Afficher en : Anglais - Espagnol
- 445. Dans une communication adressée le 21 février 1976 aux Nations Unies, plusieurs syndicats salvadoriens ont présenté une plainte concernant les atteintes qui auraient été portées à l'exercice des droits syndicaux à El Salvador. Ont signé cette plainte les représentants des organisations suivantes: Syndicat des travailleurs des industries du livre et connexes d'El Salvador; Syndicat de l'industrie du meuble et accessoires similaires; Syndicat de l'entreprise centraméricaine du carton; Syndicat des travailleurs de l'industrie avicole, des oeufs, connexes et similaires d'El Salvador; Syndicat de l'Union des employés privés; Syndicat des travailleurs de l'industrie mécanique et métallurgique de base; Syndicat national des tailleurs; Syndicat général des couturières; Syndicat des travailleurs de l'industrie textile du coton, de l'agave, des synthétiques et connexes; Syndicat des travailleurs de l'industrie du blanchissage; Syndicat de l'Entreprise des travailleurs de l'acier SA; Syndicat général des travailleurs de l'industrie du bâtiment, similaires et connexes; Syndicat de l'industrie textile; Syndicat d'entreprise des travailleurs de PANDA; Syndicat professionnel des électriciens indépendants d'El Salvador; Syndicat des travailleurs de l'industrie des boissons gazeuses, bière, glace, eau potable, connexes et similaires; Syndicat d'entreprise des travailleurs de la raffinerie de sucre d'El Salvador; Syndicat de l'industrie du ciment d'EL Salvador; Syndicat d'entreprise des travailleurs en outillage agricole; Syndicat des travailleurs de l'industrie du cuir, de la chaussure, similaires et connexes; Syndicat d'entreprise des travailleurs d'INCALSA; Syndicat des travailleurs de l'entreprise Cosmos.
- 446. Le texte de la communication précitée a été transmis au gouvernement qui a formulé ses observations dans une lettre datée du 1er octobre 1976.
- 447. El Salvador n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 448. Dans leur communication, les Vingt-deux organisations syndicales signataires de la plainte expriment leur préoccupation au sujet de la répression systématique qui serait exercée à l'encontre des dirigeants et militants syndicaux qui feraient l'objet d'une surveillance policière constante, de persécutions politiques, d'arrestations, de séquestrations et de tortures. Les organisations plaignantes brossent en outre un tableau de la situation sociale à El Salvador qu'elles qualifient de précaire et indiquent que les droits de l'homme les plus élémentaires ne sont pas respectés.
- 449. A titre d'éléments de preuve, les plaignants se réfèrent à divers cas particuliers. Certains d'entre eux concernent la mort de dirigeants syndicaux. Ainsi, Rafael Aguiñada Carranza, député à l'Assemblée nationale législative et secrétaire général de la Fédération unitaire syndicale d'El Salvador (FUSS) a été tué le 26 septembre 1975. Le jour suivant, Jesús Miguel Angel Hernández Rogel, ancien secrétaire général du Syndicat de l'industrie du meuble et accessoires similaires (SIMAS), a été arrêté alors qu'il sortait du local de la FUSS, et son cadavre fut retrouvé par la suite à Chinamequita (département de San Salvador). Le 14 novembre 1976 fut retrouvé assassiné, au centre touristique "La Puerta del Diablo", Feliciano Sánchez Pérez, qui était dirigeant du Syndicat de l'industrie du meuble et accessoires similaires (SIMAS).
- 450. D'autres dirigeants syndicaux auraient été arrêtés. Les plaignants citent les noms de Romeo Soto Crespo, Gilberto Ruiz Ponce, Miguel Rivera Valle, Rufino Gonzalo Avelar, Teresa Francisca Maldorado et Remberto Sosa Hernández, tous dirigeants du SIMAS. Ces personnes auraient été incarcérées entre le 30 juin et le 19 juillet 1975 et auraient été torturées. En outre, Remberto Sosa Hernández aurait disparu bien qu'il ait été vu par ses compagnons de captivité.
- 451. Le 1er octobre 1975 a été arrêté José Ernesto Sorto Argueta, secrétaire général de la Fédération des syndicats de travailleurs de l'alimentation, de l'habillement, du textile et similaires (FESTIAVTSCES) et représentant travailleur auprès du Conseil national du salaire minimum. Cette arrestation s'est produite alors que le dirigeant syndical en question sortait de la Société Granja Montserrat, endroit où il travaillait. Les plaignants signalent qu'ils ont appris de source non officielle que José Ernesto Sorto Arqueta se trouvait incarcéré à la caserne du corps de sécurité, garde nationale d'El Salvador.
- 452. Le 5 janvier 1976, à Sonsonate, la garde nationale a arrêté Ricardo Erazo, second secrétaire aux conflits de la Fédération nationale syndicale des travailleurs salvadoriens (FENASTRAS), qui a été retrouvé à la prison de cette ville avec des traces de torture après que sa détention eut été niée par les forces de police. Ce dirigeant a été mis en liberté le 12 janvier 1976.
- 453. Certaines allégations concernent des attentats commis contre des locaux syndicaux. Ainsi, le 3 octobre 1975, le siège de la Fédération des syndicats de l'industrie du bâtiment, des transports et similaires a été totalement détruit par un incendie provoqué intentionnellement. Le 3 novembre 1975, le local de diverses fédérations a souffert de dommages matériels provoqués par l'éclatement d'une bombe.
- 454. Enfin, les plaignants soutiennent que le gouvernement n'applique pas les conventions nos 87 et 98, et demandent l'établissement d'une commission en vue d'une enquête sur place.
- 455. Dans sa réponse, le gouvernement déclare que les organisations plaignantes sont reconnues, du fait de leurs activités, déclarations et publications, comme des organisations de gauche qui luttent pour des changements de structure en vue d'instaurer un Etat socialiste et révolutionnaire.
- 456. Le gouvernement indique qu'il n'a eu aucune connaissance officielle que les personnes citées dans la plainte auraient été arrêtées ou tuées par des membres de la police (corps de sécurité). Le gouvernement remarque en outre qu'aucune preuve n'a été apportée à l'appui de ces allégations et, en conséquence, il nie catégoriquement les faits rapportés par les plaignants.
- 457. Le gouvernement signale que Rafael Aguiñada Carranza a perdu la vie à la suite d'un crime commis le 26 septembre 1975 dans une rue de San Salvador alors qu'il conduisait l'automobile d'un autre député de l'opposition. Les tribunaux compétents en matière criminelle effectuent actuellement des recherches mais n'ont pas encore découvert les mobiles et les auteurs du crime. Le gouvernement repousse toute responsabilité dans ces événements.
- 458. La disparition de José Ernesto Sorto Argueta, indique le gouvernement, est un fait notoire puisque cette personne n'a pas assisté au Conseil national du salaire minimum depuis octobre 1975. Cependant, ajoute-t-il, les motifs de ces absences ne sont pas connus. Le gouvernement nie être impliqué dans cette affaire.
- 459. Le gouvernement rappelle qu'il n'a pas ratifié les conventions nos 97 et 98 mais indique que la majorité des droits garantis par ces instruments sont protégés par la législation nationale. Le gouvernement déclare qu'il existe dans le pays 172 syndicats regroupés en huit fédérations et une confédération. En outre, 340 conventions collectives sont en vigueur. Il n'existe, selon le gouvernement, aucune discrimination à l'encontre des travailleurs et de leurs organisations syndicales. La preuve en est que certains des plaignants occupent des postes importants dans des organismes officiels tels que le conseil national du salaire minimum et l'assemblée de gestion du Fonds social pour le logement. Enfin, le gouvernement fait état de réalisations qu'il a menées à bien dans le domaine social.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 460. Le comité note que les allégations dont il est saisi se rapportent à la mort, à l'arrestation ou à la disparition de dirigeants syndicaux ainsi qu'aux tortures dont auraient été victimes certains d'entre eux. Certaines autres allégations ont trait à des actions entreprises contre des locaux syndicaux. Le comité note en outre que le gouvernement nie les faits rapportés par les plaignants.
- 461. Avant d'aborder chacune des questions soulevées par les plaignants, le comité tient à exprimer sa préoccupation devant la gravité de certaines allégations et à rappeler, d'une façon générale, qu'un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer que dans le respect des droits fondamentaux de l'homme.
- 462. Au sujet des allégations concernant la mort de syndicalistes, le comité rappelle que, dans les cas impliquant des pertes de vies humaines, il a souligné que l'institution d'une enquête indépendante est une méthode particulièrement appropriée pour éclaircir les faits et déterminer les responsabilités.
- 463. En l'espèce, le gouvernement se réfère uniquement au cas de Rafael Aguiñada Carranza, qui fait actuellement l'objet d'une enquête, mais n'apporte aucune information quant aux allégations concernant Jesús Miguel Angel Hernández Rogel et Feliciano Sánchez Pérez.
- 464. Au sujet des allégations concernant l'arrestation et la disparition de dirigeants syndicaux, le comité constate que les affirmations des plaignants et du gouvernement sont à bien des égards contradictoires, ce dernier niant que les faits allégués puissent être imputés à la police. Le comité note à cet égard que Ricardo Erazo aurait été trouvé, selon les plaignants, dans une prison publique après que son arrestation eut été niée par les autorités. D'une manière générale, le comité tient à souligner qu'un climat de violence et d'incertitude peut constituer une sérieuse entrave à l'exercice des droits syndicaux et que de telles situations appellent des mesures sévères de la part des autorités en vue de rétablir une situation normale. Dans le cas présent, le comité estime que le gouvernement devrait ordonner des recherches sur le sort des personnes mentionnées dans la plainte.
- 465. Pour ce qui est des dommages causés à des locaux syndicaux, le comité est également d'avis que, dans ces cas, une enquête indépendante serait utile en vue de déterminer les responsabilités.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 466. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) d'exprimer sa préoccupation devant la gravité de certaines allégations;
- b) de rappeler, d'une façon générale, qu'un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer que dans le respect des droits de l'homme;
- c) d'attirer l'attention du gouvernement sur le principe énoncé au paragraphe 462 ci-dessus, de lui demander d'adresser les résultats de l'enquête concernant la mort de Rafael Aguiñada Carranza lorsqu'ils seront connus, d'indiquer si une telle enquête a été menée dans les deux autres cas de mort mentionnés dans la plainte et, dans l'affirmative, d'en communiquer les résultats;
- d) d'attirer l'attention du gouvernement sur les principes et considérations énoncés au paragraphe 464 ci-dessus et de lui signaler l'intérêt qu'il y aurait d'ordonner des recherches sur le sort des personnes mentionnées dans la plainte et de mener une enquête au sujet des dommages causés aux locaux de diverses fédérations;
- e) de demander aux plaignants de communiquer leurs observations sur la réponse du gouvernement, en particulier de fournir des précisions quant aux allégations selon lesquelles des dirigeants syndicaux auraient été arrêtés, étant entendu que les informations ainsi transmises seront communiquées au gouvernement pour observations;
- f) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité soumettra un nouveau rapport une fois qu'il aura reçu les informations demandées ci-dessus.