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- 243. Par une communication du 4 décembre 1979, le syndicat des travailleurs de Cano Isaza et Cie Arts graphiques "El Espectador" a présenté une plainte en violation des droits syndicaux en Colombie. Cette organisation a adressé des informations complémentaires à l'appui de sa plainte dans une communication du 28 janvier 1980. Depuis lors, le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication du 16 avril 1980.
- 244. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection, du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 245. L'organisation plaignante se réfère à des licenciements de dirigeants et de militants syndicaux par l'entreprise de presse Cano Isaza et Cie et souhaite l'annulation d'un pacte collectif qui régit les relations de travail entre les travailleurs non syndiqués et l'entreprise.
- 246. Le conflit aurait eu pour origine des modifications technologiques dans le processus de fabrication des journaux et périodiques, qui auraient eu pour conséquence une augmentation de la charge et de la durée du travail.
- 247. Le 12 décembre 1978, les travailleurs auraient sollicité une entrevue avec la direction en vue d'obtenir de meilleures conditions de travail, et ayant cru l'obtenir ils se seraient rendus dans l'amphithéâtre de l'entreprise pour y exposer leurs revendications. La direction aurait alors fait appel au ministère du Travail pour faire constater par un inspecteur que les travailleurs avaient déserté leurs postes. Elle aurait, en outre, décrété par la suite trois jours de lock-out.
- 248. Cherchant à affaiblir la -résistance syndicale à l'intérieur de l'entreprise, elle aurait licencié, en juin 1979, des dirigeants de l'Association nationale de presse et fait pression sur les militants syndicaux pour les inciter à démissionner du syndicat accordant aux non-syndiqués des bonifications particulières. Elle aurait également congédié la cinquantaine de syndicalistes qui se seraient refusés à démissionner du syndicat.
- 249. Les plaignants allèguent en outre que la direction a cherché à imposer aux travailleurs un pacte collectif qui vise à mettre fin aux libertés syndicales accordées par la loi à l'intérieur de l'entreprise, notamment à celles de s'associer, de réclamer son droit et de revendiquer des augmentations de salaires. Elle aurait menacé de licenciement ceux qui refusaient de signer et offert des bonifications particulières aux autres.
- 250. Les plaignants précisent que, le 2 novembre 1979, les travailleurs auraient été informés que le pacte collectif proposé par la direction avait été signé par deux journalistes et un photographe représentant les 15 travailleurs non syndiqués de l'entreprise. Le même jour, le syndicat avait dénoncé la convention collective en vigueur, et une négociation directe s'était engagée avec la direction à partir d'un cahier de revendications de 46 points élaboré par une assemblée générale des travailleurs. L'entreprise a refusé, le 13 janvier 1980, de faire droit à ces revendications. Entre-temps, le 26 novembre 1979, les plaignants avaient introduit un recours contre le dépôt du pacte collectif qui, selon eux, a été passé en violation des normes légales.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 251. Le gouvernement explique que l'arrêt de travail du 12 décembre 1976 était illégal, l'inspecteur du travail au cours d'une visite régulière l'ayant constaté. La direction a procédé au licenciement de plusieurs travailleurs qui avaient participé à cet arrêt de travail après que le ministère du Travail l'y ait autorisé conformément à la loi. La protection des dirigeants syndicaux, souligne le gouvernement, ne couvre ces derniers que lorsqu'ils exercent légalement leur fonction et pas quand ils dirigent un arrêt de travail déclaré illégal par le ministère. Cependant, les intéressés ont la possibilité d'engager un recours contentieux administratif en annulation de la résolution administrative adoptée par le ministère du Travail.
- 252. Sur le second point, c'est à bon droit, selon le gouvernement, que le chef de la Division des relations collectives du travail a accepté, le 26 novembre 1979, le dépôt du pacte collectif souscrit entre l'entreprise Cano Isaza et Cie et ses travailleurs non syndiqués. En effet, ce pacte a été adopté conformément aux dispositions des articles 47 et suivants du décret no 1469 de 1978 régissant la matière. Une assemblée générale des travailleurs non syndiqués s'était tenue le 23 octobre 1979, et le 31 octobre 1979 une nouvelle assemblée avait élu les négociateurs auxquels fut reconnu le droit de signer le pacte collectif, résultat du cahier de revendications. Le gouvernement précise que, le 7 novembre 1979, l'entreprise comptait 993 travailleurs, dont 13 syndiqués d'Asoprensa et 268 du syndicat de base. En outre, 680 travailleurs ont adhéré au pacte collectif en application de l'article 481 du Code du travail. Le gouvernement indique que le recours en révocation engagé par le président du syndicat contre le dépôt de ce pacte n'a pas abouti et que l'affaire est en appel devant la Direction générale du Travail conformément à la procédure administrative en vigueur. Le gouvernement précise que l'article 46 du décret no 1469 prévoit que les entreprises qui ont signé des conventions avec des syndicats représentant plus du tiers des travailleurs ne pourront pas souscrire de pacte collectif. Ceci implique, à contrario, que, si le syndicat représente moins du tiers des travailleurs, il est possible à l'entreprise de sceller avec les travailleurs non syndiqués des pactes collectifs.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 253. Le présent cas porte essentiellement sur le licenciement allégué de dirigeants et de militants syndicaux et sur un recours en annulation présenté par l'organisation plaignante d'un pacte collectif signé par la direction et les travailleurs non syndiqués de l'entreprise Cano Isaza et Cie.
- a) Allégations relatives aux licenciements de dirigeants et de militants syndicaux
- 254. Il ressort des informations disponibles pour ce qui concerne le licenciement de trois dirigeants et de militants syndicaux que les versions des plaignants et du gouvernement sont totalement contradictoires. Quoi qu'il en soit, le comité relève que les intéressés ont été congédiés pour avoir, selon le gouvernement, participé à un arrêt de travail d'une demi-journée déclaré illégal par les autorités, alors que les plaignants nient qu'un tel mouvement ait eu lieu. Le comité désire souligner, comme il l'a fait dans des cas antérieurs relatifs à la Colombie, que les relations professionnelles pourraient être grandement améliorées si les employeurs intéressés étudiaient avec soin la possibilité de réintégrer dans leurs fonctions les personnes ainsi sanctionnées. D'autre part, le comité a déjà signalé au gouvernement% que les licenciements prononcés pour faits de grève comportent de graves risques d'abus et des dangers pour la liberté syndicale et qu'une attitude inflexible dans l'application aux travailleurs de telles sanctions trop sévères ne peuvent que compromettre le développement des relations professionnelles. En l'espèce, le comité observe que, même si les autorités ont constaté un arrêt de travail, celui-ci n'aurait duré qu'une demi-journée. En conséquence, le comité estime qu'il serait approprié que le gouvernement prenne des mesures en vue de favoriser la réintégration des travailleurs licenciés.
- 255. Le comité a déjà examiné les dispositions régissant la question des pactes collectifs à deux reprises. Ces pactes gouvernent les relations de travail entre l'entreprise et ses travailleurs non syndiqués.
- 256. Le comité avait rappelé que la convention no 98 ratifiée par la Colombie invite en son article 4 les gouvernements à adopter des mesures appropriées pour encourager et promouvoir la négociation volontaire entre les employeurs et les organisations d'employeurs et les organisations de travailleurs en vue de régler les conditions d'emploi. La recommandation (no 91) sur les conventions collectives, 1951, définit en son paragraphe 2 la convention collective comme un accord conclu entre les employeurs et les organisations représentatives de travailleurs ou "en l'absence de telles organisations, les représentants des travailleurs intéressés". Le comité a fait observer que ces normes donnent la préférence, en ce qui concerne l'une des parties aux négociations collectives, aux organisations de travailleurs. La recommandation no 91 ne mentionne les représentants des travailleurs non organisés qu'en l'absence de telles organisations.
- 257. Le comité avait estimé que la négociation directe conduite entre l'entreprise et son personnel, sans qu'il soit tenu compte des organisations représentatives existantes, peut, dans certains cas, être contraire au principe selon lequel il faut encourager la négociation collective entre les employeurs et les organisations de travailleurs.
- 258. Dans le cas d'espèce, le comité a pris connaissance de la documentation annexée aux communications des plaignants d'où il ressort que des pressions patronales semblent s'être exercées sur les travailleurs pour qu'ils démissionnent du syndicat et signent le pacte collectif. Ce pacte comporte des mesures d'incitation, notamment l'octroi de bonifications à ceux qui signent avant le 20 novembre 1979 (articles 18 et 26), et une circulaire distribuée plus tard par la direction accorde les mêmes bonifications, avec rétroactivité, à ceux qui s'engagent avant le 31 décembre. Par ailleurs, ceux qui y adhèrent ne pourront s'en retirer sans l'approbation de l'entreprise (article 2) et les signataires ne pourront ni présenter de pétitions collectives à l'entreprise, ni engager de conflit collectif, ni bénéficier de conventions signées par l'entreprise et ses syndicats tant qu'il sera en vigueur (article 25).
- 259. Le comité observe que les mesures discriminatoires utilisées par l'employeur pour faire signer le pacte semblent contraires à l'article 61 du décret-loi no 1469 de 1978 qui prévoit que l'existence d'un pacte collectif ne pourra porter atteinte au principe selon lequel à travail égal dans un poste une journée et des conditions d'efficacité égale, le salaire doit être égal.
- 260. Le comité estime, dans ces conditions, que la négociation directe conduite entre l'entreprise et son personnel, qui a abouti au pacte collectif du 31 octobre 1979 sans qu'il ait été tenu compte des deux organisations syndicales représentant les travailleurs de l'entreprise, n'a, dans le présent cas, pas été conforme au principe de l'encouragement et de la promotion de la négociation collective entre les employeurs et les organisations de travailleurs.
- 261. Dans le cas d'espèce, le comité observe en outre que, selon les plaignants, l'entreprise a, afin de pouvoir signer le pacte collectif, incité les travailleurs à démissionner du syndicat et licencié ceux qui s'y refusaient. Le comité note à cet égard qu'aux termes de l'article 46 du décret no 1469 l'entreprise peut signer un pacte collectif avec les travailleurs non syndiqués si le syndicat représente moins du tiers des travailleurs. Le comité estime, d'une manière générale, qu'une telle disposition pourrait comporter le risque de favoriser des actes de discrimination antisyndicale en vue de réduire le nombre de travailleurs syndiqués et de pouvoir ainsi conclure un pacte collectif.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 262. Dans ces conditions, le comité recommande au conseil d'administration:
- a) au sujet des licenciements de dirigeants et de militants syndicaux, de suggérer au gouvernement, afin de rétablir un climat social plus propice au développement de bonnes relations professionnelles, de prendre des mesures dans le sens indiqué au paragraphe 254 ci-dessus;
- b) au sujet du recours en annulation du pacte collectif signé par la direction et les travailleurs non syndiqués de l'entreprise Cano Isaza et Cie, d'attirer l'attention du gouvernement sur les considérations et principes exposés aux paragraphes 260 et 261 ci-dessus et de prier celui-ci de tenir le comité informé des suites données au recours en appel déposé devant la Direction générale du travail.