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Rapport définitif - Rapport No. 197, Novembre 1979

Cas no 875 (Costa Rica) - Date de la plainte: 20-JUIN -75 - Clos

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  1. 164. Le comité a déjà examiné cette affaire en novembre 1977 et en mai et novembre 1978; il a présenté à chacune de ces sessions des conclusions intérimaires qui figurent dans son 172e rapport (paragraphes 194 à 220), dans son 181e rapport (paragraphes 117 à 143) et dans son 187e rapport (paragraphes 350 à 368). Le Conseil d'administration a approuvé ces rapports respectivement en novembre 1977 et en juin et novembre 1978 (204e, 206e et 208e sessions). Le gouvernement a soumis divers documents relatifs à cette affaire lors d'un entretien que le ministre du Travail a eu, le 14 juin 1979, avec le président du comité et a envoyé de nouvelles informations dans une lettre du 16 juillet 1979.
  2. 165. Le Costa Rica a ratifié la convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 166. Lors de ses sessions de juin et de novembre 1978, le comité a formulé certaines observations au sujet de la question de principe soulevée dans l'allégation selon laquelle la Caisse de sécurité sociale du Costa Rica se serait ingérée dans les affaires du syndicat de ses employés. En septembre 1978, le gouvernement a fait tenir des informations concernant un aspect de la question, à savoir les motifs du renvoi d'un dirigeant syndical.
  2. 167. Rappelant les conclusions qu'il a formulées dans un cas antérieur relatif au Costa Rica, le comité a souligné que la ratification de la convention no 98 implique, en vertu de l'article 2 de cet instrument, l'engagement de veiller à ce que la loi nationale offre, aux organisations de travailleurs notamment, les moyens de se protéger contre les actes d'ingérence des employeurs ou de leurs associations. La législation costa-ricienne ne contient pas de normes spéciales à cet effet.
  3. 168. Sur recommandation du comité, en juin 1978, le Conseil d'administration a insisté auprès du gouvernement en vue de l'adoption aussitôt que possible des dispositions en question. Dans une lettre du 19 septembre 1978, le gouvernement a déclaré avoir pris note de ces recommandations, que le Conseil d'administration a réitérées lorsqu'il a approuvé, en novembre 1978, le paragraphe 368 du 187e rapport du comité.
  4. 169. Dans ses observations complémentaires, en date du 16 juillet 1979, le gouvernement déclare que la Caisse de sécurité sociale du Costa Rica ne s'est jamais ingérée dans les affaires du syndicat UNDECA ainsi qu'il a été allégué. Parmi les documents qu'il a soumis figure une attestation des autorités de la caisse selon laquelle l'examen de sa comptabilité pour la période à laquelle se réfère la plainte (1974 et 1975) montre que la caisse n'a pas payé les frais de transport de travailleurs afin qu'ils se rendent à une assemblée syndicale, ainsi que l'ont indiqué les plaignants. Le gouvernement insiste également sur les informations qu'il a fait tenir antérieurement, selon lesquelles il a été déclaré, dans un jugement rendu en août 1976, qu'il n'avait pas été prouvé que M. Carlos Acuña Castro, dirigeant du syndicat, eût été congédié en raison de ses activités syndicales. Le gouvernement soumet le texte de cette sentence. En outre, dans chacune des lettres de M. Acuña Castro - actuellement fonctionnaire du ministère du Travail - et divers des dirigeants du syndicat UNDECA qui avaient signé la plainte ont adressées à l'OIT, il est reconnu que les faits n'ont pas revêtu la gravité qui leur avait été attribuée au départ.
  5. 170. Le comité prend note de ces informations. Il estime néanmoins que les conclusions de caractère général qu'il a formulées au sujet de la nécessité de dispositions législatives qui protègent les organisations de travailleurs contre d'éventuels actes d'ingérence de la part des employeurs restent valables. En effet, pour donner la publicité nécessaire à des dispositions telles que celles qui figurent dans l'article 2 de la convention et pour assurer leur pleine efficacité dans la pratique, même dans les cas où la ratification a pour effet d'incorporer la norme internationale au droit interne, il est de la plus haute importance que ces dispositions, de même que les recours et les sanctions qui visent à en garantir l'application, apparaissent explicitement dans la législation applicable en la matière. C'est pourquoi le comité considère que les recommandations relatives à cette question qui ont déjà été approuvées par le Conseil d'administration devraient être maintenues.
  6. 171. Les autres aspects dont l'examen reste en suspens se rapportent au licenciement de trois autres dirigeants syndicaux des employés du secteur public et à l'action pénale que les autorités ont intentée contre deux d'entre eux. Les faits se sont produits en 1976 et en 1977. Selon les allégations, Luis Fernando Alfaro Zúñiga, secrétaire général de l'Association syndicale des employés de l'Institut costa-ricien d'électricité, et Mario Devandas Brenes, secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs des services publics, ont été congédiés de leur emploi. Ultérieurement, ajoutent les plaignants, en raison de grèves déclenchées par les travailleurs de leurs syndicats respectifs, ils ont été accusés d'incitation à la grève et d'autres charges et incarcérés. Le gouvernement a fait savoir qu'Alfaro Zúñiga avait prononcé des discours subversifs pendant une grève qui a eu lieu en juillet 1976 à l'Institut costa-ricien d'électricité et qu'il avait été accusé par le procureur général, de même que Devandas Brenes, d'émeute, d'incitation à l'abandon collectif de services publics et de violation de l'ordre constitutionnel. Les deux intéressés faisaient l'objet de poursuites pénales et le tribunal avait ordonné leur mise en liberté provisoire.
  7. 172. Le comité a examiné, à la lumière des principes qu'il a soutenus en la matière, les dispositions du code du travail qui interdisent la grève dans les services publics et prévoient que tout différend entre les employeurs et les travailleurs de ce secteur doivent obligatoirement être portés pour règlement devant les tribunaux du travail. Le comité a signalé, en particulier, qu'une interdiction de la grève ou des restrictions sévères à l'exercice de celle-ci dans la fonction publique ou les services essentiels devraient s'accompagner de garanties adéquates afin de protéger pleinement les travailleurs: spécialement, de procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et rapides, aux diverses étapes desquelles les parties concernées devraient pouvoir participer, les sentences arbitrales devant toujours être obligatoires pour les deux parties et être exécutées rapidement et de façon complète. A cet égard, le gouvernement a confirmé que la procédure de règlement amiable des différends prévue par le code du travail est applicable aux conflits qui sont survenus à l'Institut costaricien d'électricité et à l'Institut national du logement et de l'urbanisme.
  8. 173. Sur recommandation du comité, en novembre 1978, le Conseil d'administration a prié le gouvernement de lui transmettre les textes des jugements qui seraient prononcés à l'égard de MM. Alfaro Zúñiga et Devandas Brenes, avec leurs attendus.
  9. 174. Le dernier cas de licenciement concerne M. Cristián Sobrado Chaves, secrétaire général de l'Union des employés de la Banque du Costa Rica. Celui-ci a été congédié de son emploi en février 1977, d'après les plaignants, sous le prétexte fallacieux d'absences injustifiées. Entre autres informations, le gouvernement a indiqué qu'une action en justice était en cours relativement à cette affaire. En novembre 1978, le comité et le Conseil d'administration ont signalé l'importance qu'ils attachent à l'utilisation d'une procédure rapide pour examiner des cas allégués de congédiement en raison d'activités syndicales. Le gouvernement a été prié de communiquer copie du jugement qui serait rendu dans le procès relatif au licenciement de M. Sobrado Chaves.
  10. 175. Parmi les documents et observations communiqués par le gouvernement le 14 juin et le 16 juillet 1979 figure le texte des jugements demandés. En ce qui concerne M. Devandas Brenes, il ressort des décisions rendues par le tribunal et par le tribunal supérieur du travail, en septembre et octobre 1976, que l'intéressé a été congédié le 1er mars de cette année-là par l'Institut du logement et de l'urbanisme, en compagnie d'autres travailleurs, dans le cadre d'une compression de personnel motivée par des difficultés économiques. Les juges ont considéré qu'il était prouvé que les licenciements avaient été décidés pour cette raison, et non arbitrairement ou comme brimade vis-à-vis du syndicat, et que l'employeur avait reçu l'autorisation préalable d'un conseil consultatif, conformément aux dispositions de la convention collective. Pour ce qui est de M. Alfaro Zúñiga, les jugements qui ont été rendus, également en première et deuxième instance, en mars et mai 1978, signalent que l'intéressé a été congédié en février 1976 par l'Institut costa-ricien d'électricité. Le syndicat avait déposé devant l'assemblée législative une plainte contre les autorités de l'institut, les accusant de corruption et de manoeuvres administratives déshonnêtes. L'assemblée avait constitué une commission d'enquête. Ultérieurement, le conseil de direction du syndicat avait fait paraître un article dans la presse accusant les autorités de l'institut de persécution antisyndicale. Celles-ci avait mis M. Alfaro Zúñiga en demeure de préciser quelques-unes des charges formulées, ce que l'intéressé n'avait pas fait personnellement, mais par l'intermédiaire du syndicat. C'est alors qu'il avait été congédié. Le tribunal a considéré que le licenciement était justifié, estimant, entre autres choses, que si le syndicat est une personne morale distincte de ses membres, ce fait ne libère pas l'intéressé de sa responsabilité en tant que salarié, dans ses rapports avec l'employeur. D'après le tribunal, l'article publié par le syndicat était dû à des accusations formulées personnellement par le salarié, lequel n'avait pas répondu à la mise en demeure de l'employeur, se rendant ainsi coupable de manque de probité et de loyauté. Le tribunal a estimé applicable en effet le motif général de licenciement pour manquement grave aux obligations du contrat prévu dans le code du travail.
  11. 176. Le gouvernement soumet également des informations relatives à l'action pénale intentée en 1976 contre MM. Devandas Brenes et Alfaro Zúñiga, que le ministère public a accusés des délits d'émeute et d'incitation à l'abandon collectif de services publics. Selon la plainte présentée devant la juridiction pénale, à l'occasion d'une grève à l'Institut costa-ricien d'électricité, en juillet de cette année-là, les intéressés, étrangers à l'institution (M. Alfaro Zúñiga avait été congédié de l'institut quelques mois auparavant, comme il est indiqué plus haut), se seraient introduits dans le mouvement et, par des harangues et des discours subversifs, ils auraient incité quelque 600 travailleurs à l'abandon collectif de fonctions publiques et obtenu lue ceux-ci interrompent le travail, paralysant ainsi la principale usine de distribution d'énergie électrique. Toujours d'après la plainte, la grève avait été déclarée illégale le même jour par le tribunal du travail, décision qui n'avait pas été respectée par les grévistes, lesquels avaient injurié la garde civile et lui avaient jeté des pierres lorsqu'elle s'était présentée, deux jours plus tard, pour faire exécuter l'ordre de la justice.
  12. 177. Le gouvernement soumet un certificat judiciaire d'où il ressort qu'en mai 1978, M. Devandas Brenes ayant été élu député à l'assemblée législative, le juge d'instruction a interrompu les poursuites contre lui, tandis que l'instance suivait son cours en ce qui concerne les autres inculpés. Le gouvernement estime avoir apporté la preuve de ce que les intéressés ont participé à une grève illégale qui se déroulait dans une institution pour laquelle ils ne travaillaient pas et non "à des grèves déclenchées par les travailleurs de leurs syndicats respectifs". Il indique, en outre, que ni les licenciements ni les mesures prises pour protéger l'ordre public n'ont violé les conventions de l'OIT sur la liberté syndicale.
  13. 178. En ce qui concerne M. Sobrado Chaves qui, comme il a déjà été signalé, était secrétaire général de l'Union des employés de la Banque du Costa Rica au moment où il a été congédié, le gouvernement soumet également le texte du jugement du tribunal du travail, confirmé en appel, qui rejetait la demande présentée par l'intéressé contre la banque. Il ressort de ces décisions qu'à l'occasion d'un conflit collectif, M. Sobrado Chaves a été désigné par les travailleurs de la banque comme l'un de leurs délégués devant le tribunal de conciliation. Les autorités de la Banque ont considéré qu'il s'était alors rendu coupable d'absences injustifiées et ont demandé au pouvoir judiciaire l'autorisation de le licencier, ce qui leur fut refusé en raison du conflit collectif en cours. Ce conflit, une fois terminé, la Banque a procédé au licenciement. Lors du procès, il a été déclaré prouvé que l'intéressé avait manqué onze fois à son travail sans en avoir donné avis dans la forme requise. Le tribunal a indiqué que les employeurs ne peuvent refuser leur autorisation aux travailleurs qui font partie de la délégation ouvrière aux fins des procédures de conciliation, mais que ce droit du salarié, loin d'être absolu, est limité au temps requis pour ces comparutions et ne s'étend pas à d'autres activités sans rapport avec le tribunal de conciliation. En l'espèce, selon le jugement, les absences répétées de l'intéressé n'ont coïncidé avec aucune des audiences du tribunal de conciliation.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 179. Le comité observe que le gouvernement a soumis, maintenant, des informations détaillées sur ces faits, qui se sont produits il y a déjà assez longtemps. Il considère néanmoins que le texte des jugements lui a été utile pour formuler ses conclusions.
  2. 180. Le comité et le Conseil d'administration ont toujours souligné l'importance du principe selon lequel les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi. Au sujet du même cas, le comité a signalé que cette protection est également nécessaire en ce qui concerne les dirigeants syndicaux, afin de donner effet au principe fondamental selon lequel les organisations de travailleurs doivent pouvoir élire leurs représentants en toute liberté. Il a néanmoins indiqué que ce principe n'implique pas nécessairement que le fait de détenir un mandat syndical confère à son titulaire une immunité contre un licenciement éventuel quelle qu'en soit la cause. Dans certains cas, le comité a estimé que le congédiement pour absence du travail sans le consentement de l'employeur ne semble pas constituer en soi une violation de la liberté syndicale.
  3. 181. En ce qui concerne le congédiement de trois secrétaires généraux d'organisations de travailleurs du secteur public, le comité observe que ces mesures ont été prises dans des circonstances et pour des motifs différents. En effet, dans deux de ces cas, des manquements aux obligations du travailleur ont été allégués et les tribunaux du pays les ont considérés suffisamment graves pour justifier le licenciement. Dans un autre cas, le dirigeant intéressé faisait partie d'un groupe de travailleurs qui se sont trouvés privés de leur emploi par suite d'une compression de personnel inévitable.
  4. 182. Dans ces conditions, le comité note que dans les cas auxquels se réfèrent les plaintes, il n'a pas été prouvé qu'il y eut violations de la liberté syndicale. Néanmoins, quelles qu'aient été les causes des congédiements, il parait utile de signaler que les situations de cette nature entraînent des conséquences toujours préjudiciables pour les organisations syndicales et leurs membres, de même que pour les relations de travail. Le comité désire signaler que, dans le secteur public, un moyen qui pourrait contribuer efficacement à prévenir de telles situations consisterait à mettre en pratique des mesures inspirées des principes énoncés dans la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, non seulement en ce qui concerne la protection des agents publics contre les actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale (article 4 de la convention), mais aussi pour ce qui est de la détermination, par voie de négociation ou par toute autre méthode prévue dans la convention, de la nature et de l'étendue des facilités qui, sans entraver le fonctionnement efficace du service intéressé, doivent être accordées aux représentants des organisations d'agents publics reconnues (articles 6 et 7).

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 183. Dans ces conditions, et pour ce qui est du cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) en ce qui concerne la question de la protection des organisations de travailleurs contre les actes d'ingérence éventuels des employeurs, de signaler à nouveau au gouvernement, pour les raisons indiquées au paragraphe 170 ci-dessus, qu'il convient d'adopter des mesures législatives spéciales afin de donner une pleine efficacité à ce principe;
    • b) en ce qui concerne le licenciement de dirigeants syndicaux du secteur public:
    • i) de noter que le gouvernement a soumis le texte des jugements relatifs à ces affaires, d'où il ressort que, dans les cas allégués, il n'y a pas eu violation de la liberté syndicale;
    • ii) afin de prévenir d'éventuels actes de discrimination antisyndicale et les conséquences préjudiciables résultant du congédiement des dirigeants syndicaux, de signaler néanmoins, l'importance de la mise en pratique des mesures indiquées au paragraphe 182 ci-dessus;
    • c) de signaler le présent rapport à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
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