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- 491. Par une communication du 14 février 1983, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a porté plainte en violation de la liberté syndicale en Iraq. Le gouvernement a répondu par des communications des 22 juin et 6 octobre 1983.
- 492. L'Iraq n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de la confédération plaignante
A. Allégations de la confédération plaignante
- 493. La CISL fonde sa plainte sur les allégations qu'elle a reçues du Mouvement syndical démocratique des travailleurs de la République d'Iraq, selon lesquelles les travailleurs iraquiens sont victimes de violations des droits syndicaux accompagnées de persécutions, meurtres, tortures et détentions.
- 494. Selon la confédération plaignante, les masses laborieuses se seraient vu imposer en 1969, par des élections truquées et antidémocratiques, une direction syndicale isolée; depuis, les activités syndicales seraient uniquement réservées aux membres du parti gouvernemental Baas et l'affiliation et le paiement des cotisations syndicales seraient obligatoires, alors que la loi no 151 de 1970 portant Code du travail ne les rend que facultatives. De plus, poursuit la confédération plaignante, les dirigeants syndicaux seraient devenus les pantins du gouvernement, qui les manipule et leur dicte leurs décisions, surtout depuis le sixième congrès, tenu en août 1980 après la liquidation physique de Mohamed Ayesh et de Baden Fadel (respectivement président et secrétaire général de la Fédération iraquienne des syndicats) et d'autres militants. Les syndicats seraient alors devenus des auxiliaires de la police, liés aux services de renseignement et de sécurité. A cet égard, selon ces allégations, les syndicats serviraient au recrutement obligatoire des travailleurs pour la guerre contre l'Iran.
- 495. La CISL donne les noms de treize travailleurs qui seraient morts sous la torture et des lieux de leur exécution (voir annexe) et ceux de six dirigeants syndicaux qui seraient disparus; il s'agirait d'Handaal Jaadar, du Syndicat des denrées alimentaires, président du Syndicat des dockers de Basrah; de Badran Rasan, de Zaemil Hatem et d'Abdulla Hatem, du Syndicat des travailleurs des cigarettes, et d'Abdel Razzak Ahmed et de Faed Mustapha Abdel Karim, du Syndicat des travailleurs de la mécanique.
- 496. Enfin, la CISL évoque en termes généraux les "amendements injustes" apportés par le gouvernement au Code du travail et au Code de la sécurité sociale pour favoriser les employeurs et les couches parasites de la population, bénéficiaires des entreprises nationales. Elle indique aussi que le gouvernement a exempté les sociétés multinationales de l'application de ces deux codes.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 497. Dans sa communication du 22 juin 1983, le gouvernement nie l'existence d'un prétendu "mouvement syndical démocratique des travailleurs" à quelque époque présente ou passée de l'histoire syndicale iraquienne, et conteste l'authenticité des informations données sur les prétendues violations de la liberté syndicale.
- 498. Selon le gouvernement, la Fédération iraquienne des syndicats a été librement et démocratiquement créée à la suite d'élections auxquelles avaient participé la majorité des travailleurs iraquiens. A cet égard, il indique que de nouvelles élections syndicales auront lieu du 21 au 25 août 1983, et que tous les travailleurs iraquiens sont libres d'y participer; le gouvernement ajoute que si le "mouvement syndical démocratique des travailleurs" existe vraiment, il est également invité à prendre librement part à ces élections.
- 499. Le gouvernement affirme que les allégations de la CISL sont fausses et ne visent qu'à nuire à la révolution iraquienne; il déclare aussi que la plainte accuse injustement le mouvement syndical légitime, dont l'origine et l'action sont conformes au Code du travail, qui, avec la Constitution de l'Iraq, assure l'entière liberté syndicale.
- 500. Dans sa communication du 6 octobre 1983, le gouvernement répète que les élections de 1980 à la Fédération générale des syndicats en Iraq se sont déroulées de manière libre et démocratique et que plus de 70 organisations internationales y ont assisté. Selon le gouvernement, les dernières élections syndicales n'ont été l'objet d'aucune ingérence, et il fournit le texte du règlement concernant les élections, à l'appui de cette affirmation. En outre, le gouvernement réfute l'allégation selon laquelle les commissions et les activités syndicales seraient monopolisées par le parti arabe socialiste Baas et celle selon laquelle l'affiliation syndicale serait obligatoire. Il souligne qu'en application de l'article 216 du Code du travail, ni le paiement de cotisations syndicales ni l'affiliation syndicale ne sont obligatoires. Pour montrer l'indépendance du mouvement syndical iraquien, le gouvernement se réfère à un incident survenu à la 69e session de la Conférence internationale du Travail, cette année, où les délégués travailleurs iraquiens ont quitté la salle, en séance plénière, en signe de protestation contre un orateur, alors que la délégation gouvernementale ne l'a pas fait.
- 501. En ce qui concerne l'allégation, selon laquelle le président et le secrétaire général de la fédération auraient été liquidés pour des raisons syndicales, le gouvernement déclare que cela est inexact, étant donné qu'ils n'étaient, ni l'un ni l'autre, syndicalistes en 1979, à l'époque où ils ont été jugés légalement pour complot contre la sécurité de l'Etat. Ils ont été condamnés à mort en application des lois en vigueur.
- 502. Le gouvernement transmet des renseignements sur les treize travailleurs qui, selon les allégations, seraient morts sous la torture: dans six cas', aucune personne de ce nom n'a été trouvée, dans cinq cas, les personnes en question sont mortes chez elles de mort naturelle, et, dans deux casa, les personnes mentionnées ont quitté l'Iraq de leur propre volonté. En ce qui concerne les six syndicalistes prétendument disparus, le gouvernement déclare que, tout d'abord, il n'existe pas de syndicat des travailleurs de la mécanique et que, secondement, deux des noms sont inconnus (Abdul Razzaq Ahmed et Fayed Mustafa Abdul Karim), un est mort chez lui, de mort naturelle (Abdulla Halam), un a été jugé et condamné en application des lois en vigueur pour espionnage (Handal Jadir), un est en voyage à l'étranger (Badram Risen) où il subit un traitement médical et n'est pas rentré dans son pays, et l'une des personnes nommées est en fuite et est accusée d'espionnage (Zmil Hatam).
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 503. Le comité tient à faire observer d'abord que, même si le gouvernement nie l'existence du "mouvement syndical démocratique des travailleurs", la plainte reste recevable: étant donné que la confédération plaignante, en, l'occurrence la CISL, est une organisation qui jouit du statut consultatif auprès de l'OIT, elle a le droit, aux termes de la procédure en vigueur, de porter plainte en violation de la liberté syndicale.
- 504. Le comité relève la contradiction qui existe entre les allégations des plaignants et la réponse du gouvernement concernant la torture et la mort de treize travailleurs et la disparition de six dirigeants syndicaux. En l'absence de preuves plus détaillées, de la part des plaignants et du gouvernement, le comité ne peut que rappeler que les meurtres et les tortures constituent de graves violations des droits fondamentaux de l'homme.
- 505. Le comité observe la contradiction qui existe entre les allégations des plaignants relatives au président et au secrétaire général de la Fédération iraquienne des syndicats qui auraient été exécutés à cause de leurs activités syndicales et la réponse du gouvernement selon laquelle les intéressés n'étaient pas des syndicalistes à l'époque, qu'ils ont été jugés légalement en 1979 pour complot contre la sécurité de l'Etat et qu'ils ont été condamnés à mort. En conséquence, le comité demande au gouvernement de transmettre la décision judiciaire contre ces personnes et des informations sur la question de savoir quand elles ont cessé d'être des dirigeants, syndicaux.
- 506. Le comité note que le gouvernement ne fait aucune référence à l'allégation concernant les "amendements injustes" au Code du travail, mais qu'il se contente d'indiquer que sa Constitution et son Code du travail assurent pleinement la liberté syndicale. Etant donné que les plaignants ne fournissent aucune précision sur cette allégation et que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations dans son examen régulier de l'application de la convention no 98 n'a fait aucun commentaire sur le code, le comité estime que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi. En outre, il tient à rappeler qu'il n'a pas: compétence en matière de législation sur la sécurité sociale.
- 507. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles l'actuelle direction syndicale aurait été imposée aux travailleurs et serait le "pantin" du gouvernement, le comité prend note de l'affirmation du gouvernement, selon laquelle la Fédération générale iraquienne des syndicats a été librement et démocratiquement constituée par suite d'élections auxquelles la majorité des travailleurs iraquiens a pris part. Le comité note aussi que, selon les informations fournies par le gouvernement, de nouvelles élections syndicales étaient prévues du 21 au 25 août 1983, avec participation de tous les travailleurs, et un règlement détaillé concernant les candidatures ainsi que le déroulement ordonné des élections ont fait l'objet d'une large diffusion du Conseil électoral supérieur. Le comité estime utile que le gouvernement et la confédération plaignante lui communiquent des détails sur les résultats desdites élections syndicales, ainsi que des informations sur la participation du mouvement syndical démocratique aux élections.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 508. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire, et en particulier les conclusions suivantes:
- a) Le comité note que les allégations de la confédération plaignante et la réponse du gouvernement concernant la torture et la mort de treize travailleurs et la disparition de six dirigeants syndicaux sont contradictoires. En conséquence, il rappelle d'une manière générale que les meurtres et les tortures constituent de graves violations des droits fondamentaux de l'homme.
- b) Il note également la contradiction qui existe entre les allégations des plaignants concernant l'exécution pour des raisons syndicales du président et du secrétaire général de la Fédération iraquienne des syndicats et la réponse du gouvernement. Il demande donc au gouvernement de transmettre le jugement rendu contre ces personnes et de préciser quand elles ont cessé d'être des dirigeants syndicaux.
- c) Le comité considère que les allégations concernant les "amendements injustes" au Code du travail (loi no 151 de 1970) n'appellent pas un examen plus approfondi.
- d) En ce qui concerne les allégations - selon lesquelles l'actuelle direction syndicale aurait été imposée aux travailleurs et serait le "pantin" du gouvernement -, tout en notant les informations détaillées fournies par le gouvernement sur la manière dont doivent se dérouler les élections syndicales, le comité prie le gouvernement et la confédération plaignante de l'informer des résultats et de la participation aux nouvelles élections, syndicales qui devaient se tenir du 21 au 25 août 1983.
Z. ANNEXE
Z. ANNEXE
- Noms des travailleurs qui seraient morts sous la torture ou exécutés
- 1) Abdel Rahman Abdel Raheem: exécuté en mai 1978.
- 2) Mahmoud Matar, ouvrier à la maison d'édition "La liberté". mort en 1979 sous des tortures brutales.
- 3) Abd Ali Abeed, ouvrier, né en 1954 à Bagdad. Le corps a été remis à la famille le 1er juin 1980 portant des traces de tortures barbares, avec mutilations, le crâne défoncé et les ongles arrachés.
- 4) Bakar Abdel Malik Idbis, ouvrier à la Société des automobiles à Samawa, représentant élu des travailleurs: mort sous la torture à la fin de 1980. Le corps a été remis à la famille.
- 5) Djawda Raheen, ouvrier à la cimenterie de Samawa: mort sous la torture à la fin de 1980. Le corps a été remis à la famille.
- 6) Ali Abdel Pazzak, ouvrier à la Société de la commercialisation des fruits et des légumes à Samawa: mort sous la torture à la fin de 1980. Le corps a été remis à la famille.
- 7) Kasim Hussein Yassin, né en 1954 à Kazimiah (Bagdad), ouvrier textile, l'un des plus éminents dirigeants des jeunes travailleurs de Kazimiah en 1974-75: arrêté en avril 1980, il est mort sous la torture au cours de la même année.
- 8) Saadi Bajai, ouvrier: arrêté en 1980; libéré au bout d'un certain temps, il est mort par suite d'empoisonnement au thallium.
- 9) Abdel Hussein Faraj Said, 20 ans, ouvrier à la Société générale des entrepreneurs de construction à Bagdad-Thawra: arrêté en 1975, puis relâché et arrêté à nouveau; relâché après 51 jours de détention, il a succombé deux jours après par suite d'empoisonnement au thallium.
- 10) Hami Wahaab, ouvrier à la fabrique des eaux gazeuses de Basrah, né en 1943: écrasé par une voiture des services de sécurité en rentrant chez lui.
- 11) Rashid Djafar, ouvrier à Ramthiah: exécuté à la fin de 1980.
- 12) Abdel Hussein Kamal, de Basrah - Al-Maagual, grutier de port; torturé avec brûlures et arrachement des ongles; assassiné après sa libération.
- 13) Jabbar Saleh (Abou Ebeis), ouvrier textile dans le gouvernorat de Babel; tué par balle.