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- 221. La plainte du congrès du travail du Canada (CTC) est formulée dans une communication datée du 6 juillet 1981. Le gouvernement a fait part de ses observations dans une lettre en date du 25 janvier 1982.
- 222. Le Canada a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; il n'a ratifié ni la convention (no 96) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ni la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1976.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 223. Dans sa communication du 6 juillet 1981, le CTC allègue que la loi de la Nouvelle-Ecosse sur les négociations collectives dans la fonction publique (1978) viole la convention Do 87 en interdisant les grèves, en instituant une procédure inadéquate d'arbitrage des conflits d'intérêts et en proscrivant la négociation de certaines modalités et conditions d'emploi dans la fonction publique de la province. Il souligne que ladite loi s'applique à toutes les personnes nommées conformément à la loi de 1967 sur la fonction publique, à savoir le personnel des ministères, du Musée de peinture, de la commission de la boxe et du Centre des communications et de l'information.
- 224. Les plaignants font observer que, dans le système fédéral canadien, la plupart des provinces ont adopté une législation particulière visant à instituer, pour le secteur public, une base de négociation collective différente de celle qui est applicable au secteur privé, mais comportant le droit de grève, sauf pour le personnel "essentiel". La Saskatchewan et le Manitoba ont autorisé les agents de la fonction publique à utiliser, pour les négociations, le même cadre juridique que les salariés du secteur privé sans restrictions quant aux grèves. La loi de la Nouvelle-Ecosse sur les négociations collectives dans la fonction publique a institué un office des relations professionnelles dans la fonction publique composé de trois personnes nommées par le gouvernement en conseil mais qui prêtent un serment d'impartialité (en règle générale, cet organisme veille à l'application de la loi et il est aussi chargé de désigner un conseil d'arbitrage pour résoudre les conflits d'intérêts, ainsi qu'un arbitre ou un conseil d'arbitrage pour rendre des décisions à propos des différends sur les droits).
- 225. Les plaignants se référent aux articles 39 et 40 de la loi. L'article 39 dispose que l'employeur ne provoquera pas de lock-out et que le travailleur ne se mettra pas en grève. L'article 40 prévoit que le Syndicat de fonctionnaires de la Nouvelle-Ecosse (NSGEA) ne doit ni sanctionner, ni encourager, ni soutenir financièrement ou d'autre manière la grève de ses membres ou de n'importe lesquels d'entre eux dès qu'ils sont régis par les dispositions de cette loi. Ils soulignent que, dans cette interdiction générale des grèves, on n'a opéré aucune distinction entre les salariés du secteur public, qui sont véritablement essentiels et les autres salariés. De plus, selon l'article 43 de la loi, toute transgression de ces dispositions par un salarié ou par la NSGEA constitue une infraction passible d'amende.
- 226. En ce qui concerne la procédure inadéquate d'arbitrage, les plaignants se référent aux articles 23 à 32 de la loi, qui prévoient, en cas de conflits d'intérêts, un arbitrage obligatoire; cette procédure complète l'interdiction des grèves, mais elle est insuffisante. Selon le CTC, en vertu de l'article 24, paragraphe 11, l'Office a toute latitude pour décider d'instituer ou non un conseil d'arbitrage, disposition que l'on ne trouve pas habituellement dans la législation sur le travail dans le secteur public. En outre, le CTC déclare qu'en vertu de l'article 23, seules les conditions d'emploi énoncées à l'annexe B sont des "questions donnant matière à arbitrage", de sorte qu'un conseil d'arbitrage ne saurait imposer un règlement en ce qui concerne les modalités ou conditions d'emploi, autres que celles qui sont visées par la loi. Par exemple, les pensions et les frais de voyage sont exclus.
- 227. Le CTC allègue aussi que l'article 13, paragraphe 2, de ladite loi limite les questions qui peuvent faire l'objet de négociations collectives, par le moyen de renvois à divers articles de la loi sur la fonction publique; ainsi, sont exclus les nominations, les promotions, les transferts, les stages et les classements. Etant donné que ces questions sont directement liées aux modalités et conditions d'emploi des agents de la fonction publique, les plaignants estiment qu'elles devraient pouvoir faire l'objet de négociations.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 228. Le gouvernement déclare que la loi sur les négociations collectives dans la fonction publique s'efforce d'établir un cadre législatif pour les négociations collectives entre les agents de la fonction publique et la Commission de la fonction publique, tandis que la loi sur les syndicats s'applique à tout autre organisme analogue qui relève de l'Etat. Par exemple, cette dernière loi concerne les agents de police, les pompiers, la plupart des infirmières et des agents hospitaliers, ainsi que les travailleurs de la production de courant-lumière et de courant-force, qui bénéficient tous du droit de grève. En conséquence, il affirme que la restriction du droit de grève ne s'applique qu'aux salariés qui participent directement à la gestion des affaires de l'Etat.
- 229. Le gouvernement fait observer que les négociations collectives se déroulent sous les auspices d'un office qui est doté de pouvoirs analogues à ceux de la plupart des offices des relations professionnelles. Lorsque les procédures visant à favoriser la litre négociation collective échouent, il faut alors recourir à l'arbitrage obligatoire en vertu de l'article 32, paragraphes 1 et 2, qui traite des questions spécifiques figurant à l'annexe B de la loi, notamment de l'indemnité de déplacement payable aux employés qui utilisent leur propre voiture à des fins professionnelles et de l'assurance collective sur la vie. Il soutient que la législation prévoit certaines mesures visant à sauvegarder les intérêts légitimes des fonctionnaires publics qui ne bénéficient pas du droit de grève. On peut citer à cet égard l'existence d'un conseil impartial et la possibilité de recours à de véritables procédures de conciliation et de médiation, ainsi qu'un arbitrage obligatoire en ce qui concerne les conditions d'emploi auquel toutes les parties ont accès. Toutefois, le gouvernement souligne que le gouvernement provincial est conscient de la nécessité d'évaluer et de réévaluer en permanence les mesures qu'il prend et la législation qu'il édicte dans ce domaine, vu, en particulier, la difficulté qu'il y a à définir ce qui est véritablement essentiel dans une société complexe et en mutation.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 230. Le comité note que cette affaire concerne la violation alléguée de la convention no 87 par le gouvernement provincial par le biais de sa législation sur la fonction publique qui interdit les grèves dans ce secteur, institue une procédure inadéquate d'arbitrage des conflits d'intérêt et proscrit la négociation de certaines conditions d'emploi des agents de la fonction publique.
- 231. Tout d'abord, le comité voudrait relever que cette affaire est analogue à un cas précédent (no 893 - Canada), examiné en novembre 1978, concernant la législation antigrève dans le secteur public d'une autre province. En conséquence, il voudrait rappeler l'argumentation qu'il a présentée dans cette affaire, à savoir que, tout en reconnaissant que la liberté d'association n'implique pas nécessairement aussi le droit de grève pour tous les fonctionnaires publics, chaque fois que ce droit est dénié, des garanties appropriées doivent être accordées pour sauvegarder pleinement les intérêts des travailleurs ainsi privés d'un moyen essentiel de défense de leurs intérêts professionnels. Ces garanties comprennent des procédures de conciliation et d'arbitrage, rapides et impartiales, aux diverses étapes desquelles les intéressés doivent pouvoir participer, et les décisions arbitrales doivent être dans tous les cas obligatoires pour les deux parties. De tels jugements, une fois rendus, devraient être exécutés rapidement et de façon complète.
- 232. Dans le présent cas, le comité prend acte de la déclaration du gouvernement selon laquelle l'interdiction du droit de grève ne s'applique qu'aux fonctionnaires participant à la gestion des affaires de l'Etat, et qu'il existe des procédures qui compensent de façon appropriée la perte de ce droit. A cet égard, il doit rappeler que le droit de grève pourrait être limité dans la fonction publique ou dans les services essentiels au sens strict du terme, c'est à dire les services dont l'interruption mettrait en danger la vie ou les conditions d'existence de tout ou partie de la population. Il apparaît au comité que l'interdiction des grèves au personnel du Musée de peinture, de la Commission de la boxe et du Centre des communications et de l'information de la Nouvelle-Ecosse va au-delà de ce critère. En conséquence, il suggère au gouvernement la possibilité d'apporter une modification à sa législation afin que les grèves ne soient interdites que dans les entreprises qui assurent des services essentiels au sens strict du terme. Quant aux salariés auxquels il est justifié de ne pas appliquer le droit de grève, le comité note que la loi en question prévoit des procédures de médiation et de conciliation, ainsi qu'un arbitrage obligatoire, devant un office impartial, à savoir l'office des relations professionnelles dans la fonction publique et devant un conseil d'arbitrage, respectivement. Selon les plaignants, ce mécanisme de règlement des différends est insuffisant, étant donné qu'il ne s'agit pas d'une procédure garantie, mais que son institution est laissée à l'appréciation de l'Office. En conséquence, il semble au comité que les intérêts des travailleurs en question seraient garantis de manière plus adéquate si le gouvernement trouvait le moyen d'introduire un amendement à sa législation afin que le recours à la procédure d'arbitrage obligatoire ne soit pas laissé à la discrétion de l'office des relations professionnelles de la fonction publique.
- 233. Le second grief invoqué par les plaignants au sujet de la procédure d'arbitrage, à savoir que la liste des questions que la législation soumet à l'arbitrage est trop restreinte, est lié à l'allégation selon laquelle la loi limite les questions qui peuvent faire l'objet de négociations collectives le comité relève que l'effet combiné de l'article 23 et de l'annexe B de la loi exclut de l'arbitrage des questions aussi importantes que les pensions qui se rapportent directement aux conditions d'emploi des fonctionnaires publics. De la même façon, l'article 13, paragraphe 2, de la loi limite les questions négociables. Le comité comprend par là que le gouvernement peut prendre une décision unilatérale sur ces questions de sorte que les fonctionnaires auxquels la loi est applicable, et qui sont privés également du droit de grève, ne sont pas non plus en mesure de soumettre ces questions à la négociation où à l'arbitrage. A cet égard, le comité voudrait relever qu'il est certaines questions qui, manifestement, relèvent au premier chef ou essentiellement de la gestion et de l'exploitation des affaires du gouvernement; ces questions peuvent raisonnablement être considérées comme étrangères au champ des négociations. Il est également évident que certaines autres questions se rapportent au premier chef ou essentiellement aux conditions d'emploi et qu'elles ne devraient pas être considérées comme étant en dehors du champ de négociations collectives menées dans une atmosphère de bonne foi et de confiance mutuelles. Le comité voudrait en conséquence demander au gouvernement, à la lumière des principes et considérations énoncés ci-dessus, d'examiner la possibilité d'étendre le champ d'application de l'arbitrage ou de la négociation aux questions qui se rapportent directement aux conditions d'emploi des fonctionnaires.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 234. Dans ces conditions, le comité recommande au conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
- a) En ce qui concerne l'interdiction des grèves énoncée dans la loi sur les négociations collectives dans la fonction publique, tout en reconnaissant que la liberté d'association n'implique pas nécessairement aussi le droit de grève pour tous les fonctionnaires publics, le comité voudrait souligner que l'interdiction de ce droit ne devrait être étendue qu'aux services essentiels au sens strict du terme et être assortie de mesures compensatoires appropriées pour le règlement des différends. En conséquence, il suggère au gouvernement d'envisager la possibilité de modifier sa loi de telle sorte que l'interdiction des grèves ne s'applique que dans le cas des employés qui fournissent des services essentiels au sens strict du terme.
- b) Pour ce qui est de la procédure de règlement des différends en cas d'interdiction du droit de grève, il apparaît au comité que les intérêts des travailleurs en question seraient garantis de manière plus adéquate si le gouvernement trouvait le moyen de modifier la loi de telle sorte que le recours à la procédure d'arbitrage obligatoire ne soit pas laissé à la discrétion de l'office des relations professionnelles de la fonction publique.
- c) Quant à l'interdiction énoncée dans la loi en ce qui concerne la procédure de négociation ou d'arbitrage relative à certaines conditions d'emploi, tout en reconnaissant qu'il est certaines questions qui, manifestement, relèvent essentiellement de la gestion des affaires du gouvernement, le comité voudrait néanmoins faire observer que certaines autres questions se rapportent aux conditions d'emploi et ne devraient pas être considérées comme étant en dehors du champ des négociations collectives ou de l'arbitrage. Il souhaiterait en conséquence demander au gouvernement d'examiner la possibilité de modifier les dispositions en cause afin d'étendre le champ d'application de la négociation ou de l'arbitrage aux questions qui se rapportent directement aux conditions d'emploi des fonctionnaires.