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- 136. Le comité a déjà examiné ce cas à sa session de novembre 1981 au cours de laquelle il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. Depuis lors, le gouvernement a transmis ses observations dans une communication du 11 février 1982 arrivée trop tard pour être examinée par le comité à sa session antérieure.
- 137. Le Costa Rica a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur la droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas
- 138. Dans sa communication initiale, la Centrale des travailleurs de Costa Rica (CTC), organisation affiliée à la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT), alléguait que l'entreprise dénommée centrale sucrière de Tempisque SA, où s'était créé un syndicat de défense des travailleurs, le syndicat Union des travailleurs de la Centrale sucrière de Tempisque (UTRACAT), affilié lui-même à la CTC, avait déclenché une vague de persécutions à l'encontre des travailleurs se traduisant par des sanctions et des licenciements.
- 139. Selon les plaignants, en octobre 1980, le dirigeant syndical de l'UTRACAT, Claudio Gamboa Valverde, aurait été mis à pied sans motif car il faisait partie du comité exécutif de ce syndicat. Par ailleurs, en mai 1980, l'entreprise, profitant de ce que la récolte était terminée, aurait licencié environ 75 travailleurs au bénéfice d'emplois permanents au motif qu'ils étaient syndiqués à l'UTRACAT. En outre, l'entreprise aurait licencié, en mai 1981, un dirigeant syndical nommé Santos Gómez Hernández et, en juin 1981, le secrétaire à la formation dudit syndicat nommé Fernández Giménez.
- 140. Les plaignants joignaient à leur communication une lettre adressée par eux, le 22 juin 1981, au ministre du Travail lui demandent d'intervenir pour obtenir la réintégration des dirigeants syndicaux licenciés. Ils expliquaient que M. Santos Gómez Hernández avait, avant de faire partie du comité exécutif de l'UTRACAT, été président du comité permanent des travailleurs de l'entreprise et qu'à cette époque il n'avait rencontré aucune difficulté. Cependant, selon les plaignants, M. Gómez, étant devenu membre du syndicat et ayant dénoncé les persécutions illégales imposées par l'entreprise qui refusait de rédiger et de mettre en vigueur un règlement interne, du travail, aurait été licencié sur une fausse accusation d'ébriété. En ce qui concerne le licenciement du secrétaire à la formation, M. Fernández Giménez, les plaignants expliquaient qu'il aurait été licencié pour "réorganisation" contrairement à ce que ses propres chefs lui auraient déclaré en lui assurant que "compte tenu de sen rendement, il pouvait rester à son poste de travail et qu'il ne serait pas licencié au cours de la réorganisation qui allait intervenir". Un mois plus tard, cependant, il était licencié pour réorganisation. Pour les plaignants, le vrai motif de ce licenciement aurait son origine dans le fait que Fernández Giménez serait venu en aide à un groupe de paysans dont le patron, M. Hernández, exigeait d'eux qu'ils arrosent 80 sacs d'engrais par groupe de 12 travailleurs dans des conditions climatiques telles que leurs conditions de travail étaient injustes et inhumaines. M. Hernández ayant appris le nom de celui qui revendiquait, à savoir M. Alfonso Fernández Giménez, aurait fait procéder à son licenciement.
- 141. En ce qui concerne l'allégation de licenciement des trois dirigeants syndicaux, le ministre du Travail avait répondu que, dès réception de la plainte, son département avait fait procéder à une enquête demandant à l'entreprise les motifs qui l'avaient conduit à mettre un terme aux contrats des sieurs Claudio Gamboa Valverde, Santos Gómez Hernández et Alfonso Fernández Giménez. Tout en estimant qu'il n'y avait pas de discrimination antisyndicale, il avait expliqué que l'enquête était en cours.
- 142. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle, en mai 1981, l'entreprise, profitant de la fin de la récolte, aurait mis un terme aux contrats de 75 travailleurs pour affiliation syndicale, le ministre du Travail avait déclaré qu'aux termes de l'enquête effectuée sur sa demande à l'époque où l'entreprise avait besoin du maximum de travailleurs pour la récolte, le total des effectifs s'élevait à 1.172 travailleurs dont. 296 affiliés à l'UTRACAT, à la fin de la récolte, le total était tombé à 1.052, dont 291 affiliés audit syndicat et que, le travail temporaire étant terminé, le total des employés était de 785 dont 222 affiliés à l'UTRACAT. L'entreprise démontrait ainsi qu'elle avait mis un terme aux contrats temporaires d'un plus grand nombre de travailleurs non syndiqués que de travailleurs effectivement affiliés à ce syndicat.
- 143. A sa session de novembre 1981, le comité avait en conséquence recommandé au Conseil d'administration de noter, pour ce qui était de l'allégation de licenciement de trois dirigeants syndicaux cités par les plaignants, qu'une enquête avait été ordonnée par le ministère du Travail. Il avait prié le gouvernement de bien vouloir le tenir informé des résultats de cette enquête et il avait exprimé l'espoir qu'au cas où il s'avérait que les dirigeants syndicaux n'avaient pas commis de faute grave et n'avaient été licenciés que pour des motifs syndicaux, le gouvernement s'efforcerait d'obtenir leur réintégration. En ce qui concerne l'allégation de licenciement d'environ. 75 travailleurs permanents au motif qu'ils auraient été affiliés à l'UTRACAT, il avait prié le gouvernement de bien vouloir préciser si les travailleurs au bénéfice d'un emploi permanent et affiliés à l'UTRACAT avaient été licenciés par l'entreprise visée par les plaignants et, dans l'affirmative, pour quel motif.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 144. Dans sa communication du 22 février 1982, le gouvernement explique que l'enquête effectuée par un inspecteur du travail a prouvé que les allégations de licenciement de dirigeants syndicaux constituant des actes de discrimination antisyndicale n'étaient pas fondées.
- 145. Ainsi, selon le gouvernement, la résolution du contrat de travail de Santos Gómez Hernández est légale étant donné que celui-ci a commis à plusieurs reprises des fautes qui, en application des articles 72 c) et 81 1) du Code du travail, autorisent l'employeur à mettre fin unilatéralement au contrat de travail. Les documents annexés à l'appui des observations du gouvernement sur le licenciement de M. Santos Gómez Hernández font apparaître que ce dernier a été sévèrement admonesté pour s'être présenté à son travail en état d'ébriété et qu'il a été avisé qu'il serait licencié s'il recommençait.
- 146. Pour ce qui est d'Alfonso Fernández Giménez, l'entreprise a prouvé que son licenciement est intervenu dans le cadre d'une nécessaire réduction du personnel due à des difficultés économiques. Le gouvernement explique, en effet, que l'intéressé, qui était d'abord contremaître pendant la récolte de canne à sucre, avait été transféré à la fin de la récolte dans des fonctions de statistiques et que des difficultés économiques avaient conduit l'entreprise à mettre un terme aux contrats de travail de plusieurs personnes, dont celui d'Alfonso Fernández Giménez.
- 147. Enfin, pour ce qui concerne le licenciement de Claudio Gamboa Valverde, d'après le gouvernement les faits sont les suivants: il était chef des relations professionnelles de l'entreprise, ce qui correspond à un poste de confiance puisqu'il avait sous sa responsabilité, en tant que représentant patronal, la conduite et l'amélioration des relations entre les travailleurs et l'entreprise. Ces fonctions ont été jugées incompatibles avec son appartenance syndicale. Le gouvernement déclare que l'employeur de même que le ministère du Travail ont, en effet, estimé que cette appartenance était préjudiciable à la loyauté exclusive qu'un employé de la haute direction doit scrupuleusement aux intérêts qu'il représente. Face à cette perte de confiance, l'entreprise a décidé de mettre fin au contrat de travail de Claudio Gamboa. Cependant, ajoute le gouvernement, ni l'entreprise ni les autorités n'ont fait subir à l'intéressé une discrimination quelconque. Au contraire, le pouvoir exécutif, le 3 décembre 1981, l'a désigné en tant que l'un des membres travailleurs du Conseil national des salaires pour la période 1982-1986, comme l'atteste le décret no 173 TSS du 3 décembre 1981 dont une copie est jointe à la communication du gouvernement.
- 148. En ce qui concerne l'allégation de licenciement d'environ 75 travailleurs permanents au motif qu'ils auraient été affiliés à l'UTRACAT, le gouvernement explique, au sujet des activités liées à la récolte, qu'on ne peut pas parler de travail "permanent" car la pratique nationale est telle qu'en début de récolte les employeurs embauchent le personnel auquel seront assignés pendant un certain temps d'autres travaux qui dépendent du volume des tâches à accomplir pendant la période de maintenance correspondante. Dans ces circonstances, ce personnel ne peut pas être catalogué comme du personnel à contrat indéterminé pour que lui soient appliqués des critères de discrimination antisyndicale comme voudraient le démontrer les plaignants. De sorte que les contrats à durée indéterminée qui existent dans l'entreprise sont limités à d'autres catégories de personnes qui n'ont pas été visées par les licenciements.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 149. Le comité note que dans cette affaire d'allégations de licenciement de dirigeants et de militants syndicaux, les versions des plaignants et du gouvernement sont en contradiction. En effet, selon les plaignants, la Centrale sucrière de Tempisque SA a déclenché une vague de persécutions à l'encontre des travailleurs syndiqués se traduisant par des licenciements de dirigeants et de militants syndicaux au prétexte que la récolte de canne était terminée. En revanche, pour le gouvernement, certains licenciements ont eu des motifs individuels: ainsi Santos Gómez Hernández a été licencié pour s'être présenté à plusieurs reprises en état d'ébriété à son travail, pt Claudio Gamboa Valverde l'a été pour ses activités syndicales alors qu'il occupait un poste de confiance auprès de la direction de l'entreprise en tant que chef des relations professionnelles; d'autres ont eu des raisons économiques: ce fut le cas des travailleurs mentionnés par les plaignants, y compris le dirigeant syndical Alfonso Fernández Giménez.
- 150. Le comité a, en maintes occasions, rappelé que si l'opportunité d'effectuer des licenciements pour des motifs économiques n'entre évidemment pas dans le domaine de sa compétence, toutefois il estime approprié de redire l'importance qui s'attache à une protection efficace contre les congédiements pour motifs syndicaux et que cette protection doit particulièrement s'étendre aux dirigeants syndicaux. Le comité signale pour ce qui concerne les cas de licenciements pour des motifs économiques que des actes de discrimination antisyndicale ne devraient pas se produire sous couvert de telles circonstances.
- 151. Le comité rappelle en outre qu'en ce qui concerne plus spécialement le Costa Rica, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations dans des commentaires formulés depuis de nombreuses années et encore en mars 1981, sur l'application de la convention no 98, a prié le gouvernement d'adopter des mesures pour protéger les travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale. Le comité, pour sa part, a en effet relevé à plusieurs reprises au sujet du Costa Rica la nécessité d'établir de manière explicite dans la législation les recours et les sanctions visant à assurer l'application effective de l'article 1 de la convention no 98. Le comité estime donc que l'une des manières d'assurer la protection des syndicalistes est de prévoir qu'ils ne peuvent être licenciés ni dans l'exercice de leurs fonctions ni pendant un certain laps de temps après la fin de leur mandat sans faute grave. Un autre moyen d'assurer une protection efficace aux travailleurs serait d'obliger chaque employeur à apporter la preuve que son intention de licencier un travailleur n'est pas liée aux activités syndicales de ce travailleur.
- 152. Dans le cas d'espèce, le comité note que l'un des dirigeants syndicaux, cités par les plaignants, a été licencié pour s'être présenté en état d'ébriété sur son lieu de travail comme le démontrent les documents annexés à la réponse du gouvernement. En ce qui concerne cette personne, le comité estime que son licenciement ne constitue pas une violation de la liberté syndicale. D'autre part, selon le gouvernement, un autre dirigeant a été licencié pour son appartenance syndicale alors qu'il Occupait auprès de la direction de l'entreprise un poste de confiance. Sur ce point, le comité, de même que la commission d'experts peur l'application des conventions et recommandations, estime que le droit de se syndiquer dans des organisations communes avec l'ensemble des autres travailleurs de l'entreprise pourrait être dénié aux personnels de direction et de confiance à la condition qu'ils puissent s'affilier à leur propre organisation. Le comité constate, par ailleurs, avec intérêt que dans le cas présent la personne en question a été désignée par le gouvernement en tant que représentant des travailleurs au Conseil national des salaires.
- 153. Pour ce qui concerne le dirigeant syndical et les travailleurs syndiqués qui auraient été licenciés pour des motifs économiques, le comité, tout en prenant note des informations communiquées par le gouvernement, rappelle l'importance qu'il attache à ce qu'aucun acte de discrimination antisyndicale ne se produise sous couvert de telles circonstances.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 154. Dans ces circonstances, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver les conclusions suivantes:
- a) Le comité signale à nouveau à l'attention du gouvernement l'importance qu'il attache à ce qu'aucun acte de discrimination antisyndicale ne se produise sous couvert de licenciements pour des motifs économiques.
- b) Le comité veut croire que, comme la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations le lui a demandé, le gouvernement prendra des mesures sur le plan législatif pour protéger les travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale.