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- 577. Par un télégramme du 30 avril 1979, la Confédération mondiale du travail (CMT) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux en Turquie. L'organisation plaignante a adressé de nouvelles allégations dans trois lettres des 8 et 23 mai ainsi que du 9 août 1979. Pour sa part, le gouvernement a fourni ses observations dans des communications des 30 mai et 17 août 1979.
- 578. La Turquie n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; elle a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 579. Dans son télégramme du 30 avril 1979, la CMT se référait aux arrestations de dirigeants et de militants de la Confédération des syndicats des travailleurs révolutionnaires (DISK). Elle ajoutait, dans sa lettre du 8 mai 1979, que neuf dirigeants de cette confédération avaient été arrêtés le 6 mai par le Tribunal militaire de l'état de siège d'Istanbul. Il s'agissait des personnes suivantes: Abdullah Bastürk, président de la DISK; Fehmi Isiklar, secrétaire général; Tuncer Kocamanoglu, Kemal Nebioglu, Riza Guven, membres du comité exécutif; Ridvan Budak, président du Syndicat des travailleurs du textile; Demirhan Tuncay, président du Syndicat des travailleurs de l'alimentation et Ismet Cantekin, dirigeant de la section d'Istanbul de la DISK. La CMT indiquait en outre que quatre autres dirigeants, contre lesquels des mandats d'arrêt avaient été délivrés, étaient recherchés par les autorités de l'état de siège.
- 580. La CMT déclarait également que, le 1er mai 1979, 1.700 personnes environ avaient été détenues dans le stade d'Inonu, puis transférées dans diverses unités militaires d'Istanbul. Le commandement de l'état de siège avait publié un communiqué déclarant qu'une partie des détenus avait été libérée mais que plus de 600 personnes se trouvaient toujours dans les prisons militaires. Selon la CMT, certains détenus auraient été maltraités au cours de leur arrestation ainsi que dans les prisons militaires.
- 581. Dans sa lettre du 23 mai 1979, la CMT signale que les dirigeants de la DISK ainsi que de nombreux militants ouvriers arrêtés à la suite de l'interdiction de la célébration du 1er mai en Turquie ont été relâchés sur ordre du Tribunal de commandement de l'état de siège d'Istanbul. Pour la CMT, la situation syndicale et sociale en Turquie reste cependant très préoccupante dans la mesure où l'état de siège reste en vigueur dans 19 des 67 provinces du pays et entraîne des restrictions dans l'exercice des activités syndicales.
- 582. Dans sa communication du 9 août 1979, la CMT déclare qu'elle a été informée de l'arrestation du secrétaire général de la DISK après que celui-ci eut participé à une réunion syndicale dans la province de Diarbakir. D'autres syndicalistes auraient été également arrêtés pour les mêmes raisons, quelques-uns d'entre eux auraient même été torturés. La CMT précise qu'ils ont tous été libérés mais que M. Fehmi Isiklar n'a pas encore été déféré devant les tribunaux.
- 583. Le gouvernement rappelle en premier lieu, dans sa communication du 30 mai 1979, que les libertés et droits syndicaux sont garantis par les articles 46 et 47 de la Constitution nationale et que la jouissance de ces droits et libertés est régie par les lois nos 274 et 275 sur les syndicats et les contrats collectifs. Le gouvernement précise qu'aucune restriction de ces droits n'a été imposée même dans les provinces où la loi martiale est en vigueur.
- 584. Toutefois, ajoute le gouvernement, les autorités responsables du maintien de l'ordre public à Istanbul ainsi que dans les autres provinces où la loi martiale est en vigueur se sont trouvées dans l'obligation d'interdire l'organisation de rassemblements et manifestations en plein air, en raison des circonstances particulières dans lesquelles se trouve le pays. Cette interdiction est valable pour tous et ne constitue en aucune manière une discrimination quelconque à l'encontre des syndicats. Ces mesures ne permettaient pas la célébration du 1er mai à Istanbul et dans les autres provinces où la loi martiale est en vigueur. En revanche, dans les autres provinces, il n'y avait aucune restriction contre de telles manifestations. Ainsi, un rassemblement a eu lieu en toute liberté et avec le concours des autorités locales à Izmir.
- 585. Le gouvernement déclare également que les dirigeants de la DISK ont agi à l'encontre des dispositions adoptées par les autorités de la loi martiale à Istanbul. De ce fait, ces autorités ont dû procéder à l'arrestation et à l'inculpation de certains dirigeants de la DISK au même titre que d'autres particuliers également accusés d'avoir enfreint les dispositions sur l'ordre public. Toutefois, les dirigeants arrêtés à cette occasion ont été par la suite mis en liberté et leurs procès continuent sans détention. Le gouvernement précise que ces arrestations ne constituent en aucune manière une atteinte à la personne morale de la DISK, contre laquelle aucune action judiciaire n'a été entreprise et qui a continué à fonctionner normalement. En conclusion, le gouvernement souligne que les titres d'accusation portés contre certains dirigeants de la DISK n'ont pas de rapport avec leurs activités syndicales.
- 586. Dans sa communication du 17 août 1979, le gouvernement réaffirme notamment que la loi martiale en vigueur dans certaines provinces n'a aucun effet direct sur l'exercice des activités syndicales.
- 587. Le comité note que la présente affaire concerne les mesures d'arrestation prises à l'encontre d'un nombre important de personnes, dont en particulier des dirigeants de la Confédération des syndicats des travailleurs révolutionnaires, à la suite de la célébration du 1er mai à Istanbul. Il apparaît, à la lumière des observations fournies par le gouvernement, que cette manifestation avait été interdite dans le cadre de la loi martiale actuellement en vigueur dans certaines provinces du pays. En revanche, les manifestations organisées le 1er mai dans les provinces non touchées par l'application de la loi martiale avaient été autorisées. Selon des informations transmises à la fois par l'organisation plaignante et le gouvernement, les personnes arrêtées ont par la suite été relâchées. Il ressort toutefois de la communication du gouvernement que leurs procès continuent sans détention.
- 588. Dans les cas où il a été saisi de plaintes en violation de la liberté syndicale dans le cadre de régimes d'état de siège ou d'exception, le comité a toujours estimé qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur la nécessité ou sur l'opportunité d'une telle législation, question d'ordre purement politique, mais il a été d'avis qu'il devait examiner les répercussions que cette législation pourrait avoir sur les droits syndicaux.
- 589. Dans le cas d'espèce, les circonstances particulières dans lesquelles se trouve le pays et l'application de la loi martiale ont abouti à l'interdiction des manifestations en plein air, notamment à Istanbul. A cet égard, le comité tient à rappeler, comme il l'a fait dans des cas antérieurs, que le droit d'organiser des réunions publiques et des cortèges à l'occasion du 1er mai, à condition que les dispositions législatives sur l'ordre public soient respectées, constitue un aspect important des droits syndicaux. Le comité a également estimé que, si, pour éviter des désordres, les autorités décident d'interdire une réunion syndicale prévue dans un lieu donné sur la voie publique, elles devraient s'efforcer de s'entendre avec les organisateurs de la manifestation afin de permettre sa tenue en un autre lieu où des désordres ne seraient pas à craindre.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 590. Le comité note avec intérêt que les personnes arrêtées lors des manifestations ont maintenant été relâchées. Dans la mesure où ces personnes restent soumises à procès, le comité, conformément à sa pratique habituelle, souhaiterait être informé du résultat de toute action judiciaire en cours. Le comité note enfin que les observations du gouvernement au sujet de la dernière communication de la CMT n'ont pas encore été reçues.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 591. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de noter les informations fournies par le gouvernement au sujet de l'application de la loi martiale dans certaines provinces du pays et sa déclaration selon laquelle cette situation n'affecte pas les libertés et droits syndicaux;
- b) de signaler à l'attention du gouvernement les principes exprimés au paragraphe 589 ci-dessus concernant le droit de réunion et de manifestation lors de la célébration du 1er mai;
- c) de noter avec intérêt que les personnes arrêtées à la suite des manifestations du 1er mai ont été relâchées;
- d) de prier le gouvernement de fournir des informations au sujet du résultat de toute action judiciaire en cours ainsi que ses observations sur les dernières allégations formulées par la CMT et mentionnées au paragraphe 582 ci-dessus;
- e) de prendre note du présent rapport intérimaire.