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- 301. Par une communication datée d'octobre 1982, le syndicat Solidarité du personnel navigant commercial de Cyprus Airways (CACAU-Solidarité) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux à Chypre. Des informations complémentaires à l'appui de la plainte ont été communiquées les 28 octobre, 5 et 8 novembre et 17 décembre 1982. Le gouvernement a envoyé sa réponse dans des communications datées des 28 décembre 1982 et 27 janvier 1983.
- 302. Chypre a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant
- 303. Le Syndicat Solidarité du personnel navigant commercial de Chypre (CACAU-Solidarité) allègue avoir été créé récemment pour représenter 95 pour cent du personnel navigant, mais l'employeur Cyprus Airways Ltd. - a refusé d'avoir un entretien avec lui et a entrepris une campagne de menaces et de pressions sur les membres de ce nouveau syndicat dans le but de les obliger à retourner à l'ancien syndicat, qui représente le personnel au sol et qui est, selon le plaignant, sous l'influence de l'employeur et principal actionnaire, le gouvernement de Chypre. Parmi les pressions exercées, le plaignant cite des rumeurs selon lesquelles les membres du Syndicat CACAU-Solidarité seront suspendus et de longs interrogatoires de syndiqués par une commission d'enquête nommée par l'employeur.
- 304. Dans sa communication du 28 octobre 1982, CACAU-Solidarité Explique le cas de son secrétaire général, M. A.N. Zivanas, qui, après l'arrivée le samedi 25 septembre 1982 d'un vol pour lequel il manquait 62 repas, a déposé un rapport le lundi matin suivant, il a été interrogé par une commission d'enquête et accusé d'abus de pouvoir en faveur de son syndicat: après un nouvel interrogatoire par le directeur général au sujet du vol, il a été suspendu - l'ordre de suspension étant muet sur les modalités de paiement et la durée. Selon le plaignant, une commission d'enquête a été nommée, mais M. Zivanas n'a été informé de son existence qu'au moment où il a été convoqué pour un interrogatoire: il n'a pas été informé non plus des accusations portées contre lui. A titre de sanction, il a eu le choix entre une mutation au département du fret ou le licenciement. Le plaignant déclare qu'il a porté l'affaire devant le Tribunal des différends du travail en alléguant des mesures de discrimination antisyndicale, et le dirigeant syndical a accepté sa mutation "contre son gré" en attendant le jugement du tribunal.
- 305. Dans sa lettre du 5 novembre 1982, le plaignant déclare qu'un certain nombre de stewards et d'hôtesses de l'air ont été menacés directement ou indirectement par des cadres de la compagnie de perdre leur emploi s'ils s'affiliaient au syndicat plaignant: ce dernier se réserve de fournir les noms et les renseignements concernant ces cas au tribunal. Cependant, le plaignant donne des renseignements sur le cas d'un steward, M. N. Matsentides, qui avait demandé avant un vol de vérifier le contenu des bars hors taxes avant de signer les documents douaniers pertinents. On l'a ensuite débarqué de l'avion et suspendu de ses fonctions pour le reste de la journée en alléguant qu'il avait outrepassé les attributions d'un steward. Le plaignant allègue aussi que la compagnie a commencé à embaucher du personnel en prévision d'une grève du plaignant appuyant sa demande de reconnaissance officielle au ministère du Travail. La lettre du plaignant du 8 novembre 1982 ajoute les noms de son président, M. T. Stylianou, et des membres du comité Mlle S. Papadopoulou et M. A. Hadjinicolaou à la liste des dirigeants syndicaux menacés.
- 306. Le 17 décembre 1982, le plaignant a envoyé des informations complémentaires alléguant qu'il est en butte à un effort concerté de l'employeur, de la Confédération des travailleurs de Chypre et du Syndicat des employés de Cyprus Airways (SYNYKA) visant à dissoudre le syndicat plaignant (qui a été enregistré le 15 novembre 1982 en application de la loi de 1965 sur les syndicats) et que la législation nationale n'autorise pas le ministère du Travail à protéger les travailleurs contre les mesures antisyndicales. Il demande un entretien avec un représentant du BIT en la présence de représentants de l'employeur et du gouvernement.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 307. Dans sa communication du 28 décembre 1982, le gouvernement déclare que le Service de conciliation du ministère du Travail a eu des entretiens séparés avec le syndicat plaignant et la compagnie, mais qu'il n'a pas réussi à rapprocher les points de vue opposés des deux parties: la compagnie réaffirme qu'elle ne saurait reconnaître un syndicat "dissident" représentant seulement 40 salariés sur un effectif total de 1.000 salariés, qu'elle n'est pas intervenue dans la création ou le fonctionnement du syndicat, qu'elle a pris des sanctions justifiées contre certains salariés, mais non pour des motifs syndicaux, et qu'elle n'a pas exercé de pressions sur ses salariés pour qu'ils s'affilient ou ne s'affilient pas à tel ou tel syndicat. Selon le gouvernement, le syndicat plaignant insiste pour que l'employeur le reconnaisse aux fins de négociation collective, pour qu'il réintègre les membres du syndicat ayant fait l'objet de sanctions et pour qu'il mette fin à ses mesures discriminatoires.
- 308. Le gouvernement souligne que le syndicat SYNYKA, dont CACAU-Solidarité s'est séparé, et la Confédération des travailleurs de Chypre, à laquelle SYNYKA appartient, considèrent le syndicat plaignant comme un renégat qui essaie d'obtenir des conditions d'emploi préférentielles pour le personnel navigant commercial: la confédération a même menacé d'entreprendre une action directe contre l'employeur si ce dernier reconnaît le nouveau syndicat.
- 309. Selon le gouvernement, un membre du syndicat plaignant a adressé une requête, en vertu des lois de 1967 à 1980 sur la cessation de la relation de travail, au Tribunal d'arbitrage du travail (organe indépendant du ministère du Travail et de son Service de conciliation, qui comprend un conseil tripartite d'arbitres), et le ministère et son Service de conciliation s'emploient encore actuellement à régler le différend le gouvernement souligne toutefois que le système de négociation collective de Chypre est complètement libre, de sorte que le ministère ne peut pas imposer la reconnaissance ou la réintégration de salariés ayant fait l'objet de sanctions. Le gouvernement a envoyé des exemplaires de la loi sur les syndicats, de la loi sur les différends du travail (loi sur la conciliation, l'arbitrage et les enquêtes) et des lois sur la cessation de la relation de travail - ainsi que le code des relations professionnelles - qui disposent que l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'activités syndicales ne constituent pas un motif valable pour mettre fin à la relation de travail.
- 310. Dans sa lettre du 28 janvier 1983, le gouvernement réaffirme que dans le système de libre négociation collective en vigueur à Chypre il ne peut pas imposer la reconnaissance eu la réintégration.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 311. Le comité note que ce cas a trait à des allégations d'ingérence de l'employeur dans le fonctionnement d'un syndicat nouvellement enregistré, le Syndicat Solidarité du personnel navigant commercial de Cyprus Airways (CACAU-Solidarité): refus de négocier avec Solidarité, discrimination antisyndicale sous ferme de mutations, de suspension et de menaces de licenciement contre des membres du nouveau syndicat.
- 312. D'après les informations dont il dispose, le comité note que le syndicat plaignant, CACAU-Solidarité, a été constitué et enregistré conformément à la loi, le 15 novembre 1982. Avec environ 40 membres, il semble représenter 95 pour cent du personnel de cabine alors que le reste des travailleurs, soit un millier, sont représentés par le syndicat du personnel au sol (SYNYKA) dont le syndicat plaignant s'est retiré (le Syndicat CACAU-Solidarité). Le comité note aussi que SYNYKA est affilié à la Confédération des travailleurs de Chypre, laquelle, selon le gouvernement, menace d'entreprendre une action directe contre l'employeur s'il reconnaît CACAU-Solidarité.
- 313. En ce qui concerne la question de la représentativité des syndicats aux fins de négociation collective, le comité a souligné, à plusieurs occasions, que la procédure consistant à délivrer un certificat d'agent exclusif de négociation au syndicat le plus représentatif dans une unité donnée n'est pas nécessairement incompatible avec les principes de la liberté syndicale, à condition qu'un certain nombre de garanties soient assurées, notamment a) l'octroi du certificat par un organisme indépendant: b) le choix de l'organisation représentative par un vote de la majorité des travailleurs dans l'unité considérée: c) le droit pour une organisation qui n'obtient pas un nombre de voix suffisant de demander une nouvelle élection après un délai déterminé: d) le droit pour une organisation autre que les organisations ayant reçu un certificat de demander une nouvelle élection au bout d'une période déterminée, après l'élection précédente. Dans ces conditions, le comité considère que les autorités devraient prendre des mesures pour établir le bien-fondé des prétentions des syndicats Concernés à représenter la majorité des travailleurs dans l'unité de négociation, afin de déterminer, sur la base des critères susmentionnés, le syndicat le plus représentatif aux fins de négociation collective. Le comité demande au gouvernement de le tenir au courant des résultats de cette enquête.
- 314. S'agissant des mesures antisyndicales alléguées, en particulier la mutation du secrétaire général du plaignant, M. Zivanas, la suspension pendant une journée de M. Matsentides, et les menaces faites contre les responsables syndicaux, M. Stylianou, Mlle Papadopoulou et M. Hadjinicolaou, le comité note l'insistance avec laquelle l'employeur affirme que les mesures disciplinaires étaient justifiées et n'étaient pas fondées sur des motifs syndicaux et nie avoir exercé des pressions antisyndicales sur ses salariés le comité note aussi que les allégations du syndicat ont été examinées par le Service de conciliation du ministère du Travail, lequel s'est borné semble-t-il à prendre acte de l'avis de l'employeur selon lequel aucune mesure de discrimination antisyndicale n'a été prise.
- 315. En ce qui concerne les autres mesures de discrimination antisyndicale alléguées, le comité note en particulier que la Ici de 1965 sur les syndicats renferme des dispositions précises garantissant la protection des travailleurs contre les mesures de discrimination antisyndicale, et que M. Zivanas a protesté contre sa mutation auprès du Tribunal des différends du travail le comité, rappelant le principe selon lequel les organisations de travailleurs devraient pouvoir fonctionner librement sans ingérence des employeurs et de leurs organisations, demande au gouvernement de le tenir au courant de l'issue de l'action intentée par M. Zivanas. Il souhaite également être tenu informé de l'issue de toute autre demande d'indiquer les mesures, le cas échéant, qui auraient été prises par l'organisation plaignante au niveau national Four demander réparation des autres mesures de discrimination antisyndicale dont auraient fait l'objet les membres du syndicat plaignant.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 316. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et en particulier les conclusions suivantes:
- a) En ce qui concerne la représentativité des syndicats aux fins de négociation collective, le comité considère que les autorités devraient prendre des mesures pour établir le bien fondé des diverses prétentions des syndicats impliqués dans ce cas en vue de déterminer, sur la base des critères susmentionnés, le syndicat le plus représentatif aux fins de négociation collective, et il demande au gouvernement de le tenir au courant des résultats de cette enquête.
- b) S'agissant des allégations de discrimination antisyndicale, le comité, rappelant le principe selon lequel les organisations de travailleurs devraient pouvoir fonctionner librement sans ingérence des employeurs, ou de leurs organisations, demande au gouvernement de le tenir au courant du résultat de l'action intentée par le dirigeant syndical muté, M. Zivanas, devant le Tribunal des différends du travail. Il souhaite également être tenu informé de l'issue de tout autre recours qui aurait été introduit par l'organisation plaignante, au niveau national, pour demander réparation des autres mesures de discrimination antisyndicale dont ses membres auraient fait l'objet.