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- 163. La plainte de la Confédération mondiale du travail (CMT) figure dans une communication du 24 août 1979. Le gouvernement a répondu par une lettre du 17 octobre 1979.
- 164. La République dominicaine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 165. La CMT déclare que les travailleurs des transports, groupés en une "Unité de lutte des chauffeurs", ont demandé au gouvernement qu'il renonce à la hausse du prix de l'essence, qui est passée le 31 juillet 1979 de 1,25 dollar à 1,85 dollar. Le 1er août, après que tous les moyens de conciliation eurent été épuisés, une grève fut organisée et paralysa les transports dans les principales villes du pays. Les grévistes reçurent l'appui, poursuit le plaignant, de milliers de travailleurs lors d'une manifestation de solidarité à Santo Domingo, mais la police et des groupes de civils armés ont ouvert le feu contre les travailleurs, faisant 8 morts parmi les ouvriers et 20 blessés; 200 personnes auraient été arrêtées.
- 166. Le gouvernement répond qu'en raison des hausses du prix du pétrole qui ont affecté l'économie de tous les pays non producteurs, et surtout des pays en développement comme la République dominicaine, il a été absolument contraint d'ajuster le prix de l'essence et de ses dérivés, comme cela a été le cas dans tous les pays. Ces hausses de prix n'ont pas été populaires auprès des organisations de chauffeurs du pays, ajoute-t-il, et provoquèrent des réactions peu en harmonie avec la situation économique du pays. Le gouvernement avait pourtant pris des mesures de compensation en faveur des chauffeurs, notamment des mesures de sécurité sociale, un salaire mensuel de 100 pesos, des plans de logement; etc.
- 167. Le Comité d'unité de lutte des chauffeurs, poursuit le gouvernement, déclara, d'une manière inattendue, une grève des travailleurs des transports publics, exigeant du gouvernement une série de mesures dont la plupart s'écartaient des objectifs d'un syndicat et constituaient plutôt le programme d'un parti politique. Le gouvernement déclare aussi que ce type de grève est expressément interdit par les articles 370 et 371 du Code du travail et que le transport de passagers et de choses est considéré comme un service public d'utilité permanente.
- 168. A aucun moment, poursuit le gouvernement, il n'y eut une manifestation comme celle décrite dans la plainte, mais la grève déclenchée d'une manière inattendue, principalement à Santo Domingo, fut émaillée de poussées de violence organisées dans certains quartiers. On assista aussi à de rapides actions de commando par des groupes étrangers au secteur des transports; ceux-ci brûlaient, renversaient des véhicules puis disparaissaient dans les quartiers des faubourgs quand apparaissaient les forces de l'ordre on peut donc présumer, estime le gouvernement, que les protestations contre la hausse du prix de l'essence cachaient d'autres desseins: déstabiliser le régime actuel et briser le processus accordant de larges garanties en matière de droits de l'homme.
- 169. Selon le gouvernement, des groupes de civils ont été les protagonistes des fusillades qui se soldèrent par trois morts et quelques blessés; il s'est toutefois agi d'actions isolées sans aucune espèce de participation des forces de l'ordre ou des autorités publiques. Le gouvernement soupçonne que ces actes faisaient partie du plan de déstabilisation précité. Il n'y a dans les prisons du pays, ajoute-t-il, aucun détenu appartenant au secteur des transports et, plus précisément, au Comité d'unité de lutte des chauffeurs; si les forces de l'ordre ont appréhendé certaines personnes surprises en flagrant délit de vandalisme, celles-ci n'étaient liées à aucune organisation professionnelle.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 170. Le comité a déjà souligné, notamment dans l'examen de cas antérieurs concernant la République dominicaine, que le droit de grève constitue un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et, leurs organisations pour promouvoir et pour défendre leurs intérêts professionnels. Il ne l'a pourtant fait que dans la mesure où la grève se déroule pacifiquement, sans violences ni voies de fait sur les personnes ou sur les choses, à fortiori sans qu'elle ne tourne à l'émeute. En l'occurrence, le mouvement de grève s'est accompagné d'incidents graves, aboutissant en particulier à la mort de plusieurs personnes. D'après le gouvernement, ce sont des groupes de civils qui sont les auteurs de ces meurtres. Le comité ne peut qu'exprimer sa préoccupation en face de tels événements. Il a insisté, dans de nombreux cas se rapportant à la mort de syndicalistes, sur l'importance qu'il y a à mener une enquête approfondie et impartiale sur ces incidents afin de déterminer les faits avec précision et de découvrir les responsables des homicides. En l'espèce cependant, aucune précision n'a été fournie sur l'identité ou l'appartenance syndicale des victimes.
- 171. Le comité note par ailleurs la déclaration du gouvernement selon laquelle aucun travailleur des transports, en particulier aucun membre du Comité d'unité de lutte des chauffeurs ou d'une organisation professionnelle, ne figure parmi les détenus, pris en flagrant délit de vandalisme.
- 172. Le comité relève enfin que les transports sont classés par l'article 371 du Code du travail parmi les secteurs où la grève est interdite. Dans les cas précités relatifs à la République dominicaine, il avait souligné que des restrictions, voire l'interdiction de la grève dans les services essentiels, pouvaient être considérées comme compatibles avec les principes de la liberté syndicale sous réserve de certaines conditions (en particulier, l'existence de procédures de conciliation et d'arbitrage adéquates, rapides et impartiales) et pourvu qu'il s'agisse de services essentiels au sens strict. Il estime que les transports ne peuvent pas, en termes généraux, rentrer dans cette catégorie, c'est-à-dire dans les services dont l'interruption mettrait en danger l'existence ou le bien-être de l'ensemble ou d'une partie de la population.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 173. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de déplorer la gravité des incidents survenus (spécialement la perte de vies humaines) à l'occasion de la grève des travailleurs des transports et de souligner l'importance qu'il y a dans de tels cas à mener sur les faits une enquête approfondie et impartiale;
- b) de noter la déclaration du gouvernement selon laquelle aucun travailleur des transports ni aucun membre d'une organisation professionnelle ne figure parmi les détenus, et,
- c) de rappeler d'une manière générale à l'attention du gouvernement que des restrictions, voire l'interdiction de la grève dans les services essentiels, ne sont compatibles avec les principes de la liberté syndicale que s'il s'agit de services essentiels au sens strict du terme et sous réserve du respect de certaines conditions et garanties.