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Rapport définitif - Rapport No. 211, Novembre 1981

Cas no 996 (Grèce) - Date de la plainte: 10-JUIL.-80 - Clos

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  1. 74. La plainte de la Fédération panhellénique des comptables (POL) figure dans une communication du 10 juillet 1980. Far la suite, le 25 octobre 1980, la POL a adressé des informations complémentaires à l'appui de sa plainte. Le gouvernement, pour sa part, a fait parvenir ses observations dans une lettre du 26 mars 1981.
  2. 75. La Grèce a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 76. La POL, dans sa première communication, indiquait que le ministère du Travail aurait commis des actes d'ingérence dans les affaires syndicales des comptables. Le ministère du Travail se serait appuyé sur les dispositions de la loi no 323955 sur les négociations collectives, considérées par les plaignants comme contraires aux intérêts des travailleurs, pour offrir aux employeurs une centaine de millions de drachmes aux frais des comptables et des aides-comptables. Il aurait, est-il allégué, utilisé les services d'une association syndicale sans existence réelle, dénommée l'organisation professionnelle des comptables pour "monter de pseudo-conventions collectives" avec les organisations patronales sans sa participation.
  2. 77. Les plaignants joignaient à leur plainte initiale deux des communications qui avaient été adressées par eux à tous les comptables de Grèce. Il semblait ressortir de ces communications, en premier lieu, que les responsables de la POL, face au défaut de promulgation au Journal officiel, par le ministère du Travail, d'une sentence arbitrale (no 55/80) rendue en leur faveur par le Tribunal d'arbitrage de deuxième instance d'Athènes, auraient été contraints de déposer ladite sentence arbitrale devant le Tribunal de justice de paix d'Athènes, le 25 juin 198e, pour en obtenir l'exécution (acte de dépôt no 45).
  3. 78. Les plaignants expliquaient que cette sentence aurait dû entrer en vigueur à la date même de son adoption, soit le 29 février 1980, et que les employeurs auraient dû verser dès cette date des augmentations de salaires aux comptables et aux aides-comptables. Or, selon les plaignants, le gouvernement, agissant dans l'intérêt des employeurs, aurait permis de retenir lesdites augmentations de salaires de façon prolongée. En effet, le ministère du Travail aurait invoqué la loi pour que la sentence ne devienne obligatoire qu'à la date de sa promulgation et n'aurait procédé à ladite promulgation que plus de quatre mois et demi après son adoption, soit le 15 juillet 1980, après qu'une demande expresse d'exécution eut été déposée par la POL le 25 juin 1980 devant le tribunal.
  4. 79. En second lieu, toujours selon les plaignants, le ministère du Travail se serait empressé de rendre également obligatoire pour toutes les parties une "pseudo-convention collective" signée par l'organisation professionnelle des comptables, une organisation rivale, appelée par les plaignants "mouvement antisyndical" et patronnée par la Fédération des employés privés de Grèce (OIYE), fédération qui, selon eux, n'a aucun rapport avec les comptables.
  5. 80. Dans sa communication complémentaire du 25 octobre 1980, la POL retrace l'historique du mouvement syndical dans la branche des comptables en Grèce. Elle explique qu'elle avait été dissoute sous la dictature et alors que son organisation rivale était considérée à l'époque comme l'organisation la plus représentative. Depuis lors, la reconnaissance de cette qualité a été attribuée à la FOL, par décision de la Cour d'arbitrage de première instance d'Athènes (décision no 28/1976).
  6. 81. La POL déclare également qu'en utilisant la procédure fixée par la loi no 3239/55, sur les négociations collectives, le gouvernement peut fixer les salaires sous la menace d'un règlement du conflit par un blocage devant le Tribunal d'arbitrage. Au dire des plaignants, le tribunal adopterait des sentences uniformes et stéréotypées d'augmentation de salaires conformes aux voeux du gouvernement. L'organisation plaignante explique en outre que, quand un différend dans le secteur des comptables est soumis à l'arbitrage, l'OIYE signe, en l'absence de la POL et sans que celle-ci y ait été invitée, une convention collective avec les employeurs. Ce fut le cas, précise la FOL, en 1978 et 1980. Les tribunaux, pour leur part, ne rendent pas de décisions d'arbitrage plus favorables aux comptables que ces "pseudo-conventions collectives" signées par l'OIYE. De plus, les conventions en question entrent en vigueur pour les membres de l'OIYE quelques semaines avant la soumission du conflit entre les employeurs et la POL à l'arbitrage. De l'avis de la FOL, ceci permet d'exercer une pression sur les comptables pour les inciter à adhérer à l'OIYE.
  7. 82. Ainsi, prétend la FOL, la dernière convention collective qui couvre les membres de l'organisation rivale est entrée en vigueur le 1er février 1980, alors que la sentence arbitrale applicable à tous les comptables, sentence no 55/80, est du 29 février 1980. De plus, le ministère tarde à proclamer l'entrée en vigueur de la sentence arbitrale. Lorsqu'il l'a enfin proclamée, presque cinq mois plus tard, soit le 12 juin 1980, il a exempté les employeurs du paiement rétroactif de l'augmentation accordée dès le 19 février 1980 par ladite sentence arbitrale et a justifié cette retenue de centaines de millions de drachmes en faveur des employeurs en arguant d'obstacles juridiques.
  8. 83. La POL allègue d'autre part une tentative d'imposer à tous les salariés du pays une contribution supplémentaire s'ajoutant à la contribution qui finance déjà l'Organisme pour la gestion des ressources spéciales des associations de travailleurs (ODEPES), organisme public qui recueille les cotisations syndicales, puis les redistribue aux organisations syndicales. Selon elle, cette contribution devrait être recueillie en faveur de la Confédération générale des travailleurs de la Grèce (CGTG) par l'intermédiaire des services de l'Etat (IKA). Si cette tentative aboutissait, elle aurait des effets graves pour le mouvement syndical, un nouveau système plus négatif encore que l'ODEPES serait en train de se mettre en place: les organisations qui n'appartiennent pas à la CGTG et qui, de toute manière, demandent l'abolition de ce système de financement seront exclues du bénéfice de ces contributions, assurent les plaignants.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 84. Dans sa réponse du 26 mars 1981, le gouvernement déclare que la loi no 3239/1955 prévoit que les employeurs et les travailleurs, par des conventions librement négociées, fixent les conditions de travail et de rémunération des salariés de leur branche.
  2. 85. Depuis l'adoption de la loi no 73 de 1974, poursuit le gouvernement, le ministre du Travail n'a plus le droit d'abroger ou de modifier, en tout en ou partie, les conventions collectives. Cependant, il peut, avant de procéder à leur promulgation au Journal officiel, en contrôler la légalité et, en cas de transgression à la loi, ne pas les promulguer. Dans ce cas, explique-t-il, chacune des parties peut déposer la convention collective devant le tribunal de paix compétent. A la suite de ce dépôt, la convention est mise en vigueur, mais, en cas de litige d'une des parties, sa légalité est jugée par le tribunal.
  3. 86. Dans le présent cas, déclare le gouvernement, plusieurs organisations syndicales concourent à la promotion des intérêts professionnels et économiques de la branche des comptables employés dans les entreprises privées. Or la Fédération des employés privés de Grèce (OIYE), la Fédération des comptables et des aides-comptables, ainsi que l'Association des comptables ont signé, le 24 avril 1980, avec les organisations patronales une convention collective portant sur les conditions de travail et de rémunération de leurs membres. Cette convention a été déposée au ministère du Travail aux fins de promulgation. Le ministère l'a renvoyée aux parties, au motif que la Fédération panhellénique des comptables (POL), organisation reconnue dans le passé comme la plus représentative, n'y figurait pas.
  4. 87. Les organisations signataires, devant ce refus du ministère du Travail de procéder à la promulgation de la convention collective en question, l'auraient déposée au Tribunal de paix d'Athènes, conformément à l'article 8 du décret-loi no 186 de 1969. Dès le dépôt de la convention collective, explique le gouvernement, elle lie les employeurs et les travailleurs qui l'ont signée. Il ajoute que tant les organisations les plus représentatives que celles qui sont simplement représentatives peuvent conclure des conventions collectives.
  5. 88. Le gouvernement poursuit en indiquant que, entre-temps, la POL est entrée en conflit avec les organisations syndicales signataires de la convention collective. Le différend a été porté devant le Tribunal d'arbitrage de premier degré d'Athènes en première instance puis tranché en appel à la demande de la POL par la décision no 55/80 réglant les conditions de rémunération et de travail des comptables et aides-comptables affiliés à la POL.
  6. 89. Les deux réglementations, précise le gouvernement, ont été déclarées obligatoires par décisions nos 16090 et 16091 de 1980. Le ministère du Travail n'a pas, explique-t-il, le droit de donner une vigueur rétroactive à une sentence arbitrale au à une convention collective; ces textes sont donc entrés en vigueur à la date de leur promulgation au Journal officiel.
  7. 90. Enfin, en ce qui concerne la question de la cotisation syndicale, le gouvernement rappelle qu'il a déjà fourni des renseignements précis et complets au BIT sur ce point. Il répète qu'il attend toujours, de la part des organisations de travailleurs, des propositions concrètes portant sur la réglementation de la perception des cotisations à la source par le biais des conventions collectives en vue d'être en mesure de supprimer le financement des organisations syndicales par l'entremise de l'ODEPES.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 91. Dans la présente affaire, le comité note que les déclarations des plaignants et du gouvernement ne concordent pas. En effet, selon les plaignants, le gouvernement aurait, à dessein, retardé l'entrée en vigueur d'une sentence arbitrale et aurait contribué à l'adoption d'une "pseudo-convention collective" entre les employeurs et des organisations de travailleurs insuffisamment représentatives afin de favoriser les employeurs et de nuire aux plaignants. En revanche, le gouvernement estime avoir contribué à garantir les droits syndicaux des plaignants en refusant, dans un premier temps, de publier automatiquement une convention collective conclue par des organisations syndicales qui n'étaient pas les plus représentatives de leur branche et en leur rappelant que les plaignants qui constituent l'organisation la plus représentative ne figuraient pas parmi les signataires de ladite convention collective.
  2. 92. Le comité, pour sa part, relève que, pour obtenir la publication et donc la mise en vigueur tant de la sentence arbitrale que de la convention collective, les intéressés ont dû recourir au dépôt des textes en question devant le Tribunal de paix d'Athènes. A cet égard, le gouvernement explique lui-même que ces dépôts lient les parties et que ces textes entrent en vigueur à la date de leur promulgation. Or le comité constate qu'ils ont l'un et l'autre été promulgués par décisions ministérielles nos 16090 et 16091 publiées au Journal officiel.
  3. 93. Par ailleurs, le comité a pris connaissance des dispositions de la loi no 3239 du 18 mai 1955 d'où il ressort qu'aucune décision du ministre du Travail publiant ou confirmant une convention collective ou publiant une sentence arbitrale au Journal officiel ne peut être rendue avant le seizième ni après le trente-cinquième jour suivant le dépôt de la convention au ministère du Travail ou la notification de la sentence (article 20 (1)). Si la procédure prescrite n'est pas terminée dans le délai en question chacune des parties a la faculté de déposer la convention ou la sentence au Tribunal de justice de paix d'Athènes dans les dix jours de l'expiration du délai, en donnant, par ministère d'huissier, avis de ce dépôt aux intéressés et au ministère du Travail; la convention ou la sentence portera effet à partir du lendemain de la notification à la dernière des parties intéressées (article 20 (3)). La loi dispose aussi que les conventions collectives portent effet à partir du jour de leur publication au journal officiel, sauf si elles prévoient une autre date à cet effet. D'autre part, le décret-loi no 73 de 1974, qui amende la loi no 3239 de 1955, confère au gouvernement, comme il l'a lui-même indiqué, le droit de contrôler la légalité des conventions collectives et des décisions arbitrales et de renvoyer aux parties ou au Tribunal administratif d'arbitrage une convention ou une décision qu'il est sur le point de publier pour qu'elle soit réexaminée (article 2).
  4. 94. Pour ce qui est de la sentence arbitrale, le comité constate que le gouvernement n'a pas renvoyé la sentence au Tribunal administratif d'arbitrage mais qu'il n'a pas non plus procédé à sa publication dans les trente-cinq jours de son adoption comme la loi lui en faisait obligation. En effet, selon les plaignants, la sentence date du 29 février; elle aurait donc pu être publiée dans les premiers jours d'avril.
  5. 95. Cependant, le comité relève que les plaignants auraient, eux aussi, pu dans les dix jours, soit aux environs du 15 avril 1980, déposer la sentence rendue en leur faveur devant le Tribunal de justice de paix d'Athènes et notifier ce dépôt tant aux employeurs qu'au ministère pour en obtenir la mise en vigueur. La sentence aurait alors, aux termes de la loi, porté effet au lendemain de la notification à la dernière des parties intéressées, soit très probablement avant la fin du mois d'avril ou dans les tous premiers jours du mois de mai.
  6. 96. Sur ce point, de l'aveu même des plaignants, ils n'ont déposé leur demande que le 25 juin, d'où le retard dans l'entrée en vigueur de la sentence arbitrale. Par ailleurs, les plaignants n'indiquent pas si et quand ils auraient avisé de ce dépôt, par ministère d'huissier, leurs employeurs et le ministère. S'ils avaient fait diligence pour les en aviser, ici encore la sentence serait, aux termes de la loi, automatiquement entrée en vigueur dès le lendemain de la notification à la dernière des parties intéressées.
  7. 97. En conséquence, pour ce qui est de l'allégation selon laquelle le gouvernement aurait sciemment retardé l'entrée en vigueur d'une sentence arbitrale, le comité constate que, si le gouvernement n'a pas publié la sentence dans les trente-cinq jours comme la loi lui en faisait obligation, les plaignants n'ont pas non plus déposé leur demande auprès du tribunal dans les dix jours comme la loi le leur permettait. Le comité estime sur ce point que la loi contient des dispositions raisonnables et que de telles exigences ne constituent pas une violation des droits syndicaux en général et qu'il n'y a pas eu, dans le cas d'espèce, atteinte aux droits syndicaux des plaignants.
  8. 98. Pour ce qui est de l'allégation selon laquelle le gouvernement aurait sciemment favorisé l'adoption d'une "pseudo-convention collective" avec des organisations syndicales insuffisamment représentatives, le comité note que le gouvernement, avant de procéder à la publication de la convention collective, a rappelé aux parties que les plaignants constituant l'organisation syndicale la plus représentative n'y figuraient pas. Le gouvernement s'est donc entouré des garanties nécessaires avant de procéder, à la demande des signataires, à la promulgation de la convention. En conséquence, le comité estime également, sur ce second point, que la publication de la convention collective n'a pas porté atteinte aux droits syndicaux des plaignants.
  9. 99. Au sujet de l'allégation relative au financement des organisations syndicales, le comité demande à nouveau au gouvernement d'adopter une législation supprimant le financement des organisations syndicales par l'entremise de l'ODEPES et fixant un cadre pour que les travailleurs qui le souhaitent puissent verser leurs cotisations syndicales selon un système de retenue à la source.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 100. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration de décider, à propos des allégations concernant la négociation collective, que les aspects du cas n'appellent pas un examen plus approfondi.
    • A propos du financement des organisations syndicales, le comité recommande au Conseil d'administration de demander à nouveau au gouvernement d'adopter une législation supprimant le financement des organisations syndicales par l'entremise de l'Organisme pour la gestion des ressources spéciales des associations de travailleurs (ODEPES) et fixant un cadre pour que les travailleurs qui le souhaitent puissent verser leurs cotisations syndicales selon un système de retenue à la source.
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