelle l'ANDES est affiliée. Ainsi, bien que l'ANDES n'ait pas changé d'adresse, la correspondance que lui envoie la CMOPE n'arrive pas ou est retournée avec la mention "destinataire parti sans laisser d'adresse".
- 529. Enfin, l'organisation plaignante allègue que les menaces qui pèsent sur l'ANDES l'empêchent de tenir régulièrement et normalement ses réunions.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 530. Le gouvernement déclare que l'organisation "ANDES 21 juin" n'est pas un syndicat, mais une association générale de professeurs, régie par une loi spéciale et non par le Code du travail. C'est pourquoi le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale n'a rien à voir avec elle.
- 531. Le gouvernement ajoute qu'il faut comprendre que l'état d'exception est en vigueur au Salvador, ce qui implique une restriction de certaines garanties constitutionnelles, et que l'association de professeurs en question a déclaré publiquement qu'elle adhérait au Front démocratique révolutionnaire (FDR), lequel, avec le FMLN, constitue le front politique et militaire qui a déclaré la guerre au gouvernement suprême d'El Salvador. Comme il est logique dans de telles circonstances, les autorités procèdent à des enquêtes au sujet des personnes qui appartiennent à ce front extrémiste ou aux organisations qui le soutiennent et, pour des raisons de sécurité, les locaux de ces organisations sont visités.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 532. Le comité observe que la présente plainte concerne la perquisition dans les locaux de l'organisation "ANDES 21 juin" et la confiscation de listes de ses membres, ainsi que l'interception de la correspondance adressée à ladite organisation. L'organisation plaignante a souligné sa crainte de voir les listes en question communiquées à des groupes d'extrême-droite qui, depuis 1979, auraient assassiné des centaines de membres d"'ANDES 21 juin".
- 533. Le comité prend note des déclarations du gouvernement et en particulier du fait que, selon lui, 1"'ANDES 21 juin" ne serait pas un syndicat, mais une association générale de professeurs régie par une loi spéciale. A cet égard, le comité observe qu"'ANDES 21 juin" est! une organisation affiliée à une organisation syndicale internationale (la Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante) et qu'elle est composée d'enseignants. Dans ces conditions, tout paraît indiquer qu"'ANDES 21 juin" est une organisation de travailleurs qui a pour objet de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs. Cependant, le comité demande au gouvernement d'indiquer si la législation nationale reconnaît "ANDES 21 juin" les garanties prévues par la convention no 87.
- 534. Le comité note d'autre part que le gouvernement reconnaît qu'une perquisition a été effectuée dans les locaux d"'ANDES 21 juin" et que les membres de cette organisation ont fait l'objet d'enquêtes.
- Le comité observe que le gouvernement justifie ces mesures en invoquant l'état d'exception, ainsi que des raisons de sécurité tenant à ce qu"'ANDES 21 juin" a déclaré publiquement qu'elle adhérait à l'une des organisations formant le front politique et militaire qui a déclaré la guerre au gouvernement.
- 535. Le comité observe néanmoins que le gouvernement n'a pas expliqué les raisons concrètes pour lesquelles la perquisition alléguée avait été effectuée. Le comité estime à cet égard que, puisqu'il s'agit d'une organisation ayant existence légale, "ANDES 21 juin" devrait être traitée sur pied d'égalité avec les autres organisations de travailleurs et pouvoir exercer pleinement les droits syndicaux.
- 536. A cet égard, le comité déplore que les locaux d'"ANDES 21 juin" aient fait l'objet d'une perquisition avec confiscation de listes de ses membres sans que, semble-t-il, un mandat judiciaire eût été délivré à cette fin. Le comité appelle l'attention du gouvernement sur le fait que les perquisitions dans les locaux syndicaux ne devraient avoir lieu que sur mandat de l'autorité judiciaire ordinaire, lorsque cette autorité est convaincue qu'il y a de solides raisons de supposer qu'on trouvera sur les lieux les preuves nécessaires à la poursuite d'un délit de droit commun, et à la condition que la perquisition soit limitée aux objets qui ont motivé la délivrance du mandat. [Voir, par exemple, Etude d'ensemble de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, rapport III, partie 4B, Conférence internationale du Travail, 69e session, 1983, paragr. 69.1
- 537. De façon plus générale, eu égard au contexte historique dans lequel s'inscrivent les allégations et au nombre élevé de membres d"'ANDES 21 juin" qui, selon les plaignants, auraient été assassinés depuis 1979, ou auraient fait l'objet de menaces, le comité signale à l'attention du gouvernement que la liberté syndicale ne peut s'exercer que dans une situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l'homme, en particulier du droit à l'inviolabilité et à la sécurité de la personne. [Voir, par exemple, 233e rapport, cas no 1233 (El Salvador), paragr. 682.1 Le comité prie le gouvernement de prendre des mesures pour mettre fin à la persécution dont font l'objet "ANDES 21 juin" et ses membres et pour faire en sorte que ceux-ci puissent exercer pleinement leurs droits syndicaux.
- 538. En ce qui concerne l'allégation relative à l'interception de la correspondance adressée par la CMOPE à "ANDES 21 juin", le comité désire signaler que le principe selon lequel toute organisation de travailleurs a le droit de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs implique le droit des organisations syndicales nationales et internationales de maintenir des contacts. [Voir, par exemple, 233e rapport, cas no 1228 (Pérou), paragr. 184.1 Le comité prie le gouvernement de procéder à une enquête au sujet de l'interception de correspondance alléguée.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 539. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et, en particulier, les conclusions suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement d'indiquer si la législation nationale reconnaît à l'organisation dénommée "ANDES 21 juin" les garanties prévues par la convention no 87.
- b) Le comité déplore que les locaux d"'ANDES 21 juin" aient fait l'objet d'une perquisition avec confiscation de listes de membres de l'organisation, sans que, semble-t-il, un mandat judiciaire eût été délivré à cette fin. Le comité signale à l'attention du gouvernement que les perquisitions dans les locaux syndicaux ne devraient avoir lieu que sur mandat de l'autorité judiciaire ordinaire, lorsque cette autorité est convaincue qu'il y a de solides raisons de supposer qu'on trouvera sur les lieux les preuves nécessaires à la poursuite d'un délit de droit commun, et à la condition que la perquisition soit limitée aux objets qui ont motivé la délivrance du mandat.
- c) Le comité signale à l'attention du gouvernement que la liberté syndicale ne peut s'exercer que dans une situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l'homme, en particulier du droit à l'inviolabilité et à la sécurité de la personne. Il prie le gouvernement de prendre des mesures pour mettre fin à la persécution dont font l'objet "ANDES 21 juin" et ses membres et pour que ceux-ci puissent exercer pleinement leurs droits syndicaux.
- d) En ce qui concerne l'allégation relative à l'interception de la correspondance adressée par la CMOPE à "ANDES 21 juin", le comité désire signaler que le principe selon lequel toute organisation de travailleurs a le droit de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs implique le droit des organisations syndicales nationales et internationales de maintenir des contacts. Le comité prie le gouvernement de procéder à une enquête au sujet de l'interception de correspondance alléguée.