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Rapport intérimaire - Rapport No. 197, Novembre 1979

Cas no 924 (Guatemala) - Date de la plainte: 14-FÉVR.-79 - Clos

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  1. 476. Le comité a déjà examiné ce cas lors de sa session de mai 1979, à l'occasion de laquelle il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration et demandé au gouvernement de fournir certaines informations.
  2. 477. Depuis lors, le gouvernement a adressé une communication au BIT le 20 juillet 1979.
  3. 478. Le Guatemala a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 479. La CLAT s'était référée, dans sa plainte déposée en février 1979, au sort de plusieurs dirigeants syndicaux: certains auraient été tués, d'autres auraient disparu ou cherché refuge dans des ambassades. Certains, enfin, auraient quitté le pays en raison de la répression exercée contre le mouvement syndical. La CLAT affirmait que des groupes d'extrême droite, comme 1"'armée secrète anticommuniste" (ESA), assassinaient des dirigeants syndicaux et semaient la terreur en faisant circuler la liste de futures victimes.
  2. 480. Pour sa part, la CMT signalait, dans sa plainte d'avril 1979, la mort de Manuel López Balán, secrétaire général du Syndicat des travailleurs de la Société "Embotelladora Guatemalteca, Anexos y Conexos" de la filiale guatémaltèque de la Société Coca-Cola: alors que l'intéressé accomplissait, le 5 avril 1979, son travail de distributeur dans la zone 6 de la ville de Guatemala, des inconnus se seraient précipités sur lui, l'auraient tué et se seraient enfuis en toute impunité. D'après la CMT, le vol n'était pas le mobile du crime puisque les assassins n'avaient pas fait la moindre tentative pour soustraire le produit des ventes effectuées. La CMT décrivait en détail les difficultés rencontrées par le syndicat précité pour se constituer en raison de l'hostilité de la direction. Il existait, ajoutait-elle, un climat permanent d'affrontement entre celle-ci et le comité exécutif du syndicat. Le président de la CMT avait également signalé, dans une communication de mai 1979, la détention depuis 1978 de José Enrique Garcia Castellanos, dirigeant du Syndicat de l'Institut guatémaltèque de sécurité sociale.
  3. 481. Enfin, les plaintes de la CLAT et de la CMT avaient également trait à l'annulation par le gouvernement de l'enregistrement des organisations de travailleurs ATRG, ANCEP et AGAE.
  4. 482. Le gouvernement avait souligné, dans une communication d'avril 1979, que le pays faisait face depuis quelques années à une lutte entre groupes politiques extrémistes et clandestins qui maintenaient un climat de violence et de terreur et menaçaient les institutions de l'Etat en dépit des programmes du gouvernement de développement socio-économique et d'ouverture démocratique. L'objectif principal de cette lutte était, selon lui, de "déstabiliser" le gouvernement, de prendre le pouvoir et d'instaurer des régimes totalitaires. Cette lutte avait fait des victimes parmi les militants et dirigeants d'un secteur comme de l'autre.
  5. 483. Le gouvernement ajoutait qu'il ne possédait pas actuellement de mécanismes lui permettant de contrôler et d'annihiler ces groupes qui agissaient avec une relative impunité, mais voulait croire que les enquêtes en cours fourniraient des bases pour les dissoudre et envoyer leurs membres devant les tribunaux.
  6. 484. Pour ce qui est de l'annulation de la personnalité juridique des associations ATRG, ANCEP et AGAE, le gouvernement signalait que celles-ci ne respectaient pas les objectifs pour lesquels, conformément à leurs statuts, elles avaient été constituées: au lieu de défendre des intérêts professionnels, elles avaient participé activement à une politique sectaire et collaboré avec la subversion déclarée contre le régime constitutionnel.
  7. 485. A sa session de mai-juin 1979, le Conseil d'administration avait, sur recommandation du comité:
    • a) exprimé sa préoccupation au sujet des violences exercées contre des syndicalistes et créant un climat peu propice au libre exercice des activités syndicales et au libre fonctionnement des organisations;
    • b) prié le gouvernement de communiquer ses observations sur les allégations relatives à la mort du syndicaliste manuel López Balán (en indiquant notamment si ce décès faisait l'objet d'une enquête et, dans l'affirmative, le résultat de celle-ci) ainsi qu'à la détention de José Enrique Garcia Castellanos;
    • c) invité également le gouvernement à fournir des informations précises sur la procédure suivie pour retirer la personnalité juridique aux organisations ATRG, ANCEP et AGAE ainsi que sur les faits concrets qui avaient abouti à cette décision.
  8. 486. Dans sa communication du 20 juillet 1979, le gouvernement déclare qu'il a respecté, à tout moment, la liberté syndicale et le libre fonctionnement des organisations pourvu que celles-ci se conforment à la loi et n'agissent pas illégalement. Il signale que, du 1er juillet 1978 au 30 juin 1979, 80 nouvelles directions syndicales ont été enregistrées et 691 nominations de dirigeants homologuées.
  9. 487. Au sujet de l'assassinat du syndicaliste Manuel Francisco López Balán, le gouvernement indique qu'une enquête exhaustive a été menée par la police nationale et la section des recherches. L'affaire a été soumise aux tribunaux judiciaires. Ces derniers ont été informés du refus des témoins de déposer devant la police ou les tribunaux, car ils alléguaient n'avoir rien vu le jour du meurtre.
  10. 488. Pour ce qui est de l'annulation de la personnalité juridique des organisations ATRG, ANCEP et AGAE, le gouvernement explique que, conformément à la loi, la procédure suivie a été de nature administrative. En effet, ces organisations n'étaient pas des syndicats, mais des associations d'employés du secteur public assujetties aux dispositions de la Constitution, de la loi sur la fonction publique et du code civil et non à celles du code du travail. De ce fait, il n'est pas nécessaire que l'annulation de leur personnalité juridique soit prononcée par voie judiciaire. Elle doit l'être dans le cadre d'une procédure administrative.
  11. 489. Au sujet des faits concrets sur lesquels se sont fondées ces annulations de personnalité juridique, le gouvernement se réfère aux articles 119 de la Constitution de la République et 63 de la loi sur la fonction publique. Aux termes de la première de ces dispositions, les associations formées par les travailleurs de l'Etat ne peuvent participer à des activités de politique partisane. La grève de ces travailleurs est interdite. En outre, l'article 63 de la loi sur la fonction publique dispose que les fonctionnaires publics ont le droit de s'associer librement à des fins professionnelles, coopératives, mutualistes, sociales ou culturelles, que les associations formées par les fonctionnaires ne peuvent participer à des activités politiques et que la grève leur est interdite.
  12. 490. Le gouvernement indique que les trois organisations en question ont constitué la base du "Conseil des organisations des travailleurs de l'Etat", organisation sans personnalité juridique qui a organisé une grève pendant plusieurs jours dans toute l'administration publique. Ce mouvement a constitué le motif principal de l'annulation de leur personnalité juridique. En outre, il a été établi que ces associations avaient des liens directs avec des groupes subversifs qui font de la politique partisane.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 491. Le comité note que le présent cas comporte trois séries d'allégations: l'assassinat d'un syndicaliste, l'annulation de la personnalité juridique de trois organisations de fonctionnaires et la détention d'un dirigeant syndical.
  2. 492. En ce qui concerne l'assassinat de M. Manuel Francisco López Balán, le comité note que cette affaire a fait l'objet d'une enquête de la police nationale et a été soumise à la justice. Toutefois, aucun témoignage n'a pu être recueilli sur les circonstances du meurtre.
  3. 493. Dans ces conditions, le comité ne peut qu'exprimer à nouveau sa préoccupation devant la gravité des allégations formulées. Il tient également à souligner qu'un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer dans un climat de violence et d'incertitude. Le comité exprime l'espoir que le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour que les droits syndicaux puissent s'exercer dans un climat de liberté et de sécurité.
  4. 494. Pour ce qui est de l'annulation de la personnalité juridique de trois associations de fonctionnaires, le comité note que ces mesures, prises par voie administrative, se fondaient principalement sur l'organisation d'une grève par les associations en question et leurs liens avec des organisations subversives.
  5. 495. Le comité doit rappeler à cet égard que, quels que soient les motifs invoqués pour annuler la personnalité juridique d'organisations de travailleurs, des mesures de ce type, lorsqu'elles sont prises par des autorités administratives, sont contraires au principe établi à l'article 4 de la convention no 87, ratifiée par le Guatemala, selon lequel ces organisations ne doivent pas être sujettes à dissolution par voie administrative. En outre, pour que ce principe puisse s'appliquer convenablement, il ne suffit pas que la législation prévoie un droit d'appel contre ces décisions administratives, il faut aussi que ces dernières ne puissent prendre effet qu'une fois écoulé le délai légal sans qu'un appel ait été interjeté ou lorsque ces décisions ont été confirmées par l'autorité judiciaire.
  6. 496. En l'espèce, les informations en la possession du comité ne lui permettent pas de déterminer si ces décisions peuvent faire l'objet d'un recours judiciaire et si, dans l'affirmative, le recours a un effet suspensif. Le comité souhaite obtenir des informations sur ce point afin de se prononcer définitivement sur cet aspect du cas.
  7. 497. Enfin, le comité observe que les observations du gouvernement sur la détention de M. José Enrique Garcia Castellanos n'ont pas encore été reçues.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 498. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) au sujet de l'assassinat de M. Manuel Francisco López Balán, de signaler à l'attention du gouvernement les considérations exprimées au paragraphe 493 ci-dessus et d'exprimer l'espoir que le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour que les droits syndicaux puissent s'exercer dans un climat de liberté et de sécurité;
    • b) au sujet de l'annulation de la personnalité juridique des organisations ATRG, ANCEP et AGAE:
    • i) de rappeler le principe énoncé à l'article 4 de la convention no 87, ratifiée par le Guatemala, selon lequel, les organisations de travailleurs ne doivent pas être sujettes à dissolution par voie administrative;
    • ii) de prier le gouvernement d'indiquer si les décisions prises par voie administrative sont susceptibles de recours judiciaires et, dans l'affirmative, si ces recours ont un effet suspensif sur les décisions;
    • c) de prier le gouvernement de transmettre ses observations au sujet de la détention de M. José Enrique Garcia Castellanos;
    • d) de prendre note de ce rapport intérimaire.
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