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Rapport définitif - Rapport No. 214, Mars 1982

Cas no 1058 (Grèce) - Date de la plainte: 17-JUIN -81 - Clos

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  1. 127. Par une communication du 17 juin 1981, le Centre de travail d'Elefsina Aspirgos et environs a présenté une plainte en violation des droits syndicaux en Grèce. Pour sa part, le gouvernement a fourni ses observations dans une communication du 15 octobre 1981.
  2. 128. La Grèce a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 129. La plainte, qui émane du Centre de travail d'Elefsina Aspropyrgos et environs (CTEA), se réfère à de nombreux licenciements de syndicalistes dans les chantiers navals d'Elefsina gérés par le gouvernement et par la compagnie Petrola Helles et à des licenciements à la Société Helliniki Chalivourgie des Aciéries de Grèce.
  2. 130. Les plaignants rappellent qu'ils ont déjà, auparavant, dénoncé les ingérences du gouvernement et du patronat dans les activités syndicales de leur région. Plus précisément, selon les plaignants, les chantiers navals refusent de réengager les travailleurs licenciés en 1978 à la veille des élections au comité directeur du syndicat, bien que les licenciements des intéressés aient été annulés par les tribunaux grecs comme illégaux et abusifs.
  3. 131. Plus récemment, ajoutent les plaignants, deux candidats aux élections syndicales du 25 mai 1981, MM. Papagiannopoulos Pantelis et Pippis Nikolas, et deux autres candidats, MM. Plexidas Basilis et Foukis Ector, respectivement secrétaire général et trésorier de l'organisation, auraient été licenciés aussi à la veille des élections. Les plaignants dénoncent ce fait comme d'autant plus grave que les dirigeants syndicaux en question auraient dû bénéficier de la protection légale en tant que candidats aux élections. Ils ajoutent d'ailleurs que les intéressés ont été élus au comité directeur bien qu'ils aient été licenciés par la direction, et qu'après les élections celle-ci a procédé au licenciement d'autres membres suppléants du comité directeur afin de prendre le contrôle du syndicat.
  4. 132. D'autre part, les plaignants rappellent qu'en 1978 la direction de la Société Helliniki Chalivourgie des Aciéries de Grèce avait licencié 27 cadres syndicaux membres des comités de grève. Les licenciements avaient été annulés par les tribunaux, mais la direction avait refusé de réembaucher les travailleurs au prétexte qu'ils avaient perturbé les relations entre le patronat et les salariés.
  5. 133. Prétextant cette fois-ci une diminution de la production, la direction a procédé à 300 licenciements entre mai 1980 et mai 1981, et elle en envisage 800 autres, déclarent les plaignants qui Précisent que les membres du comité d'entreprise et les cadres syndicaux congédiés à cette occasion se nomment Koumbouris Dimos, Kaltsides Bassilos et Fanis Dimitrios, et que les membres du comité de grève sont Katsoulis Christos et Patalas Heracles.
  6. 134. Enfin, les plaignants dénoncent les licenciements des dirigeants syndicaux du groupe des "raffineries Latsi" et en particulier des candidats aux élections Panayotides Icannis, Ioannides Savas et Tjoumas Dimitrios, ainsi que du syndicaliste Kakariaris Emmanouil, ce dernier ayant été congédié au prétexte d'une série d'accusations calomnieuses.
  7. 135. En conclusion, ils allèguent l'insuffisance des mesures de protection garantissant les activités syndicales.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 136. Dans une communication du 15 octobre 1981, le ministre du Travail du gouvernement qui était en fonction quand la plainte a été déposée répond aux différents griefs invoqués dans cette affaire.
  2. 137. Au sujet des licenciements dans les chantiers navals d'Elefsina et du refus de réembaucher les travailleurs licenciés en 1978, le ministre rappelle qu'il est intervenu en vain pour obtenir la réintégration des syndicalistes licenciés et ceux-ci ont dû recourir aux tribunaux. L'un d'eux a été indemnisé et a quitté l'entreprise, un autre, après avoir obtenu gain de cause en première instance, a perdu en appel. Le Tribunal de première instance a fait droit à la demande des autres travailleurs, mais il a été fait appel de la décision des tribunaux et l'examen des cas est toujours en instance, explique le ministre.
  3. 138. En ce qui concerne les récents licenciements de MM. Pantelis Papagiannopoulos et Nikolas Pippis, le ministre déclare que ses services ont déclenché la procédure de règlement des différends en mai 1981. L'employeur a alors prétendu n'avoir pas été au courant de la qualité de syndicaliste des intéressés et les avoir licenciés pour absences injustifiées et comportement inapproprié. Ces deux personnes ont reçu une indemnité légale et une indemnité supplémentaire de six mois en application de la loi no 35141928 relative à la situation des employés du secteur privé appelés sous les drapeaux, puisqu'elles venaient d'accomplir leur service militaire. Les efforts du ministère pour obtenir la réintégration des travailleurs en question sont restés vains et le gouvernement leur a conseillé d'introduire un recours en justice.
  4. 139. Quant au licenciement du secrétaire général et du trésorier du Syndicat des travailleurs des chantiers navals, MM. B. Plexidas et E. Foukis, le ministre explique que la procédure de règlement des différends a également été engagée au sein du ministère en mai 1981 et, durant celle-ci, le représentant de l'entreprise avait affirmé que les licenciements avaient eu lieu en application de la loi no 64 de 1974 "sur les données du statut individuel et familial des fonctionnaires d'Etat". Les travailleurs au contraire allèguent des licenciements antisyndicaux intervenus trois jours avant les élections. Les démarches du ministère n'ont pas abouti, et, le 29 mai 1981, la plainte du syndicat contenant des allégations de violation des articles 5 et 26 de la loi no 330 de 1976 a été transmise par les services du ministère au procureur, affirme le ministre. Il ajoute que, dans les cas où l'employeur a procédé à des licenciements pour inaptitude ou raisons économiques, le gouvernement a également déclenché la procédure susmentionnée et qu'après l'échec de ses efforts pour obtenir la réintégration des travailleurs il a conseillé aux intéressés de s'adresser aux tribunaux.
  5. 140. Au sujet du licenciement des travailleurs des aciéries "Helliniki Chalivourgie" SA en 1979, le ministre déclare être vainement intervenu auprès de l'entreprise et avoir conseillé aux travailleurs licenciés de se pourvoir en justice. Un certain nombre ont été réembauchés, d'autres, après avoir eu gain de cause devant les juges, ont été indemnisés. L'entreprise, en ce qui concerne un syndicaliste et un ancien combattant, refuse encore de les réintégrer prétendant que l'affaire doit être tranchée par les tribunaux.
  6. 141. Pour les 151 licenciements intervenus entre janvier et mai 1981, le ministre déclare qu'ils auraient eu des motifs économiques, à savoir la baisse des exportations et la fermeture de deux hauts fourneaux. Les plaignants allèguent des licenciements liés au mouvement de grève qui n'auraient eu pour but que d'affaiblir leur syndicat. Les tentatives du ministère pour obtenir la réintégration des intéressés sont aussi restées sans résultat.
  7. 142. En ce qui concerne les cas concrets mentionnés dans la plainte, le ministre signale que M. Savas Ioannides a eu gain de cause devant le tribunal, l'intéressé ayant été licencié du fait de sa candidature aux organes directeurs du syndicat Petrola Latsis. Après conciliation avec l'entreprise, il a reçu une indemnité de 130.000 drachmes et a quitté son emploi. MM. Panayotides et D. Tjoumas, licenciés à la suite de la grève du 10 novembre 1980 déclenchée par la Confédération générale du travail et le Centre de travail d'Elefsina, se sont pourvus devant les tribunaux sur le conseil du ministère. Le ministre rappelle que l'employeur prétend avoir licencié les intéressés pour non respect de l'horaire de travail. L'affaire est en cours. Pour ce qui est de M. E. Kakariaris, ce syndicaliste travaillait à l'industrie des fabrications de fer de M. E. Ioannides. Au cours d'une grève qui eut lieu à l'usine en novembre 1960, l'intéressé se serait adressé de manière impropre à l'employeur et à ses représentants, ce qui a conduit l'employeur à introduire un recours en justice en vertu de la loi no 1803 de 1951, et l'employeur a eu gain de cause, déclare le ministre.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 143. Le comité note que la présente affaire concerne des licenciements de dirigeants et de militants syndicaux. Le comité observe en particulier qu'il a déjà été saisi d'allégations concernant des licenciements intervenant à la veille des élection syndicales ou à la suite de conflits collectifs du travail, en particulier dans les entreprises mentionnées par les plaignants.
  2. 144. Lorsque le comité est saisi d'allégations de cette nature, il doit rappeler en premier lieu, comme il l'a fait à plusieurs reprises dans des cas relatifs à la Grèce, la très grande importance qu'il attache au principe selon lequel les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination antisyndicale. Cette protection doit s'étendre particulièrement aux candidats aux élections et aux dirigeants syndicaux. En effet, ceux-ci doivent, pour pouvoir accéder aux fonctions de direction et pour pouvoir remplir des fonctions syndicales, avoir la garantie qu'ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu'ils souhaitent détenir ou qu'ils détiennent. L'une des manières d'assurer la protection des syndicalistes est de prévoir qu'ils ne peuvent être licenciés ni dans l'exercice de leurs fonctions, ni pendant un certain laps de temps après la fin de leur mandat, sauf faute gravez.
  3. 145. Dans cette affaire le comité constate que, dans les différents secteurs en cause, principalement les chantiers navals et les aciéries, des congédiements sont intervenus dans le cadre de licenciements économiques. Cependant, il ressort des informations concordantes fournies par les plaignants et le gouvernement que la direction de ces entreprises, loin de s'efforcer de maintenir en emploi des dirigeants syndicaux et des candidats aux élections, les a, au contraire, licenciés et a même refusé parfois de les réintégrer en application des décisions de justice les concernant ou des demandes réitérées du gouvernement. Dans ces conditions, le comité, tout en notant avec appréciation le efforts déployés par le gouvernement, ne peut que rappeler les principes exprimés au paragraphe antérieur sur la protection des dirigeants syndicaux et des candidats aux élections.
  4. 146. En outre, le comité, dans plusieurs cas relatifs à la Grèce, avait manifesté le souhait que des mesures soient envisagées pour modifier les dispositions de la législation et en particulier de la loi no 330/76 sur les organisations syndicales et les unions professionnelles afin d'assurer que les dirigeants et les militants syndicaux ainsi que les candidats aux élections bénéficient, au sein de l'entreprise où ils sont employés, d'une protection plus complète contre les actes de discrimination antisyndicale. En effet, le comité avait déjà relevé que, même si l'article 26 de cette loi interdit le licenciement des dirigeants syndicaux, sauf pour motif grave, l'étendue de cette protection varie selon l'importance numérique de l'organisation.
  5. 147. Le comité veut croire que le gouvernement sera en mesure d'améliorer les dispositions protectrices des travailleurs en général et des candidats aux élections et des responsables syndicaux en particulier afin, d'assurer le respect de l'article 3 de la convention no 87 et de l'article 1er de la convention no 98, l'une et l'autre ratifiées par la Grèce. A cet égard, le gouvernement pourrait souhaiter mettre sur pied des mécanismes de protection préventive contre les licenciements antisyndicaux. Un moyen complémentaire d'assurer une protection efficace aux travailleurs pourrait consister à faire obligation à l'employeur d'apporter la preuve de la nature non syndicale du motif qui sous-tend son intention de licencier un travailleur. Le comité croit utile de signaler cet aspect du cas à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 148. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver les conclusions suivantes:
    • a) En ce qui concerne les allégations de licenciements discriminatoires pour des motifs antisyndicaux, le comité observe qu'il ressort des informations concordantes fournies par les plaignants et le gouvernement que la direction des entreprises en cause, loin de s'efforcer de maintenir en emploi des dirigeants syndicaux et des candidats aux élections, les a licenciés et a même refusé parfois de les réintégrer en application des décisions de justice et des interventions réitérées du gouvernement. Le comité, tout en notant avec appréciation les efforts déployés par le gouvernement dans ces affaires, ne peut que rappeler l'importance qui s'attache à la protection des travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale.
    • b) En ce qui concerne l'insuffisance des mesures de protection garantissant les activités syndicales, le comité exprime à nouveau l'espoir que des mesures seront prises en vue d'améliorer les dispositions législatives concernant la protection des candidats aux élections et des responsables syndicaux, et il croit utile de signaler cet aspect du cas à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
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